journal de bord d'un itinéraire de découverte - www.homoedu.com
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journal de bord d’une action pédagogique en collège
itinÉraire de dÉcouverte — 4e
« le développement durable ;
genre et discriminations sexuelles »
pour lire la présentation globale du projet :
http://homoedu.free.fr/article.php3?id_article=262
le journal de bord - le journal de bord - le journal de bord
- le journal de bord - le journal de bord
1ère séance, lundi 4 octobre
2004
séance houleuse du fait de la difficile gestion
d’un groupe de 17 élèves agités, pour la plupart inconnus,
à qui il faut présenter en une heure un projet complexe soulevant
en eux de nombreuses questions. cette classe de 4ème est
finalement en effectif restreint, car six élèves sont intégrés
à un dispositif de soutien qui se déroule en parallèle.
la notion de développement
durable est elle-même très vague. à la question :
« réaliser une fiche de 10 conseils ou souhaits pour le
développement durable, au niveau local (le collège, le quartier
du vert-galant, la ville de tremblay) », certains élèves
proposent des demandes de confort au collège, comme le fait d’avoir
un bus pour faciliter la navette entre nos deux implantations, ou avoir davantage
de sorties scolaires, etc. d’autres, par contre, proposent qu’il y ait une
rampe pour les personnes handicapées, ou une tenue vestimentaire stricte,
sans vêtements de marques. il est impossible lors de cette première
séance, pour l’exemple choisi, de leur faire trouver trois arguments
différents. il s’agissait de « éviter de se faire
déposer au collège en voiture ». les arguments attendus
étaient celui de la pollution excessive pour les petits trajets, celui
de la santé (marche à pied ou vélo), celui de la sécurité
aux abords de l’établissement (trop de véhicules, véhicules
stationnés sur les trottoirs obligeant les élèves à
marcher sur la chaussée, etc.)
en
ce qui concerne la spécificité de ce projet, les « grandes
gueules » de la classe ont spontanément exprimé certaines
idées reçues, qui prouvent l’utilité du travail à
suivre. il a fallu expliquer certains mots, et vite un élève
notamment, relayé par un autre, ont exprimé l’idée, très
ferme chez eux, que si la discrimination raciale était interdite et
à bannir, la discrimination homophobe était au contraire affaire
d’opinion personnelle. une autre élève était choquée
par l’idée de transsexualisme, et déclarait que « si
un homme se transformait en femme, ça se verrait que ce n’est pas
une vraie femme, que ce n’est pas naturel ». notre programme de
l’année est tracé !
2ème séance, lundi 11 et
lundi 18 octobre 2004
ayant
constaté que les blocages étaient importants pour certains
élèves, j’ai décidé d’axer immédiatement
la séance suivante sur des faits d’actualité, pour démontrer
aux élèves l’urgence du projet. en effet, lors de la première
séance, un élève s’était étonné
du choix de l’idd. ce deuxième cours en demi-groupe (8 élèves)
s’est avéré plus propice à l’échange serein et
à la réflexion.
deux
articles du journal le monde datés du 7 octobre, soit entre les deux
séances tombaient à pic. ils ont été lus, et certains
mots expliqués, par exemple « huis clos », « skinhead »,
qu’aucun élève ne connaissait, ou « homophobie »,
« guet-apens », que certains ont pu expliquer aux autres.
trois skinheads jugés à
reims pour le meurtre d'un homosexuel
le procès de trois jeunes skinheads,
accusés du meurtre d'un homosexuel de 29 ans en 2002, s'est ouvert,
à huis clos, mercredi 6 octobre, devant la cour d'assises des mineurs
de la marne, à reims.
les trois accusés, originaires de bazancourt
(marne), ont reconnu pendant l'instruction avoir battu à mort françois
chenu, le gérant d'un mcdonald's à sedan (ardennes), dans la
nuit du 13 au 14 septembre 2002, alors qu'il traversait le parc léo-lagrange
de reims, un lieu de rencontres homosexuelles.
les accusés, connus pour leur appartenance au
mouvement skinhead, ont affirmé que, le soir du drame, ils voulaient
initialement faire la "chasse aux arabes" et avaient fait
le tour de plusieurs quartiers de reims avant d'aboutir au parc léo-lagrange.
là, ils s'étaient cachés derrière un buisson pendant
plusieurs dizaines de minutes, attendant le passage d'un homosexuel.
"c'est un véritable guet-apens
qu'ils avaient monté, avec un scénario bien rodé. d'ailleurs,
ils ont reconnu avoir déjà mené plusieurs expéditions
punitives de ce type", explique me
agnès chopplet, avocate de la famille de la victime. le corps, jeté
dans un cours d'eau du parc, avait été retrouvé le 15
septembre 2002 au matin par un promeneur.
deux des accusés, mickaël regnier, 22 ans,
et fabien lavenus, 25 ans, étaient majeurs au moment des faits : ils
risquent jusqu'à trente ans de réclusion criminelle. le troisième,
f., aujourd'hui âgé de 18 ans, avait moins de 16 ans à
l'époque : si l'excuse de minorité est retenue, il encourt
jusqu'à quinze ans de prison. les parents de f. comparaissent également
pour destruction de preuves : ils ont reconnu avoir brûlé le
portefeuille et les papiers d'identité de m. chenu. la mère
avait utilisé le portable volé à la victime, ce qui a
permis à la police de remonter jusqu'aux accusés. le verdict
est attendu samedi 9 octobre. - (afp)
le monde | 07.10.04
une loi
sur les violences faites aux femmes adoptée en espagne
cette loi vise à
protéger les femmes, qui sont les premières victimes des violences
en espagne. depuis janvier 2004, 83 femmes ont été tuées
par un membre masculin de leur famille, dont 55 par leur mari, selon l'institut
de la femme espagnol.
les députés espagnols ont adopté,
jeudi 7 octobre, à l'unanimité, une loi sur les violences faite
aux femmes dont le gouvernement socialiste de josé luis rodriguez zapatero
a fait l'un des piliers de son projet de société. le vote du
texte a été accueilli par une salve d'applaudissements dans
l'hémicycle.
m. zapatero, qui était présent à
la chambre pour assister au vote, s'est dit "très satisfait"
du soutien à la loi qui doit être, selon lui, "un
puissant instrument pour vaincre le machisme criminel si présent
dans la société".
le chef du gouvernement espagnol s'est directement
impliqué dans ce projet. dès son arrivée au pouvoir en
avril, il a qualifié les violences faites aux femmes de "pire honte de (son) pays". m. zapatero est
même allé jusqu'à affirmer dans un récent entretien
accordé au magazine américain time : "je ne suis pas seulement antimachiste, je suis un féministe".
pour défendre le projet de loi, lui et son ministre
de la justice, josé antonio lopez aguilar ont mis en avant le principe
de "discrimination positive", s'appuyant sur le fait que les femmes sont
de loin les premières victimes de ces violences. depuis janvier 2004
en espagne, 83 femmes ont été tuées par un membre masculin
de leur famille, dont 55 par leur mari, selon l'institut de la femme. la
dernière en date, âgée de 66 ans, est morte mercredi
des suites d'une chute dans des escaliers provoquée par son époux,
d'un an son aîné.
discrimination positive
la loi de m. zapatero est au coeur du projet de société
des socialistes qui promeut la suppression des discriminations juridiques
et sociales fondées sur le sexe ou l'orientation sexuelle, et se heurte
parfois à l'opposition de la haute hiérarchie catholique espagnole.
la conférence épiscopale s'était illustrée avant
les législatives de mars en jugeant que la violence domestique et les
abus sexuels étaient "les fruits amers de la révolution
sexuelle".
la loi adoptée jeudi a pour ambition de prendre
totalement en charge les victimes, depuis la protection juridique jusqu'à
l'assistance sanitaire, sociale et professionnelle. elle inclut même
une réforme générale de l'éducation. pour tenir
compte des demandes de protection renforcée pour les enfants ou les
personnes âgées dans le cadre de violences domestiques, le
gouvernement a introduit dans le texte un paragraphe qui prévoit des
sanctions aggravées en cas de maltraitance d'une "personne
particulièrement vulnérable cohabitant avec l'auteur" des
violences.
le principe de "discrimination positive" a toutefois
suscité des réserves, notamment lors d'une série de consultations
menées cet été au parlement avec des experts, sociologues
et associations de femmes. le texte ira prochainement au sénat, où
les partisans du renforcement et ceux de l'édulcoration de la "discrimination
positive" tenteront de le faire amender.
parmi les partis réticents au "sexisme
pénal", le parti populaire (droite, opposition), à l'origine
de la première loi du genre adoptée à l'unanimité
à l'été 2003, mais considérée comme incomplète
par les féministes, a été le seul parti à maintenir
ses amendements jeudi à la chambre basse. (avec afp)
le monde | 07.10.04
voici
les questions posées sur ces articles :
dans
l’article n° 1, relève une phrase montrant que dans l’esprit des
meurtriers, racisme et homophobie sont liés.
tous les élèves,
sauf un ont pointé la bonne réponse : la concomitance entre
« chasse aux arabes » et agression homophobe.
après avoir lu cet article, explique si, d’après
toi, il est important de lutter contre les idées homophobes dès
le collège. justifie ta réponse en donnant plusieurs raisons.
voici toutes les réponses :
• ça
évite que les élèves tuent, plus tard, des gens. ça
permet de montrer que l’on est tous les mêmes
• les hommes
naissent libres et égaux en droits. ils vivent comme nous et ont
leurs libertés (la liberté de choisir son conjoint).
• les idées
homophobes sont inutiles au collège, car elles ne nous aident pas
dans notre scolarité.
• oui, car
il y aurait beaucoup trop de victimes sinon. exemple comme : le mouvement
skinhead ou comme ils disent la chasse aux arabes
ou en dernier lieu le guet-apens qu’ils ont monté pour l’homosexuel.
• il peut
y avoir des meurtres ; des élèves peuvent insulter les
homosexuels ; préjugés.
• c’est là
que les collégiens sont attirés par le sexe et c’est à
ce moment-là qu’ils vont choisir si ils veulent homosexuelles ou hétérosexuelles.
si les jeunes commencent dès le collège à ne pas aimer
les homosexuels alors ils pourront leur faire du mal lorsqu’ils seront plus
âgés.
• oui, car
si on n’apprend pas à les considérer comme des êtres humains
qui veulent eux aussi le respect, alors c’est sûr que ce serait une
vie infernale qu’ils vivront, car si quelqu’un sortait de chez lui en ayant
peur d’être agressé c’est sûr que leur droit à la
liberté et à l’égalité n’existerait plus et que
l’article premier de la déclaration des droits de l’homme serait enfreint
par la loi.
• ils tuent
des homosexuels complètement innocents. les homosexuels ne font pas
de mal aux homophobes. l’homophobie et le racisme sont liés et il faut
lutter contre.
• il est
important de lutter contre les idées homophobes dès le collège
car ça fait comprendre aux enfants de ne pas faire des violences pour
un homosexuel ou sur des femmes car on peut risquer d’aller en prison si on
est majeur et aussi pour quelques mineurs. pour ça c’est le tribunal
qui en décide.
• je trouve
qu’il est important de lutter dès le collège contre les idées
homophobes car il y a des jeunes du collège qui ne comprennent pas
qu’une personne est libre de choisir son conjoint et qu’on n’a pas le droit
d’obliger quelqu’un à vivre avec une personne qu’elle ne souhaite pas.
• il faut
lutter contre ces idées dès le collège car sinon cela
favoriserait ce genre d’accidents qui peuvent mener à des meurtres.
ça aidera à diminuer le racisme et l’homophobie dans le monde.
permettra peut-être de faire évoluer la mentalité de certaines
personnes. ça aide les gens à vivre mieux, quelle que soit
leur sexualité sans le regard accusateur et mauvais des gens.
• oui, il
est important de lutter contre les idées homophobes dès le collège
car on doit donner la liberté aux personnes d’être homosexuelles ;
c’est leur vie, ils ont envie de l’être, on doit leur laisser la liberté
d’être ce qu’ils veulent.
• oui, il
est important de lutter contre les homophobes : car c’est un choix de
vie pour les homosexuels ; car c’est une liberté (d’être
libre) ; car chacun a le droit de faire ce qu’il veut ; car personne
ne doit choisir pour eux ; car ce sont leurs choix, leurs affaires et
non les choix et les affaires des autres.
• oui, je
pense qu’il est important de lutter contre les idées homophobes dès
le collège car je trouve que chacun est libre de choisir son orientation
sexuelle et de ne pas laisser de tels dégâts (l’assassinat de
m. chenu, il a été assassiné seulement parce qu’il était
homosexuel).
• ll est
très important de lutter contre les idées homophobes dès
le collège, car il vaut mieux commencer tôt que tard. si on commence
à empêcher les idées homophobes à partir de maintenant,
il y aura sûrement moins d’homophobes. il est nécessaire de
lutter contre, pour éviter la mort d’homosexuels. il faut aussi lutter
contre pour éviter les discriminations, ne pas faire de différences.
• il est
essentiel de lutter contre les idées homophobes dès le collège
ça pourrait éviter de devenir homophobe, éviter des morts
comme dans l’article, et éviter les discriminations.
• il est
important de lutter contre ces idées parce que chacun a le droit
à sa liberté et aussi pour éviter d’avoir des victimes
comme françois chenu.
commentaire :
grâce
à ce fait divers et au passage d’un débat inorganisé
à la cantonade à une réflexion individuelle écrite
et notée, on a beaucoup progressé en une semaine. de nombreux
éléments intéressants, fortement imprégnés
du travail fait en amont dans le cours d’éducation civique (cours sur
les libertés). par contre, certaines observations attendues ne sont
pas sorties, par exemple l’âge d’un des trois agresseurs, qui rend
nécessaire une lutte précoce. s’il n’avait pas seize ans au
moment du crime, c’est qu’il était au collège ou qu’il en était
à peine sorti. le rôle de la famille n’a pas été
pointé, faisant ressortir la nécessité d’un travail
au collège, c’est-à-dire en dehors de l’influence de la famille,
ce qui est intéressant, car de nombreux homophobes ont toujours présenté
les homosexuels comme ennemis de la famille, et on voit ici le cas d’une famille
unie dans l’assassinat d’un homosexuel.
d’après l’article n°2, quelle est la cause des violences
faites aux femmes selon m. zapatero, le premier ministre de l’espagne ?
huit élèves
sur 17 ont cité la réponse attendue (le machisme)
relève une phrase de l’article 2 montrant que, dans l’esprit
de m. zapatero, la lutte contre les violences faites aux femmes est liée
à la lutte contre les discriminations basées sur l’orientation
sexuelle.
six élèves
sur 17 ont cité la phrase attendue.
lors de la
séance suivante en technologie, les élèves ont recherché
la suite des articles sur le site du journal le monde, ainsi que le verdict
de ce procès, car ils avaient repéré que ce verdict devait
avoir été rendu le 9 octobre. certains ont demandé s’ils
pouvaient continuer les recherches à la maison.
voici le
compte rendu du jugement par le monde, que les élèves
ont trouvé eux-mêmes sur le site du journal.
trois skinheads
condamnés à 15 et 20 ans ferme pour le meurtre d'un homosexuel
après trois jours de procès à
huis-clos, la cour d'assises de la marne, à reims, a reconnu les trois
jeunes extrémistes coupables, vendredi 8 octobre. elle a suivi les
réquisitions du parquet. un des avocats souligne l'environnement des
accusés : "une absence de tissu familial sérieux, un climat
de violence, la peur de l'autre."
trois skinheads jugés pour le meurtre en 2002
d'un homosexuel de 29 ans ont été condamnés vendredi
8 octobre au soir à des peines de 15 à 20 ans de réclusion
criminelle par la cour d'assises des mineurs de la marne, à reims.
"la justice est passée mais nous souhaitons
maintenant que chaque citoyen se sente un peu plus concerné" pour éviter qu'un tel drame se reproduise, a
déclaré me agnès chopplet, avocate des parties civiles,
lisant un communiqué de la famille de la victime.
proches des skinheads depuis l'adolescence
au terme de trois jours de procès à huis-clos,
les jurés ont condamné mickaël r., 22 ans, et fabien l.,
25 ans, à vingt ans de réclusion criminelle, tandis que le
troisième accusé, f., âgé de 16 ans au moment
des faits, a été condamné à 15 ans, bénéficiant
de l'excuse de minorité. ils ont suivi les réquisitions du
parquet.
les trois accusés, originaires de bazancourt
(marne), avaient reconnu au cours de l'instruction avoir battu à mort
françois c., le gérant d'un mcdonald's à sedan (ardennes),
dans la nuit du 13 au 14 septembre 2002, alors qu'il traversait le parc léo
lagrange, à reims, connu pour être un lieu de rencontres homosexuelles.
les parents de f., poursuivis pour destruction de preuves
(ils ont avoué avoir brûlé le portefeuille et les papiers
d'identité de françois c.) et recel du portable de la victime,
ont été condamnés chacun à deux ans de prison
ferme, et six mois supplémentaires, avec sursis, pour la mère.
les trois jours du procès ont permis de mettre
en exergue le contexte familial et social des trois accusés, proches
depuis l'adolescence des mouvements skinheads.
"on a bien cerné l'environnement des accusés
: une absence de tissu familial sérieux, un climat de violence, la
peur de l'autre", a indiqué
me mourad benkoussa, avocat de mickaël r..
"ce sont des jeunes en situation de difficulté,
avec une absence de culture et d'éducation, qui est le terreau pour
l'intolérance", a confirmé
me christophe guyot, avocat de f. et de ses parents.
a l'issue du verdict, la famille de françois
c. a tenu à déclarer, via leur avocate, qu'ils "laissaient
la porte ouverte" et croyaient à la faculté de "changement" et de "travail sur eux-mêmes"
des accusés.
pendant l'instruction, les trois skinheads avaient
avoué que, le soir du drame, ils voulaient initialement faire la "chasse aux arabes" et avaient fait le tour de plusieurs quartiers
de reims avant d'aboutir au parc léo lagrange.
là, ils s'étaient cachés derrière
un buisson pendant plusieurs dizaines de minutes, attendant le passage d'un
homosexuel.
les expertises des psychologues ont confirmé
vendredi que les accusés étaient dans un état de dépendance
vis-à-vis de la mouvance skinhead semblable à celui d'un toxicomane,
récréant une "deuxième famille" au sein
de ces bandes.
"sans leurs treillis, sans leurs rangers, sans leur
crâne rasé, ils ne sont plus rien et c'est bien ça leur
problème", a estimé me
chopplet. (avec afp)
le monde.fr| 09.10.04
jeudi 21 octobre 2004
extrait d’une rédaction d’un élève de 3ème,
sur un sujet d’autobiographie :
« hélas,
tout ce projet tomba à l’eau lorsque la mère d’ahmed, en fouillant
dans ses affaires, trouva une chanson où ahmed racontait sa bisexualité,
la honte que cela évoquait pour lui, et pourquoi il n’osait pas le
dire à ses parents.
sa
mère se mit à trembler, à pleurer.
puis
elle l’envoya chez un psychologue, comme si être bi était une
maladie mentale.
ce
fut alors qu’ahmed commença à se faire des scarifications pour,
selon lui, enlever la haine qu’il portait envers ses parents.
il
savait bien que cela ne menait à rien, mais il en avait besoin, c’était
vital pour lui.
maintenant,
l’histoire s’est un peu calmée, mis à part qu’ahmed doit retourner
régulièrement chez le psy, et il a diminué la fréquence
de ses scarifications. »
l’auteur
de ce texte n’a aucun rapport a priori avec les élèves de 4ème
qui suivent le projet. cependant les élèves se parlent en dehors
des cours, et il faut compter aussi dans ce collège avec ma réputation
d’auteur d’un livre sur le sujet. c’est la première fois (sauf oubli)
que j’ai une rédaction traitant de l’orientation sexuelle et des discriminations
afférentes. en l’occurrence je n’ai aucun moyen de savoir s’il s’agit
de pure provocation, d’un effet de mode, ou d’un besoin sincère de
s’exprimer sur le sujet. j’en parlerai avec l’auteur de la rédaction,
bien sûr. en effet, à côté du tabou scandaleux
de l’éducation nationale, de nombreuses émissions de radio ou
télévision sont consacrées à ces sujets, dans
un style provocant, et dans leur famille, la plupart des jeunes n’ont pas
les éléments leur permettant de comprendre ces discours. il
est inévitable que les élèves profitent de la première
brèche venue pour s’exprimer, s’ils savent qu’ils ont en face d’eux
un adulte réceptif. pourtant, les instances dirigeantes persistent
dans leur silence et leur déni. un gros livre a été distribué
gratuitement à tous les enseignants, que la plupart des collègues
ont rangé sans l’ouvrir à côté des précédents.
je l’ai ouvert, et je n’ai pas été déçu !
les discriminations basées sur la sexualité y sont presque
totalement ignorées.
voir sur le site homoedu, une tribune
libre que j’ai consacrée à cet ouvrage.
3ème séance,
lundi 8 novembre 2004
intervention
de la commission femmes d’amnesty international, représentée
par claude boiziau et stéphane mettetal, en présence de bernard scholl, de la
commission lgbt d’amnesty, et d’anne-laure barrès, de via le monde.
problèmes matériels à résoudre : trouver une télévision, faire en sorte
que les quatre personnes arrivent en bonne et due forme dans notre établissement
situé aux confins du département, et, problème inattendu, aller repêcher (grâce
au service de la vie scolaire) 7 élèves du groupe 1 qui s’étaient crus
autorisés à rentrer chez eux en jouant sur une information donnée au groupe 2
seulement, demandant audit groupe de venir en même temps que le groupe 1. il ne
manquera plus finalement que deux élèves, mais les cinq « repêchés »
auront manqué le début de l’intervention. l’anecdote rappelle les limites
des dispositifs de type idd : quand des professeurs voient une seule fois par
semaine des demi-groupes d’élèves qu’ils ne connaissent pas par ailleurs,
toute une série de problèmes de communication peuvent s’ensuivre, dont les
élèves tirent plus ou moins profit, avec plus ou moins de bonne foi.
un compte rendu a été demandé aux élèves, travail écrit et noté pour la
prochaine fois (en exigeant des élèves qui ont raté tout ou partie de
l’intervention, qu’ils compensent leur absence par un travail
d’exploitation des documents remis). le contenu était dense, appuyé par deux
documents vidéo : une cassette halte à la violence contre les femmes, réalisée
pour la campagne lancée par amnesty en 2004 ; et une cassette intitulée
paroles de femmes contenant 6 séquences pour présenter les différentes
directions des actions de la section femmes. ces séquences ont été reprises
dans l’ordre :
1. crimes d’honneur
2. mutilations génitales
féminines
3. conflits armés
4. violences domestiques
5. le viol comme arme de
guerre
6. la répression
politique
une remarque intéressante pour la motivation de ce projet : lors de son exposé
consacré à la violence domestique, stéphane a fait une digression en faisant
allusion à un article de marion van renterghem dans le monde daté
du 6 novembre intitulé « ondes de choc ».
extraits :
« son émission « radio libre », la plus écoutée en france de 21 heures à
minuit, rassemble ceux que médiamétrie appelle les « 13 ans et plus », sans
comptabiliser les autres, innombrables, qui ont moins de 13 ans. chaque soir, du
lundi au vendredi, ils sont près de 900000 à écouter difool, ses conseils et
ses délires, sur les questions qui les turlupinent. et ce qui turlupine
beaucoup les « 13 ans et plus », c’est le sexe. […] les remontrances du
csa, difool les trouve « injustes ». […] « total respect, zéro
limite », tel est son slogan. […]« total respect », vraiment ?
quand les blagues obscènes, presque toujours aux dépens des femmes,
constituent la norme du langage et sont à ce point banalisées ? ou quand
difool, par exemple, diffuse l’enregistrement par un élève d’un professeur
se faisant chahuter ? […] « ce ne sont pas les gros mots qui sont graves,
mais l’agressivité qui les sous-tend, observe monique dagnaud, sociologue
[…] les propos sexistes continuels reflètent et revitalisent la violence
exercée sur les jeunes femmes en banlieue, qui peut aller jusqu’aux «
tournantes ». l’orientation de ces émissions est de structurante, car on
n’hésite pas à piéger les gens et à les humilier pour en faire du
spectacle. […] »
À l’aune des réactions, il semble qu’une grande partie des élèves
connaissent cette émission. cela justifie notre projet, car, quoi qu’on pense
de cet article et de l’émission, à côté de propos tenus à l’antenne
(par exemple, cité dans l’article : « charlotte, 26 ans, de nantes, a une
chatte un peu fourre-tout ») l’intervention d’aujourd’hui avec le
croquis d’un sexe féminin fait par stéphane au tableau pour expliquer
l’excision et l’infibulation, est un contrepoint utile, à moins de considérer
que quand la moitié de nos élèves écoutent cette émission, nous devons nous
fermer les yeux et les oreilles sous prétexte de ne pas choquer les élèves !
il serait bon de revenir sur le sujet dans une prochaine séance.
mercredi 10
novembre 2004
suite à une
rencontre avec Éric verdier pour préparer son intervention au nom de la ligue
des droits de l’homme, j’ai lu l’essai dont il est le co-auteur avec
jean-marie firdion : homosexualités
& suicide. Études, témoignages & analyse. (Éditions h&o,
2003). de nombreuses informations sur le profil des adolescents suicidés,
suicidants ou suicidaires (cf p. 25), me renvoient à cette rédaction d’un élève
de 3ème. il me semble a posteriori être passé à côté de l’essentiel de
ce texte. voici donc l’intégralité de la rédaction. l’élève a donné
son accord pour publier ce document. les prénoms et certains faits ont été
modifiés de façon à préserver son anonymat. de plus, si le sujet était de
type autobiographique, chaque élève était libre de mêler fiction et réalité,
du moment que c’était plausible. cet élève avait choisi la 3ème personne,
mais le témoignage semble cohérent.
« ahmed a tout pour être heureux. mais ce n’est pas le cas. la cause de
ses tourments, son frère. ils sont faux-jumeaux. ahmed est né avec quatre mois
d’avance ; il est prématuré. c’est pour cela qu’il se pose tant de
questions. peut-être avait-il été adopté ? non. ses parents le lui auraient
dit depuis bien longtemps. les questions les plus farfelues lui passaient par la
tête. et s’il était né comme prévu, quelle apparence aurait-il ? aurait-il
la même façon de penser, réfléchir ? aucune réponse ne venait.
peut-être était-ce juste une crise d’existentialisme passagère. mais ce
n’est pas tout. ahmed ne s’entend pas avec ses parents, trop autoritaires à
son goût. ils ne veulent pas qu’il sorte plus de trois heures par jour, pas
le droit de dormir chez un ami, etc. tout ça à cause de la musique.
un dimanche après-midi, après avoir bu quelques bières et fumé quelques
joints, ahmed eut l’idée de monter un groupe de métal. il appela cinq amis
pour leur proposer son idée. ils étaient tous d’accord. les paroles de
chansons sortaient de nulle part pour se poser délicatement sur le papier. la
place de chaque membre du groupe se mettait en ordre.
hélas, tout ce projet tomba à l’eau lorsque la mère d’ahmed, en fouillant
dans ses affaires, trouva une chanson où ahmed racontait sa bisexualité, la
honte que cela évoquait pour lui, et pourquoi il n’osait pas le dire à ses
parents.
sa mère se mit à trembler, à pleurer.
puis elle l’envoya chez un psychologue, comme si être bi était une maladie
mentale.
ce fut alors qu’ahmed commença à se faire des scarifications pour, selon
lui, enlever la haine qu’il portait envers ses parents.
il savait bien que cela ne menait à rien, mais il en avait besoin, c’était
vital pour lui.
maintenant, l’histoire s’est un peu calmée, mis à part qu’ahmed doit
retourner régulièrement chez le psy, et il a diminué la fréquence de ses
scarifications. »
voici quelques citations de l’ouvrage cité, qui peuvent éclairer la
lecture de ce texte :
« en 1989, une enquête auprès d’un échantillon d’adolescents (13-16 ans)
de la banlieue parisienne montrait que 23 % des filles et 14 % des garçons
avaient déjà pensé au suicide, et que 10 % et 5 % respectivement y avaient
pensé fréquemment. […] par ailleurs, pour les uns comme pour les autres, il
y a un lien entre une forte consommation de drogue, de médicaments, de tabac ou
d’alcool et des pensées suicidaires. » (p. 35)
« […] les adultes présents dans ces établissements sous-estiment les
souffrances des jeunes homo / bi-sexuels, d’autant plus que cela touche un
domaine (la sexualité) où, comme tout autre être humain, ils ne se sentent
pas très à l’aise ni très au clair avec leurs propres pulsions sexuelles.
» (p. 50)
« ils sont aussi confrontés à l’absence de modèles positifs diversifiés
(particulièrement les bisexuels qui ne se retrouvent pas vraiment dans le modèle
d’artiste homosexuel), que ce soit à travers les médias, les événements
culturels ou sportifs. » (p. 51)
je relève aussi une allusion à une interview dans têtu
d’une infirmière évoquant une jeune fille qui « se scarifiait » (p. 19).
dans le centre médical en question, qui reçoit 400 jeunes suicidants ou
suicidaires par an, 10 % des filles et 25 % des garçons se déclarent
homosexuels. je renvoie à la lecture complète de l’ouvrage pour plus
d’informations, mais cette rédaction (même si elle contient une part de
fiction) n’est-elle pas un cas clinique de comportement suicidaire, qui ne
peut que justifier notre action ? cet élève bénéficie heureusement d’une
aide psychologique, et le fait qu’il ait osé en parler dans une rédaction
est plutôt bon signe. cependant je dois reconnaître que malgré ma réceptivité
particulière sur le sujet, j’avais mal réagi à cette rédaction, notamment
à cause du comportement de l’élève pendant l’écriture du texte en
classe, mais aussi à cause de l’évocation de l’alcool et des joints. je
croyais à une provocation. or, maintenant que j’ai lu ce livre, je comprends
qu’il n’en est sans doute rien.
je m’étonnais dans le passé de n’avoir jamais eu
ce genre d’aveu de la part d’un élève, par une rédaction ou d’une autre
manière. ce n’est sans doute qu’après avoir créé une situation
explicitement favorable que la parole se libérera. il est donc illusoire
d’attendre que des cas se présentent pour agir. c’est au contraire quand
nous agirons que des cas se présenteront. et ils ne se présenteront pas pour
qu’on se dise : « chouette, on a des élèves gais ! », mais pour qu’on
puisse aider tous ces adolescents, y compris ceux qui n’oseront jamais
s’exprimer à ce sujet, à passer un cap difficile. en attendant, les
adolescents concernés adoptent les comportements décrits dans cet ouvrage, que
ce soit les scarifications, la consommation de toutes sortes de produits, et
souvent le travail scolaire est délaissé. pour un élève un peu provocateur
qui a osé aborder le sujet clairement, combien souffrent en silence, et
continueront à souffrir en silence tant que nous ne créerons pas les
conditions pour qu’ils s’expriment ! c’est l’oeuf et la poule, à moins
que ce ne soit l’autruche !
une formation solide des enseignants à la psychologie de l’adolescent, et la
création de groupes de paroles dans les établissements seraient sans doute des
dépenses fort économiques à moyen terme. elles permettraient d’éviter un
certain nombre de conduites suicidaires, coûteuses en termes de santé
publique. c’est pourquoi je vais proposer à mes collègues de suivre une
formation animée par Éric verdier. selon le nombre de personnes intéressées,
nous pourrions rechercher un financement.
une dernière citation : « l’aspect très normatif, en matière de
comportement sexuel des jeunes, de notre culture et particulièrement de notre
système éducatif est ici en cause. cela ne signifie pas que tous les jeunes
homo/bisexuels vivent des situations dramatiques, cependant nombre d’auteurs
d’études sur ce sujet estiment que ces garçons et filles « survivent à la
période adolescente » plutôt qu’ils ne s’y épanouissent. » (p. 60)
4ème séance, lundi 15
novembre 2004
médiatisation
compte tenu de
l’actualité, il était à prévoir que ce projet intéresserait certains
journalistes. après avoir obtenu l’autorisation de l’inspection académique,
marie-pierre bologna, du parisien,
assiste à la séance du jour, le plus discrètement possible pour observer les
réactions des élèves. elle prend une photo depuis le fond de la classe. la législation
interdit de publier des photos d’élèves dont on voit le visage, sans
autorisation écrite.
nous corrigeons
les questionnaires sur les articles du monde.
cela date un peu, mais les élèves retrouvent leurs réactions, qui ont
entre-temps évolué. les réponses que j’attendais et que je regrettais de
n’avoir pas trouvées de façon explicite, viennent facilement à la
correction ; elles étaient implicites dans les réponses : le fait
que l’un des assassins de françois chenu était à peine sorti du collège
d’une part, et que d’autre part ses parents avaient été complices, sont de
fortes raisons d’agir sans attendre au collège. la vie de ce jeune meurtrier
est gâchée, celle de ses deux complices, sans parler de la victime ; voilà
quatre vies qui auraient connu un autre destin si l’Éducation nationale
faisait son travail. je suis peut-être dur, mais je ne parle pas de graffitis
ou d’insultes, mais d’un homme qui est mort. ne rien faire, continuer à se
taire, n’est-ce pas être complice ?
deux points à
noter. comme je rappelle (sans désigner personne, bien sûr !) les réactions
entendues à la première séance, à savoir que le racisme et l’homophobie ne
sont pas du même ordre, et que l’une est moins grave que l’autre, deux élèves
éprouvent le besoin de dire, en présence de la journaliste : « ce
n’est pas moi qui ai dit ça ! » et pourtant c’était eux. une
seule étude d’un seul texte une fois dans le cursus d’un élève, et on
renie déjà ce qu’on pouvait avoir d’homophobe… d’autre part, la réponse
« c’est là que les collégiens sont attirés par le sexe et c’est à
ce moment-là qu’ils vont choisir si ils veulent être homosexuels ou hétérosexuels. »
a été reprise par l’élève, et plusieurs autres ont acquiescé. c’est
important, car c’est une réponse à laquelle je n’avais pas pensé au début,
et cela m’incite à prévoir dans l’année quelque chose que j’ai négligé,
peut-être par autocensure : commencer tout simplement par expliquer ce que
c’est que l’orientation sexuelle et le choix du genre. bernard scholl d’amnesty
avait soulevé le problème après l’intervention du 8. il est important que
la demande et la remarque viennent des élèves.
mme bologna se
dit étonnée du fait que les choses se passent si facilement. elle
s’attendait à des rires étouffés, des quolibets, etc. le monde meurt d’idées
reçues… je lui garantis que sa présence n’a rien changé au comportement
des élèves. nous attendons l’article, qui paraîtra quand l’actualité
s’y prêtera. invitation est lancée de revenir en fin d’année, pour tirer
un bilan du projet.
dimanche 21 novembre 2004
je ne sais pas
si je peux m’autoriser une anecdote personnelle dans ce « journal de
bord ». il me semble pourtant que ce qui m’est arrivé aujourd’hui
n’est pas neutre.
dans un endroit
disons à forte connotation communautaire, un charmant jeune homme m’aborde.
« excusez-moi, ne seriez-vous pas prof de français ? » j’ai
déjà compris de quoi il retourne ; j’acquiesce. « votre nom se
termine par « os » ? j’ai été votre élève en 6ème
à tel collège. » j’ai vite fait de reconnaître l’élève, malgré
le temps passé. mon premier poste en collège, ma première sixième, en 91/92.
des lustres, des ministres et des programmes ont passé, je n’enseignais pas
du tout de la même manière. je lui demande de patienter quelques instants, et
le nom et le prénom de barnabé me reviennent en mémoire. le même visage
d’ange timide, le genre d’élève qui s’efface en fond de classe et dont
on se demande ce qu’on peut faire pour lui. un travail de mémoire a commencé,
et je sais que ce garçon m’avait considérablement marqué à l’époque,
que j’avais parlé à ses parents. je serais bien en mal de retrouver un seul
autre nom d’un élève de cette classe. la rareté du prénom y est aussi pour
quelque chose, bien sûr. je me souviens d’une élève asiatique, d’un
excellent niveau. barnabé me rappelle son nom.
courte
discussion où pourtant beaucoup de choses s’échangent. il croit que je suis
gêné d’être reconnu à cet endroit. je le rassure : ça me fait
plaisir. un élève qui n’a pas apprécié un prof ferait semblant de ne pas
le voir… et puis ça m’intéresse tellement d’avoir un retour sur le
ressenti d’un futur gai. voici à peu près ce que m’a dit barnabé :
« avec une copine de l’époque, sophie, en 6ème, je me
rappelle, on s’était demandé si vous n’étiez pas homo, parce qu’un jour
vous aviez mis un tee-shirt moulant. et puis je me doutais de quelque
chose, vous aviez un je ne sais quoi dans le regard… » comme il me
demande si je suis toujours prof, je lui parle de ce projet et du journal de
bord. s’il lit ces lignes, qu’il sache que j’aimerais bien, du moins je
pense que son témoignage pourrait apporter quelque chose ici. en effet presque
tous les témoignages publiés dans le livre d’Éric verdier et jean-marie
firdion sur le suicide contiennent des allusions aux profs qui ont marqué les
élèves. en l’absence de paroles explicites, on se raccroche parfois à peu
de choses. cela peut sembler un
narcissisme déplacé, mais je souhaite aborder tous les aspects de la
question… À suivre…
5ème séance, lundi 22
novembre 2004
retour à la réalité.
tenir compte du niveau et de l’indiscipline des élèves. après avoir corrigé
leurs travaux, décevants par rapport à mes attentes, je leur distribue ce
compte-rendu :
1.
« la discipline : mise au point.
5 élèves sur 17 n’ont pas rendu leur travail. ils
ont un 0/10 provisoire. il faut vous rendre compte que nous n’avons pas le
temps
en une heure hebdomadaire, d’entendre les plaintes des uns et des autres
sur les aspects pratiques de l’idd. pas le temps non plus d’accorder foi à
un élève qui prétend que s’il a séché le cours du 8/11, c’est qu’il
était convoqué par la cpe. vérification faite, cet élève a bien séché le
cours, et s’il s’est retrouvé chez la cpe, c’est que son père l’y a
amené ! quand on parle de développement durable, ayez en tête quand dans
de nombreux pays en développement, il n’y a pas 17 élèves dans un cours,
mais entre 50 et 100 élèves. dans ces conditions l’élève qui perturbe le
cours est renvoyé sans perdre de temps à des justifications. faites preuve de
bonne volonté, cela fait aussi partie du « développement durable ».
2.
le contenu du travail
prière de retenir ces conseils pour la
prochaine conférence, de façon que vous rendiez dès le début un travail
directement exploitable. (rappelez-vous que vous vous adressez à des collégiens).
seul un groupe a fait exactement ce qui était demandé. d’autre part,
utiliser un traitement de texte facilitera la mise en commun. voyez en cours de
technologie l’aspect pratique (comment transmettre le fichier) il faudra peut-être
créer une adresse de courriel spéciale, pour le cas où le travail ne sera pas
fini en classe. vous pouvez aussi travailler au cdi pendant une heure de
permanence.
vous allez donc reprendre ces travaux, soit en corrigeant les erreurs
soulignées pour ceux qui avaient bien traité un seul sujet, soit en recommençant
tout pour ceux qui n’avaient pas compris les consignes ou n’ont rien rendu.
pour que votre travail soit le meilleur possible, et pour éliminer un maximum
de fautes, relisez-vous à plusieurs. travailler en groupe ce n’est pas désigner
un seul élève (une fille, bien sûr !) pour faire le travail des autres,
mais coopérer, se répartir le travail, et se relire ensemble.
À ce stade, il vaut mieux rendre un document très
simple, en prévoyant juste des titres et sous-titres clairs. la présentation
globale ne sera faite qu’à la fin. par contre, il faut absolument utiliser
les documents qui vous ont été remis, pour préciser les interventions orales
de claude et stéphane. un élève aurait pu choisir comme sujet de présenter
la chronique d’amnesty, de
façon à encourager les jeunes à qui vous allez
vous adresser de s’y abonner, ou de demander à leur collège de s’y
abonner… »
les élèves, très
déconcentrés quand ils sont à 17, découvrent alors les documents d’amnesty,
qu’ils n’avaient quasiment pas ouverts depuis ! À suivre… comme je
serai absent pour stage lundi prochain, je leur distribue un deuxième travail
écrit, pour entamer une réflexion sur les origines du sexisme et de l’homophobie
dans les textes anciens. (je suis avant tout prof de français, et la base du
travail, ce sont les textes !)
la
situation des femmes et des minorités sexuelles
dans
les religions anciennes
texte
n° 1 : le bouddhisme
document :
deux extraits du « que sais-je ? » d’henri arvon, le
bouddhisme. (p 52/53 et p. 79)
1.
faites une recherche pour présenter en quelques lignes le bouddhisme, en disant
notamment sa date d’apparition, son aire d’influence (les pays où il est
pratiqué), et s’il a des adeptes en france. (2 pt)
2.
vocabulaire : expliquer le sens dans ce texte des mots suivants :
nonne ; subordination ; à contrecœur ; réciproque. (2 pt)
3.
pour quelles raisons bouddha refuse-t-il à « admettre les femmes dans
l’ordre » ? (2 pt)
4.
pour quelle raison bouddha se laisse-t-il convaincre d’accepter les femmes
dans l’ordre ? (1 pt)
5.
relevez et commentez dans ce texte trois propos qui révèlent du sexisme
au sein du bouddhisme des origines. (3 pt)
avertissement :
quand nous étudierons
des textes sur les religions, il n’est pas question de culpabiliser les
croyants actuels. il s’agit d’étudier, dans des textes vieux de 1000 ou
2500 ans, à quel point le sexisme était répandu. les choses ont bien sûr évolué
depuis !
mardi 23 novembre 2004
c’est avec mes
élèves de troisième que je vis aujourd’hui un moment mémorable de ma vie
de prof. je souhaitais, avant de faire venir l’écrivain jimmy sueur,
recueillir l’avis d’élèves sur son livre ne
m’appelez plus julien. dans le cadre d’un « débat littéraire »,
cinq élèves avaient choisi ce livre. les autres élèves ont présenté le
gone du châaba, le journal d’anne frank, l’ami retrouvé, escadrille 80 et
paroles de poilus. ils avaient le choix parmi 27 livres ; je
m’entoure toujours de ce genre de précautions, et j’avais clairement
expliqué de quoi il était question dans ce livre. comme la principale
adjointe, qui s’investit beaucoup dans le projet, avait également lu le
livre, je lui ai proposé de participer au débat. j’avais en effet eu soin
d’avertir que certains passages tirés de leur contexte pouvaient être pointés
par certains parents d’élèves. ai-je déjà dit que pour ce projet sensible —
et c’est une recommandation pour les collègues — je mets systématiquement
mes responsables hiérarchiques au courant de tout, de façon que s’ils
avaient la moindre remarque d’un parent d’élève, ils sachent de quoi il
retourne ?
le débat a été
d’un haut niveau, qui a valu aux élèves les félicitations de la principale
adjointe, et je n’en croyais pas mes oreilles. tous les passages importants
ont été repérés, cités ou lus par ces cinq jeunes filles. elles ont dit
absolument tout ce que je n’osais pas espérer qu’elles disent ;
notamment qu’il fallait leur proposer à leur âge ce genre de textes, que
cela aide à réfléchir sur toutes les discriminations, etc. dans la suite du débat,
avec les autres livres, cette remarque a pris tout son sens. pour ne pas déformer
leurs propos, je vais leur demander de réaliser un texte critique commun, que
j’intégrerai dans ce journal de bord, ou sur le site homoedu. j’en avais
les larmes aux yeux, et je me suis contenté de dire que j’aurais beaucoup aimé,
à leur âge, entendre ce genre de débat au collège… je pense d’ores et déjà,
à la façon d’organiser la venue de jimmy sueur au collège, pour lui donner
un grand retentissement. ces élèves, bien sûr, sont très curieuses de savoir
qui est cet auteur, car il n’y a aucun renseignement sur lui ni aucune photo
sur le livre. quelle est la part d’autobiographie ? est-ce un psychologue
qui a écrit l’histoire d’un(e) patient(e) ? dans la suite de l’année,
pourquoi ne pas proposer aux élèves volontaires de rédiger des fiches
critiques sur tous les livres pour les jeunes traitant les sujets lgbt ?
les jeunes parlent aux jeunes, pour lutter contre la frilosité des adultes…
quelle révolution ! et puis au-delà de tout cela, qu’il est flatteur
pour un prof de français d’un collège de 93 d’entendre ces mots prononcés
par des élèves : « on veut lire ».
le soir,
c’est gonflé de ces souvenirs porteurs que je file participer à
l’enregistrement de l’émission « Élevons le débat » sur l’homophobie
pour la chaîne pink tv. première apparition à la télévision depuis que mon
roman est paru, en mars 2003. les journalistes organisateurs du débat sont tout
simplement tombés sur les documents publiés sur le site homoedu, et m’ont
convié. j’avais beaucoup d’appréhension, mais ça s’est bien passé,
globalement. j’ai pu, dans le peu de temps qui m’était imparti, exprimer
quelques idées, sans trop bafouiller. j’ai cité quelques personnes qui
m’aident, mais j’en ai oublié beaucoup, qu’ils me pardonnent.
l’important pour moi était de parler du livre de jimmy sueur. aider les plus
faibles, ceux qui souffrent le plus, les « transgenres ».
ce sont aussi ceux qui nous donnent le plus à réfléchir, je dis cela
pour les adolescents avant tout. je suis bouleversé par ma rencontre avec sébastien
nouchet, cet homme qui a été brûlé par des voyous, et son ami patrice.
tellement que je commets un lapsus en citant le verset de l’ancien testament
qui appelle à assassiner les homosexuels. au lieu de « ils doivent mourir »,
je dis : « ils doivent brûler »… je pense aussi à
l’ouvrage de référence de maurice lever, les
bûchers de sodome, et à tous ces « sodomites » brûlés au fil
des siècles, au nom de ce verset. j’espère que ce débat contribuera à
faire bouger les choses. le reste est à voir le lundi 6 décembre 2004 à 20h45
samedi 27 novembre 2004
parution
de l’article d’hortense-marie bologna dans la partie « seine-saint-denis »
du parisien :
Éducation
À
tremblay, des profs en lutte contre l’homophobie
« c’est
choquant ! » lancent plusieurs élèves d’une classe de 4e
du collège romain-rolland à tremblay-en-france. garçons et filles âgés de
13 ou 14 ans réagissent à un documentaire sur le sexisme qu’amnesty
international leur a présenté début novembre. dans le cadre des itinéraires
de découverte, leurs professeurs de français et de technologie ont, en effet,
décidé de les éduquer contre toutes formes de violence sexiste. À commencer
par l’homophobie. les séances, d’abord houleuses, sur ce sujet, se déroulent
désormais dans le calme. ce lundi, personne ne pouffe de rire à la simple évocation
des mots « sexualité » ou « homosexualité ». les élèves
analysent un fait divers à travers un article de presse : le meurtre
d’un homosexuel âgé de 29 ans par trois skinheads à reims (marne) jugés en
octobre dernier. l’un des meurtriers avait moins de 16 ans au moment des
faits.
message
de tolérance
après
la relecture de l’article que les élèves ont déjà étudié, le professeur
de français laurent labosse, lance le débat. « est-ce important de
lutter contre les idées homophobes dès le collège ? » demande
l’enseignant, lui-même auteur d’un livre sur l’homophobie intitulé
« l’année de l’orientation ». les doigts se lèvent. « oui,
parce que c’est à ce moment-là que les jeunes sont attirés par le sexe et
qu’ils vont choisir s’ils veulent être homosexuels ou hétérosexuels »,
lance timidement une fille fluette. « je trouve que c’est important,
renchérit une autre adolescente. car il y a des jeunes du collège qui ne
comprennent pas qu’une personne est libre de choisir son conjoint et qu’on
n’a pas le droit d’obliger quelqu’un à vivre avec une personne qu’elle
ne souhaite pas. » le message de tolérance semble être passé dans ses
grandes lignes. « Ça aide les gens à vivre mieux, quelle que soit leur
sexualité, sans le regard accusateur et mauvais des autres », enchaîne
une autre jeune fille.
dans
la classe, ce n’est cependant pas tout à fait l’unanimité. un grand
gaillard en sweat-shirt blanc tente la provocation. « il n’y a qu’à
tous être hétérosexuels et il n’y aura plus de problème. » personne
ne relève. pas même le prof, en train d’argumenter avec un autre adolescent
au premier rang. « si on n’est pas d’accord avec les homosexuels,
raconte l’ado, c’est une question d’opinion. » « je crois,
moi, tente le prof, un peu en désespoir de cause, que les homosexuels ont
d’abord le droit de ne pas se faire assassiner. »
suivent
deux encadrés, l’un sur un ado du département dont la mère découvre la
bisexualité, et un sur le travail d’Éric verdier. une photo prise du fond de
la classe illustre l’article, avec le prof et les élèves de dos. je ne veux
pas alourdir ce journal de bord de commentaires sur des commentaires. l’erreur
sur le prénom plus la photo de dos pourraient faire croire que c’est une
demande de ma part pour préserver mon anonymat, comme dans les « dossiers
de l’Écran » d’il y a 25 ans ! pour le reste, les citations de
l’article sont presque toutes extraites de ce journal de bord, sans qu’il
soit cité pour que les enseignants intéressés puissent s’y reporter. enfin,
ces citations font plutôt référence à l’état d’esprit qui prévalait
dans les toutes premières séances, ce que je regrette. voici un échange de
courriels avec la journaliste :
« quelques
erreurs se sont glissées dans l’excellent article d’hortense-marie bologna
daté du 27 novembre 2004. l’enseignant est lionel labosse et non « laurent ».
il est l’auteur non pas d’un « livre sur l’homophobie », mais
d’un roman de littérature jeunesse (l’année
de l’orientation, publibook, 2003) dont l’homosexualité est un des
sujets principaux, mais dont l’intérêt principal pour vos lecteurs est que
son action se passe dans certaines villes de seine-saint-denis. d’autre part,
la citation d’Éric verdier, qui interviendra au collège romain-rolland dans
le cadre de ce projet, est extraite de l’ouvrage qu’il a co-écrit: (homosexualités & suicide, Éric verdier et jean-marie firdion,
h&o, 2003), à la page 50. enfin, Éric verdier ne saurait usurper le titre
de chercheur au cnrs. il est psychologue et psychothérapeute, et travaille
actuellement pour la ligue des droits de l’homme (l.d.h.). en dehors de ces
points de détail, il est extrêmement positif qu’un quotidien populaire tel
que le parisien se fasse l’écho de
ce genre de projets. votre article a eu un grand retentissement dans le collège,
et nous aide dans notre action. […] »
« j'ai
le regret de vous dire qu'il n'y aura pas de "rectificatif". je
reconnais, en effet, vous avoir attribué un prénom qui n'est pas le vôtre et
m'en excuse platement et sincèrement. je pense que cela peut se réparer à
l'occasion d'un nouvel article — suite, par exemple, de l'action pédagogique
que vous menez dans votre collège. pour le reste, jusqu'à preuve du contraire,
un roman est un livre. et, donc, je ne pense pas remplacer le groupe de mots que
j'ai employé par plusieurs lignes que mes lecteurs, cités, risquent de ne pas
lire entièrement. ensuite, je vous rappelle que l'on s'était mis d'accord pour
que votre élève auteur de la dissertation ne soit pas reconnu dans un ensemble
de textes où son collège est clairement identifié. je me suis donc permise,
pour préserver l'anonymat de l'adolescent, de citer eric verdier et
d'intercaler dans ce témoignage ce qu'il m'a par ailleurs longuement commenté
au téléphone. enfin, sur le titre de chercheur au cnrs, c'est eric verdier qui
me l'a dit. mais là encore je ne vois aucun inconvénient à faire un nouveau
papier sur les actions qu'il mène dans le département. »
beaucoup
de gens m’ont dit : « tu sais, ce sont les journalistes. » ou
« c’est le parisien ».
À tout prendre, s’il devait y avoir une suite, je préférerais que le
parisien publie des articles rédigés par nos élèves. quant à
l’histoire de cet élève, je peux avouer maintenant que depuis le début, en
accord avec les élèves (que ce jeu de cache-cache médiatique amuse), j’ai
brouillé les pistes en changeant, en plus du prénom, le sexe : il
s’agissait en fait d’une fille, et un autre élève a joué le rôle de
leurre ! vu l’article de marie-ursule bologna, j’ai eu raison. imaginez
un peu qu’elle se soit encore trompée de prénom, et qu’elle soit retombée
sur le vrai !
vous
trouverez grâce à ces liens deux autres articles du parisien
et de libération parus en juin 2004 :
http://www.tassedethe.com/cadres/souscadre/journpages/page4.htm
vendredi 2 décembre 2004
digressions
il
n’y a pas eu d’idd cette semaine. j’étais en stage le lundi pour l’opération
« collège au cinéma », à laquelle une de mes classes de 3ème
est inscrite. au risque de lasser, je ne peux m’empêcher d’établir un
rapport avec notre projet. les films que vont voir les élèves sont choisis au
niveau national. c’est la première fois que je participe à ce projet, et je
ne peux pas juger sur la durée, mais je me pose des questions sur l’image
donnée du monde par ces films. j’en ai déjà vu quatre sur les cinq qui
seront projetés. les trois longs métrages donnent une image caricaturale de
l’hétérosexualité, sans la moindre allusion à une autre possibilité.
l’intrigue du cameraman de buster
keaton est basée sur un coup de foudre improbable d’un photographe pour une
passante ; impitoyable, de clint
eastwood, sur une hécatombe déclenchée par le fait qu’un cow-boy n’a pas
supporté le sourire d’une prostituée à la vue de son pénis de petite
taille ; chat noir, chat blanc,
de kusturica, est un conte tout entier basé sur la nécessité impérieuse pour
un jeune de trouver chaussure à son pied dans le sexe opposé. la question
n’est pas d’imposer un quota, bien sûr, mais de mesurer le mal-être que
cette univocité peut entraîner sur les 5 à 10 % d’élèves qui, justement
à cet âge-là, ressentent autre chose dans leur chair. cette univocité
n’est-elle pas oppressante pour eux ?
les
films vus ce jour sont un montage fort intéressant de six courts-métrages.
deux présentent des caricatures de l’hétérosexualité, mais l’ensemble se
prête à une libre interprétation. le débat pose la question de l’émotion
et des sentiments des élèves, et de la possible censure. des collègues disent
qu’il ne faut pas censurer les représentations des élèves, mais je trouve
pour ma part que les réactions des adultes dans ce stage, le sont déjà pas
mal ! l’un des films pose problème, un film d’animation tchèque des
années 80. les possibilités du dialogue, de jan svankmajer. on nous annonce
que sur les trois séquences du film, seule la première sera montrée aux élèves.
je m’insurge contre le fait qu’en france en 2004, on censure un film qui
avait échappé à la censure d’une dictature communiste vingt ans auparavant.
je fais remarquer aux collègues que ce film procède métaphoriquement :
à l'évidence, son titre suggère un sens caché. il ne faut pas être grand
clerc pour interpréter des allusions banales à la sexualité entre hommes. la
dernière séquence, par exemple, présente deux têtes d’hommes face à
face ; ils ouvrent la bouche tour à tour ; ils s’échangent des objets avec
divers jeux de langues. l’un des deux sort un tube de dentifrice, l’autre dégaine
une brosse à dents ; la pâte jaillit et l’autre la rentre dans sa bouche.
après, c’est du fromage qu’on étale sur une tartine, un crayon que l’on
taille, puis les possibilités se mélangent, on taille la brosse à dents, etc.
nul rapport, bien sûr, avec la censure absolue qui régnait à cette époque
sur une représentation de l’homosexualité à l’écran. cette dernière séquence,
bien entendu, sera supprimée. les élèves en seront privés. pas de question ?
passez, il n'y a rien à voir !
qu’on
comprenne bien mon point de vue : à aucun moment je ne présenterai
d’emblée ma vision des choses à des élèves de troisième. en revanche, je
laisserai la possibilité à ceux d’entre eux qui auront ressenti cela, de
l’écrire, voire de le dire, dans le respect des textes réglementaires
concernant l’éducation à la sexualité. on nous a dit que si censure il y
avait, elle était due au fait que, contrairement aux autres films du programme,
les courts-métrages sont les mêmes de la sixième à la troisième. et alors ?
de quoi a-t-on peur à l’Éducation nationale ? de la réaction de
quelques associations extrémistes religieuses chrétiennes, juives ou
musulmanes ? tous les jours, ces enfants entendent et voient des images et
des propos dix fois plus violents, et sans aucune métaphore, et sans aucun
adulte, la plupart du temps, à qui en parler. pour une fois qu’on pourrait
leur permettre d’exprimer ce qu’ils ressentent de façon poétique… je
suis d’ailleurs persuadé que des élèves de sixième verraient dans cette séquence
bien autre chose que ce que j’y ai vu. pourquoi censurer ?
un
autre de ces courts-métrages attire mon attention critique : la
vieille dame et les pigeons, de sylvain chomet. un gardien de square jaloux
de pigeons qu’engraisse une vieille dame, se déguise en pigeon et se fait
nourrir par ladite vieille. chaque jour, il salue hypocritement la concierge
dans l’escalier. la vieille contemple un album photo de ses pigeons qui ont
tous en légende un nom humain. noël arrive ; le gardien est devenu
tellement gros qu’il ne peut plus retirer son déguisement. mal lui en prend,
car la vieille dame réveillonne en tête à tête avec la fameuse concierge déguisée
en chat, et s’apprête à lui sacrifier en guise de dindonneau de la farce, le
pigeon gras. elle s’avance, un énorme sécateur en main, et veut découper
cet oiseau qui avait cru abuser d’elle. mes collègues n’y ont-ils vu que du
feu, ou est-ce moi qui suis obsédé ? je vérifierai avec mes élèves.
j’ai préparé un questionnaire pour les mettre sur la piste sans rien dire.
quoi qu’il en sorte, ces courts-métrages me semblent ouvrir de nombreuses
« possibilités de dialogue ».
les 14 propositions pour l’école.
j’ai
lu les 14 propositions de françois fillon pour la future loi d’orientation
sur l’école, issues du fameux rapport thélot. aucune allusion à la
psychologie des élèves ; nulle proposition pour renforcer l’écoute, le
nombre de psychologues disponibles. « pour
faire face aux défis de l’avenir, les français doivent être mieux
instruits, plus mobiles et plus respectueux de l’autre. » j’adore ce
blabla ministériel. « plus respectueux de l’autre », bien sûr,
à condition qu’il taise son mal-être, et qu’il joue la comédie :
s’il est en échec scolaire, c’est parce qu’il est nul scolairement.
sortir de cette tautologie serait mettre le doigt dans la reconnaissance de l’échec
de la famille. or il est bien connu que dans famille, il y a « électeur »,
et que famille ne saurait faillir. l’échec ne peut donc être que scolaire,
fermez le banc. en 1993, au collège d’othis en seine-et-marne, un élève de
cinquième se tuait en cours d’anglais en se tirant une balle. Émoi national
relatif (pas au point d’en faire la une des journaux : un élève qui se
tue ne saurait être aussi porteur qu’un instituteur pédophile ou un graffiti
antisémite). le rectorat diligente un ou deux psychologues pendant trois
semaines. la consigne est : tout le monde au boulot, et que ça cesse. les
psychologues règlent la question et rentrent au rectorat. quelques jours après,
un autre élève se tire une balle, et se rate. aux dernières nouvelles, il était
devenu aveugle. je ne sais pas ce qu’il est advenu de lui dix ans après.
j’exerçais à l’époque dans le collège le plus voisin, à dammartin-en-goële,
et j’étais ami avec le prof de français du premier suicidé. les dégâts
parmi les adultes avaient été terribles, mais les psys n’étaient pas là
pour eux, ils avaient déjà trop à faire pour rater leur intervention auprès
des jeunes. pas d’argent pour la psychologie des adolescents. quand ils seront
devenus adultes, il y aura beaucoup d’argent pour traiter en psychiatrie ce
qu’on n’aura pas étouffé dans l’œuf.
nous
mêmes, cette année-là, avions eu fort à faire avec nos élèves, qui avaient
entendu parler de ces drames. nous nous étions faits papas et mamans. ce n’était
pas réglementaire, mais nous avons évité l’effet tâche d’huile, et je
peux vous dire que ça n’a pas été de main morte. j’en dirai peut-être
plus un de ces jours, car le hasard m’a fait retrouver récemment deux élèves
témoins de cette année cruciale. ces deux jeunes suicidés sont donc, là où
ils sont 10 ans après, mieux instruits,
plus mobiles, et nous sans doute plus
respectueux de l’autre. sauf qu’en l’occurrence, l’autre, c’était
eux, et que l’institution scolaire, à mon sens, ne respecte pas l’autre qui
est en chaque élève, je veux dire l’être humain et non la machine à
apprendre. plus ça va, moins les élèves ont peur de parler d’eux. rapport,
sans doute, aux nombreuses émissions de télévision dites de réalité, où
des quidams livrent leur intimité. les « propositions pour l’école »
m’ont toujours semblé de l’ordre du cautère sur jambe de bois. l’élève
qui travaillerait pour préparer son avenir, c’est du bidon. À quatorze ans,
on travaille parce qu’on aime ses parents ou ses profs, et qu’on désire
leur faire plaisir. aimer, désir, plaisir, psychologie, mots absents de tout débat
sur l’école. les choses ont toujours marché à cloche-pied parce que la
majorité des élèves vont heureusement bien, et ça cache la minorité qui va
mal. parce que la moitié de ceux qui vont mal cachent leur mal être sous une
apparence d’élève sérieux, et ne font jamais parler d’eux jusqu’au jour
où ils craquent. parce que dans les collèges, il y a toujours une secrétaire,
une infirmière, et quelques profs qui s’improvisent psychologues et qui
aident ces élèves à évacuer leurs souffrances, en prenant de gros risques en
cas de dérapage.
pour
ma part, plus le temps passe, et plus je tâche de donner la possibilité aux élèves
d’exprimer cette part d’ombre dans le travail scolaire. Ça passe par le
conte, par la poésie, par la danse. l’idéal est d’inviter des intervenants
extérieurs, qui désinhibent les élèves. le prof alors se transforme en
chasseur de subvention. permettez-moi de vous renvoyer à un bilan d’action pédagogique
que j’ai commis naguère pour le compte d’innovalo, une mission officielle
de l’Éducation nationale :
http://www.ac-creteil.fr/innovalo/actions/01_03/pni4/pr
6-1.htm
de
l’argent à l’école il y en a tant qu’on veut pour acheter des tonnes de
manuels scolaires, même si certains ne servent que quatre fois dans l’année.
l’argent tombe dans les caisses du groupe hachette ou de ses concurrents ;
et sur les radios et télévisions appartenant à ces groupes, on flatte les
ministres qui engagent des réformes pour changer les programmes, du moment que
le changement de programmes accélère la rotation des manuels gracieusement
offerts aux familles par les conseils généraux et régionaux. mais gratter au
fond des caisses pour trouver 200 ou 300 € pour un poète, un conteur, un
danseur, un écrivain qui vient rencontrer les élèves, ça, c’est une autre
paire de manches. vous voulez parler des intermittents du spectacle ?
c’est la porte à côté, un autre ministère.
de
grands écrivains grassement payés, cela existe, bien sûr, mais c’est pour
des travaux bien plus utiles à la société. par exemple, plusieurs syndicats
de journalistes s’indignaient récemment à propos d’une somme excessive
touchée par le philosophe et millionnaire mondain bernard-henri lévy pour
produire un téléfilm sur une chaîne publique au sujet de la rénovation
d’une villa appartenant à son épouse. la part versée par la chaîne
publique était de 150000 €, alors que d’habitude pour ce genre de
productions elle s’élève à 70000 €. 80000 € de différence,
cela fait 266 interventions d’artistes à 300 € pièce, dont les élèves
se souviendraient toute leur vie. l’État considère sans doute qu’il est
plus formateur pour notre jeunesse d’assister à la télévision à la
chronique de la construction d’un nid d’amour hétérosexuel… pardonnez
ces propos hétérophobes.
hier
jeudi, le poète robert vigneau est venu rencontrer mes élèves de sixième,
qui travaillaient depuis un mois sur ses textes. j’avais construit un dossier
de « projet pac », déposé en bonne et due forme en juin dernier
auprès de l’inspection académique. pas de réponse à ce jour .
pourtant dans les instructions officielles, on nous oblige, sous peine d’être
mal notés, à présenter aux élèves en début d’année une progression
rigoureuse. dans ma progression cette année, il y avait ce travail. j’ai
aussi, indépendamment, déposé un dossier auprès de la prestigieuse « maison
des Écrivains », ainsi qu’à la bibliothèque municipale de la ville où
est situé le collège au sein duquel j’ai l’honneur d’enseigner. pas plus
de réponse que de psychologie dans l’enseignement. « plus respectueux
de l’autre », avez-vous dit ? robert vigneau est un grand poète,
mais il n’a pas encore eu la bonne idée de mourir, et ça ne le fait pas, en
france, d’être à la fois poète et vivant. je me permets de vous renvoyer à
son site :
http://robert.vigneau.free.fr
alors
robert vigneau est venu quand même, gratuitement, comme moi-même, l’an
dernier, je suis allé en tant qu’auteur, rencontrer gratuitement les élèves
du collège jean-moulin d’aubervilliers.
traces sur ces sites :
http://homoedu.free.fr/terrain_experience_college_moulin.htm
http://www.ac-creteil.fr/colleges/93/jmoulinaubervilliers/club-unesco/projet3f.htm
Ça
marche comme ça. À quand les manuels scolaires offerts gratuitement par
hachette, vivendi, et leurs amis du medef ? les jaloux vont me dire :
« mais c’est un copain à vous ! » oui, figurez-vous que je
suis un prof-écrivain qui compte pas mal d’artistes et écrivains parmi mes
amis. et ça marche dans les deux sens. j’avoue que le danseur et le conteur
que j’ai fait intervenir jadis dans ce collège sont devenus par la suite des
amis. au contraire, j’ai fait profiter mes élèves de mes amis artistes, de même
que bhl fait profiter les téléspectateurs et ses comptes en banque de ses amis
architectes. restons-en là, ne soyons pas amer. j’ai invité le poète au
restaurant à mes frais, et j’ai récolté les deux tickets de train qu’il a
payés pour venir à nous. je vais m’amuser à présenter cette « note
de frais » à qui de droit… heureusement que pour le projet principal
dont il est question dans ce journal de bord, et dont je vous prie de
m’excuser de m’être écarté ce jour, nous avons l’appui et le
financement du conseil général. quand je pense à tout ce que j’aimerais
faire pour ces élèves, toutes ces idées que je suis obligé d’étouffer
parce qu’on ne trouverait jamais de quoi je ne dis pas rétribuer, simplement
dédommager les intervenants…
pour
terminer, je voudrais donner la parole à une élève de troisième, coralie,
qui a fait cette rédaction « autobiographique » devant moi, en
cours. juste pour donner un aperçu de ce que les profs de français peuvent
recevoir dans les rédactions. de toutes ces histoires, je suis le dépositaire.
cette année, j’ai aussi dans ma besace, deux garçons qui commencent à réagir
sur le décès de leur père, des récits d’immigration, etc., et je ne parle
que de ceux qui s’expriment. il y a aussi ceux qui refusent encore de
s’exprimer. un que j’apprivoise depuis deux ans, et qui finira par cracher
ce qu’il a dans le ventre, je le sais. pour ce « travail », le
prof doit être assez fort, et ne pas s’arrêter à une première réaction
violente de l’élève, ni aux interventions des collègues qui lui font
comprendre sur un ton paternaliste ou condescendant, qu’il n’a pas la compétence
pour gérer la psychologie des élèves, et qu’il faut confier ça aux spécialistes.
(depuis quelques années dans ce collège, plus personne n’ose utiliser à mon
sujet l’argument « tu n’as pas d’enfant, tu ne peux pas comprendre. »)
quels spécialistes ? en sixième, devant le poète, un élève a raconté
de façon métaphorique toute l’histoire de ses parents, séparés dans des
conditions assez dures. ses camarades ont cru qu’il parlait de sa petite
amie… j’attends la suite de l’année pour savoir si cette séance l’aura
remis sur les rails (c’est un élève a priori excellent d’après les tests,
mais qui gâche tout son travail, et nous savons très bien pourquoi). un autre
élève, en grande difficulté, avait violemment refusé d’écrire un poème
« à la manière de », parce qu’il refusait catégoriquement la
consigne (se comparer à un animal) : « non, je ne me compare pas à
d’autres animaux, car moi je suis moi, et personne ne pourrait remplacer la
personnalité de qui que ce soit. » « je suis aucun d’eux, moi, je
suis un humain », disait un autre. travail en cours…
si
je publie cette rédaction faite en classe en une heure trente, et à peine
rectifiée, c’est aussi pour clouer le bec à certaines personnes qui
reprochent à mon roman l’année de
l’orientation, d’être écrit de façon bien trop soignée pour les élèves
de 15 ans que sont censés être les deux épistoliers. ces lecteurs adultes ont
une image des adolescents de seine-saint-denis conforme à la caricature qui en
est présentée dans les médias de masse. de mon côté, je n’ai passé que
quatorze ans à enseigner dans les collèges de l’Île-de-france, mais voilà,
je ne peux pas prétendre connaître aussi bien la réalité que quelqu’un qui
connaît les ados du 93 par l’intercession de tf1… merci à coralie
d’avoir permis la publication de son beau texte.
« je
me souviens très bien de cette année-là. ma grand-mère qui venait me
chercher chaque soir après l’école et puis ma sœur aussi, on restait chez
ma grand-mère jusqu’à ce que ma mère vienne nous chercher. parfois, quand
ma mère finissait tard, on dormait là-bas, trop fatiguées pour attendre son
arrivée. en fait, je préférais dormir chez elle, car on esquivait les
disputes de nos parents, c’était chaque soir, pour des broutilles en plus.
mes parents ne se supportaient plus.
un
soir, après que mes parents s’étaient encore disputés, ma mère est montée
dans notre chambre en larmes, elle nous a expliqué que cela ne pouvait plus
durer, qu’elle ne supportait plus tout ça. je ne comprenais pas tout ce
qu’elle m’expliquait, j’étais si jeune, pourquoi moi, pourquoi c’était
mes parents à moi qui ne s’aimaient plus ?
quelques
jours plus tard, pendant une grosse dispute, mon père s’est emporté et il
lui a dit de partir dès le lendemain matin, il avait mis toutes les affaires
dehors, et aussi quelques meubles qu’elle voulait garder. comme prévu, le
lendemain, elle est venue nous réveiller en nous disant qu’elle reviendrait
vite, qu’elle trouverait un appartement et qu’elle reviendrait nous
chercher. mon père était désolé, il était triste pour nous.
environ
deux mois plus tard, ma mère nous a enfin donné signe de vie, elle s’était
trouvé un petit trois pièces tout près de paris avec son nouveau conjoint.
elle voulait venir nous chercher la semaine suivante, soi-disant pour nous
montrer son appartement. la semaine qui a suivi, elle est venue, avec des gens
que je ne connaissais pas, ils m’ont emmenée dans leur voiture, j’avais
peur, on m’enlevait de mon père. je voyais tout à travers la vitre. ma tante
paternelle qui se battait avec ma mère, la chienne qui n’arrêtait pas
d’aboyer, le ton qui montait.
nous
avons vécu huit ans avec ma mère à boulogne, et j’en avais assez de voir
mon père tous les quinze jours. j’ai fait le nécessaire pour aller vivre
chez mon père. À présent je vis chez lui à tremblay. »
coralie
octobre 2004
lundi 6 décembre 2004
une séance houleuse encore, mais importante et nécessaire
pour la suite des événements. premièrement, un fait positif s’est produit :
tous les élèves sauf une ont rendu à temps leur devoir sur le bouddhisme
(cette remarque peut prêter à sourire, mais c’est un signe que la motivation
augmente). nous avons accueilli un nouvel élève (qui en fait est de retour
dans l’établissement). deuxièmement, nous avons débattu à propos du
document sur amnesty que m’avait transmis par courriel une élève, une des
plus motivées de la classe. l’objectif de cette séance était d’arriver,
enfin, à cadrer les attentes pour obtenir de la part des élèves des documents
que l’on puisse mettre en ligne, et qui s’adressent à des élèves de leur
âge. cela aura pris du temps, mais je crois être enfin arrivé non pas au but,
mais à ce que chacun sache exactement ce qu’on attend de lui.
le travail de cette élève était d’un excellent niveau, et elle avait
appliqué de façon intelligente les directives apprises de son professeur
d’histoire pour un travail écrit (poser une problématique, transition entre
les paragraphes, exemples, conclusion, etc.) le problème était que tel qu’il
était présenté, ce texte aurait suscité des réactions. et cela n’a pas
manqué ! avec la vivacité et la violence de relations qui caractérisent cette
classe, les « camarades » ont immédiatement réagi aux phrases suivantes : «
en effet, en algérie, de nombreuses femmes ne disent rien pour garder une image
respectable de leur famille. […]la première raison vient de l’éducation :
en effet, depuis tout petit dans certaines familles surtout musulmanes on
apprend à la fille qu’il faut faire les taches ménagères et au garçon à
être viril. […] notons que dans d’autres cas les femmes considèrent
qu’il est normal que leur mari ait le droit de les battre. par exemple en
turquie 39 % des femmes pensent que leur mari a le droit de les agresser .
»
mise en cause, l’élève a riposté de la meilleure façon possible : premièrement,
en disant que ce qu’elle disait de l’algérie provenait de la chronique
d’amnesty, et deuxièmement, en disant qu’elle aussi était musulmane, et
qu’elle ne critiquait pas l’islam, mais des faits culturels selon elle indépendants
de la religion. les contradicteurs se sont expliqués. ce qui les choquait, c’était
la mise en cause de l’algérie. je leur ai demandé d’expliciter leur
position ; ils (et elles) se sont contentés d’exciper de leur attachement
affectif à l’algérie. il y a eu aussi une prise de position assez radicale
consistant à dire qu’il ne faut pas critiquer les gens même s’ils ont des
comportements sexistes ! j’ai alors pris position en reprécisant ce qui avait
été déjà posé en début d’année, à savoir que l’éducation au développement
ne procède pas par culpabilisation, mais par contre qu’elle suppose droit
d’expression personnelle et droit à la critique ; enfin, que notre champ de
travail reste la lutte contre les violences sexistes et homophobes !
personnellement, je ne voyais aucune contradiction entre mon amour pour la
france et mon combat pour qu’il n’y ait plus de crimes homophobes ou de
violences sexistes en france ; aimer l’algérie me semblait donc on ne peut
plus compatible avec ces objectifs et la critique de certains faits.
il y a alors eu un échange nourri de remarques d’élèves sur la vision,
selon certains tendancieuse, donnée des musulmans par certains médias. une élève
a explicité la différence importante selon elle (et ce sens des nuances est
remarquable pour une fille de 13 ans !) entre algériens et musulmans, entre
musulmans et croyants, et entre croyants et pratiquants. j’ai dû pousser une
forte « gueulante » pendant le cours pour faire taire les élèves qui
pratiquaient la critique destructive et désordonnée. j’ai obligé ceux-ci à
reconnaître que je ne censurais personne, et que justement, pour une fois, il
leur était donné de mettre par écrit, au travers de ce projet, toutes leurs
remarques fort intéressantes, du moment que cela se faisait dans un débat
respectueux d’autrui (en levant la main et en attendant son tour de parole,
par exemple). pour une fois, des élèves, musulmans ou non, croyants ou non,
pratiquants ou non, pourront s’exprimer directement à propos d’un débat
omniprésent dans les médias : la question de la femme dans l’islam.
nous avons donc tiré les consignes de travail suivantes, valables pour la suite
de l’année. les élèves sont aménés à faire des efforts, puisque seuls
seront publiés les travaux qui satisferont à ces consignes, mais aussi aux
critères de présentation établis en cours de technologie.
1. toujours citer ses sources.
2. préférer des faits et des chiffres à des commentaires.
3. ne pas chercher à culpabiliser, mais ne pas renoncer à sa
liberté d’expression et de critique.
4. s’investir personnellement, en se considérant comme un
journaliste qui signe son article. par exemple, ne pas hésiter à écrire : «
moi qui suis musulmane, je pense que… »
enfin, comme je discutais à la fin du cours avec l’élève en question, qui
avait été assez éprouvée par la séance, je lui ai fait convenir qu’il était
préférable pour tous que cette explication agitée ait eu lieu au sein de la
classe, plutôt que de recevoir des critiques encore plus virulentes lorsque ce
genre de textes serait publié sur un site. d’autre part, je lui ai posé la
question de la signature, et elle a convenu que ce serait préférable
d’utiliser un pseudonyme. (de toute façon la publication de ces textes
d’opinion se fera avec accord des parents). elle a donc compris la nécessité
de retravailler son texte. quel objectif intéressant pour l’enseignement du
français !
j’en profite pour conseiller à mes collègues, aux
parents d’élèves et aux élèves un excellent ouvrage que je viens de dévorer
: argumenter en situation difficile, de philippe breton, Éditions la découverte
2004. c’est une sorte de précis de 130 pages qui donne de précieux conseils
sur tous les cas de blocage qui peuvent se présenter (présenter un exposé,
prendre la parole dans le brouhaha, argumenter devant des personnes violemment
opposées à nous, argumenter face à une agression, etc.) l’inspiration de
l’ouvrage est la promotion de la non-violence par le langage.
vendredi 10 décembre 2004
stage « collège au cinéma », suite et fin. j’ai
proposé hier à l’une des responsables de l’uffej, qui coordonne au niveau
de notre département cette action nationale, de prendre la parole sur le thème
de la censure des sexualités non-hétérosexuelles au sein de cette
institution. je lui remets copie des pages précédentes. elle réagit vivement
au paragraphe qui selon elle met en cause son association. pourtant, je me
contente de dénoncer une censure, sans préciser à quel niveau elle a eu lieu.
en effet, c’est bien un seul film, avec un seul générique, que nous avons
vu. elle certifie que ce n’est pas l’uffej, mais le propriétaire des droits
qui n’a fourni au moment du choix des courts-métrages pour la version destinée
aux élèves, que cette version amputée. je ne cherche pas à culpabiliser l’uffej
ou qui que ce soit. j’affirme seulement qu’un auteur a créé une ¦uvre,
dont les élèves ne verront qu’un tiers.
depuis que cette institution existe, le hasard a-t-il fait qu’une fois soit
montré aux élèves un film dans lequel une sexualité autre qu’hétérosexuelle
soit évoquée clairement ? sa réponse est non. elle argumente même, suivie
aujourd’hui par son collaborateur, en disant fermement que jamais, au grand
jamais, les films ne sont choisis sur le critère de leur thème. par exemple,
on ne va pas montrer un film sur les incas parce que le thème sera abordé en
histoire en cinquième. non, môssieu, nous y’en a pas faire dans le
communautarisme ni le prosélytisme. c’est étonnant, mais le thème de l’hétérosexualité
n’est pas au programme, et tous les films abordent ce thème sans aucune
censure. il est étonnant de constater à quel point ces gens sont butés sur la
question, alors que si on lit attentivement le numéro 53 de leur revue « 0
de conduite », plusieurs articles s’y élèvent contre la méchante,
l’horrible censure aux yeux de taureau. « n’oubliez jamais que ce qu’il y
a d’encombrant dans la morale, disait léo ferré, c’est que c’est
toujours la morale des autres. » les hétérosexuels n’ont jamais conscience
qu’ils font du prosélytisme, eux, ni que ce prosélytisme pourrit la vie des
non-hétérosexuels.
mieux, ce matin, voici une demi-journée au thème prometteur. « collégiens
au cinéma : quelle responsabilité des enseignants ? les adolescents face aux
émotions, y a-t-il des sujets tabous, de la prudence respectueuse à la
censure, une voie médiane… » l’intervenant, « professeur honoraire,
ancien chargé de cours sur la psychosociologie des adolescents », livre une
brillante intervention, émouvante parfois quand il évoque comment, ancien réfractaire
au service militaire, ayant fait de la prison pour ne pas être engagé dans la
guerre d’algérie, il a fait étudier Élise ou la vraie vie par
militantisme. par contre, quand il évoque le tabou de la sexualité, celle-ci
est de façon explicite purement hétérosexuelle, sauf pour les insultes. je
repense à ce court-métrage les possibilités du dialogue, avec ces deux
têtes sans corps qui se livrent à une débauche d’échanges métaphoriques.
têtes sans corps, c’est bien d’école qu’il s’agit. qu’on me permette
de citer le philosophe michel onfray dans son ouvrage l’art de jouir.
À propos de saint thomas d’aquin, il écrit : « le docteur évangélique médiéval
opte, lui aussi — et cela ne fait pas mystère —, pour le corps glorieux
sans chair et dépourvu de sang : un sac idéal destiné à accueillir
l’esprit dans une substance qui soit la sienne. haro donc, là encore, sur le
désir et les passions, l’émotion et le plaisir. » (livre de poche p. 158).
arrive le moment des questions. j’évoque le « tabou des tabous »,
l’homosexualité, m’apprêtant à livrer mon analyse des courts-métrages
ci-dessus évoquée.
après la pose, le professeur honoraire reprend les questions les unes après
les autres, en laissant pour la fin celle dont il reconnaît honnêtement
qu’elle lui pose problème. sa réponse est sans ambiguïté : il ne voit pas
pourquoi il faudrait traiter devant tous les élèves de cette question qui ne
concerne selon lui que quelques individus. il évoque longuement le cas d’un
prof de musique de son bahut qui se revendiquait homo (dont d’ailleurs il se
permet de citer en public le nom de famille ! j’espère que c’était un faux
nom !) en ce qui le concerne, jamais il ne ferait étudier un livre ou film qui
traiterait la question. pas de communautarisme. on peut en traiter entre
adultes, c’est une question de militantisme, mais pas avec des adolescents.
fermez le ban. voici l’un des plus grands spécialistes de la psychologie de
l’adolescent dans l’institution. je rétorque à ce monsieur qu’il vient
de se contredire, puisque dans son exposé il s’était vanté d’avoir (en
1970 !) proposé aux élèves un livre en fonction de sa position personnelle de
militant politique pacifiste. il se trouve que les deux positions déterminantes
de mon adolescence étaient l’homosexualité et la non-violence ; et que les
appelés qui comme lui sont allés en prison ou ont mené des grèves de la faim
pour refuser de tuer étaient mes héros d’adolescence. parfois, les héros déçoivent.
(c’est amusant, c’est aussi un thème dont il avait parlé dans son exposé,
au sujet du film capitaine conan.)
les deux responsables de la programmation départementale renchérissent et
tentent de verrouiller la question comme je l’ai dit plus haut. pour eux, à
« collège et cinéma », jamais on ne sélectionnera un film « parce qu’il
a pour sujet l’homosexualité ». clair, net et précis. on ne sélectionne un
film que pour sa très haute valeur cinématographico-artistico-machin. il
semble, pour les responsables de la programmation, que pas un seul film depuis
15 ou 20 ans traitant d’une sexualité non purement hétérosexuelle, ne soit
artistiquement parlant digne d’être vu par nos élèves. l’homophobie du
silence, du mépris et du tabou, de l’oppression majoritaire ; celle contre
laquelle une loi de censure (à laquelle je m’oppose à titre personnel)
serait inefficace. heureusement, deux collègues argumentent spontanément dans
mon sens. je tiens d’ailleurs à remercier les stagiaires, qui m’ont soutenu
dans cette argumentation délicate, et les quelques collègues qui sont venus me
voir à la suite de ces interventions émotionnelles. cela fait chaud au c¦ur,
et un message de soutien ne serait pas de refus, car j’avoue en avoir besoin
dans ce combat. la solitude pèse.
un collègue (exerçant dans la même ville que moi) fait remarquer que le film,
d’ailleurs excellent (promesses), visionné la veille, traite bien
d’un « sujet », et d’un sujet communautaire, en l’occurrence la question
palestine / israël. il évoque l’excellent film beautiful thing, que
nos élèves adoreraient. une exception, une collaboratrice de la programmation
plaide en notre sens. malheureusement, comme je vais la remercier de son
intervention après la séance, elle m’apprend qu’elle quitte cet organisme
dans une semaine ! en fait, il n’y a pas grand chose à reprocher. le hasard
fait mal les choses : les trois personnes les plus psychorigides sur ce sujet
sont par un hasard malheureux, les trois personnes en position de décider.
dommage. À nous, si nous en avons le courage, de leur dire haut et fort
qu’ils ont tort, et que les choses doivent changer. si nous avons le courage,
camarades ! car quand une collègue a déclaré pendant ce stage qu’elle
n’avait pas su quoi faire lorsque l’insulte « sale gouine » a fusé des
rangs de ses élèves, la réponse est là : il suffit que ces élèves aient eu
une fois dans leur vie un enseignant moins veule que la majorité, leur ayant
proposé un livre ou un film traitant de ces sujets, pour que ces insultes
cessent. traiter la question par la répression est plus facile, plus rassurant
quand on est lâche, psychorigide et dépourvu de toute imagination.
le film impitoyable que nous allons montrer à nos élèves, ce film
communautariste hétérosexuel à mon sens (je fais de la provocation volontaire
et ironique), apportera dix fois moins aux élèves que ne pourrait apporter beautiful
thing par exemple. (ou maurice ou my beautiful laundrette, ou satreelek,
etc.) les programmateurs renchérissent en expliquant que l’homosexualité est
souvent présente de façon cachée et métaphorique dans de nombreux films. même,
de nombreux acteurs célèbres furent homosexuels (vous vous rendez compte, ma
bonne dame !) on dirait la scène du c.d.i. dans mon roman ! je n’ai pas pu
faire le test souhaité, demander à la salle combien de personnes avaient « vu
» dans la vieille dame et les pigeons une allusion au lesbianisme, ce
qui aurait justifié mon intervention, en la rattachant au programme des
courts-métrages vus lundi dernier. cela transforme donc mon intervention en une
séance d’agit-prop digne des années 70, et des collègues naïfs doivent se
demander de quelle planète est tombé cet agitateur. l’autre question que je
voulais poser aux collègues, c’est quelle serait leur réaction si un élève
leur disait : « eh ! m’dame, la vieille et sa concierge, c’est des gouines
! » ? puniraient-ils le mot grossier, ou engageraient-ils le dialogue
incidemment demandé ? (histoire chinoise de lune et de doigté).
un autre collègue évoque brillamment une expérience où, justement, des élèves
ont choisi entre deux propositions, un film traitant de cette sorte de sujets,
plutôt qu’un banal film comique ; et il a démontré qu’il en était advenu
un résultat positif au point de vue de l’éducation à la citoyenneté. même
les gros bras du lycée avaient modifié leur position par rapport à
l’homosexualité. merci, collègue : grâce à toi, peut-être une agression
homophobe a-t-elle été évitée. grâce à toi, à nous, peut-être dans cinq
ans, dans dix ans, les « responsables chefs » de « collège au cinéma » se
décideront à montrer aux élèves un film évoquant une autre possibilité que
l’hétérosexualité exclusive. ils s’apercevront alors que cela fera aimer
aux élèves le cinéma, la fiction, la vie, les autres, etc.
l’intervenant a eu l’honnêteté de reconnaître avoir appris des choses, et
sans doute réfléchira-t-il à la question à tête reposée. je tiens pour ma
part à faire remarquer à mes collègues (j’ai fait la « promotion » de ce
journal de bord au sein du stage), que s’ils sont d’accord avec moi, rien ne
bougera sans actes quasi-militants. j’en ai assumé un aujourd’hui, en
prenant sur moi, en puisant dans des ressources qui ne sont pas inépuisables.
peut-être m’aura-t-on jugé quelque peu agressif dans ma façon d’imposer
ce débat, mais si je ne l’avais pas fait, ne croyez-vous pas que dans vingt
ans on en sera encore au même point, avec les mêmes tabous et les mêmes
blablas psycho-machins sur ces tabous ? le blocage quasi viscéral de ces trois
personnes qui sont plus ou moins aux commandes d’une grosse machine, était
patent, et pour ma part, je l’ai même trouvé pitoyable. ces
personnes, dont je n’ai pas cité le nom, sont les bienvenues si elles veulent
réagir et exposer leur point de vue, dont je suis persuadé d’ailleurs
qu’il évoluera suite à ce « big bang ».
lorsqu’on est un professeur honoraire en retraite, spécialiste en «
socio-psychologie » de l’adolescent, c’est un choc sans doute que d’être
confronté pour la première fois de sa carrière à une question aussi pointue
et à un cas aussi rarissime que celui de la non-hétérosexualité de 5 à 10 %
de nos élèves. nos élèves qui souffrent dans un gouffre de silence, comme à
leur âge j’ai souffert. cas traité en long, en large et en travers dans les
médias de masse à longueur de journée, mais tu, étouffé, censuré, camouflé,
tabou de chez tabou, tabou en béton armé dans les écoles, y compris chez les
spécialistes de l’anti-tabou. jusqu’à quand ?
lundi 13 décembre 2004
compte-rendu de la deuxième vague du travail sur
l’intervention d’amnesty. une deuxième élève a envoyé le fichier par
courriel. certains travaux sont trop didactiques, parfois recopiés mot à mot
sur les documents fournis par les intervenants. d’autres sont excellents,
reste juste à les mettre en forme, car ils sont encore manuscrits ! certains élèves
ont des difficultés de compréhension et d’expression. un exemple : « des
volontaires de l’association de la d.u.d.h. sont venus nous parler des
violences contre les femmes. […] les victimes nous ont dit qu’ils violaient
parce que ça donne du pouvoir. » espérons que cet élève soit tiré vers le
haut par les autres.
correction du questionnaire sur le bouddhisme. les travaux des élèves sont
fort intéressants, à part deux couples de copieurs mal inspirés. la séance
de correction comprendra trois objectifs. les réponses aux questions et la
rectification d’erreurs. la méthodologie disciplinaire (citer le texte entre
guillemets et commenter ; définir un mot dans son contexte, ce que plusieurs élèves
ont parfaitement maîtrisé). le questionnement disons philosophique sur la laïcité
et la citoyenneté, en prolongement de la réflexion entamée lundi dernier.
nous partirons de cette « mauvaise réponse » à la première question :
« le bouddhisme n’accepte pas les femmes. il n’y a pas d’égalité entre
les hommes et les femmes mais de l’inégalité. le bouddhisme est pratiqué en
inde, et qui sait s’il n’a pas influencé la violence des femmes. »
la réflexion portera sur l’acceptabilité de la « critique » d’une
religion ou d’un pays. peut-on argumenter sur le sexisme en prenant pour
exemple négatif des faits relatifs à une religion ou un pays auquel les élèves
et leurs destinataires futurs sont affectivement attachés. et bien sûr, cette
réflexion sera étendue aux insultes apparemment anodines concernant la
sexualité ou l’identité de genre… l’intervention d’Éric verdier sur
« le mur des insultes » viendra à point. de l’apprentissage du débat démocratique
et des modalisateurs !
en classe, les élèves ont bien compris les enjeux de la question, d’autant
plus que cela a permis à un élève de se présenter comme bouddhiste, ce qui a
surpris les autres. j’ai fait remarquer que dans le cas de propos homophobes,
souvent les personnes vexées n’osent pas se manifester. je ne peux pas écrire
pour l’instant la réponse que j’ai entendue, mais elle est intéressante !
la difficulté maintenant est que pour certains d’entre eux, le réflexe
facile est de renoncer à toute argumentation sous prétexte qu’elle pourrait
être ressentie comme une attaque. comme j’en discutais avec le collègue
professeur d’histoire, il m’a conseillé de distinguer « critique » et «
argumentation ». dont acte. voici le questionnaire pour le 3 janvier.
la situation des femmes et des minorités
sexuelles
dans les religions anciennes
texte n° 2 : la chine ancienne
document :
deux extraits de sagesses chinoises de jean de miribel, dominos
flammarion.
1. nommez et
situez chronologiquement les trois grandes dynasties chinoises citées dans le
texte. quelle dynastie sera fondée après la chute des song ? qui est le
fondateur de cette dynastie ? quelle est sa religion ? quelle sera son attitude
vis-à-vis des autres religions pratiquées alors en chine ? (attention,
ces questions peuvent paraître compliquées, mais les réponses sont faciles à
trouver dans le petit larousse par exemple) (3 pt)
2. vocabulaire
: expliquer le sens dans ce texte des mots suivants : engendrer ; aspiration ;
précarité ; piété filiale. (2 pt)
1.
en quoi la pratique des « pieds bandés »
peut-elle être considérée comme sexiste ? (2 pt)
2.
relevez trois faits différents qui révèlent du
sexisme chez les chinois anciens. (3 pt)
1.
relevez un fait qui, indirectement, rend impossible
le libre choix de l’orientation sexuelle. (1 pt)
2.
peut-on dire que les concepts de yin et de yang,
typiques du taoïsme chinois, sont sexistes ? (2 pt)
3.
suite aux deux textes étudiés sur le bouddhisme
et sur la chine ancienne, dites en quelle mesure il est possible de critiquer
une religion ou un pays, que l’on ait ou pas un lien affectif avec cette
religion ou ce pays. développez votre point de vue en fonction des débats que
nous avons eus en classe à ce sujet. ces réflexions constitueront une « déontologie
» de notre projet. (7 pt)
entendu évoquer ce matin à la radio une opération menée cette semaine en
corse, intitulée si je ne m’abuse « semaine de la fraternité ». telle
qu’elle est présentée, cette opération vise à encourager les corses à
refuser le racisme et l’antisémitisme. conformément au dogme en vigueur,
l’homophobie est exclue, sans doute pour ne pas choquer les corses (ne tirez
pas messieurs les corses, ce n’est que de l’ironie ; ce n’est pas nécessaire
de lutter contre l’homophobie en corse : il n’y a aucun problème d’homophobie
en corse, d’ailleurs il n’y a pas d’homosexuels en corse, c’est pas
comme les musulmans !). quand les pouvoirs publics comprendront-ils que pour être
efficace, une initiative de lutte contre les discriminations ne peut écarter ce
que les psychologues appellent « l’autre en soi », c’est-à-dire
l’homosexuel, le transgenre, etc. ?
pire, j’ai été accusé à deux reprises la semaine dernière, par des
personnes qui n’ont pas daigné lire ces pages, de « prosélytisme ». drôle
de prosélyte, ce prof qui, partant de l’homosexualité, fait étudier aux élèves
le sexisme, le bouddhisme, le taoïsme, etc. ! mais que me reproche-t-on
finalement ? d’encourager les élèves à être homosexuels ? si j’avais
prononcé la moindre parole allant en ce sens, ne croyez-vous pas que les
protestations auraient été immédiates et vives ? alors de quoi ? de
m’insurger contre un tabou. et qu’y a-t-il derrière ce tabou ? l’idée
implicite selon laquelle le prosélytisme hétérosexuel est une norme
incontournable. on en revient à la parole relevée par la journaliste du parisien
: « il n’y a qu’à tous être hétérosexuels et il n’y aura plus de
problème. » eh oui, c’est le genre de solution souvent proposé dans
l’histoire, pour résoudre les problèmes de « prosélytisme » ou de minorités
: la conversion ou la mort. taisez-vous, souffrez en silence, et tout va bien.
dites que vous existez, et vous êtes « communautariste » ou « prosélyte ».
lundi 3 janvier 2005
démarrage en fanfare avec l’intervention d’Éric
verdier, psychologue et chargé de mission auprès de la ligue des droits de
l’homme. en première heure, recensement houleux de toutes les injures que les
élèves entendent et utilisent habituellement. aucune inhibition due à la présence
d’adultes ; tout le monde joue le jeu, à part trois filles qui sont
manifestement dérangées par le festival attendu des « ta mère ». la première
heure se passe à collecter les injures. certaines semblent être inventées
quand le fleuve est à sec. quatre feuilles sont remplies et affichées, ce qui
ne semble pas satisfaire l’intervenant, habitué à « mieux » (10 pages,
dit-il). Éric verdier est gêné par l’indiscipline et le brouhaha. il est
plutôt habitué à la tranche d’âge 15/18 ans, c’est-à-dire le lycée,
que les 13/14 ans qu’il a en face de lui. et cette classe, il est vrai, est
particulièrement bruyante. en plus des insultes récoltées officiellement, il
y a celles qui circulent entre les rangs !
quelques remarques intéressantes en deuxième heure.
il s’agit de classer les insultes en catégories, non encore définies. pour
commencer, Éric verdier entoure l’insulte « p.d. » et demande la liste des
insultes qui vont avec. un garçon se défoule, mi-sérieux, mi-provocateur : «
des fois, les gothiques sont pédés » ; « petite bite, ça va avec pédé
» ; « je mettrais sale feuj avec pédé ; en fait je
mettrais pédé avec tout ! ». il rectifie : « je plaisante. » pour le
groupement suivant, celui concernant la taille, le même garçon s’exclame :
« j’aime pas les anorexiques ». Éric verdier de rétorquer : « ah ! bon,
parce que toutes les filles sont faites pour te plaire ? » il faut savoir déceler
derrière cette attitude une inquiétude, et justement, une attente de réponse
des adultes. tout simplement, si cet élève participe au cours, même d’une
façon provocatrice, c’est que ça l’intéresse. le censurer serait facile ;
mieux vaut lui donner les moyens d’une réflexion en construction. cela
permettra à Éric verdier d’évoquer brièvement l’homophobie par le
silence dont sont victimes les lesbiennes, qui souffrent d’être désirées
par les hommes, et qui souffrent d’invisibilité. (dans son ouvrage, il parle
à ce sujet d’homophobie passive.)
la troisième partie de l’intervention consiste en un classement et un début
de réflexion sur les insultes courantes. quatre catégories sont délimitées,
avec un schéma qui permet de les distinguer. les injures homophobes, qui
instaurent « la haine de l’autre en soi ». la famille concernant la taille
(gros ou anorexique). le racisme au sens large (refus de qui ne fait pas partie
de notre groupe). le sexisme enfin, catégorie de loin la plus représentée
dans l’échantillon. c’est une catégorie qui opère au sein du groupe dont
on fait partie. les « ta mère » sont à peine balancés par quelques « ton père
», et encore, bien plus édulcorés. Éric verdier évoque le groupe de parole
pour adolescents suicidaires qu’il anime, une quarantaine de personnes. il
montre le lien entre insultes et volonté suicidaire.
une fille réagit sur le mot « pute », au sens de « fille qui couche avec
beaucoup de mecs ». argument habituel, que je simplifie volontairement : «
elle a choisi, si elle ne veut pas être insultée, elle n’a qu’à ne pas
coucher ». toujours la même chose, en gros, on n’a qu’à supprimer tous
les ceci-cela pour qu’il n’y ait plus de racisme anti-ceci-cela ! je
n’accuse pas ces deux élèves bien sûr, au contraire, leurs réactions
spontanées confortent la conviction selon laquelle ce genre d’action est
utile. la réflexion qui s’ensuivra, pour eux, sera salutaire. il ne s’agit
pas de culpabiliser ; d’ailleurs je prends aussi la leçon pour moi. je suis
loin d’être innocent dans ces insultes aux relents sexiste ! je vais tâcher
de trouver une modalité de compte-rendu de l’intervention qui prolonge
utilement l’action.
quant à la liste interminable des « ta mère », dont les élèves ont dit
qu’ils finissaient par en avoir assez (avant d’en rajouter une louche), elle
me ramène à la rencontre parents-professeurs qui avait eu lieu juste avant les
vacances de noël. la mère d’une des élèves de troisième qui ont lu le
roman de jimmy sueur a tenu à me dire qu’elle et sa fille avaient trouvé
qu’une scène était choquante. après l’avoir lue, la fille l’avait montrée
à la mère. il s’agit de « la scène de la fellation » de la page 102. le
mot est utilisé par la mère, qui est d’ailleurs très digne et ne veut pas
jouer les mères la pudeur. d’ailleurs elle confirmera que l’ensemble du
livre est intéressant et a apporté quelque chose à sa fille. en fait, elle me
demande s’il n’y aurait pas un autre livre pour aborder le sujet.
c’est une question importante, et il y aurait tant de choses à dire. ce qui
me trouble, c’est que lorsque j’ai souhaité faire lire ce livre, c’est
une autre scène qui avait retenu mon attention, lorsque le personnage se
prostitue pour financer son changement de sexe. j’avais même fourni une
photocopie du passage à mon principal en le prévenant que ce passage pourrait
choquer. cela avait encouragé la principale adjointe à lire le livre et à
venir entendre ce que les élèves de troisième en ont pensé. je n’avais pas
particulièrement pris garde à cette scène. résumons : aux cours de
comptabilité, le factotum du lycée, qui a une réputation de « pédophile »
(mot impropre, car les élèves ont dépassé quinze ans), harcèle julien /
barbara jusqu’à l’inviter chez lui. celle-ci, fascinée, se laisse
progressivement apprivoiser, et pratique une fellation. l’acte lui-même fait
l’objet de six lignes. les mots sont précis et assez sobres quand on songe
aux « ta mère je la retourne », « je lui suce ceci ou cela », et toutes les
variantes les plus obscènes que les élèves ont sorties ce lundi, donc
qu’ils s’échangent allègrement dans la cour de récréation. quand on
songe à l’émission de radio que la moitié d’entre eux écoutent. mais
voilà, un acte sexuel est rapporté dans un roman qu’on donne à lire dans un
établissement scolaire… Ça turlupine ces élèves jour et nuit, mais que les
mots soient écrits dans un livre, qu’ils permettent une réflexion sur le
sujet, cela choque.
pendant les vacances, ces mêmes élèves verront à la télévision les images
insoutenables des cadavres dus au tsunami d’asie du sud. une note du ministre
nous demandera d’organiser des discussions sur le sujet. je ne veux pas
ridiculiser cette attitude. ce qui est regrettable, c’est qu’on en soit
toujours au même point de blocage sur la sexualité. qu’on ne supporte pas
l’idée qu’un adolescent puisse appréhender par un livre ou d’autres éléments
donnés par l’école la sexualité humaine avant de la découvrir par sa
propre expérience. je suis d’ailleurs persuadé que les enfants de moins de
15 ans seraient moins faciles à séduire par les pédophiles s’ils avaient un
minimum d’éducation à la sexualité qui leur permettrait de reconnaître ce
que ces pédophiles attendent d’eux, de le nommer et de le refuser. il est
quasiment impossible d’aborder le sujet avec des livres qui apportent une base
de réflexion aux élèves, car malheureusement il y aura toujours quelques
parents (et enfants) qui n’acceptent pas la représentation d’actes sexuels.
cela n’est d’ailleurs pas interdit, sauf que, en cas de plainte d’un
parent, le professeur qui a donné ce livre à lire ne sait jamais ce qui va lui
tomber dessus.
il suffit de citer cette affaire qui avait défrayé la chronique il y a trois
ou quatre ans, d’un professeur de français menotté par la police en plein
cours pour avoir donné à lire le grand cahier, ce chef-d’¦uvre d’agota
kristof. je ne dis pas qu’il ne faille pas de garde-fou, mais il serait bon
que les profs aient au moins une possibilité, quand ils pensent qu’un livre
pourrait choquer, d’en référer à une instance qui les autoriserait à
proposer ce livre, et les couvrirait en cas de réaction. ce serait une sorte de
comité de censure. il y a quelques années, j’avais écrit à un inspecteur
pour lui soumettre un cas de ce genre. je souhaitais faire lire xala, de
l’auteur sénégalais sembène ousmane. je n’avais jamais obtenu de réponse.
bref, soyons pratique. pour prévenir ce genre de réactions lorsque je donnerai
le livre à lire à cette classe de 4e, je l’assortirai d’un avertissement
recommandant, si l’on a peur d’être choqué, de passer les trois pages
litigieuses, en résumant ce qu’elles contiennent, et en rappelant le bénéfice
pédagogique attendu. cela me permettra au moins de protester de ma bonne foi en
cas de réaction virulente…
lundi 10 janvier 2005
aujourd’hui, deux parties :
correction du devoir sur la chine ancienne.
pour la première question, les réponses sont
correctes, à part la religion de kubilaï khan, que certains croient
bouddhiste. pour la troisième question, certains élèves se contentent
d’affirmer que la pratique des pieds bandés est sexiste parce qu’elle ne
touche que les femmes. encore faut-il préciser qu’elle les fait souffrir,
qu’elle entrave leur possibilité de se déplacer, et qu’elle est destinée
à plaire aux hommes. plusieurs élèves n’ont pas traité la question 5, mais
ceux qui l’ont traitée ont facilement trouvé que le choix par le père des
épouses et maris de ses fils et filles empêchait de facto le libre choix de
l’orientation sexuelle. une petite discussion s’ensuivra pour préciser que
la bisexualité était une possibilité… (les élèves ne sont pas si bêtes…)
pour la question six, un seul élève a su aller au-delà de l’apparence, et a
donné cette réponse : « ces deux concepts ne paraissent pas sexistes, car ils
sont opposés mais complémentaires et que chacun de ces principes se change périodiquement
en l’autre. » plusieurs élèves se sont contentés de relever que dans le
cadre du yin, le féminin était associé au négatif. la réponse n’était
pas entièrement fausse, car il y a dans le yin davantage de connotations négatives
que dans le yang, mais on ne peut pas affirmer que le taoïsme soit par essence
sexiste. c’est la preuve qu’il serait facile sur ce thème d’instrumentaliser
les élèves. j’insiste lors de la correction sur la nécessité de ne pas
foncer dans les portes ouvertes…
la dernière question était la plus importante. certains élèves s’en sont débarrassés
par une pichenette, affirmant pour certains « je trouve qu’on ne doit pas
critiquer un pays ou une religion sans y vivre ou la pratiquer. », alors que
d’autres pouvaient dire : « de mon point de vue d’européenne qui vit dans
un pays où l’on revendique la liberté et l’égalité des hommes et des
femmes, je pense que certaines religions ou que certains pays agissent à
l’opposé de ces idées, et qui peuvent empêcher beaucoup de gens de mener
une vie heureuse. » plusieurs élèves se sont appuyés sur la déclaration
universelle des droits de l’homme (influence de l’intervention d’amnesty).
une élève est allée plus au fond des choses : « Évidemment cela ne sert à
rien de se vexer ou de se sentir mal quand son pays ou sa religion est critiquée,
puisque aucun pays n’est parfait et il faut accepter notre pays et notre
politique, notre façon de voir, nos défauts, et non nier. » une élève est
allée assez loin dans la réflexion sur les religions en démontrant que ce
n’était pas critiquer une religion que de dénoncer l’utilisation sexiste
qui en est faite par certains hommes. (elle pensait à l’islam, et c’est une
élève particulièrement informée sur la question.)
la correction s’est faite dans un brouhaha assez pénible. il est difficile
pour moi qui suis habitué à voir mes classes cinq heures par semaine de gérer
une classe que je ne vois qu’une heure… nous n’avons pas eu le temps
d’expliquer le document que j’ai distribué. les élèves doivent d’une
part choisir un sujet d’exposé pour la deuxième période de l’idd, qui
commencera le 7 mars, reprendre leurs travaux antérieurs pour mise en commun
d’ici la fin de l’année, et pour la semaine prochaine, réaliser une
affichette à partir de l’intervention de la semaine dernière, selon la
consigne suivante :
compte-rendu de l’intervention d’Éric verdier:
pour la semaine prochaine, au lieu de faire un compte rendu à usage
interne, nous allons tenter de nous ouvrir aux autres, comme si nous étions les
relais de la ligue des droits de l’homme (l’association pour laquelle
intervient Éric verdier). vous allez donc réaliser des affichettes originales,
amusantes, frappantes, efficaces, pour engager les élèves (et même les
adultes !) qui les verront, à réfléchir sur les insultes. utilisez toutes les
ressources de la publicité, tout en mettant en ¦uvre ce qu’Éric verdier
nous a dit, et ce dont nous avons pris conscience grâce à son intervention.
(dessins, photos, slogans, imitation d’affiches vues dans les cours d’histoire-géo…)
vous pouvez utiliser humour et provocation, du moment que le but sera
d’encourager les gens à limiter les insultes, et surtout celles qui sont
sexistes, racistes et homophobes. attention cependant, comme tout ce qui
concerne notre action sur le développement durable, à ne pas trop chercher à
culpabiliser. on obtient plus par l’humour et la complicité, car souvent nous
ne sommes pas conscients du mal que font ces insultes.
mardi 11 janvier 2005
avec mes élèves de 3e, correction d’un
questionnaire de lecture sur un roman de littérature pour adolescents : maïté
coiffure, de marie-aude murail (École des loisirs, 2004). cet excellent
roman hors-séquence était proposé aux élèves en parallèle à leur stage en
entreprise. argument : un élève qui survit au collège, voit sa vie changer au
hasard d’un stage dans un salon de coiffure où il fait preuve de grandes
qualités humaines. le livre semble avoir touché les élèves, en tout cas la
qualité de leur travail et de leur réflexion est éloquente. dans une classe
j’ai attribué trois 20/20. le livre est facile à comprendre tout en
proposant une vision de la société fine et actuelle. beaucoup de profs de français
ont encore un préjugé contre la littérature jeunesse, qu’ils regardent avec
condescendance. ils persistent à dégoûter leurs élèves avec balzac, bazin
ou racine, sans leur offrir d’alternative plus à leur portée. en ce qui me
concerne j’évite de péter plus haut que mon cul, comme dirait le personnage
principal de l’histoire, et cela me permet de remotiver les élèves par
exemple après un brevet blanc décourageant. en plus, je fais lire des auteurs
vivants, et de temps en temps un écrivain qui ne soit pas un homme… et des
parents d’élèves me disent : « c’est incroyable, pendant les vacances de
noël, mon fils s’est mis à lire, il n’a pas arrêté, maïté coiffure,
mais aussi harry potter. » ; « vous avez donné à mon fils le goût de lire.
» un élève : « c’est quand qu’on va lire des livres pour adultes ? »
si j’évoque ce travail en aparté dans ce journal de bord, c’est à cause
d’une question sur l’un des personnages :
« que pensez-vous du personnage de fifi / philippe et de l’attitude des
autres personnages par rapport à lui ? »
plusieurs élèves ont éludé la question de l’homosexualité de ce
personnage. il y a deux possibilités, soit ils ne l’ont pas comprise, soit
ils ont éprouvé une répugnance à écrire le mot. certains ont parlé de préjugés,
ce qui prouve qu’ils ont compris de quoi il était question, mais sans écrire
le mot… cependant c’est le choix de l’auteur, et le cas est rarissime en
littérature jeunesse, de créer des personnages homos sans aucune volonté de démonstration.
l’avantage est que ça rompt avec le tabou de l’école, et que le sujet est
envisagé d’une façon humoristique, positive et sans lourdeur.
voici quelques réponses ou extraits de réponses intéressants, sans
commentaires. il n’y a aucune remarque négative sur ce personnage, comme quoi
bien des adultes ont tort d’avoir des préjugés sur les réactions des élèves…
les réponses des élèves d’origine maghrébine ou africaine ne présentent
aucun a priori sur le sujet, bien au contraire (pour répondre aux affirmations
de la journaliste du parisien). le plus intéressant à mon sens est le
vocabulaire utilisé. À cet égard il serait intéressant de mener une étude
sur l’évolution de ce langage chez les jeunes dans les prochaines années, en
observant s’il y a un retentissement sur les insultes courantes (vous voyez où
je voulais en venir ?)
« je trouve que fifi a très bien réussi à s’intégrer à maïté coiffure,
car l’équipe n’était composée que de femmes. il est bien vu par
l’ensemble des autres personnages, sauf par les prétentieux du genre de m.
feyrières qui n’aiment pas tout ce qui peut sortir de la normalité et qui
ont déjà leurs idées préconçues. »
« je trouve que le personnage de philippe est un personnage assez ambigu, car
lorsqu’il se trouve au salon, il est quelqu’un d’extraverti plutôt bavard
et rieur, alors qu’il cache une partie de lui-même. il a une sorte de «
jardin secret » que l’on découvre avec le personnage de manfred son ami. on
découvre un philippe plutôt réservé, en retrait et timide. ce personnage est
essentiel dans le roman, car il donne du tonus. les personnages du salon (y
compris louis) ainsi que les clients donnent l’impression d’accepter
totalement sa différence et de savoir faire la part des choses entre sa vie
privée et sa vie publique. marie-aude murail a utilisé des stéréotypes de
personnages étant contre le fait que philippe soit homosexuel et n’acceptant
pas sa différence. cet emploi permet de prouver qu’il existe encore des gens
intolérants et homophobes (sans peut-être s’en rendre compte) et que tout ne
se passe pas dans le meilleur des mondes. »
« fifi étant homosexuel, les personnages l’apprécient, ne le mettent pas à
l’écart et ne l’embêtent pas car ça ne les dérange pas, alors que dans
la vraie vie c’est rarement le cas. »
« philippe souffre de ne pas voir aboutir son amour d’enfance. louis ne fait
pas cas de l’homosexualité de philippe et le respecte comme toutes les autres
personnes du salon de coiffure. il le prouve en s’associant avec lui. »
« beaucoup de monde ne l’aime pas étant donné qu’il est homosexuel. il
subit, hélas, les préjugés. »
« il est gai. les autres pensent que c’est que un gai, mais en fait il a aidé
louis à lui apprendre le métier de coiffeur. »
« fifi est un personnage caricatural des hommes dans les salons de coiffure
(efféminé, humoriste…) qui apporte beaucoup de soutien à ses amis. »
« fifi / philippe est un personnage différent des autres, notamment par sa préférence
pour les hommes, mais aussi par sa gentillesse et la bonne humeur qu’il dégage.
»
« je pense que fifi est un personnage efféminé, sympathique, a de l’humour,
solidaire, compréhensif, blagueur. »
« fifi est un homosexuel bien intégré du point de vue du travail mais qui
paraît solitaire sentimentalement. »
« durant le livre nous apprenons que fifi a le sida et que son petit ami
manfred est mort de cette maladie. il est donc homosexuel. »
« je pense que fifi est une personne comme les autres, que l’on ne doit pas
le juger sur son homosexualité et qu’il faut l’accepter comme il est et non
le rejeter sous prétexte qu’il préfère les hommes aux femmes. »
« fifi est homosexuel et il est très atteint par la mort de manfred son petit
copain. »
« il a un petit côté féminin qu’il montre bien dans ce livre, par exemple
le fond de teint qu’il se met sur le visage pour cacher ses boutons. […]
mais les gens du dehors comme le père de louis le prennent pour un homme inférieur
à eux car il est homosexuel. »
« fifi est un très bon personnage, mais c’est triste qu’il meure à la fin
à cause du sida. »
« l’une des qualités de ce salon de coiffure, c’est de ne faire aucune
discrimination et surtout par rapport à fifi qui est différent (car il est
homosexuel). »
« le personnage de fifi était mon préféré. je pense que l’attitude des
autres personnages envers lui était assez normale. de nos jours, on a encore du
mal à accepter l’homosexualité. »
« m. feyrières le traite de « pédé » sans avoir honte de ce qu’il dit.
»
« le personnage de fifi est quelqu’un de très gentil et sensible, et il est
homosexuel. les autres personnages disent du mal de lui car il est homosexuel et
qu’il ressemble à une fille. »
« fifi est clairement homosexuel et ne s’en cache pas d’ailleurs il doit
souvent supporter des remarques et un comportement désobligeant de la part des
étrangers. ses amis, eux, ont fait abstraction de cela. »
À la fin du débat organisé pour la correction du devoir, je m’autorise une
confidence. si ce livre m’a ému, si je l’ai choisi, c’est évidemment
parce qu’il met en scène et valorise un élève en échec scolaire, ce qui
permet de faire comprendre indirectement que les profs respectent cette catégorie
d’élèves, qu’ils ne confondent pas résultats scolaires et valeur humaine
; mais j’ai aussi choisi ce livre parce que le premier gai que j’ai connu,
adolescent, était coiffeur, un peu semblable à ce fameux fifi, et qu’il est
mort du sida en 1983, alors que j’avais 17 ans. il faisait partie des premières
victimes de la maladie en france ; d’ailleurs ce n’est que quelques années
plus tard que j’ai identifié la cause de cette maladie. comme m. feyrières,
son père, bourgeois, était homophobe et violent.
lundi 17 janvier 2005
dernière séance du premier semestre. les élèves rendent leurs projets
d’affiches. voici le compte-rendu fourni aux élèves : « quatre élèves
n’ont rien rendu et ont donc zéro, à moins qu’ils ne rendent un travail en
retard. pour les autres, il y avait des projets excellents, d’autres bâclés,
et d’autres hors-sujet. ce qui manquait souvent, c’est un titre visible qui
annonce le sujet et le but de l’affiche. Ça peut être tout simplement : «
insultes », ou alors une sorte de slogan facilement compréhensible. attention
à l’abus de textes. il faut aussi des images. attention à la facilité : se
contenter de recopier des insultes est parfois ambigu : la personne qui regarde
l’affiche ne sait pas quoi penser, elle peut être tentée de répéter ces
insultes. il faut donc que votre affiche ait une force argumentative (qu’elle
incite clairement à limiter les insultes, notamment sexistes et homophobes, en
expliquant pourquoi). les affiches traitant uniquement du racisme sans y inclure
sexisme ou homophobie sont hors-sujet par rapport à notre idd. »
il y avait quelques idées excellentes, mêlant textes et affiches, et surtout
intégrant la question de l’homophobie et du sexisme à celle du rejet de
l’autre et donc du racisme. exemple : « on est catalogué, mis à l’écart,
montré du doigt car l’étranger fait peur. on s’en méfie ! j’ai souvent
ressenti de la méfiance, de la moquerie dans le regard des gens. […] on nous
juge sur notre apparence, couleur, religion, sur notre sexualité, car on ne
leur ressemble pas et on ne reflète pas leur pays. » dans cette affiche, on
voit une photo de quatre jeunes filles avec des jugements injurieux sur elles
(mais pas des insultes stricto sensu), et une autre photo d’une jeune fille déprimée,
avec cette inscription : « j’en peux plus, je vais devenir folle ».
une autre affiche, sous le titre « le racisme », présentait cinq exemples de
différences : « jeune / vieux » ; « grand / petit », « noir / blanc », «
gros / mince » et « handicapé » (ce à quoi j’ai ajouté « valide » en
correction).
une autre affiche consacrée à l’homophobie présentait deux têtes
d’hommes dialoguant entre deux haies de manifestants, les uns contre, les
autres pour les gais. voici le dialogue : « je suis pédé et fier de l’être.
les personnes qui sont anti pd, rappelez-vous que chacun est libre de choisir
son partenaire, qu’il soit de même sexe ou pas. » « je l’aime cet homme,
c’est pourquoi je veux vivre avec lui. les personnes que ça dérange, je vous
emmerde. »
une autre consacrée elle aussi à l’homophobie, présentait un couple
d’hommes pris à partie par une fille, un garçon et un chien. dans les bulles
: la fille : « hé ! regarde alexis les sales pédés sont de sortie. » le garçon
: « ouais, en plus ils se tiennent la mais et ils ont pas honte. » le chien :
« beurk ! c’est dégueulasse ! » l’un des deux hommes : « je ne savais
pas qu’aimer c’était un crime. »
ensuite, les élèves se répartissent en cinq groupes et choisissent un sujet
d’exposé. les négociations sont âpres pour le choix des groupes, mais nous
avons décidé de les laisser à peu près travailler avec qui bon leur semble.
le point d’achoppement était la taille des groupes, que nous souhaitions
limiter à trois élèves, mais il a fallu accepter deux groupes de quatre !
(pour éviter des groupes de 5 ou de 6 !)
en ce qui concerne le choix des exposés, il m’a fallu refuser des exposés
sur « le racisme ». les autres ont été choisis assez facilement, en se
mettant d’accord petit à petit sur un sujet qui satisfasse tout le monde. le
seul qui a posé problème, c’est celui sur la question du genre. j’avais écrit
au tableau (entre autres idées) les mots « hermaphrodisme, androgynie,
transvestisme, transsexualisme », en disant que ce serait un sujet intéressant.
Ça a fait rire, puis les élèves, tout en choisissant d’autres sujets,
n’arrêtaient pas de m’interrompre pour poser des questions sur ces mots.
mais personne ne voulait choisir ce sujet. je leur ai fait remarquer la
contradiction entre le fait que ça les intéresse, et qu’ils refusent
d’accomplir une recherche qui permettrait à leurs camarades d’avoir des
informations précises plutôt que de pouffer de rire en entendant ces mots. le
sujet a finalement été choisi par trois élèves.
voici la fiche de conseils que nous leur avons distribuée cette semaine :
exposés en groupes : liste des 5 exposés choisis.
homosexualité et homophobie. qui sont
les gais, lesbiennes, bisexuels ? qu’est-ce que l’homophobie ? on peut
prendre comme point de départ l’homosexualité chez les grecs et romains
de l’antiquité, ou dans la renaissance.
islam, femmes et minorités sexuelles.
(la situation des femmes dans l’islam ; l’islam et les minorités
sexuelles (lgbt)).
christianisme (et judaïsme), femmes et
minorités sexuelles. (la situation des femmes dans le christianisme
(et le judaïsme si possible), et les minorités sexuelles (lgbt)).
hermaphrodisme, androgynie, transvestisme,
transsexualisme. quand le genre n’est pas tranché… ou comment
le simple fait de mieux connaître une réalité peut éviter de se moquer
d’une catégorie de gens. on peut prendre comme point de départ certains
mythes grecs : tirésias, l’androgyne de platon, hermaphrodite, achille à
skyros…
maltraitances et injures contre les femmes.
en rapport avec les interventions d’amnesty international et d’Éric
verdier. utiliser les documents d’amnesty.
vendredi
28 janvier 2005
une digression dans ce journal
pour évoquer un sujet de rédaction intéressant donné en sixième à propos
des fables de la fontaine. insatisfait
jusque-là des sujets que je proposais j’ai changé cette année la fable
support, et choisi les membres et
l’estomac. je craignais le pire, mais le résultat a été excellent, il
n’y a quasiment pas eu de hors sujet, et je n’y avais pas songé, mais
c’est un excellent biais pour faire aborder à ces jeunes élèves de façon décontractée
les « changements liés à la puberté ».
sujet : voici le résumé
d’une fable ancienne d’Ésope, que la fontaine a adaptée. « l’estomac
et les pieds : les pieds se plaignent de faire tout le travail du corps
pour le seul plaisir de l’estomac, qui engraisse sans travailler. ils font la
grève, cessent de marcher. alors, comme l’estomac n’a plus d’aliment,
c’est le corps entier qui dépérit. les pieds sont obligés de reconnaître
que l’estomac est aussi utile qu’eux à sa façon. » tu vas inventer une nouvelle version de cette fable, écrite en cinq
paragraphes de prose (pas de vers, pas de rimes), en étendant le sujet à
l’affrontement de tous les membres (et pas seulement les pieds) contre
l’estomac. fais dialoguer ces personnages, raconte et décris ce qui se passe
avant, pendant et après cette grève des membres. attention : le dialogue
et la narration doivent être mélangés ; il ne faut pas écrire une
simple succession de paroles sans récit. termine par une morale qui permette
d’appliquer la leçon de cette fable à la société humaine.
voici deux perles relevées
dans les copies : « les bras, les jambes et la tête, le truc entre
les deux jambes essaient à tout prix d’arrêter cette apocalypse. »
« le surlendemain c’est l’anus et le nez qui se révoltèrent.
l’anus dit : « moi, c’est moi qui rejette les aliments et qui
dois supporter les odeurs. » le nez dit : « moi aussi je dois
supporter les terribles odeurs ». puis l’estomac dit : « quand
les aliments sont passés par la bouche ils viennent à l’intérieur de moi ».
le lendemain, nous entamons une nouvelle séquence intitulée « rire au théâtre ».
je présente aux élèves les trois extraits du manuel qu’ils auront à
choisir pour jouer devant la classe. je m’amuse à les leur « jouer »
en tenant tous les rôles, pour qu’ils choisissent en connaissance de cause et
ne fassent pas d’erreurs d’interprétation. un seul des trois textes présente
un personnage féminin, une bergère amoureuse de marivaux. j’ai apporté un
éventail et je minaude pour les encourager à faire rire aux dépens des
personnages. le résultat m’étonne, tellement c’est rare : ce sont des
garçons qui choisissent le personnage de silvia, alors que les filles se
jettent plutôt sur les personnages masculins. il y aura du règlement de
comptes en perspective, mais l’objectif pédagogique n’en sera que mieux
atteint (éviter la lecture au premier degré). espérons que nul n’y voie une
incitation à troubler les élèves (je suppose que dans ce cas-là, personne ne
s’offusquerait qu’une fille joue un rôle de garçon, mais seulement du
contraire !)
vendredi
11 février 2005
tempête
dans un encrier
voici trois semaines que je me
dépatouille avec des rumeurs de « prosélytisme ». j’ai attendu
de tirer les choses au clair, mais comme on dit, j’en ai gros sur la patate.
je vais m’efforcer d’être le plus objectif possible, de rapporter faits et
paroles en maîtrisant mon indignation.
le mardi 18 janvier, alors que
je passais voir la principale adjointe pour régler quelques questions éducatives,
je lui touche un mot de l’opportunité d’associer le collège à la « première
journée mondiale de lutte contre l’homophobie », qui aura lieu le mardi
17 mai (tous les détails sur le site homoedu). cela conviendrait au cadre du
« développement durable », et offrirait l’occasion que nous
recherchions dès le début du projet de faire rejaillir le travail des élèves
sur l’établissement. sans chercher à approfondir, elle exprime son désaccord
et celui du principal. en effet, elle ne souhaite pas focaliser sur l’homophobie,
pas plus que sur la journée des femmes par exemple. elle fait état à ce
moment de « plusieurs parents », notamment « des enseignants »,
qui se seraient plaints auprès d’elle de « prosélytisme » de ma
part. elle évoque rapidement deux reproches : la lecture de maïté coiffure, et le fait que j’aurais favorisé les élèves
qui ont lu ne m’appelez plus julien
par rapport à ceux qui ont choisi d’autres livres ! elle n’a pas à
juger de ce que je dis dans mes cours, cela incombe aux inspecteurs. je m’étonne
qu’il ne s’agisse que des parents d’élèves de 3e, et non de
ceux des élèves qui suivent le projet en 4e. selon elle c’est
normal, car le projet porte sur « toutes les discriminations » et
non pas uniquement sur l’homophobie. on n’a pas le temps de poursuivre, car
cela se passe entre deux portes, de façon informelle. ce qu’il aurait fallu
faire, c’est lui demander ce qu’elle en pense, elle, même si elle n’est
pas inspectrice, qui s’est engagée jusqu’à venir dans ma classe écouter
justement le débat de ces troisièmes sur ce livre, et qui a félicité les élèves.
cela m’étonne qu’elle n’ait pas su quoi répondre à ces personnes, car
elle a bien vu dans quelle mesure j’avais étendu mon projet à mes autres
classes. qu’est-ce qui a pu motiver ces craintes ?
je rumine la chose
toute la semaine, de plus étant en grève le jeudi 20, je ne revois les élèves
que le lundi 24. un délégué de classe d’une de mes deux troisièmes vient
me voir en fin d’heure, il a quelque chose à dire mais n’ose pas. je
l’encourage : il est tout à fait dans son rôle de délégué. bref,
selon lui, un élève se plaint que je parle trop d’homosexualité. je prends
acte, je lui demande s’il y en a plusieurs, il ne sait pas trop répondre. je
lui dis que le mieux c’est d’en parler quelques minutes le lendemain avec la
classe. puis on me signale que la mère d’une élève veut me joindre
d’urgence. l’étau se resserre ! je lui propose rendez-vous pour le
lendemain mardi soir. le mardi j’en touche un mot à la prof principale, qui
traite brièvement le sujet avec les élèves. elle leur dit que c’est un
signe de confiance de ma part, que je les considère comme des adultes. elle
aura un geste qui me touche beaucoup : elle dépose dans mon casier un mot
disant que deux parents d’élèves, dont la personne qui a demandé à me
voir, lui avaient fait des compliments sur mon travail à la dernière réunion
parents-profs. comme j’ai rendez-vous avec cette dame qui est aussi déléguée
au conseil d’administration, et a la réputation d’être virulente, on me
dit de faire attention, de ne pas la recevoir seule, etc. je refuse, car je ne
sais pas au juste la raison de l’entretien, et ce serait un signe de défiance,
d’ailleurs je la connais depuis longtemps, et je n’ai jamais eu de difficultés
avec elle. et puis convaincre, argumenter en situation difficile, pour reprendre
le titre de ce livre dont j’ai souvent parlé, c’est ma passion. le débat
avec les élèves dure 10 minutes. je reprends ce que m’a rapporté la prof
principale de leur discussion. si j’ai fait plusieurs fois allusion à
l’homosexualité, si l’on mettait bout à bout toutes les phrases, cela
ferait 10 à 15 minutes maximum, peu de choses sur 4h30 hebdomadaires. j’en
fais l’inventaire rapidement. non pas pour me justifier, mais pour essayer de
comprendre ce qui a pu « choquer » certains élèves.
l’efficacité
doit primer, et ce serait un comble si, voulant lutter contre l’homophobie, je
braquais certains élèves, en plus de leurs parents. il ne s’agit donc pas de
balayer ces remarques d’un revers de manche, mais de comprendre et d’en
tenir compte pour s’améliorer. on enseigne toujours dans un contexte ;
d’ailleurs je suis bien placé pour savoir qu’il y a quatre ans seulement,
je n’aurais pas même envisagé le projet que je mène ! au début de
l’année j’avais évoqué l’idd que je menais avec les 4e, au
moment où je leur présentais le livre de jimmy sueur (qui rappelons-le ne
traite pas d’homosexualité, mais de la question du genre), que finalement
personne n’avait choisi dans cette classe-là. je fais remarquer que lorsque
nous avions étudié le bateau ivre de
rimbaud, je n’avais pas fait d’allusion à l’homosexualité de l’auteur,
tout simplement parce qu’aucun élève ne l’avait évoquée. un élève s’étonne :
« ah ! bon, il était homo, rimbaud ? » puis il y a eu
deux allusions lors de l’étude de l’œuvre actuelle, la machine infernale de jean cocteau. quand nous avons traité brièvement
de la biographie de l’auteur, en répondant à un élève, j’ai précisé
qu’il était homosexuel, et que l’adoption qu’il avait faite en 1947 était
une sorte de pacs avant la lettre. enfin en étudiant pour cette même œuvre le
mythe d’Œdipe, les élèves ont relevé dans un dictionnaire de mythologie,
parmi les causes de la lourde hérédité du héros, que son père laïos
« avait été pris d’une passion homosexuelle pour chrysippos »,
l’avait enlevé, et que suite à la mort mystérieuse de chrysippos, son père
pélops avait maudit laïos. je me suis contenté de préciser que ce n’était
pas l’homosexualité qui était cause de la malédiction, mais la mort prématurée
de chrysippos (cela dit, c’est à vérifier, car les versions — quand ce détail
n’est pas carrément ignoré — sont contradictoires). il y avait eu en même
temps le débat de correction sur maïté
coiffure, cette fameuse question, mais noyée parmi 7 autres questions…
j’ai demandé aux élèves si je n’avais rien oublié, et ils m’ont rappelé
la confidence que j’ai évoquée ci-dessus. c’était aussi devant cette
classe, effectivement, et ça avait pris à peu près trente secondes en fin de
cours. ce qui s’est passé c’est qu’un élève a mal compris ce que
j’avais dit, et a cru que j’avais parlé d’un « petit ami » à
moi. j’ai reprécisé les mots que j’avais employés. j’ai dit que si la
confidence les avait choqués, je présentais mes excuses, mais qu’en règle générale
je ne m’étalais pas sur ma vie privée, et que selon moi un peu d’émotion
de temps en temps pouvait rendre le cours plus humain. À ce propos j’aurais
pu rappeler à certains de ces élèves que j’avais eus en 6e
quatre ans auparavant une confidence faite par le danseur avec lequel nous
avions travaillé. celui-ci, répondant à une question d’un élève, avait
dit que le goût de la danse lui avait été donné par « sa petite amie »,
qu’il avait vue danser. en fait il s’agissait sans doute plutôt d’un
petit ami, je l’ai su plus tard. la confidence hétérosexualisée n’avait
choqué personne ; qu’en aurait-il été si le danseur avait dit la vérité
au lieu du mensonge ? n’est-ce pas justement ces quelques instants fort
rares dans une scolarité, où un prof pose son cul sur le bureau et prend cinq
minutes sur son cours pour raconter une anecdote personnelle, qui s’impriment
dans l’esprit des élèves. c’est à ce moment-là que l’on comprend ce
qui fonde son enseignement, sa personnalité, et ces quelques mots donnent sens
audit enseignement. machines à enseigner, machines à apprendre. je persiste à
me considérer comme un individu qui s’adresse à des grappes d’individus,
et de ces grappes je veux tirer le meilleur vin, en leur donnant de mon meilleur
soleil. ce soleil n’émane pas que de la partie froide et purement cognitive
de mon cerveau. l’une des anecdotes que je pourrais être amené à confier un
jour à des élèves est ma rencontre avec pierre kneip. c’est pendant que
j’effectuais mon service national comme objecteur de conscience à
l’association aides, que j’ai connu ce grand monsieur, et que je suis un peu
devenu son ami, au moment où il fondait la ligne téléphonique sida info
service, dont il fut le directeur jusqu’à sa mort en 1995. il avait été
professeur de français, et c’est une des personnes qui m’ont le plus marqué
dans mon existence. un « passeur ». l’une des citations phares de
sa vie, dont je suis le dépositaire, est due au poète hölderlin :
« là où croît le danger croît aussi ce qui sauve ». À
rapprocher de la citation de sénèque déjà faite plus haut. À mon tour
j’ai des phrases qui sauvent à faire « passer » aux élèves.
quelques
élèves se sont ensuite exprimés ; une a dit que ce n’était pas nécessaire
de savoir qu’un écrivain était homo. pourtant, dans certains cas cela interfère
avec l’œuvre, c’est le cas de cocteau, et si un élève le relève, il
n’y a pas de raison de le cacher. un élève a dit que jamais il n’avait vu
écrit dans une biographie qu’un écrivain était hétérosexuel ! cqfd !
il est simplement dit que cet écrivain a été marié ou a eu des enfants, ce
qui revient au même. une élève a exprimé sa gêne due au fait que le thème
revenait trop souvent dans les œuvres choisies. j’ai expliqué que la pièce
de cocteau (à l’intérieur de laquelle il n’est pas question
d’homosexualité d’ailleurs) et le mythe d’Œdipe étaient très
importants pour leur culture, et j’ai redemandé à toute la classe si maïté
coiffure avait plu, rappelant que seul un élève avait eu le courage de
dire le contraire. (Ça, c’était pour valoriser le principal contestataire et
montrer que je ne lui en voulais pas). cette opinion a été confirmée. ouf !
bref, une fois que j’ai été bien sûr que tout le monde avait vidé son sac,
nous sommes revenus à l’orthographe. la vérité est que je n’ai jamais eu,
autant que cette année, de meilleur retour de mon travail avec les élèves. il
me semble, justement parce que je me suis libéré de certaines pesanteurs,
donner le maximum de ce que je peux. bien sûr c’est loin d’être idéal, et
les résultats de grammaire et de conjugaison sont décevants, mais dès qu’on
est dans le texte et l’expression écrite, ça « accroche » comme
ça n’a jamais accroché. je conseille à mes collègues cette pièce de
cocteau, car moi qui ne l’aimais pas trop a priori, ce sont les élèves qui
me l’ont fait apprécier. le mythe est tellement riche que tous y trouvent
leur miel ici ou là. a la fin du cours, une élève est venue me voir. elle a
attendu que les autres partent et a tenu à peu près ce langage : « je
tenais à vous dire que je ne suis pas d’accord avec ce que les autres ont
dit. au contraire, c’est bien que vous parliez de ces sujets-là, et ça fait
plaisir qu’il y ait des profs qui disent de temps en temps des choses
personnelles. » j’étais évidemment d’autant plus ému que je ne
m’y attendais pas, il est si rare qu’un élève se désolidarise du groupe.
bref, j’ai quitté la classe avec le sentiment que d’une part le problème
n’était pas grave, d’autre part que l’abcès était crevé.
la séance de
jeudi (trois heures de suite !) s’est d’ailleurs fort bien déroulée.
dans les jours qui ont suivi, j’ai cependant éprouvé une certaine gêne,
sans pour autant renoncer à ma ligne. par exemple, pour expliquer qui était
tirésias, j’ai dû, avec un peu d’humour, prévenir les élèves que
certains pouvaient être « choqués ». aucun n’a mis ses mains sur
ses oreilles ! il est bien sûr hors de question qu’il me reste une
« dent » contre les élèves qui se sont exprimés. il faudrait être
naïf pour voir dans ces propos autre chose que les répercussions des propos
plus ou moins hostiles tenus par leurs parents. À l’aune de ce que j’ai
connu quand j’étais môme, j’imagine les discussions familiales… ces élèves,
j’en suis persuadé, quand ils repenseront à cet échange, auront bientôt
honte de ce qu’ils ont pu dire. je pourrais leur en vouloir si moi aussi, à
leur âge, je n’en avais pas fait autant. contrairement aux minorités
visibles, la particularité des homos est d’avoir souvent commencé par être
homophobes. bientôt, l’homosexualité sera un sujet banal, et nul ne s’étonnera
qu’un seul prof, une seule fois dans la scolarité d’un élève, ose aborder
plusieurs fois un sujet pourtant fort banal dans la vie quotidienne et dans les
médias !
je reviens au mardi soir, le fameux rendez-vous. en fait il y a
deux représentantes des parents d ‘élèves. une autre personne que je
ne connais pas. nous nous installons au calme, et s’engage une discussion
approfondie de 35 minutes. dès les premiers mots, le ton est cordial. ces
personnes ont pris sur leur temps personnel pour aider à résoudre un problème.
elles évoquent les scrupules de parents qui les ont contactées dans plusieurs
classes (dont la classe de quatrième), et qui ne veulent pas que leurs
interrogations soient interprétées comme de l’homophobie. À aucun moment au
cours de l’entretien, si ma mémoire est bonne, le terme de « prosélytisme »
n’a été utilisé. je répète ce que je viens de dire aux élèves, de façon
qu’elles soient à même de répondre précisément aux interrogations éventuelles
des parents. je précise que dans le projet de progression annuelle, si
j’avais proposé deux sujets d’actualité dans la séquence consacrée à la
presse, « mariage gai » et « application de la loi sur la laïcité »,
il y avait des points d’interrogation, et de toute façon comme finalement ces
sujets ne sont plus à l’ordre du jour, je choisirai autre chose, d’autant
plus si certains élèves sont gênés. cependant un travail de réflexion sur
des textes pour et contre le « mariage gai » serait riche
d’enseignements pour les élèves. peut-être des gens qui me prennent pour un
incapable ont-ils cru que j’allais transformer cette séquence en promo du
« mariage gai ». s’ils savaient ! l’un des chapitres de mon
essai à paraître au mois de mars s’intitule « contre le mariage gai » !
et de quoi ont-ils peur ! qu’à cause d’un prof leurs enfants se
mettent à penser autrement qu’eux ? même si tel était le cas,
n’est-ce pas formateur de construire sa pensée en opposition à certains
adultes ? qu’ils relisent françoise dolto ! j’apprends à ces
deux personnes l’existence du projet d’i.d.d., dont on ne leur avait jamais
parlé. ce n’est pourtant pas faute d’avoir distribué des documents aux élèves !
j’évoque ma proposition d’associer le collège à la journée mondiale
contre l’homophobie, sous forme d’une conférence, un débat, une rencontre,
qui pourraient s’insérer dans le projet de « café pédagogique ».
elles trouvent l’idée intéressante, et nous convenons d’en reparler avec
l’une des deux, que je dois retrouver le jeudi à la réunion de la commission
santé et citoyenneté. entre-temps, elles demanderont leur avis à d’autres
adhérents. je reconnais que j’ai parlé sans doute plus que d’habitude de
l’homosexualité, mais je fais le parallèle avec le projet sur le
burkina-faso que j’avais mené durant deux ans avec une classe de quatrième.
À l’époque, j’avais aussi parlé à toutes mes autres classes du projet,
exactement de la même façon, et personne n’avait été gêné, et surtout
personne n’avait parlé de « prosélytisme » ! aucun « parent-enseignant »
n’avait craint que son enfant se teignît soudain en noir ! quand on est
passionné par un sujet, la passion déborde. en tout cas, elles se sont proposées
comme médiatrices, si un parent souhaitait me rencontrer sur ce sujet. j’ai
été très touché que ces personnes se déclarent prêtes à consacrer autant
de temps personnel à ce problème.
jeudi, voici la réunion du « comité
d’éducation à la santé et à la citoyenneté ». il s’agit de présenter
les projets menés par le collège, notamment par l’infirmière, ainsi que les
séances d’information proposées aux élèves selon les niveaux. c’est une
réunion purement consultative et informative. je remarque l’absence de notre
idd dans le bilan. il est semble-t-il inclus dans la formulation évasive
« prévention des comportements sexistes ». malgré l’article du parisien, voici un collège qui a honte de lutter contre l’homophobie.
la principale adjointe rapporte publiquement les fameux propos de « certains
parents » selon lesquels je ferais « du prosélytisme » ;
et elle affirme à son compte que « des élèves sont troublés ».
ces plaintes ne concerneraient pas l’idd, mais uniquement mon travail en
classe de 3e. cela contredit les propos des deux représentantes des
parents que j’ai rencontrées mardi. il semble que ces gens-là,
courageusement retranchés derrière leur anonymat, se soient manifestés
uniquement auprès de l’adjointe. comme je déclare avec émotion que ces
propos me blessent et que je souhaite qu’il y soit mis fin, elle ajoute que
pour l’instant c’est elle qui reçoit ces parents, mais que bientôt ce sera
le principal, et qu’il vaudrait mieux pour moi que ces parents n’écrivent
pas je ne sais où. pourtant, j’avais prévenu le principal et l’adjointe,
et par écrit, le premier jour, que ce projet n’irait pas sans réactions négatives,
et qu’il faudrait me soutenir. au lieu de me soutenir, on colporte des ragots.
je me demande pourquoi, alors que c’était de leur part une attitude
courageuse d’accepter mon projet, courage que peu de chefs d’établissement
auraient eu, deux ou trois personnes ont pu leur faire peur à ce point.
amusons-nous à relever les contradictions entendues dans cette réunion, qui ne
prouvent qu’une chose : à quel point les gens sont mal à l’aise et
« perdent les pédales », si je puis dire, dès qu’il est question
des sexualités non hétérosexuelles. la principale adjointe n’a pas cessé
durant la réunion d’utiliser l’expression « nos enfants » au
lieu de « les élèves ». elle a présenté notre idd comme « contre
toutes les discriminations », pour mieux l’opposer à ce prétendu
« prosélytisme » devant les élèves de 3e. comme j’évoque
ma proposition d’associer le collège à la première journée mondiale de
lutte contre l’homophobie, tout en reconnaissant que c’est mon droit de le
présenter au c.a., elle met toute son autorité en jeu : elle et le
principal voteraient contre. la raison invoquée : ils sont contre le fait
de mettre l’accent sur un seul type de discrimination. or ces paroles qui font
hocher la tête à tout le monde à part mes trois collègues, sont prononcées
le jour même où le 60e anniversaire de la libération des camps de
concentration nazis est consacré officiellement et dans la france entière à
une seule catégorie de victimes à l’exclusion de toute autre. là, ce
n’est pas du prosélytisme, et puis quand ça vient d’en haut, on ne réfléchit
même pas. tous les élèves ont eu droit à une intervention d’une heure
consacrée à la « shoah », qui s’ajoute au travail déjà mené
en cours d’histoire, et en ce qui me concerne, à plus d’une heure de débat
consacré à des livres sur le sujet (journal
d’anne frank, voyage à pitchipoï, la maison vide, mon ami frédéric…).
avec le collègue d’histoire, nous allons bientôt accompagner les élèves au
mémorial de drancy. en réalité si j’ai « trop parlé d’homosexualité »,
j’y ai consacré dix fois moins de temps qu’à l’antisémitisme, mais il
ferait bon voir qu’un parent aille, dans le dos d’un prof, se plaindre que
celui-ci parlerait trop des juifs et ferait du prosélytisme… il y a eu une époque,
pourtant, où ce fut le cas, et où des profs courageux ont été les premiers
à briser le mur du silence… les mêmes calomniateurs allaient se plaindre
sous couvert de l’anonymat… voir le post-scriptum à ma « tribune
libre », sur le même site. À la limite j’aimerais bien que ces gens
aillent jusqu’à écrire ces fameuses lettres dont on me menace. elles ne
manqueraient pas de sel, relues dans quelques années ! de plus, si on
avait lu une seule ligne de ce que j’ai écrit depuis que j’ai lancé ce
projet, et que je n’ai pas tenu secret, on ne limiterait pas la parole sur
l’homosexualité au thème des « discriminations », comme si
l’homosexuel n’était qu’une victime potentielle. comme si le simple fait
de dire la vérité, que zeux aima ganymède, que le père d’Œdipe aima
chrysippos, que cocteau était homo (et que l’homosexualité informe son œuvre)
était du « prosélytisme ». ma conception du métier d’enseignant
est plus élevée. je ne suis pas un prof de morale dont le rôle quant aux
discriminations se bornerait à taper sur les doigts des élèves et leur hurler
à la figure qu’il ne faut pas être antisémite, raciste, sexiste, homophobe,
et j’en passe. pour moi, cela reviendrait, pédagogiquement parlant, à dire
le contraire. mon métier de prof, est d’apprendre, de montrer, de guider, pas
de gronder.
je me pose une question : y a-t-il jamais eu en france séparation
de l’Église et de l’État ? l’enseignement est-il laïc, ou
donne-t-on implicitement raison, par le silence, aux élèves qui, du fait de ce
qu’ils entendent en dehors de l’école, se demandent si l’homosexualité
est soluble dans l’islam ? y a-t-il seulement tolérance du bout des
gants vis-à-vis de ces horribles pervers que sont les gais, ou alors, conformément
à la brochure publiée en septembre 2000 par la direction de l’enseignement
scolaire : « repères pour l’éducation à la sexualité et à la
vie », doit-on considérer que l’homosexualité est un possible parmi
d’autres ne donnant lieu à aucun jugement de valeurs ? dans ce cas-là,
il devrait être possible, sous peine de discrimination, de proposer aux élèves
de 3e notamment, des ouvrages abordant légèrement un érotisme
homosexuel, exactement dans la même mesure que les ouvrages présentant un érotisme
hétérosexuel. il y aura de beaux conflits en perspectives… je vais bientôt
proposer aux élèves, dans une liste, un excellent roman tout ce qu’il y a de
plus officiellement conseillé : fantasia chez les ploucs, de charles williams. or ce roman est bourré
de remarques érotiques sur les « gros lolos » d’une jolie pépée
à poil, de la part d’un garçon de… sept ans ! imaginez un peu la
fureur de certains ayatollah si on changeait cette belle pépée en beau gosse.
nul doute qu’on ne crierait alors à la pédophilie ou au prosélytisme !
pourtant, cent fois par jour, les enfants subissent le matraquage d’un prosélytisme
hétérosexuel. des personnes présentes à cette réunion ont fait état de
paroles hostiles prononcées à l’encontre des homosexuels pendant une action
proposée par la mairie contre le sida à l’occasion de la journée mondiale
du 1er décembre 2004. des jeunes ont exprimé publiquement leur réprobation
contre les homosexuels au nom d’impératifs religieux, en l’occurrence de
l’islam. au lieu de conclure que cela justifiait mon travail, une mère d’élève,
tout sourire, a dit que ce n’était pas grand chose, et que connaissant
l’esprit de contradiction des adolescents, plus on leur dirait qu’il ne faut
pas être homophobe, plus ils le seraient. selon cette brave dame, donc, du
moins si l’on suit son raisonnement, il est normal, souhaitable même, de
laisser ces adolescents musulmans sans réponse autre que celle de leurs prédicateurs
à leurs questions sur l’homosexualité. laïcité et hypocrisie feraient donc
bon ménage. silence, tabou, absence d’éducation, et par contre, en cas de
parole homophobe, une amende, un procès, si l’on applique la nouvelle loi.
l’école n’apprend pas, mais la justice punira ceux qui ne savent pas !
cinq minutes auparavant, pourtant, quand il avait été question de
l’information sur le cannabis, tout ce beau monde avait hoché la tête devant
le constat de l’augmentation de la consommation assorti de la nécessité impératives
de séances de prévention ! ces braves gens ont déclaré en chœur
qu’au collège c’était trop tôt pour parler d’homosexualité ; un
monsieur a même ajouté que l’âge des premiers rapports sexuels c’était
17 ans, voyez-vous ma bonne dame. on se demande à quoi pouvait bien songer ce
monsieur… quoi qu’il en soit, personne ne lui a fait remarquer que d’une
part l’âge moyen n’est pas l’âge le plus bas, que d’autre part il y a
en général plusieurs années entre le moment des premiers désirs sexuels et
celui du passage à l’acte, qu’enfin cela n’a rien à voir avec le fait
que l’homosexualité est un fait de civilisation bien plus large que l’acte
sexuel ! d’ailleurs dans le document observé, une action consacrée aux
élèves de 6e s’intitule « connaissance de son corps et des
changements liés à la puberté ». on pourrait ajouter « et
ignorance de ce qui arrive à 5 % d’entre vous ». d’ailleurs dans le
volet destiné aux 3e, intitulé « Éducation à la sexualité »,
je relèverai bien évidemment — en contradiction flagrante avec les textes en
vigueur — l’absence de toute mention à l’homosexualité. comme il y a
trente ans, il n’y est question que des « méthodes de contraception »,
du « respect entre garçon et fille et d’autres thématiques tels (sic)
que le viol, l’inceste, la prostitution, les agressions sexuelles, la
maltraitance […] la fille allumeuse, le garçon macho, la barrière des
religions, être parent à 16 ans, etc. » on voit bien que rien,
absolument rien n’est tabou, à part l’homosexualité, bien sûr ; ce
serait du prosélytisme sans doute. la jeune collègue de s.v.t. présente
reconnaît qu’elle n’aborde pas la question d’elle-même, mais seulement
si un élève pose la question. le lendemain, je lui donne copie des textes en
vigueur, et je tâcherai dans les jours qui viennent, de lui démontrer que son
attitude a quelques années de retard, et qu’elle ne rend pas service aux élèves
en terme d’éducation à la sexualité. s’imaginerait-on ne parler des juifs
ou de l’islam que si un élève posait la question ! on évoquera aussi
les fameux « blogs », ces journaux publiés sur internet (depuis 3
mois je fais un blog sans le savoir. !) il paraîtrait que des ados de
notre collège publieraient des commentaires et même des photos des profs dans
ces blogs. horreur ! des ados écrivent ! des ados s’expriment !
plainte sera déposée ! (pour les photos). les parents sont désorientés,
ils ne savent pas quoi faire. eh ! oui, nous sommes la génération
internet. pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, des enfants
en savent plus que leurs parents. croyez-vous que l’on se réjouirait de ce
que ces élèves, à qui leurs professeurs de français enseignent
l’autobiographie en 3e, se mettent à écrire ? non. satan est
là, ils écrivent, mais pas de doux poèmes sur les nuages et les oiseaux. ils
écrivent sur le cannabis, la sexualité, le suicide, que sais-je ? sur la
vie, bref, sur tout ce dont certains parents ne leur parlent pas, ou si
maladroitement ; sur ce dont des profs bizarrement pudibonds n’osent pas
leur parler de peur que des parents réactionnaires nuisent à leur carrière.
censurons, contrôlons, étouffons. vite, vite ! le surmoi, le ça sont en
danger ! des gosses écrivent, nom de dieu ! il me faudra de longues
discussions avec diverses personnes pour dépasser ma réaction viscérale
d’homme blessé, mon indignation. mon ami, et collègue prof d’histoire me
dit notamment que j’ai tort de m’excuser, que je ne dois pas me justifier.
tout au plus affirmer que j’ai été trop ambitieux. pas de prosélytisme,
mais un militantisme nécessaire. j’envisagerai une pétition, puis changerai
d’avis. je recadre mes objectifs : l’essentiel est de revenir au projet
initial, et d’aller au bout pour les élèves. Étendre l’action entamée à
tout le collège. je m’étais laissé détourner par la colère, et parce que
j’avais été touché par l’accusation sous-jacente : avoir troublé,
donc fait du mal à des élèves. j’avais fortement culpabilisé, avant de me
rendre compte qu’aucun élève n’avait été « troublé », bien
entendu, mais simplement étonné, questionné, remis en cause dans ses rapports
avec des parents qui eux-mêmes ont des préjugés. bref, je fais bien mon
travail d’éducateur en phase avec son époque. qu’est-ce qu’un éducateur
qui n’induirait aucun questionnement ?
lors d’une réunion dans les
locaux de via le monde, j’évoque le problème, et je ressors un mail que
m’avait envoyé colette broutin, de l’inspection académique, qui coordonne
ce projet : « j'ai lu votre projet qui me semble tout à fait intéressant
dans ses dimensions ethnologiques et ses mises en perspectives historiques. vous
avez raison d'être prudent dans la mise en œuvre et l'information qui doit être
donnée aux parents. il faut veiller à ce qu'il n'y ait pas d'exploitation
malveillante. quand on aborde les questions relatives à la sexualité, on sait,
par expérience, que c'est l'occasion de toutes les dérives par ceux qui voient
dans l'école et ses maîtres des corrupteurs. » colette broutin confirme
ces propos prémonitoires, et m’autorise à les citer avec son nom dans ces
lignes. elle raconte, au risque de passer pour « ancien combattant »,
les réactions du même acabit qu’eurent à subir les profs qui osèrent
parler de contraception dans les années 70. c’est le risque inhérent à tout
travail précurseur. À moi de mettre de côté mes rancœurs, à moi aussi de
faire l’effort de comprendre la position de mes responsables hiérarchiques
qui, même s’ils avaient eu le courage de soutenir le projet, et bien que je
les eusse clairement prévenus des risques, n’étaient peut-être pas prêts
à assumer les retombées. À moi donc de poursuivre mon travail de militant, à
moi de convaincre avec de bons arguments, et sans agressivité si j’en suis
capable ! cette même semaine, conformément à la citation de hölderlin
donnée plus haut, j’entendrai un autre son de cloche pour le moins inattendu.
un parent d’élève, après avoir échangé au sujet de son enfant, aborde
spontanément le sujet de mon projet, dont il a entendu parler. il me félicite,
m’encourage, ajoute qu’il aurait aimé avoir un prof comme moi. je n’en
reviens pas ! comme je lui fais part de mes difficultés actuelles, il
propose spontanément de me soutenir, d’écrire même. je lui suggérerai
donc, ce que je souhaitais depuis longtemps, de rédiger un « point de vue »
de parent à intégrer à ce journal de bord… et cela me fournirait un sacré
argument pour convaincre ma direction !
soumission ou rebellion ?
la rédaction finale donnée aux 3e sur la machine infernale (je sais, mes séquences sont trop longues,
c’est vraiment un défaut auquel je dois remédier !) porte sur une
« autocritique » d’Œdipe sous forme d’un monologue. le sujet précise :
« il peut s’en prendre à lui-même, exprimer des regrets, ou au
contraire, il se révolte contre la cruauté des dieux. » les résultats,
très positifs en ce qui concerne les capacités d’expression et le respect du
sujet (preuve que la séquence a atteint ses objectifs et que les élèves ont
été intéressés par l’œuvre), sont instructifs aussi sous un angle plus
personnel. peu nombreux sont les élèves qui ont choisi la branche rebelle de
l’alternative. la plupart font geindre le pauvre aveugle. voici un des rares
exemples de révolte : « (il se lève, avec la colère et l’indécence
(comprenez l’indignation) qui le
submergent). infâmes dieux ! abattez la foudre sur moi, tourmentez-moi de
toutes les manières et de tous vos caprices, vous ne me ferez plus de mal. je
ne ressens plus rien, la douleur et la tromperie sont mes atouts à présent. je
vous livrerai une guerre ! […] ayez peur, vous les soi-disant grands !
sentez la colère et la haine qui se logent au plus profond de moi. […] on me
traite de marionnette, mais je suis le maître des rênes ! » lors de
la correction, je vais lire cet extrait, et le « jouer » d’une façon
qui, je crois, marquera les élèves, en pensant à ces gens qui croient que les
« jeunes d’aujourd’hui » sont tous des nuls… surtout quand ils
sont dans le 93. peut-être même commettrai-je le lapsus tout à fait
involontaire de remplacer le mot « dieux » par « profs »…
voici un exemple opposé, mais fort intéressant également. l’élève a été
interpellée par la réflexion sur le complexe d’Œdipe et sur maïté
coiffure : « si seulement je les [mes parents] avais connus tous
les deux, dans une vraie famille, une maison ordinaire, à jouer aux échecs, à
manger en famille, à inviter des amis le dimanche… cela aurait été une vie
de rêve. […] la stabilité d’une vraie famille ne m’aurait jamais permis
de faire ce que j’ai osé faire. »
Évidemment, j’ai une
tendresse particulière pour le texte n°1. ah ! ces élèves rebelles.
difficile de leur dire qu’on les aime ; difficile d’enseigner la rébellion.
que vous soyez parent ou prof, quand vous offrez un lance-pierres à des
enfants, soyez sûr que les premiers carreaux qu’ils casseront, avec leurs
premiers tirs maladroits, seront les vôtres. en tout cas, j’en profiterai
pour faire passer le message que, parfois, la corvée de la correction peut se mâtiner
d’un certain plaisir, en souhaitant qu’il en soit autant pour eux de la corvée
de l’apprentissage de la grammaire et de la conjugaison… une petite citation
tirée de mes lectures, pour finir :
« en instance de
dressage, destinés à être des rouages de la machine sociale, contents de leur
sort, inclus s’ils sont dociles, récompensés s’ils sont serviles, exclus
s’ils sont rebelles, punis s’ils se révoltent et ne jouent pas le jeu, les
lycées subissent le traitement des réprouvés au corps improductif. dispensés
de corps, de chair, de sentiments, d’émotions, d’affections, de pensées
propres, de problèmes personnels, de sensibilités, de subjectivité, ils sont
conviés aux banquets où l’on apprend à singer les adultes, à devenir
esclaves selon les règles. »
michel
onfray, politique du rebelle, traité de résistance
et d’insoumission, livre de poche 1997, p. 89.
jeudi 17 février
2005
deux élèves absentes dans une classe de 3e. il faut s’y reprendre à 4 fois
pour que quelqu’un accepte de lui transmettre les documents et les devoirs
pour après les vacances. au dernier appel, j’ironise : « solidarité pour
l’asie ! » quand une élève enfin s’est désignée, je conclu : « ah ! je
croyais que la solidarité ne fonctionnait que pour les gens qui sont loin ! »
en effet, les couloirs du collège sont ornés d’affiches appelant à la
solidarité pour les peuples d’asie victimes du tsunami, appelant à se
souvenir de l’holocauste ; on apprend ce jour que « le collège »
s’associe à la collecte des restos du cœur, et que les élèves sont appelés
à se mobiliser pour apporter des vivres. journée mondiale contre l’homophobie
? prosélytisme !
«À défaut de justice, le sentiment promu
caritatif s’appuie sur les associations de bénévoles, les sociétés
charitables, les dons sollicités à coups de grands spectacles où le
monde médiatique, se mettant en scène, exacerbant le système, distribue
les émoluments d’une soirée sous le prétexte humaniste de rendre la
misère supportable. et tant qu’une chose paraît supportable, on en
rend difficile, impossible, impensable la suppression. »
michel onfray, politique du rebelle, traité
de résistance et d’insoumission, livre de poche 1997, p.194.
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