une place pour de petites histoires
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vendredi, novembre 28, 2003
je me fous des au revoir, en général... enfin, c'est ce que je raconte.
mais j'ai pas envie de barrer le blog du désinvolte.
mais j'ai pas envie de penser à lundi, parce que lundi angelica sera repartie en roumanie, que lundi sa place sera vacante dans la salle de cours, et que dans le cours laps de temps entre le jour ou elle a débarqué et aujourd'hui, ben une amitié est née, qui semble avoir cru à toute vitesse, comme pressée par le temps.
un jour, quelque part en france ou sur la planète mars, y a au moins deux personnes vivant dans d'étranges pays étrangers avec qui je voudrais bien pouvoir partager une bouteille de bourgogne tranquille...
fuck.
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vincent a posté dans son dernier comment le texte suivant... je résiste pas à le poster ici à mon tour, parce qu'il y a des choses qu'il faut, à mon très humble avis, dire et redire et redire... encore et encore... alors voilà ( et encore merci vincent ;)) :
"ça va mieux en le disant" - courrier des lecteurs du télérama 29.11 / 05.12 p.7
j'ai 36 ans et suis issu d'une famille juive peu pratiquante de tunisie, côtoyant des familles de toutes origines et de confessions diverses. mon judaïsme est mon intimité, mais je n'ai pas l'air de venir de l'europe du nord... dans mes années collège, les enfants et les adolescents qui l'osaient me lançaient le plus souvent des "sale arabe, retourne chez toi". et cela me toucha toujours. pendant mon service militaire, j'étais professeur dans une école de sous-officiers ; un officier supérieur m'annonça que "ma qualité de juif ne permettrait pas d'enseigner aux cadets saoudiens venus en formation". c'était dans le contrat entre france et arabie, dit-il... j'ai pris sur moi. [..."> enfin, il y a peu, à mon travail, dans un service public, à deux reprises, des usagers dont le nom sonne comme le mien m'ont donné du "sale juif", "sale feuj", et y ont associés des coups. "plaintes contre personnes identifiées", sans suite. moralité (si elle existe) : on est toujours le juif ou l'arabe du raciste que l'on croise. que ceux dont le niveau de tolérance varie d'un racisme à l'autre y réfléchissent.
armand zouari (e-mail)
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lundi, novembre 17, 2003
un attentat contre deux synagogues en turquie, une école juive brulée à gagny... et ce soir en allant au boulot je tombe nez à nez avec un graffiti antisémite...
avouez qu'il est quand meme fatiguant, non, l'etre humain, lui, ses flingues, sa haine et sa connerie éternelle....
how many roads must a man walk down
before you call him a man?
yes, 'n' how many seas must a white dove sail
before she sleeps in the sand?
yes, 'n' how many times must the cannon balls fly
before they're forever banned?
the answer, my friend, is blowin' in the wind,
the answer is blowin' in the wind.
how many times must a man look up
before he can see the sky?
yes, 'n' how many ears must one man have
before he can hear people cry?
yes, 'n' how many deaths will it take till he knows
that too many people have died?
the answer, my friend, is blowin' in the wind,
the answer is blowin' in the wind.
how many years can a mountain exist
before it's washed to the sea?
yes, 'n' how many years can some people exist
before they're allowed to be free?
yes, 'n' how many times can a man turn his head,
pretending he just doesn't see?
the answer, my friend, is blowin' in the wind,
the answer is blowin' in the wind.
dylan, bob.
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mardi, novembre 11, 2003
one again, j’écoute neil young…
plus je vieillis, plus je deviens baba cool… à soixante-dix ans, si je vis jusque là , je serai une vieille hippie aux longs cheveux gris et aux yeux soulignés de khôl lol….
je me dis… j’ai fait un bout de chemin depuis mes vingt ans, age auquel on peut dire que j’étais globalement bien dans le caca… beaucoup de choses se sont améliorées, j’ai conquis, entres autres, une certaine sécurité, matérielle autant que psychologique. j’ai réussi à construire certains trucs qu’étaient pas donnés d’avance. ca veut pas dire que tout est réglé, mais est-ce que tout est jamais réglé ? je sais pas…en tout cas il me reste à porter des choses avec lesquelles je me débrouille pas très bien. ces choses à porter ne vont pas s’améliorer demain, faut pas rêver. je ne peux travailler que sur ma façon de les vivre… et puis il me reste la peur superstitieuse qu’une nouvelle tuile… zut, rien que de l’écrire j’ai les foies lol…
parallèlement, un drôle de truc m’arrive depuis quelques temps. ca a du commencer timidement il y a un an environ, et ça s’accentue.
mes envies de bonheur sont des envies légères.
malgré ce qui me reste à régler, qui n’est pas léger.
ouais, des envies de trucs superficiels et légers, comme dirait souchon ;). des envies de fringues, de maquillage lol…des envies de construire une maison, un nid…des choses matérielles et sensuelles, des draps blancs, une table brune, une jolie coupe à gâteau…faire la cuisine pour les potes… du bon vin. une maison de hobbit… des envies de campagne britannique lol. je repense aussi à ma grand-mère, à la sensualité qui émanait de sa maison, au simple bonheur d’exister que disait sa cuisine, son livre de recettes bien calligraphié, ses édredons moelleux.
des envies aussi de me réoccuper de ma petite santé, le moins qu’on puisse dire c’est que j’ai pas été, ces dernières années, surmédicalisée. y a plein de petits trucs à réparer, comme dans une maison inoccupée depuis longtemps. mon corps a été une maison que j’ai peu occupée ;)… envie ( moi !!! lol) de gym ! enfin, pour l’instant, c’est qu’une envie ;))))))….
le bonheur n’est pas un truc compliqué, c’est vrai que ça fait des lustres que plein de gens nous le disent :)…
une fois qu’on a la chance extrême de ne plus être en danger, de ne plus avoir à supporter trop de merdes… une fois qu’on a la chance extrême d’avoir quelques personnes autour qu’on aime et qui vous aiment… des livres dans la bibliothèque et des disques à portée de main…reste… à apprendre à vivre comme on danse.
superficielle et légère… en habitant la vie, sa vie, vraiment.
en osant se dire que cette facilité-là , on y a droit, malgré tout.
qu’on a le droit de rêver à une maison, un jour, dans une quelconque « big country »… avec son homme, des momes, des amis, du bon vin et, par exemple, un vieux tom petty sur la platine.
voilà lol…
j’ai l’impression d’avoir pas réussi à expliquer ce qui me passe par la tête ce soir... tant pis :)…
peut-être est-ce que c’est juste parce que les choses ne sont pas très claires pour moi-même ?
bon j’arrête là ce post, ça devient de plus en plus fumeux :)….
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lundi, novembre 10, 2003
elle rit tout le temps, et croit que toujours, il y a une solution.
il y a tout juste un mois, elle est arrivée de roumanie.
un de ses amis était déjà ici depuis deux mois, avec un visa touriste de trois.
il bossait au noir, pour un autre roumain.
elle pensait apprendre la langue, puis trouver du travail, puis pour les papiers une solution – partir, partir, dieu pourvoira bien aux détails comme… comment survivre en cet ailleurs. mais partir….
ele me dit, là bas tu ne peux pas vivre. un salaire moyen est de 100 euros, et la vie est presque aussi chère qu’ici… c’est juste de la folie, y a pas d’avenir…
l’autre dimanche, le jour du louvre, son visa à lui arrivait à expiration.
le lendemain, son patron lui a demandé de l’aider pour un déménagement.
conduire la camionnette.
il a dit ok.
sur le trajet, contrôle de flics.
permis de conduire roumain. pas de papiers. le poste de police pour la nuit.
elle, elle ne savait pas ce qui s’était passé.
elle l’a attendu toute la nuit.
puis la journée d’après.
elle m’a dit « mes cheveux ont eu tout le temps de blanchir ».
puis le patron l’a appelée, pour lui demander de passer au poste avec le passeport de son ami.
mais le visa était arrivé à expiration depuis quelques jours déjà …
alors aujourd’hui, il est à roissy, en attente d’être réexpédié en roumanie.
elle est allée le voir là -bas.
il lui a dit : si je dois rester en roumanie, si j’ai une interdiction de visa touriste pour un an, ou cinq ans, tu rentres en roumanie n’est-ce pas?
elle a répondu : je n’ai pas fait tout ça, quitté mon boulot là -bas, pour abandonner au bout d’un mois seulement… je ne veux pas retourner là -bas, je ne veux pas retourner là -bas…
il a dit comment tu vas faire, tu n’as pas de travail, tu es seule et ne parles pas la langue…
elle a dit je crois qu’il y a toujours une solution.
voilà .
il lui reste exactement cent trente euros en poche.
elle dit « il y a toujours une solution, la seule chose c’est que je ne sais pas laquelle ».
moi non plus.
je vais l’inviter à la maison samedi parce que c’est quelqu’un que j’aime bien, même si on peut pas dire que je la connaisse beaucoup…
mais c’est pas une invitation à une soirée qui va faire avancer le shmilblick.
si vous avez vos entrées au ciel, des potes parmi les anges, voire même quelques accointances moins avouables du coté de ces forces qui, éternellement veulent le mal, et éternellement, font le bien, comme dirait ce vieil opiomane de boulgakof… ne vous gênez surtout pas.
et si vous avez seulement une idée, vous avez mon mail…
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mardi, novembre 04, 2003
aujour'hui, on a accueilli une dame, djemila, qui a été répudiée deux fois parce qu'elle ne pouvait pas avoir d'enfants.
finalement, dans je ne sais quelles circonstances, elle s'est mariée une troisème fois avec un vieux monsieur, qu'elle a soigné ces douze dernières années - il avait des problèmes d'ordre psy, je ne sais pas lesquels.
puis il est mort.
il avait deux fils d'un premier mariage.
aujourd'hui, ces derniers veulent la virer de sa maison, au pretexte que son mari ne l'avait pas mise à son nom à elle...
ils la harcèlent tous les jours, menaces, cris, insultes etc.
elle dit "je vais me retrouver dans la rue?"
elle n'a jamais bossé,pas eu le droit, n'a pas de revenus à elle, plus de famille, ne sait ni lire ni écrire et peu parler le français.
elle est venue poussée par une autre dame, qui lui a dit que venir au cours lui changerait les idées, qu'elle pourrait apprendre un peu à parler à lire et à écrire, et rigoler et parler avec les copines.
on lui a pris rendez-vous avec une assoc d'aide aux femmes berbères, puis on a regardé une vidéo de fle pour l'oral.
elle a souri un peu.
puis on a parlé, toutes ensembles.
a un moment, djamila a expliqué qu'elle avait déjà essayé de suivre des cours mais ne retenait rien, parce qu'elle avait la tete trop pleine de problèmes.
j'ai dit "oui, quand on a des soucis..."
l'une d'elles a traduit le mot "soucis". elles m'ont demandé de répéter, ont répété après moi.
"quand on a des soucis..."
"ah... "on a " c'est accroché quand on parle... ça fait "on-na"..."
puis elles m'ont demandé de leur écrire à chacune ce début de phrase sur leur cahier: "quand on a des soucis..."
ce sont les seuls mots, a part la date, qu'on a écrit aujourd'hui.
mardi 4 novembre 2003
"quand on a des soucis..."
puis, quelques heures après, j'ai reçu une autre dame venant aussi pour les cours, louiza.
louiza m'a raconté qu'elle avait vécu pendant vingt ans avec un mari qui l'enfermait à clef quand il partait le matin, la tabassait, lui a quand meme fait des enfants, deux je crois, puis finalement a trouvé une autre femme, alors il a renvoyé louiza en algérie et là -bas a divorcé.
elle n'avait pas de papiers français en règle, pas de boulot, pas de famille suceptible de l'aider non plus, ne parlait pas français ou très peu et avait été peu scolarisée en algérie.
ca a été une bataille de plusieurs années pour retrouver ses enfants.
dans ce temps, sa famille à lui a trouvé le moyen de venir la tabasser à leur tour, pour faire bonne mesure.
elle a des cicatrices qui se voient sur les mains et les avants bras.
mais ici, elle a bossé, elle a pris des cours - aujourd'hui elle sait lire, meme si elle n'arrive pas encore vraiment à écrire.
elle m'a dit " quand tu as trop de choses dans la tete, tu oublies au fur et à mesure que tu apprends... moi mantenant j'ai des trous dans la tete."
voilà .
moi ce soir j'écoute un vieux neil young, je clope et je vous raconte tout ça.
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dimanche, novembre 02, 2003
je suis crevée, j’ai mal aux pieds et je suis trempée de la tête aux pieds.
mais c’était une putain de chouette journée.
on a été au louvre avec les élèves, aujourd’hui.
on était une petite dizaine.
il y avait anjelica la roumaine, ahmed, emad et abdallah les egyptiens, sandra la vénézuélienne, vera la croate qui est mal en point mais a voulu venir quand même, paolo le brésilien.
ils ont eu des étoiles dans les yeux dès l’arrivée dans le carrousel – je savais pas que c’était si chouette, le carrousel lol…
on a fait une photo de groupe comme des vrais touristes sous la pyramide – aaaaaaaah ? on est sous la pyramide ? celle des photos ?
on a vu les antiquités égyptiennes, et les egyptiens expliquaient aux autres avec des airs de propriétaires.
sandra et anjelica disaient sans cesse « waouh… c’est magnifique, l’art egyptien » paolo disait « c’est si ancien… au brésil tout est jeune… »
les egyptiens opinaient, rayonnants.
paolo a trouvé la momie … euh… un peu terrifiante. anjelica l’a vanné pendant le quart d’heure qui a suivi.
puis on a été voir les objets d’arts, paolo était tellement joyeux qu’il a voulu danser dans une des pièces louis xv reconstituées.
la sonnette d’alarme s’est déclenchée, mais les gardiens ont été adorables, à demander à un paolo tout gêné de quel pays il venait…
l’un des gardiens a dit que lui était algérien. paolo a dit : « ah, comme zidane » puis ils ont parlé de foot devant un secrétaire du xvième.
puis il a fallu partir, les portes du louvre se refermaient… ils ont dit que le mois prochain, fallait revenir.
pour voir le reste, tout le reste.
paolo a dit plusieurs fois « je n’ai jamais rien vu de pareil de toute ma vie ».
après on est sortis… mais ils ne voulaient pas rentrer tout de suite. alors au lieu de prendre le métro, on s’est promenés dans la place carrée, sous la pluie… il y avait du mozart qui s’échappait d’on ne sait où… ils ont dit : « c’est la fantôme du louvre, le fantôme triste d’un musicien, brrrrr…. » et ça a été dix minutes à écouter le fantôme du louvre, sous la pluie, dans la nuit…dix minutes à offrir son visage à la pluie, à la musique…
puis ils ne voulaient pas encore rentrer, alors on a été jusqu’à châtelet à pieds, dans le froid, sous la pluie…ils ont goûté leurs premiers marrons chauds parisiens. on a pris des photos, sous la pluie, sur le pont neuf. paolo s’est mis à marcher, sous la pluie, le visage tourné vers le ciel, les bras largement écartés, criant : merveilleux, merveilleux ! …
on a vu un bateau illuminé passer.
on s’est arrêtés pour regarder.
ils ont fait « waouh !!!! »
mes yeux se sont décillés.
j’ai vu la merveille.
anjelica a manqué être emportée par le vent qui jouait avec son parapluie.
sandra a dit : voilà mary poppins qui danse sur les quais de paris…
puis ont est arrivés à châtelet.
fallait se séparer.
paolo m’a dit : « je suis enchanté, enchanté.. . c’était un merveilleux dimanche… j’ai visité paris avec le professeur et mes amis de la classe… » il a rit.
les autres ont dit merci comme si j’étais personnellement propriétaire du louvre, des quais de paris, des bateaux mouches, et même peut être des lumières de la ville jouant avec la pluie.
je suis crevée, j’ai des courbatures – oui, je suis une petite nature- je crois bien que j’ai chopé la crève.
mais c’était une putain de belle journée… et je prie pour que paris leur soit toujours aussi doux, à mes étranges étrangers.
parce que tant d’amour et de capacité d’émerveillement mérite bien son retour….
surtout que pour tout le reste, les papiers, le boulot, la santé, l’hébergement, je vous raconterais pas ce qu’ils vivent… vous pouvez l’imaginer, je pense.
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samedi, novembre 01, 2003
il y a des moments de grâce, dans la vie.
des moments ou tout étincelle, des moments ou la musique devient porte sur autre chose, des moments ou la vie est si nettement un mystère… mais ou subitement quelque chose en nous comprend le mystère – non, des moments ou ce n’est même plus la peine de comprendre… juste laisser son âme suivre la musique, être la musique, juste se laisser couler dans la lumière…
la peau vibre de plaisir, le monde est un – et il est en nous, et nous nous fondons en lui, et il n’y a plus de frontières…
qu’importe les petits détails de nos vies dans ces moments là … puisque vivre est une magie, puisque vivre est une danse…
on ne peut pas contrôler ces moments.
je ne sais pas pourquoi par moment cela vient, ni pourquoi cela s’en va.
c'est un drole de truc...
quand j’ai perdu la porte depuis trop longtemps, je perds mon sourire, je me sens sèche et lasse, exilée de je ne sais où.
puis un jour, un soir, une nuit, ça revient.
sans prévenir.
peut-être est-ce qu’il y a des gens qui habitent le monde de cette manière en permanence, jour après jour, nuit après nuit.
je les envie….
mais peut-être est-ce que vivre en ce monde, c’est cela – parfois connaître la grâce, et parfois la perdre, et la chercher en aveugle... sans cartes et sans boussole.
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c’est l’histoire d’un petit garçon qui s’appelait sunil.
sunil vivait très très loin d’ici, dans un pays de l’autre côté de la terre –ou presque.
sunil, franchement, il n'avait pas de chance, non… vraiment il avait des malheurs à n’en pas finir, ce môme.
ca arrive.
de l’autre côté de la terre comme ici, ici comme de l’autre côté de la terre.
c’est la vie.
donc, rien n’allait, pour sunil.
vous savez, parfois, dans la vie, c’est comme si on ratait une marche, et puis alors on dégringole tout l’escalier.
dans la famille de sunil, la marche ratée, ça avait été la mort de son père.
c’était une grosse marche, vous me direz.
c’est sûr.
en tout cas après sa mère est tombée malade, et bientôt ils furent très pauvres, personne pour ramener à manger à la maison, tout le monde qui était faible et mal habillé.
comme il ne mangeait pas assez et n’avait pas d’argent pour les vêtements, sunil était le gosse le plus mal habillé du village, que des guenilles sales, et puis il était maigre à faire peur, et puis il avait de drôles de croûtes sur la peau, et son œil droit qui coulait du jaune.
alors vous voyez, à l’école, ça n'allait pas fort pour lui.
trop laid, il était.
eh oui, là -bas aussi c’était important, à l’école, ce genre de choses. la bêtise a depuis longtemps fait le tour de la terre…bref.
alors le maître il pensait que c'était sans espoir, et le laissait croupir dans son coin.
alors tous les jours, sur le chemin du retour, il y avait quatre cinq grands qui lui tombaient dessus. quatre cinq grands imbéciles, vous voyez le genre j’en suis sure, y en a partout.
ils lui tombaient dessus en riant, eux et leurs beaux vêtements, eux et leurs muscles luisants qui attiraient les filles, eux et leur certitude d’être importants sur la face de cette terre…
ils lui tombaient dessus: « eh sunil ils acceptent les mendiants maintenant à l’école, oui ils acceptent vraiment n’importe qui, non n’importe quoi hahaha, eh sunil tu pues, eh sunil faut pas jeûner comme ça, eh il répond pas non c’est normal il comprend pas ils acceptent les demeurés maintenant à l’école… »
puis c’était la première bourrade (« eh sunil tu nous réponds quand on te parle ») puis la seconde, puis les coups…
ils aimaient ça, les grands imbéciles, oh oui ils aimaient ça, oui il y a des gens qui aiment ça, ici comme de l’autre côté …
et sunil il se recroquevillait, plus que la peur et le chagrin, même pas de colère, non pas de haine, il se sentait trop faible pour ça, alors il se recroquevillait et attendait que ça passe, lui pauvre larve, lui pauvre rien, chiure de mouche, fiente de rat, chancre sur la face de l’univers…
il attendait que les puissants de l’école se lassent.
puis, il ramassait ses affaires sans rien dire, même pas une larme, résigné, et il rentrait chez lui, où l’attendait… rien.
rien sauf la faim.
un soir, il en a eu marre.
franchement marre.
ca arrive.
alors avant de se coucher, il a prié.
il a prié ganesh, parce que c’est le dieu des enfants là -bas.
il lui a dit en gros : « ganesh j’en peux plus, j’en peux plus… vous comprenez ? j’en peux plus. je ne vous ai jamais rien demandé, j’ai jamais rien demandé à personne… mais là j’en peux plus… alors… s’il vous plaît… les enfants c’est votre rayon… et moi je suis un enfant, non ? alors s’il vous plaît… s’il vous plaît, aidez-moi… »
et là il a pleuré, pour la première fois depuis qu’il était bébé.
et il s’est endormi, le visage humide encore.
le lendemain, au bas de son lit, il y avait un coffre.
un coffre surgi de nulle part.
eh oui, ça arrive…
vous ne me croyez pas ?
pourtant si, ça arrive, ici comme partout sur la surface de la terre…
alors sunil a regardé ce coffre surgi de nulle part.
il a regardé ce coffre, et il s’est dit que ça devait venir de ganesh.
ca ne pouvait pas être autre chose.
alors il s’est approché.
doucement.
et il a ouvert ce coffre.
et…
dans ce coffre…
il y avait…
il y avait une armure.
etincelante et légère.
une armure comme un souffle de métal, cliquetis d’airain, mailles souples, chatoiement de l’eau claire sur la peau…
légère, si légère… et si douce sur la peau… un souffle, une promesse, un chant… rien d’aussi pur sur cette terre…
mais rien d’aussi solide.
tremblant, pleurant, sunil mit l’armure.
elle était faite pour lui.
il sourit.
il entendit, tout au creux de son âme, un chant résonner… cliquetis d’armes anciennes… cornes appelant à la bataille… hauts faits de héros depuis longtemps tombés en poussière…
sunil se leva, comme il ne s’était pas levé depuis si longtemps.
debout.
il était debout.
vraiment debout.
il alla à l’école.
sur le chemin du retour, confiant, il attendit.
cliquetis cristallins.
cornes appelant.
compagnons d’armes invisibles, compagnons, riant.
lumière sur sa peau.
lumière dans son âme.
quatre cinq imbéciles arrivèrent, le mépris aux lèvres, bavant du désir de la mise à terre…
pureté du cliquetis des armes.
sourire.
chant d’invisibles compagnons d’armes.
chants d’outre-temps.
courage.
sunil attendait.
le guerrier à l’armure de lumière et de vent ne se recroquevilla point.
oh non, il ne se recroquevillerait plus jamais.
debout.
le premier choc le laissa debout.
alors, il sut.
il sut que plus jamais, grâce au présent divin, il ne se laisserait mettre à terre.
il rit.
les quatre cinq imbéciles ne comprirent rien, car en général les imbéciles ne comprennent pas grand chose…
ils comprirent encore moins lorsque sunil répliqua.
courage flamboyant.
un coup et puis l’autre, peu de force mais …
un courage d’outre-temps.
ils fuirent, les quatre cinq imbéciles.
ce jour là , quand sunil ramassa ses affaires, il souriait.
ce soir-là , il s’endormit heureux.
heureux, et fier.
la nuit passa comme un souffle.
le lendemain, en se réveillant, il vit…
dans le coffre, cette fois-ci…
il y avait…
une amulette.
un bout de parchemin attaché à une cordelette en cuir.
sur le parchemin, était écrit: "les paroles de celui qui me portera au creux du cou s'envoleront tout au fond de l'âme des hommes, car je suis l'eloquence".
sunil prit l'amulette, et la dissimula sous sa pauvre chemise.
sur le chemin de l'école, des mots se pressaient à ses lèvres.
toutes ses pensées, toutes ses idées, et dieu sait si, dans sa solitude, il avait eu le temps de réfléchir, se pressaient au seuil de ses lèvres.
il s'assit comme d'habitude tout au fond de la classe.
le maître posa une première question, sans l'ombre d'un regard en la direction de sunil.
de très loin, lame de fond, vint la réponse sur les lèvres de l’enfant.
le maître le regarda, étonné.
la réponse était non seulement juste, mais les mots de sunil étaient si…vivants…
une seconde question.
une seconde réponse.
un éclair.
des mots fins, assurés, épée tranchant l’obscurité.
une troisième question, plus compliquée… très compliquée, trop compliquée pour le reste de la classe.
et la réponse vint, légère et profonde, complète et claire, plus claire peut être même que les mots du maître.
alors, celui-ci hocha la tête : « sunil, sunil, acceptes mes excuses. je t’ai mal jugé, c’est une grande faute pour un maître d’école. c’est fini, maintenant, petit… je te promets. »
sunil connut le bonheur d’avoir été entendu – pour la première fois de sa vie.
ce soir là , il s’endormit heureux, heureux et fier.
la nuit passa comme un souffle.
le lendemain, lorsqu’il s’éveilla, son premier regard fut pour le coffre.
celui-ci, comme la veille, était ouvert…
et dans le coffre, il y avait…
un grimoire.
un très vieux grimoire.
sur sa couverture, on pouvait lire en lettres dorées à l'or fin : "manuel de magie pratique à l'usage des cultivateurs de terres incultivables".
sunil ouvrit le grimoire.
en lettres dorées à l'or fin, il lut comment cultiver n'importe quelle terre, comment, à l'aide d'incantations et de magie, féconder n'importe quel champ.
le plus important était la régularité dans les sortilèges, et la force de l'amour porté à la terre.
tous les jours, tous les jours, travailler la terre en récitant ces mots magiques, inlassablement.
tous les jours, aimer la terre, et croire en elle.
alors sunil se mit au travail.
le "champ" n'était qu'un amas de rocaille, un désert de pierre, un cauchemar aride.
mais sunil avait confiance en ganesh.
il commença: réciter les mots, repousser les pierres, et les pierres dessous les pierres, et les pierres dessous les pierres, réciter les mots, et la sueur qui tombe comme une pluie salée sur la terre, et le sang qui s'écoule des doigts écorchés comme une pluie écarlate sur la terre, encore et encore…
aimer cette terre, que nul n'aima jamais auparavant.
l'aimer, même si…
et la sueur, et le sang…
réciter les mots magiques.
jour après jour, semaine après semaine, mois après mois.
puis enfin pouvoir labourer – et la sueur, et le sang, et, parfois, les larmes –mais continuer, jour après jour, semaine après semaine…
puis, enfin, le cœur battant, semer les graines – oh ganesh ne nous abandonne pas!
la récolte vint.
oui elle vint.
un peu maigre, certes… mais c'était une récolte.
du riz pour manger.
du riz pour sa mère.
du riz pour ses frères et sœurs.
du riz pour avoir un lendemain.
et il y eut un lendemain.
et il y eut d'autres récoltes.
et sunil put vendre un peu du fruit de cette terre, sur qui personne n'aurait parié quoique ce soit.
et sa famille put manger- de la viande, même, parfois.
et sa mère, un jour, se leva de son lit: « sunil, tu dois travailler pour l'école. laisse-moi donc m'occuper un peu de ce champ… »
sunil était un jeune homme à présent… un jeune homme avec un lendemain… un jeune homme avec un présent.
très loin en arrière, il y avait un cauchemar – mais l'aube éclaboussait l'horizon.
il n'avait pas oublié le coffre de ganesh – même s'il avait à présent disparu.
un jour, il demanda à sa mère: « tu te souviens de ce coffre, tu sais, celui qu'il y avait près de ma natte, on n'en a jamais parlé mais… »
sa mère rit : « quel coffre, sunil ? tu sais bien qu'on n'avait même pas de quoi manger, alors avoir un coffre… il n'y a jamais eu de coffre. »
sunil ne répondit pas.
mais l'obscurité rampa dans son âme: pas de coffre? pas de coffre? c'est à dire… pas d'armure enchantée? pas d'amulette magique? pas de grimoire? pas de… rien? j'ai prié ganesh, et ganesh m'a envoyé… une illusion? une illusion? ganesh… s'est moqué de moi, qui n'était qu'un enfant? un enfant qui le priait, le priait… et il m'a envoyé, pour toute réponse… un rêve? un mensonge?
un mensonge ?
sunil courut hors de la maison.
il courut hors du village.
il courut, courut et courut encore, un cauchemar à ses trousses.
puis, hors d'haleine, il s'écroula, le visage dans la poussière de la route.
un mensonge, riait le cauchemar…
un mensonge, susurrait la mort, enserrant l'âme de sunil de ses doigts gourds.
un mensonge…
la foi, une foi de gosse, infinie, et pour toute réponse, pour toute récompense… un mensonge…
sunil avait cru qu’il n’était plus seul, que quelqu’un veillait sur lui, qu’un dieu veillait sur lui… mais non, il était seul. toujours. et tout était mensonge.
« un problème, jeune homme? » demanda une voix.
sunil souleva un peu la tête.
il vit deux pieds nus.
« un problème? » sourit la voix.
sunil se releva à moitié.
devant lui, se tenait un vieil homme, les reins ceints d'un pagne qui avait connu des jours meilleurs.
suivez moi donc, je n'ai qu'une modeste demeure, mais il y a du thé au beurre qui attend que vienne un invité pour être bu. allez, suivez-moi donc, mon thé déteste qu'on le fasse attendre – c'est un thé susceptible.
le cauchemar desserra un peu son éreinte.
sunil se leva et suivit le vieil homme.
la demeure de ce dernier n’était qu’une modeste hutte, mais le thé y était bon – et chaud.
le vieil homme laissa sunil boire, puis il lui dit : « peux-tu, jeune, homme, m’expliquer à moi qui ne suis qu’un vieil illettré, ce que c’est qu’un mensonge ?
sunil resta un moment silencieux, puis répondit, la voix tremblante, les yeux baissés :
- bien… quelque chose qui n’est pas réel. on croit, mais ce n’est qu’une illusion. une… une trahison.
- eh éh… alors tu crois savoir ce qu’est une illusion, ce qu’est le réel ? et bien moi je crois que tu te trompes, fils. mmmm… il me semble… il me semble que tu as demandé de l’aide, un jour il y a longtemps… et qu’il te fut donné quelque chose en réponse à tes prières, fils. une armure enchantée t’as appris… le courage et le goût de la lutte. une amulette t’as offert… la confiance en tes propres mots. un vieux grimoire t’as appris la force de l’amour, et du travail… tous trois t’ont donné… la foi en tes propres actions, en tes luttes et en tes rêves. alors oui, ton armure était de vent et de lumière, ton amulette tissée de tes rêves, et le grimoire … eh bien, un classique grimoire magique, de ceux qui disparaissent une fois l’aube revenue dans la vie des hommes. mais ça a marché, non, je crois ? mmmmm ? laisse moi te donner une dernière chose, fils… ce sera mon dernier cadeau, ne l’oublies pas… le vent, comme la lumière, comme le courage, comme la foi, comme les rêves, comme l’amour, comme la magie, sont impalpables et souvent invisibles. ce n’est pas pour autant qu’ils ne sont pas réels… et leur pouvoir, fils… leur pouvoir… est supérieur même au mien. »
sunil alors releva les yeux. devant lui se tenait un petit être rondouillard, à la tête d’éléphant, qui lui fit un clin d’oeil juste avant de disparaître.
alors, sunil se releva, un large sourire fendant son visage.
la vie se déroulait devant lui, pleine de promesses… dans son cœur, existait la magie du monde… la magie du monde, qui n'était pas un mensonge.
ca arrive.
au bout du monde… comme à deux pas de chez vous.
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