stalker - dissection du cadavre de la littérature : archives

stalker - dissection du cadavre de la littérature : archives stalker - dissection du cadavre de la littérature stalker est un blog érudit et polémique consacré à la littérature, à la critique littéraire, à la philosophie et à la politique. bien-pensants s'abstenir, ce blog peut nuire à votre santé. 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À découvrir aurora éditions de l'éclat éditions j. millon éditions l'âge d'homme éditions sulliver éditions underbahn éditions xenia encyclopédie de l'agora le roseau d'or nostalghia revues aurora contrelittérature égards jibrile le nouvel attila les provinciales liberté politique libres nunc polaire refonder l'école signez la pétition « 2006-01 | page d'accueil | 2006-03 » 27/02/2006 la traversée du trou noir, par alain santacreu alain santacreu, directeur de l'excellente revue qu'est contrelittérature (dont le dernier numéro vient de paraître, superbe), m'a autorisé à reproduire le texte critique (paru dans la seizième livraison de sa revue) qu'il a consacré à mon deuxième essai. les liens que j'ai ajoutés au texte d'alain sont bien évidemment de ma seule responsabilité. après les critiques d'une axelle felgine ou d'un dominique autié, il me semble que celle d'alain santacreu est remarquable en ce sens qu'elle pointe une dimension peu commentée de mon essai : sa volonté de mettre en branle une espèce d'herméneutique qui ne serait pas totalement déconnectée de la réalité et renverrait le démon de la théorie brocardé par antoine compagnon dans quelque thébaïde afin d'y tourmenter l'étique saint genette. en d'autres mots, j'ai tenté de faire de la réunion en apparence stochastique des textes composant mon essai un modus operandi qui, je l'espère, aura quelque influence souterraine sur ma propre vie, sur celle, donc, de mon lecteur. faute inavouable ? orgueil démesuré ? oui. et j'ajoute, afin de me condamner définitivement aux yeux des professeurs, que ce livre est nocif pour un lecteur qui ne serait point quelque peu préparé, voir immunisé : contre quoi ? contre la facilité de toutes les grilles de lecture, ces tamis faussement fins des pensées percluses. nocif encore non tant comme le livre démoniaque imaginé par arnaud bordes parce que mon essai distillerait quelque ferment de corruption mais parce qu'il prétend faire vaciller les vieilles habitudes de lecture et celles, sans doute bien plus sclérosées encore, de la critique, cette salle de dissection où genette, encore lui, coupe en fines tranches le corps en putréfaction de la littérature française. d'ailleurs, je publierai dans quelques jours, dès mon retour à paris, un article sur deux livres (signés d'olivier larizza et de william marx) qui de la santé de cette critique littéraire donnent une image... difficile à interpréter. voici, pour l'heure, l'article d'alain santacreu. il est important de surprendre l’angle sous lequel juan asensio voudrait que l’on considérât son livre et pour cela on commencera par lire son «avant-propos». que faut-il entendre par ce titre : la littérature à contre-nuit ? il y a là toute la méthode de son herméneutique : lire comme on grave, selon la technique baroque dite «à contre-nuit». le lecteur éclairé, le critique authentique, sera donc graveur à la «manière noire», autre nom de ce procédé qui consiste à noircir entièrement une plaque de cuivre avant de la graver : «j’avance péniblement dans l’extraordinaire complexité des œuvres que j’évoque, grattant patiemment, à mon tour, le noir de la plaque de cuivre pour en faire apparaître quelques traits», dira l’auteur, évoquant cette métaphore de la littérature à contre-nuit (24; les chiffres entre parenthèses renvoient aux pages de l’ouvrage). cette pratique de la lecture métaphorise un procédé contraire à celui de la gravure traditionnelle. dans cette dernière, la pointe opère à la façon du crayon noir sur le papier blanc tandis que, dans la «manière noire», le grattoir produit l’effet d’un crayon blanc sur du papier noir. en filant la métaphore, on pourrait donc considérer l’ouvrage de juan asensio comme une plaque de cuivre que le critique-graveur aurait d’abord fendillée jusqu’à obtenir le noir le plus noir, pour approcher ensuite – en relissant au grattoir les lamelles métalliques – le blanc absolu. les trois chapitres du livre correspondraient ainsi aux stations opératoires d’une herméneutique existentielle. le premier chapitre contient un article remarquable, l’état de la parole depuis joseph de maistre, écrit initialement pour le dossier h de philippe barthelet (joseph de maistre, l’Âge d’homme, 2005). asensio y décèle une analogie entre l’incipit des soirées et celui d’au cœur des ténèbres, le roman de joseph conrad : «À vrai dire, malgré le fait qu’elle n’a jamais été, à ma connaissance, relevée, je n’insisterai pas sur l’évidente similarité des ouvertures qui unit ces deux œuvres, au cœur des ténèbres et les soirées : dans l’une comme dans l’autre, un narrateur décrit le paysage fluvial qui sert de décor crépusculaire à une conversation entre amis» (66). il existe une très ancienne tradition mystique selon laquelle le nom de dieu n’est transmissible que sur l’eau; mais il y a aussi les fleuves infernaux où se donne le mot de passe des maudits. il y a une qualité de l’eau qui fait que la néva des soirées est d’une nature différente que la tamise d’au cœur des ténèbres – et de quelle nature aussi l’eau de la seine dans laquelle se suicida paul celan ? on pourrait donc ne pas être totalement convaincu par ces «troublantes similitudes» et considérer que le dieu du fleuve qui ouvre les soirées n’est pas celui qui mène au cœur des ténèbres. ainsi, les premiers mots des soirées – «au mois de juillet 1809, à la fin d’une journée des plus chaudes, je remontais la néva dans une chaloupe [...]» – indiquent la «remontée du courant» des eaux maistriennes vers leur propre source célestielle. Évidemment, le fleuve africain serpentéiforme que marlowe «remonte», à la recherche de kurtz, dans au coeur des ténèbres, est d’une autre eau et l’on pourrait l’assimiler à l’achéron. en réalité, cette mise en relation de l’œuvre maistrienne avec joseph conrad tient plus, selon nous, au secret intime du critique, aux plissements internes de ses lectures, qu’à une correspondance réelle, véritablement analogique. il y a chez juan asensio une «exaltation» de la lecture au sens où l’entendait charles du bos. d’ailleurs, l’auteur lui-même, peut-être pour masquer le fondement subjectif de sa propre analyse, dira malicieusement s’être laissé guider par le «flambeau de l’analogie» soutenu par l’auteur des soirées. cependant, toutes les correspondances entre les choses ne sont pas analogiques, seul le symbole, étant indéfectiblement relié au principe, ne peut être «contaminé». or, asensio semble interpréter le symbole comme une simple figure de style et ne pas percevoir cette dimension solaire du langage qui outrepasse la saisie démoniaque : le diabole ne peut comprendre le symbole. que le mal ne puisse être dit symboliquement ne lui confère pas plus de réalité car c’est la marque de son propre néant : le contraire de la littérature c’est précisément ce que seul le symbole peut dire. nous avons par ailleurs (in joseph de maistre «en réserve» de la contrelittérature, dossier h, op. cit., pp. 847-852), en paraphrasant le célèbre explicit des considérations sur la france de joseph de maistre, essayé de circonscrire les notions de «littérature contraire» et de «contraire de la littérature» – cette dernière étant ce que nous appelons la contrelittérature. la «littérature contraire» n’est que la mise en demeure du mal. giovanni papini a pu dire que le diable était surtout «l’ennemi des athées», puisque ceux-ci ne peuvent pas commettre le mal volontairement. cette fine remarque est sans doute le schibboleth de la littérature moderne, si l’on veut bien admettre que l’«esprit philosophique» substitua la littérature au catholicisme pour imposer sa propre autorité. le démoniaque s’est alors empressé de procéder à la courbure de l’espace littéraire, faisant de la littérature un trou noir, pour reprendre la métaphore obsédante d’asensio : «les oeuvres modernes qui, à mes yeux, explorent le mal avec le plus de conséquence évoquent puissamment l’image du trou noir, cet astre exotique qui existe en se consumant sans cesse, qui rayonne de la matière même qu’il engloutit comme un ogre» (177). on sait que les trous noirs stellaires sont considérés comme le stade ultime d’une étoile massive qui, sous l’action de la gravité, s’effondre sur elle-même. dans la littérature, l’attraction exercée par le mal tient le rôle de la force gravitationnelle. cette prégnance du démoniaque, asensio la retrouvrera non seulement chez des auteurs comme joseph de maistre et joseph conrad, mais aussi george steiner, ernesto sabato, georg trakl, georges bernanos, paul gadenne ou encore ernest hello. le second chapitre du livre sera ainsi consacré aux «deux figures hantées» d’ernesto sabato et georg trakl, l’affrontement au mal est toujours une imitation du christ – «la figure la plus purement opposée aux forces de la nuit : le christ», déclarera juan asensio (199) – mais les auteurs de la «littérature contraire» ne vont pas jusqu’à la christogénèse : «sabato, comme l’écrivain sceptique et blasé du cinéaste [tarkovski], n’a pu ou voulu ouvrir la lourde porte qui ferme la chambre où rit comme un enfant le miracle» (138). l’œuvre noire n’est donc pas l’œuvre au noir alchimique, elle n’est pas ouverture à l’œuvre de la parole, celle de «celui qui se nomme parole» – comme en parle maistre dans ses soirées – celui qui a absolument tort par rapport au monde puisque, selon les mots transparents de pierre boutang, il est «l’absolu négation de paraître». aussi asensio peut-il nous avertir que «nous aurions tort de prétendre que la poésie de trakl nous promet un quelconque éblouissement final, une remontée après la descente aux enfers» (176). tout se passe comme si la traversée du trou noir de la «littérature contraire» était un tunnel éternel, une descente infinie. la «zone» de la traversée sera alors idéalisée en tant que littérature : «la littérature est la zone, dimension qui n’obéit pas aux règles banales de la logique, comme l’Écrivain du cinéaste russe se plaît à le rappeler, ni même à celles, certes moins rigoureuses, de la morale : nous sommes ici dans l’espace libre du miracle, dans le temps alleu de la grâce (136)». la «littérature contraire» retrouve l’absolu littéraire du romantisme. max milner et claude pichois avaient déjà souligné que le romantisme naissait avec les confessions de rousseau : la littérature du moi est le triomphe du verbeux sur le verbe. même si le démoniaque ouvre le champ de la «littérature contraire», le «contraire de la littérature», c’est la mystique. l’extase des ténèbres ne doit pas être confondue avec l’expérience des gouffres, asensio en convient lui-même : «la nuit obscure des mystiques, pour ardue qu’elle soit, n’a strictement rien de comparable avec le phénomène auquel je me réfère, c’est-à-dire : la certitude, non seulement que dieu est absent, mais plus encore qu’il est oublié, l’évidence qu’il est inutile» (103). bernanos dit quelque part n’avoir «fait de la littérature» que parce qu’il était un raté mystique. la «littérature contraire» survient de ce ratage mystique qui ouvre la faille par où s’insinue le démoniaque. seuls, peut-être, bernanos et hello, grâce à la prière, ont traversé le trou noir et renversé les «lumières» – en cela, au même titre que maistre, ils se sont acheminés vers le «contraire de la littérature». dans le texte qu’il consacre à l’invitation chez les stirl, asensio s’interroge : «comment expliquer cette impossibilité de dire dieu ?» (p.129) la réponse coule de source : «il n’y a qu’un chemin et c’est l’oraison. si on vous en indique un autre, on vous trompe», comme le déclare la mère du carmel dans son chemin de perfection. il n’y a qu’un chemin et la littérature nous trompe. il nous faut donc traverser le trou noir. après avoir théorisé l’existence des trous noirs, einstein et nathan rosen, un autre physicien, suggérèrent que le puits gravitationnel de certains d’entre eux pouvaient s’ouvrir sur un autre puits symétrique appelé par opposition «fontaine blanche». le trou noir déboucherait dans la fontaine blanche qui est la vision face à face : il n’y a pas d’autre chemin vers le ciel que de s’y plonger. le roman monsieur ouine de bernanos apparaît comme l’œuvre paradigmatique de la littérature considérée comme un trou noir : «le roman de l’entrée de l’occident dans une sphère désorbitée de tout secours divin, où le désespoir même est réduit à une inconsistance verbeuse et ennuyée, au vide du ressassement dont parlait blanchot» (114). dans son dernier roman bernanos opère la kénose de la littérature. monsieur ouine est le roman qui permet de traverser le trou noir de la littérature par l’acte auto-sacrificiel de la littérature même. dans les autres romans de bernanos, nous rencontrons une spiritualité de la «réparation». le saint bernanosien – tel le curé d’ambricourt du journal d’un curé de campagne – «prend la place» de son prochain et, par compassion, intercède pour lui. cette substitution mystique de l’expiation s’établit à partir d’un renoncement à soi-même – le moi étant le «shatan», l’adversaire, celui qui s’accroche et s’ente sur l’être. avec monsieur ouine, on assiste à la translation de la sainteté rédemptrice au roman lui-même qui, se niant en tant que littérature, ouvre la perspective du «contraire de la littérature». ainsi l’ouvrage de juan asensio débouche, à travers le «suicide littéraire» de monsieur ouine, sur l’œuvre d’ernest hello qui réalise le retournement herméneutique du passage des «ténèbres au silence», la traversée du trou noir. y a-t-il dans le livre de juan asensio un point autour duquel on ne puisse plus bavarder, un lieu où la pensée du lecteur cesserait, qui serait ce point du «silence véritable dont l’écoute et la capture vaine fut le but véritable et mystérieux de chacun des livres d’ernest hello» ? (98). ce «point d’archimède depuis lequel s’élancer» (130) n’est-il qu’une illusion ? est-il hors du livre, ainsi que dans «ces tableaux maniéristes» – auxquels l’auteur fait allusion dans un beau passage de son livre (163) – «qui s’ouvrent vers le haut» et «dont les personnages ont un doigt levé vers un ailleurs hors cadre». la littérature à contre-nuit de juan asensio est un ouvrage étrange et captivant. sa critique déroutante demeure résolument subjective – à un moment, l’auteur n’hésite pas à délaisser son étude pour raconter un de ses rêves intimes; et l’endroit où nous lisons ce rêve n’est peut-être pas anodin puisqu’il correspond à peu près au milieu du livre (139), c’est-à-dire au vortex du trou noir. on devine ainsi chez l’auteur le désir d’expérimenter une herméneutique transformante, de traverser le trou noir pour dire le silence, «chercher pour trouver à quelle profondeur s’opère le transformation de tout son être» (267). 00:00 lien permanent | envoyer cette note 24/02/2006 conte de la barbarie ordinaire, par sarah vajda Á sainte esther, patronne des marannes jadis adorée dans les églises tolédanes. pour laurent schang qui me croit sioniste. pour mon époux goy. pour mes enfants métis. pour juan qui a insisté. Ça avait commencé boulevard voltaire… au nom de la tolérance… et ça aura fini aux portes du cimetière juif de bagneux, comme un appendice au dictionnaire philosophique. «rappelons que le rabbin farhi a mensongèrement soutenu qu’il avait été poignardé par un individu criant «allah ouakbar», qu’alexandre moïse, président de la fédération sioniste de france, a porté plainte contre des menaces... qu’il s’envoyait à lui-même avant d’être confondu et condamné, que la jeune fille de montpellier à laquelle on aurait dessiné une étoile juive sur le bras était un faux, qu’Élie chouraqui a manigancé un pseudo-reportage télévisuel sur l’antisémitisme imaginé d’élèves d’origine arabe à montreuil, que l’incendie de l’école juive de gagny a été d’emblée présenté comme un acte antisémite, ce qui s’est révélé faux et qu’en juin 2004, il y a eu l’affaire d’Épinay où un malade mental a poignardé plusieurs personnes d’origines diverses, juive, mais aussi algérienne, haïtienne et portugaise, les médias ne s’intéressant qu’à la victime juive. puis il y a eu l’affaire de l’incendie du foyer juif dans le 11ème arrondissement qui s’est révélée ne pas être un acte antisémite mais un acte commis par un «déséquilibré» travaillant dans ce foyer (1).» et si cette fois c’était vrai ? si ilan halimi avait été torturé trois semaines durant parce que né feuj ? un trou de cigarette au front «sale juif», ligoté comme les grands frères des geôles d’amérique en expiation de la faute américano-sioniste, dénudé comme les maîtres du reich se plaisaient à dévêtir les siens à l’arrivée, afin qu’ils comprennent qu’ici, fini de rire, terminus ad quem, conspiration démasquée, ils seraient châtiés selon leurs crimes, un parmi eux, brûlé à l’acide pour effacer les marques de cutter, le sang juif ne doit pas couler, sang sorcier qui empoisonne la terre… arraché à sa mère, ses sœurs, à l’affection de yakov son patron parce que les juifs (2) – c’est bien connu – sont riches… oreille coupée parce que les youpins – qui les démentira ? – ont l’oreille du grand satan, après celle de moscou, en attendant celle des envahisseurs, david vincent le sait… on ne se défie jamais assez du crétinisme. le visage de la france ilan halimi est mort pour la france et la france ignore son sacrifice. ilan est mort pour dévoiler son visage, celui d’une barre de dix étages où vivent des sourds, des muets, des invalides. personne n’a entendu le moindre cri, nul n’a été témoin de son martyre, nul n’a tendu la main jusqu’à un téléphone, à chacun sa raison : «jeunes», complices, «entre frères l’honneur le respect camarades, unis contre toujours», ou gaulois rasant, une habitude, les murs. tous également infirmes, amputés, yeux crevés, tympans percés, troncs démembrés soudés par la haine ou séparés par l’indifférence. si longtemps qu’ils ont appris à ne rien voir comme ces enfants qui croient fermant les yeux êtres invisibles, certains en leur folle terreur qu’ils ne risquent, prunelles closes, rien et gaulois signifie d’abord vaincus. vaincus par césar, par rome, elle-même bientôt défaite par les barbares. les philosophies de l’histoire, toujours, tricotent le destin des peuples. l’une d’elle chante l’éternel retour du même, inscrit le diktat du recommencement, quand d’autres affirment «on ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve» : à guetter le danger du côté du fn et des groupuscules post-nazis, nos aèdes auront, responsabilité illimitée, laisser le champ libre au nouvel ennemi. le mât de vigie est demeuré vide, place désertée, et sur le chemin de ronde, la sentinelle vigilante mal prévenue ne cherchait que du brun. de la tour du château de barbe-bleue, elle aura, maladroite, pris drapeaux verts pour herbe verdoyante, cris de haine pour psaumes et, malédiction d’occident, les voiles noires pour des voiles blanches. la mort d’ilan témoigne, crie : les barbares sont dans nos murs, fabriqués en série, délicieux guismo que le pays laisse boire après minuit et qui, déjà, sont devenus des gremlin. au nom du sanglot de l’homme blanc, par la vertu magique du lait d’indifférence, la métamorphose a eu lieu qu’aucun observateur n’a cru bon de révéler de peur de passer pour raciste, fasciste, xénophobe. les anthropologues avaient fait la leçon, l’excision et la fatwa sont pratiques aussi respectables voire davantage que ne le sont, le demeurent l’étymologie du mot «hyménée» et le code civil, quoique la première ait perdu sa raison d’être et que le second doive impérativement être adapté à la modernité. l’origine tout avait commencé par la haine de soi et le révisionnisme. rechercher l’origine est une tâche ardue. essayons, quelque part du côté de bernadin de saint-pierre, de jean-jacques rousseau, dans le mythe du bon sauvage, bon forcément bon, puisque vivant nu, sans écriture, sans loi, dans l’île ou la forêt comme vivent les enfants, relire vendredi ou la vie sauvage, mépriser robinson, féerie pour une autre fois, le voyage au bout de la nuit a déjà commencé. sans relâche, revenons au mythe, sans cesse repris de l’âge d’or, du temps qui précède l’idée du péché ou l’idée du divin, adorons mère nature affirmée comme seule idée régulatrice qui offre à ses fils, au moyen de la cueillette, de la chasse et de la pêche, de quoi vivre sans autre horizon d’attente que la reproduction, le cycle des saisons… là bas, en l’île heureuse, ni sanhédrin, ni vatican, ni ordre de la cité, pas d’école, des initiations, des voyages au-delà du réel, l’absolu en ligne directe, avec pour seuls intercesseurs, entre la nuit et l’homme, les chamans, les sorciers et les mages déguisés en serviteurs de dieu. et de ces paradis, l’homme blanc, armé casqué, a prétendu chasser l’insulaire, l’habitant des forêts, le marcheur du désert, au nom de jésus-christ, au nom de la république française, au nom de l’empire britannique… ce fut en effet une très lourde faute, une responsabilité illimitée, un crime contre la vertu et il est juste que l’occident soit châtié, sang devant être versé, fleuves rouges sur les générations. l’histoire de la folie à l’âge classique nous enseigne, selon saint foucault, que le moyen Âge était tendre aux fous qui les laissaient souffrir en compagnie des autres, quand le hideux xixe siècle les flagellait, les douchait, les séparait, rêvant de les adapter au monde, voire de les guérir, au moins de soulager leurs souffrances et de les empêcher de se mutiler, se détruire, détruire ou mutiler leurs voisins. il a bien fallu après cela adapter notre monde à la folie. opération réussie. Á refuser l’idée d’un souverain bien, une définition de la norme – quelques odieux dérapages compris, convenons-en –, nos penseurs auront ouvert les digues. nous y sommes, submergés. ici, «chacun» à sa guise prétend danser au mépris du bien commun considéré comme cicatrice judéo-christiano-centriste. qu’on se le dise lesbie et alcibiade seront pères de famille, les schizophrènes seront gens heureux et la france qui, au charme discret des vertus ancestrales prétend céder encore, aura nom «france moisie !». les géniteurs d’apprenants pas plus que les enseignants n’auront sur nos Émile le moindre devoir d’autorité. ils devront, le ministre l’affirme, se contenter de s’émerveiller de voir pousser les surgeons à leurs soins confiés par le hasard, la nature, la loi de la sectorisation, comme croît l’herbe folle et ne songer point à tailler les allées du jardin. en contrepartie, les végétaux libres ne devront pas aux jardiniers réclamer les soins jadis indispensables : la constance, la solidité, l’amour. chacun, au logis à toute heure, libre absolument, demeurera, la stabilité familiale devenue un simple cliché pour la «famille ricorée» ou le camembert, jouira sans entrave dans un monde rénové où «il est interdit d’interdire», authentifiant sur notre vieux continent la révélation du nouveau monde, les charmes présumés de la vie sauvage au cœur du non moins sauvage capitalisme. la coexistence du réel et du mythe ayant nom schizophrénie, nous dûmes constater la fausseté de l’assertion deleuzienne : il n’y a pas de schizophrènes heureux, ceux qui le demeurent, à l’instar des habitants de la barre de bagneux où ilan fut torturé avant d’être jeté sur une voie ferrée… devant nécessairement vivre en sourds, en aveugles, en infirmes. voilà l’envoi du poème. confusément, les petits blancs se savent vaincus qui tatouent et percent leurs corps trop pâles, empruntent l’idiome des barbares, méprisent la grammaire, la forme et la langue jusqu’à parvenir au lieu où toute pensée se meurt, faute de vocabulaire. confusément, les blondes nattées à l’africaine, les bourgeoises en révolte qui hurlent des nuits entières des chants primitifs dans des raves, rêvent d’espaces vierges où vivre les libidos trop tôt déniaisées et certaines qu’aucun mâle issu de cette civilisation défaite ne saura leur offrir le frisson par dionysos promis. les blancs ont appris la leçon, qui depuis soixante ans la ressassent : toutes les civilisations, tous les livres, tous les arts, tous les hommes ont égale valeur aux yeux de mère nature, l’histoire est une apocalypse en marche; la philosophie, des constructions vides; la psychanalyse, un verrou totalitaire; la religion, l’opium des peuples; l’éducation, une castration; la politesse, une hypocrisie; la beauté, une idée reçue; la sexuation, un fait d’oppression… tout le monde s’y est mis : ilan en a crevé. nous en crèverons tous. nous mourrons de rousseau, nous mourrons des théoriciens de la pensée 1968, du castor et de son époux morganatique le crapaud, de monsieur onfray et des marchands de rêves, de marx et de lénine, d’heidegger et de tous les gnostiques, des rabbis miraculeux et des imans en guerre pour n’avoir pas haut et fort crié la supériorité de platon et d’aristote sur les sophistes, pour avoir renoncé à nous agenouiller espérant l’adoubement devant les rois richard clamant que jean son frère le vaut bien, l’arsouille mitterand valant le général-honneur, pour avoir affirmé l’équivalence de mallarmé et de prévert, de baudelaire et de renaud, de turner et de miró, de beethoven et de boulez ad libitum. nous mourrons d’avoir voulu croire que la sociologie éclairait le mystère du génie et surtout de nous savoir pécheurs, acceptant la sentence dans un monde ontologiquement condamné. nous mourrons d’avoir méconnu la grandeur et de lui avoir préféré la médiocrité, nous mourrons d’avoir chosifié l’homme, effacé son visage et dédaigné la férule de la forme. nous mourrons d’avoir cru aux mérites de la tabula rasa, d’avoir séparé l’héritage. nous mourrons de nous être haïs, accueillant dans nos murs le cheval maudit. nous mourrons enfin d’avoir cru que le pourrissement du capitalisme constituait la première étape de la révolution et qu’il convenait d’affaiblir les institutions, les cadres de l’État jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien à livrer aux barbares… fin de partie. nous avons déploré l’inconvénient d’être nés, accueilli le nihilisme comme on reçoit l’espérance, chanté la beauté de l’assassin contre l’ordre bourgeois, laissé nos filles faire de leurs corps des cimetières et des poubelles, et à nos garçons, avons intimé l’ordre de jeter leur sperme sans plaisir, ni amour, nous avons cessé de voir en nos corps des autels à la jouissance, et avons adoré le spectacle, laissé le champ libre au capital en nous compromettant, cédé sur la télévision – feint de croire que l’école et l’université pourraient en un tel monde poursuivre leur mission –, nous avons laissé les médecins devenir garagistes, séparant nos âmes mortelles de nos corps de chair, ouvrant la porte aux charlatans. robespierre, naguère, institua le culte de l’Être suprême après avoir contemplé la foule pressée aux portes de saint-Étienne-du-mont ! les hommes, voilà le grand secret, n’ont pas la force d’être athées, d’accepter la finitude, de se résoudre à l'éphémère, à la brièveté du voyage, pas la force de vivre dans les limites de la raison ni celle d’être libres : ils veulent être esclaves et le seront un jour ou l’autre. la haine des juifs naît là : leur saint des saints est en réalité un vide clamait tacite et l’Écclésiaste criait le silence de dieu. l’un n’est peut-être que le nom du néant, secret jalousement gardé par les cabbalistes, que les rabbins abandonnèrent par clientélisme après le premier siècle de l’ère vulgaire. esclaves de la marchandise, esclaves des pensées dominantes, esclaves du loisir… et aujourd’hui otages de la jeunesse, les mortels aujourd’hui refusent la loi commune, la décrépitude des corps et la sagesse de l’âge qui, pour leurs fils petits-fils et arrière-petits-fils, ont des yeux d’amants : les jeunes ont toujours raison… le lecteur de libé a en moyenne 60 ans, les trotskistes et les ex-mao-spontex aussi qui, sur les rêves de sang de la caillera composent d’exquis dazibaos, certains que l’âge d’or du prolétaire absent suivra la déconfiture du vieux monde. quant à nos thuriféraires de l’apocalypse, ils se réjouissent aussi : procès arrêtés, fin de l’histoire, sortie de route !, ravis de voir confirmé leur juste déni de l’idée de progrès. fin du coup, 11 septembre divine surprise, l’occident acculé entame son chemin de croix, heureux de devoir vivre et mourir en martyr, au nom des crimes anciens, exeunt les ratiocinations qui parlaient de «paix perpétuelle», d’état juridique global qui unirait les peuples et supprimerait la guerre. ils se souviennent que jésus est venu propager la guerre et refusent toute idée régulatrice qui, d’ailleurs, du ciel ou de l’enfer, ne vienne. ils ont tant moqué le «fondamentalisme» des droits de l’homme qu’ils ont oublié qu’il ne s’agissait que d’une idée régulatrice, un substitut du divin, venu aider à transformer l’état de nature (guerrier par essence) en état de droit subordonné à une morale. les utopies ont fait long feu dans la querelle des gens prétendant savoir leur monde. demeure le réel, le retour à l’état de nature, les aspirations des hordes, la barbarie globale à l’âge des télécommunications. bienvenue dans le pire des mondes ! vous y êtes ! destination l’abomination – ne mettez pas vos ceintures –, d’autres s’en chargent. l’ordinaire ilan, j’y reviens, n’a pas été surpris. depuis la seconde intifada, il sait être l’ennemi, son tee-shirt blanc, ses dents blanches, son jean serré, sa douceur crâneuse de petit garçon trop cajolé par maman et ses cheveux drus crient qu’il est un ami des affameurs de la palestine. on l’a traité de youpin, on a rigolé aux innocents sketches de l’humoriste dieudonné, on a molesté ses frères de sarcelles, arraché leur étoile d’or à ses sœurs de montreuil, de vitry, on a tagué des vitrines de magasins… des incivilités sans conséquences prétendent les uns, des bagatelles avant massacre, craignent les autres, paranoïaques, il va sans dire. ilan s’est peut-être d’abord senti fier de vivre ce que ses frères de l’est de l’europe avaient vécu comme une confirmation de la véracité de l’origine et puis il a porté la croix de jésus trois semaines durant, subi l’insulte, la souffrance, le délaissement et, est mort comme meurent les innocents livrés aux bourreaux. sans résurrection. comme moururent les quatre ou six millions, victimes de la barbarie européenne, car enfin faire monter des mioches dans des bus direction drancy ou les rafler à izieu ou à pithiviers, ce n’était pas la seule affaire des nazis. que chacun se débrouille n’est-ce pas ? les femmes de france n’allaient pas offrir leur gosses en échange ? qui songe à le leur demander ? c’était arrivé et ils n’avaient pas bronché. ils s’étaient contentés, épiciers de belleville et de ménilmontant, d’enfiler leur blouses au retour du lutetia, intellectuels, ils avaient repris le train du chambon-sur-lignon pour paris, lyon ou toulouse. tous, orphelins ou non, sans famille ou pères de famille humiliés, avaient feint de croire que les nazis seuls les avaient haïs et ils avaient repris leur place sur le continent où avait été décidée, acceptée l’idée du grand massacre, succédant à des siècles de souffrance et avaient à leurs fils enseigné l’amour de la terre natale, le respect de la langue et des lois. après le grand massacre, ils n’aspiraient qu’à vivre en français d’origine juive : aller à la synagogue, une ou deux fois l’an, faire leur bar mitzva pour savoir assez d’hébreu pour réciter le kaddish sur la tombe de leurs pères, mais il a plu à l’institution française de mettre en avant leur martyre, de les séparer de la communauté, de conter leur ancienne détresse et de livrer leur douleur en pâture pour effacer le crime suprême, sa collaboration : l’essor de sa littérature, de son cinéma, de son théâtre sous la botte… vilar, les jeunes-france, olivier messiaen, la route et j’en passe. ah, le dernier métro c’était le bon temps au revoir les enfants ! les juifs n’ont qu’à aller en israël, finir dans la nasse, pour eux par l’europe, le feu empire britannique, tressée. la france pourra vivre en étrangère sous le maître… teuton, islamique… qu’importe ! – elle est certaine d’y reposer en paix. du moment qu’il reste la liberté de penser, cher florent, «nous étions si libres sous l’occupation» n’est-ce pas paulo ? libre de publier, d’être représenté au théâtre de la ville ex-sarah bernhardt ! les juifs ont compris la leçon, ils parlent de cyanure, ils se souviennent de tout comme s’ils se préparaient au retour de l’innommable… le temps de la peur et de la honte a fait retour dont les beaux barrésiens blonds qui gardent le jourdain ne les sauveront plus. ilan a été le premier. leur tour viendra. ils le savent. terrible habitude de la douleur et les lecteurs de tolstoï pérorent sur la passivité juive ! ils l’ont été un jour, acceptant de convertir un futur antérieur en présent : «cette année à jérusalem» substitué à «l’an prochain…» . l’office est dit. un mythe chasse l’autre, à celui de «la diaspora heureuse» a succédé celui de «la terre sans peuple pour un peuple sans terre.» alors, les réfugiés, les fugitifs sont devenus des patriotes, certains d’entre eux des nationalistes, bienvenue dans le cercle rouge ! coupables, une nouvelle fois, israël, dans la propagande iranienne – merci la france pour neauphle-le-château –, devient l’usurpateur, l’obstacle à la reconquête d’un lieu saint... les européens songent que sans juifs le pétrole coûterait moins, que ce peuple, cette ethnie, ce groupe – qu’en savent-ils, qu’en savons-nous ? –, comme à l’accoutumée, tient le rôle de fauteur de guerre. alors, ils minimisent, refusent de voir ce qui crève les yeux, le négationnisme propagé dès les lendemains de la guerre par l’université égyptienne, le retour du mythe des sages de sion, le visage du juif du palais berlitz, le sadisme des anciens alliés d’hitler prétendant comme jadis chez sade, les bourreaux, que la solution finale fut un mythe forgé par les juifs pour prendre illégalement possession d’une terre, comme ils projettent de prendre le contrôle du monde. aux musulmans, l’ordre est donné de chanter l’aria de la calomnie. en tous lieux, en terre d’islam et en terre d’exil, aux pauvres et aux riches, aux hommes et aux femmes sans distinction, allez et proclamez : le juif est l’ennemi. les assassins de papier, les assassins de la mémoire se feront assassins déguisés en libérateurs de la palestine, voilà tout le poème. béant, s’ouvre le procès du «devoir de mémoire». devait-on exhiber pour que cela ne revienne jamais le martyre juif ? raconter l’indicible ? témoigner ? libérer la parole ? désigner la victime ? puisque cela a été, cela reste possible. la femme peut être violée, l’enfant souillé et le juif martyrisé. dans leur psyché, en lettres de sang, la peur… inscrite sans retour. la femme, condamnée à l’hystérie quand l’homme jouit d’être don juan. la femme se sachant pute potentielle toujours, celle que tout mâle peut saisir, butin de guerre ou de beuverie, inscrite dans ses gènes la peur, à la tombée du jour, dans les rames des métros ou de rer (3). l’enfant goûte les contes qui ignore qu’un jour le roi des aulnes est venu lui arracher des cousins et des frères, l’enfant juif l’apprend. dans la psyché juive, inscrits, le pogrom, la rouelle, l’enfermement au ghetto, le marquage, la terreur… la certitude inscrite du retour de l’horreur… ilan a connu la réalisation du fantasme de tous les juifs… les ennemis ont marqué un point : la peur a fait retour et avec elle, le bruissement des sabots des cosaques, la rumeur du pogrom, le bruit des vitres cassées, l’humiliation de la brosse à dents dans les rues de berlin. et de cette peur, le pays se gausse ! chacun toujours parle mal de ce qu’il ignore. les excuses des «jeunes» dans les journaux du matin et du soir se ramassent à la pelle : l’ascenseur social, bloqué, les patrons blancs racistes refusent de les employer, comment ne pas comprendre qu’ils se sentent exclus, parqués et en veulent à tout le monde. l’école n’a-t-elle pas failli en sa haute mission ? le capital ne frappe-t-il pas toujours d’abord les plus faibles ? nul ne fit grand bruit des voitures brûlées dans les quartiers pauvres et du silence des prolétaires, décidément les juifs veulent toujours la vedette ! de leurs filles souillées, de la destruction de leur cadre de vie, qui prendra la défense ? Á sainte esther, patronne des marrannes, ce vœu ! qu’une nouvelle fois, dans l’histoire de l’humanité, nous renoncions à nous proclamer juifs ! amis, rejoignons les catacombes, aimons les goyim, dignes d’être estimés comme nos pairs, nos époux et nos fils. de grâce cessons de conclure des mariages endogamiques comme la mode en est revenue, depuis l’heure immonde. a nos fils et nos filles, lisons l’histoire d’Ève et de lilith, en guise d’introduction à la théorie freudienne de l’Éros, et en complément du mythe d’hélène la troyenne, lisons-leur le conte du déluge comme celui de guilgamesh; inscrivons moïse au côté de solon et des sages d’athènes et judas macchabé aux côtés d’horace, judith auprès de jeanne d’arc, lisons-leur le conte de ruth et boz comme nous lisons celui des capulet et des montaigu et celui de salomon et la reine de saba comme celui d’ivanhoé et de rebecca … abandonnons la terre d’israël aux disciples du christ et aux agarites ! jetons le mur du temple à bas… le chana aba en eretz israël ! «l’an prochain à jérusalem», que l’espérance du lendemain redevienne notre fête ! conservons, intime, notre douleur avilie dans le concert de l’émotion télévisuelle, cessons de péleriner à auschwitz. qu’on y plante un carmel ! aux douces carmélites, la très haute charge de prier les morts en terre chrétienne ! ils ne comprendront pas notre douleur, nos névroses, nos complexes de portnoy… dans leur sang, coule le sang des chevaliers, dans le nôtre, celui des suppliants; dans leur sang, coule le sang des bâtisseurs; dans le nôtre, le sang d’éternels lecteurs, de commentateurs et d’aèdes. demeurons, sainte esther je te prie de nous sauver, où l’histoire nous fixa, sans quitter tout à fait la chambre d’étude, mêlons-nous aux humains. jour après jour, chacun où le sort l’a placé, menant sa barque sur les eaux noires du calcul égoïste, pour atteindre des caps, des îles, où vivre en hommes libres, ciel étoilé au-dessus de soi et loi morale au cœur, demeure, un instant encore possible. mais je vous le demande avec grâce, sainte esther, intercédez pour que nous ôtions nos étoiles de david, nos kippas et nos signes extérieurs d’appartenance, donne-nous la force de la dissimulation pour retarder encore notre disparition programmée. qu’israël rendu au désert et aux fils d’allah oublie la réalité politique fugitive d’un état cinquantenaire pour que ne demeure que le chant des prophètes, secret jalousement gardé, qui, de la real politique, nous éloigne à jamais… quittons la nasse avant qu’il ne soit trop tard ! que la mort d'illan, arbre planté et arraché en terre de marranisme, devienne le prélude d'une renaissance. que disparaissent les grigris, les épiceries spécifiques, les boutiques de perruques et de bas blancs ! rejoignons nos hôtes ! vivons et combattons, invisibles, à leurs côtés ! que l'atiqueva, seul hymne national composé sur le mode mineur, redevienne un psaume parmi les psaumes ! par la vertu de ce silence et de la dissimulation, retrouvons notre place universelle dans le concert humain. que notre dissidence enfin devienne l'occasion d'une renaissance. qu'après nous, un aède conte l'histoire d'un peuple fugitif certain qu'il suffisait de sept sages pour sauver le monde et qui, pour cette cause, renonça à l'ordinaire humain : une terre pour un peuple, et s'en est reparti sur les routes du monde, en deuil de l'idéal, en exil de la promesse pour ne s'attacher plus qu'à inventer, génération après génération, l'enfant du sauvetage. l'un d'eux, un des sept. samouraïs, mercenaires, prophètes ou simplement mensch, un homme digne d'être appelé homme, à la face des barbares, des imbéciles qui avaient souhaité les fondre en série. (1) source : article pdf du réseau voltaire. (2) on remarquera dans les journaux le retour de la majuscule au nom de juif… (3) les affaires que dénonce le réseau voltaire s’expliquent par la peur : actes désespérés d’hommes saisis par la terreur et voulant, au sein du spectacle, attirer l’attention sur eux. chaque fille qui prend le rer et se sent menacée par des regards se sent «juive», le rabbin qu’on insulte dans la rue – les prêtres ne portent plus la soutane d’ailleurs, certains d’être moqués –, maladroit, monte un bateau pour crever l’abcès… quant au faux reportage sur l’antisémitisme au lycée, certain lycéen de montaigne dont les bourreaux en herbe précipitèrent le départ, ils sont demeurés en leur place. persécutions fort peu imaginaires… 22:40 lien permanent | envoyer cette note 22/02/2006 malcolm lowry, samuel taylor coleridge, david jones, thomas de quincey «jusqu'aux profondeurs qui pourrissaient : ô christ ! de pareilles horreurs sont-elles donc possibles ? oui, des êtres visqueux, tout en patte, grouillaient sur la putridité de cette mer visqueuse alentour, alentour, tournoyante cohue, dansaient, la nuit, les feux de morts […] et les langues, du fait de cette soif horrible, jusques à leurs racines s'étaient asséchées [...]». samuel taylor coleridge, le dit du vieux marin de coleridge [1798], traduction d’henri parisot, deuxième partie. «avez-vous pris trop ou trop peu d'opium ? trop ? ou trop peu ? hélas ! hélas ! faut-il toujours que ce soit l'un ou l'autre ? : car d'un poison, on ne peut jamais dire "assez".» juin 1810, keswick. samuel taylor coleridge, notebooks, carnet iii. d'ultramarine de malcolm lowry, lu il y a bien des années à présent, je ne me souviens guère même si ma toute récente lecture du somptueux et mélancolique Écoute notre voix ô seigneur... ma donné envie, de nouveau, de me plonger dans les romans de cet écrivain damné, altier, ironique et désespéré. au-dessous du volcan bien sûr mais aussi ses poèmes, ultramarine je l'ai dit et sombre comme la tombe où repose mon ami. superbement traduits, les sept récits qui composent ce recueil (Écoute notre voix ô seigneur... paru dans la collection 10/18) entretissent une toile savante où les mêmes personnages, mi-rêvés mi-réels, se répondent d'une histoire à l'autre, entremêlant identités et noms, quêtant dans la nature sauvage et l'énigmatique geste des hommes les signes de dieu, moins ardemment toutefois que l'assurance fugitive, pour eux, ne serait-ce qu'une seule seconde déroutante et éphémère, d'être en harmonie avec l'immensité désolée qui les entoure. le dernier récit, réellement envoûtant, intitulé le sentier de la source, récapitule et conduit à leur achèvement les récits qui le précèdent qui du monde nous donnaient une vision mystique et sauvage, parfois éclatée, n'hésitant pas à mêler cauchemars et hallucinations, vieux exploits historiques et accomplissements légendaires. dans le sentier de la source, l'écriture de lowry acquiert une mystérieuse plénitude, s'incarne dans le corps souffrant puis exalté d'un homme accompagnant sa femme, n'osant jamais la quitter de perdre ce don fragile, apprenant près d'elle à donner leur nom véritable aux animaux et aux plantes qui partagent avec eux ce dernier royaume d'innocence. qu'importe que meure l'amour, que la civilisation détruise lentement les derniers hauts-lieux subsistant sur la terre, si l'écriture parvient, le temps trop court d'un texte où se lance une parole qui capture la beauté, à nous retenir au bord du précipice. lowry ne parle que de lui mais c'est bien la marque évidente des grands de ne jamais ennuyer lorsqu'ils parlent d'eux, de leurs déroutes insignifiantes et de leurs joies minuscules, de leurs errances alcoolisées et de leurs prières ardentes, d'autant plus émouvantes qu'elles paraissent avoir été arrachées de leur âme aux forceps. les minuscules, je parle encore des écrivains, s'ils évoquent les beautés du monde, tel acte noble ou profondément ridicule, leur lecture des grands qu'ils ne peuvent tout de même abaisser, les nains et les mégères ne parlent jamais, eux aussi, comme les grands qu'ils parodient, que d'eux-mêmes et alors leur texte se met à exsuder leur propre insignifiance bavarde : tout siffle, pète, rote, pue, la voie lactée même paraît contaminée par leurs odeurs corporelles les plus intimes. cela donne, dans le meilleur des cas, un nabe dont je ne parviens décidément pas à terminer le turgide et verbeux régal des vermines, malgré quelques belles pages sur le jazz, l'écriture tonitruante de léon bloy et des couronnes d'épines (qui paraissent à présent bien desséchées et ont perdu de leur acide verdeur) tressées pour rebatet ou encore céline. dans le pire des cas, que l'on me pardonne cette juxtaposition tout de même bien déshonorante pour l'auteur d'alain zannini, mélange de petitesse jouissive, floraison chuintante de prétention et surtout, surtout, immense égoïsme voilé par une ridicule béance zézayante, ouverture mièvre à la nature et à l'autre sottement compris comme des boudoirs où exhaler ses senteurs faisandées, dans le pire des cas nous avons donc alina reyes qui semble, bien ridiculement, avoir fait sien le commandement de christine angot, délivré, d'une autorité de sphinx, à notre pauvre petit nabe, éberlué de tant de culot et de bêtise, moins bloyen pour l'occasion peu flatteuse que potache grondé par sa maîtresse : l'écrivain n'écrit jamais rien d'autre, depuis des siècles, que la même histoire, celle d'un homme et une femme découvrant la création. certes christine, certes : mais, tout de même, quelle différence de talent entre, si l'on veut, le peu priapistique et quoi qu'il en soit inutile sept nuits et l'admirable baleine, qui tous deux évoquent cette très banale histoire angotienne d'une rencontre entre un homme et une femme. voilà donc ce que cette lamentable écrivaine, christine angot qui avoue ne point connaître le sens des mots père et génération, a eu pourtant bien raison de jeter à la face méprisante et ironique de nabe. mais oui ! il aura donc fallu que ce soit l'une des plus sûres consécrations de la nullité littéraire, christine angot, qui cloue le bec d'habitude largement ouvert de nabe affirmant à qui veut l'entendre ou le lire (apparemment, les lecteurs de ce romancier, comme il s'en plaint lui-même, deviennent de plus en plus rares) qu'il s'est trompé depuis le début en proposant, à la différence de houellebecq, une littérature désireuse de sonder les âmes et (surtout) les reins. nabe, plus petit que nature c'est dire, si peu bloyen dans cette occasion peu reluisante, c'est dire encore, face à une angot souveraine, reine altière nimbée d'une surnaturelle stupidité, indétrônable donc : la littérature française s'offre décidément des spectacles médiatiques bien dignes de sa propre bassesse, voilà un point que nul ne me contestera. c'est donc bien, apprenons à déchiffrer l'oracle de la pythie angot, toujours la même histoire matricielle qui nous est contée, comme d'ailleurs lowry nous le montre dans cette série de contes où l'éden est de toutes parts menacé par la ruine de l'avilissement. mais quelle réelle humilité ne faut-il pas pour que le récit de deux êtres rendant grâces au seigneur ne sombre point, piteusement, dans la romance molle des amours passagères, cette lèpre sucrée du parisianisme le plus frelaté, contre lequel notre spécialiste de littérature érotique bien sûr, qui fait d'ailleurs d'angot la plus évidente prêtresse de ce culte soi-mêmiste, n'a jamais de mots assez durs, alors qu'elle s'en laque à longueur de contemplation spéculaire, d'introspection sotte, par le bout de la lorgnette charnelle. lowry l'alcool, samuel taylor coleridge le laudanum qu'il ne désignait jamais, dans ses notebooks (allia), sous une autre forme que codée, de belles drogues pour se tuer à petit feu ou bien hâter peut-être l'entrevue fatale avec la camarde, qu'importe si son masque est rieur ou de carnaval mexicain, qu'il condamne encore les marins pécheurs à l'immobilité diabolique. je viens de lire, de son texte le plus célèbre appartenant aux mystery poems, the ryme of the ancient mariner (1798), une nouvelle traduction, à mon sens bien inutile, donnée par jacques darras, travail pourtant précis qui en aucun cas n'a produit en moi l'espèce d'exaltation inquiétante qu'avait provoqué ma toute première lecture du poème de coleridge, dans l'édition parue chez josé corti, accompagnée des notations que le poète en personne avait cru bon d'ajouter à son poème, afin de contrer les critiques de wordsworth. bizarrement (en fait, la bizarrerie se fût plutôt trouvée dans l'absence de cette résurgence), le souvenir de ce texte avait surgi à l'époque où j'écrivais une étude bien peu académique consacrée à la maison un dimanche de pierre boutang. hanté à mon tour par le dégoût d'avoir tué l'innocence, j'errais en répétant ma minable histoire à qui avait assez de pitié pour bien vouloir l'écouter. je n'en demandais alors pas davantage, simplement que l'on m'écoute et quêtai, dans le regard de celui qui se trouvait en face de moi, une lueur, même passagère, qui dans mon esprit aurait pu signifier une forme compréhension, voire d'acceptation même de ma souffrance. il y avait autre chose de plus souterrain, de plus mauvais : comme le marin interrompant la cérémonie de mariage de son confident, je voulais que le mal s'insinue dans la cervelle de celle ou de celui à qui je racontais ma pauvre histoire. je voulais contaminer mon confident, lui inoculer le venin terrible de la mélancolie. qu'est-ce que je m'obstinais à vouloir ? un signe, un simple signe qui aurait révélé l'identité profonde, réelle, invisible, de deux réalités que les imbéciles n'auraient jamais eu l'audace de croire parentes, voilà tout ce que je cherchais, mais frénétiquement, comme si ma vie dépendait d'une possible découverte, voilà tout ce que je désespérai de trouver à cette époque où je dévorai les écrits précieux, amphigouriques, tortus et savants de louis massignon, m'identifiant, au passage, un peu ridiculement, à la figure du réprouvé et ami de massignon, luis de cuadra, qui se suicida en expiation de sa vie dissolue. le guignon m'attirait alors décidément et, si le pauvre coleridge, déçu à vie de ne pouvoir aimer sara hutchinson, se droguait avec de l'opium, j'avais toujours assez près de moi, pour étancher ma soif de ridicules identifications, quelque bouteille de mauvais gin. david jones aussi, à sa façon rien moins qu'artistique (puisqu'il fut, d'abord, un graphiste émérite pourtant encore dramatiquement inconnu en france), s'efforça de quêter des signes, alors même que la fracture (il l'appelle : la rupture) qu'il ne cesse de méditer l'a rendu pratiquement certain que ces signes, ce signe, dans un univers désacralisé et ne croyant absolument plus aux vertus de la poésie, il ne pourra le trouver. jones écrit ainsi dans un des textes intitulé passé et présent : «[…] l’homme en tant qu’artiste se trouve, qu’il le veuille ou non, non intégré dans la phase actuelle de la civilisation. je considère que cette situation est regrettable. je dis aussi qu’il y a eu des phases de civilisation où c’était moins le cas et qu’il y a eu des phases de culture véritables où ce n’était absolument pas le cas, où l’homme en tant qu’artiste était tout aussi partie intégrante du modèle que l’homme en tant que mécanicien ou l’homme gestionnaire le sont dans notre modèle d’aujourd’hui.» ce superbe recueil intitulé art, signe et sacrement (ad solem), magnifiquement traduit par bernard marchadier (auteur par ailleur d'impeccables notes claires pour une époque fumeuse chez ad solem), regroupe plusieurs textes dont la préface qu'écrivit jones pour ses anathemata (à paraître aux mêmes éditions), où le poète se réclame de nennius dont l'historia britonnum évoque la douleur éprouvée à voir fondre comme neige au soleil certaines réalités qui lui sont chères. de fait, si les anathemata renvoient à des offrandes votives, la parole poétique réelle sera celle qui toujours se montrera capable de lire des signes faisant sens (tous ne renverront donc point, obligatoirement, à la sphère du divin même si c'est bien elle qui est appelée, souhaitée : invoquée) dans les choses et les spectacles naturels les plus humbles. la position de jones est ambiguë, entre stoïque résignation devant le fait, inexorable et accompli qui nous a fait perdre le sens de la beauté secrète, fureur devant la dépravation dont l'homme et le monde sont les toutes premières victimes et, étonnamment, une étrange espérance qui jamais mieux que par cette superbe allégorie ne s'exprime dans les écrits du poète : «si, depuis notre position bombardée par l’ennemi, nous envoyons en morse le mot de code «hélène», nous n’aurons peut-être pas de réponse parce que toutes les liaisons auront été coupées. le barrage aura fait son œuvre. ou peut-être recevrons-nous pour réponse que l’officier chargé du décodage et son carnet de mots ont sauté depuis longtemps. nous n’osons pas transmettre en clair parce que c’est interdit et que l’ennemi en ferait en tout cas grand profit. nous n’avons donc rien d’autre à faire qu’à attendre la suite. quelqu’un un jour prendra la relève, même si ce n’est qu’une unité de fossoyeurs ou un groupe de secours […]. mais quels qu’ils soient, ils trouveront suffisamment de marques de notre présence pour leur indiquer ce qui était encore valable pour nous en tant que signes avant que notre front ne finisse par être enfoncé.» de thomas de quincey dont j'avais ici rendu compte de l'étrange et étonnant justice sanglante, je viens de lire la révolte des tartares, tout petit ouvrage publié en 1837 et parvenant tout de même à évoquer l'inimaginable, le grandiose spectacle digne d'un milton ou du peintre martin : la longue transhumance des tartares à la fin du xviiie siècle, désireux de quitter l'immense empire de russie pour la chine, leur patrie d'origine qu'ils retrouveront après une marche forcenée où ils mourront par dizaines de milliers. j'ai retrouvé dans ce livre, comme dans celui que je mentionnais plus haut, le noir talent de quincey lorsqu'il s'agit d'évoquer l'innommable, à vrai dire moins encore : son seul pressentiment, gros des catastrophes futures, la respiration haletante du prisonnier apeuré tentant de scruter les horribles ténèbres qui l'entourent. qui peut bien avoir été ce remarquable écrivain ayant fasciné le grand borges, écrivain pour qui le thème du secret (encore un auteur décidément ignoré par olivier jacquemond...) semble constituer une sorte d'image dans le tapis de chacun de ses écrits ? ainsi note-t-il dans la révolte des tartares : «l’expérience prouve abondamment qu’aucun grand dessein ne peut être envisagé, quand bien même les partisans seraient fidèles et peu nombreux, sans que par des détours mystérieux et inexplicables un pressentiment ou une sombre appréhension s’éveille chez ceux-là mêmes qu’il faut tenir dans l’ignorance.» 22:40 lien permanent | envoyer cette note 20/02/2006 pogrom d'Éric bénier-bürckel je remets en page d'accueil de la zone l'article que j'écrivis naguère sur pogrom, le troisième roman d'Éric bénier-bürckel. «on n’entre pas dans le château de silling comme dans un moulin. les mauvais écrivains, ça ne naufrage pas jusqu’au bout de la nuit, ça se précipite sur les corniches et les remblais, ça a la trouille d’affronter l’innommable, c’est pressé de remonter au grand air confiné du monde en uniforme. le compte rendu qu’ils donnent de leur courte descente aux enfers, un tout petit crochet interrompu à mi-chemin, est lacunaire et nimbé des plus ridicules abréviations. ils plaquent les lieux communs sur les plus invraisemblables prodiges, dévaluant sans scrupule tout ce qu’ils expriment.» Éric bénier-bürckel, pogrom. À la mémoire de zoran music (1909-2005). «sur le moment, j'ai dessiné ce que j'ai vu. puis j'ai cherché à oublier ce que j'avais vu. mais, en dessous, ça travaillait.» zoran music à jean clair. bien sûr, celles et ceux, au demeurant nombreux, qui ont critiqué pogrom d'Éric bénier-bürckel, l'ont fait pour de mauvaises raisons, en tout cas pas pour celles qui, à mes yeux, peuvent et doivent avoir, face à un écrivain, force de loi, je veux dire : des raisons littéraires, strictement littéraires. non pas, ainsi, le fait que l'auteur accommode à bien des sauces le fameux mot, pogrom, ni même qu'il imagine son personnage, surnommé l'inqualifiable, assister à la scène (puis y participer) où un molosse (appelé brasillach) appartenant à un ami arabe (mourad), sodomise une jeune juive (rachel). quelques mots sur cette scène qui a tant choqué. il s'agit bien là du degré zéro de l'invention littéraire, fût-elle abjecte, comme en témoigne l'ignoble poncif antisémite décliné par exemple dans les noms ridicules et odieusement convenus donnés aux acteurs (si je puis dire), puisque cette scène ne cherche qu'à épater le bourgeois (qui, en fin de compte, se rince le regard à peu de frais...) et non, en l'horrifiant, à renverser ses valeurs, comme le fit par exemple, avec un génie du paradoxe consommé, léon bloy dans le salut par les juifs. non pas, encore, que le romancier, décidément à court d'idées marketing, dédie son ouvrage aux noirs et aux arabes, ignorant ces juifs qu'il traite si monstrueusement, ou plutôt, d'une façon aussi bêtement, stupidement monstrueuse. revenons à bloy et à son livre, salué en son temps par un bernard lazare qui, quoique étant un auteur pour le moins complexe, ne peut toutefois pas être sérieusement suspecté d'antisémitisme; certaines pages du salut par les juifs sont, tout simplement, immondes mais c'est avoir une vue bien courte que de n'avoir point compris l'essentiel, à savoir : la chrétienté tout entière est à la fois horrifiée et fascinée par les juifs, qui détiennent la clé du salut de l'humanité. si donc bloy harangue, conspue et traîne dans l'ordure les juifs, avec une violence qui a dû faire peur à drumont (lui-même amplement méprisé par le mendiant ingrat), c'est pour affirmer immédiatement, dans un même mouvement de retournement commun aux spéculations de bloy, que leur bassesse même est le signe indubitable de leur grandeur eschatologique, puisque le juif n'est rien d'autre que le pauvre. je demande alors : quelle est l'intention surnaturelle de bénier-bürckel lorsqu'il souille les juifs en s'attardant sur l'humiliation de l'une de ses représentantes ? il n'en a aucune, son livre étant finalement un athanor de pacotille qui jamais ne pourra transmuer le mal, pourtant amplement touillé par l'auteur. du moins le croit-il... car je ne puis m'empêcher de constater que le mal est aussi peu décrit par bénier-bürckel, qui finalement se perd en sarabandes spéculaires pseudo-ducassiennes, que, si l'on veut, l'état du cerveau du romancier l'est par un catalogue la redoute. encore que, ma métaphore n'est sans doute pas exempte d'une certaine justesse. toutefois, oser affirmer, à propos de pogrom, comme jean-claude poizat le fait, qu'un tel livre, dans le contexte socio-culturel français contemporain, est une bombe à retardement, est un argument tout simplement bête s'il n'était, d'abord, d'un ridicule angélisme. voyons, bénier-bürckel n'aurait-il donc pas le droit d'écrire et de décrire comme il l'entend l'actuelle déliquescence de notre société sous le prétexte fallacieux que la vie dans nos banlieues est tout simplement telle qu'il l'a peinte, à savoir, je précise pour poizat : sinistre, inhumaine, dangereuse, vouée au néant de l'esprit et de l'âme ? s'égosiller, donc, à prétendre qu'Éric bénier-bürckel bafoue toute retenue, ce n'est justement rien de plus que reconnaître qu'il a écrit un livre volontiers violent, misogyne, ordurier, homophobe, parfois franchement raciste, haineux ou, lorsqu'il décrit par exemple l'intrusion de l'inqualifiable dans le petit monaco de l'édition parisienne, irrésistiblement drôle et acerbe. «la république française agonise, n’en finit pas de tousser, de convulser, de crouler sous les tirs de mortier des communautarismes, elle crève sous le matraquage ininterrompu de tous les empaffés mégalomanes du culte de la pureté. on a raison d’être antisémite aujourd’hui, continue bénier-bürckel, ajoutant que le sionisme souille l’honneur et la dignité de la république comme il souille l’honneur et la dignité du peuple palestinien». le constat est juste, en tous les cas dans sa première partie. mais comment, ensuite ne pas pointer le cafouillage sémantique dans lequel s'enlise le romancier, qui parle de sionisme ici et, là, miraculeusement, de peuple palestinien, d'une doctrine politique, sèche et meurtrière et d'un peuple dans sa chair bafouée ? et pourquoi l'un serait-il taxé assez justement il me semble de communautarisme et pas l'autre ? voyons bénier-bürckel, un peu de cohérence. pourtant, pointer ces erreurs, je l'ai dit, est affaire de peu de poids. viser juste aurait au contraire été chose beaucoup plus aisée en faisant remarquer, tout simplement, que les aventures nihilistes de l'inqualifiable ont été mille et mille fois vécues, et avec une intensité combien plus jouissive et parodique, par maldoror et, lorsque l'heure fut venue où de prudents bonhomet remplacèrent les démons des contes gothiques, par le folantin d'a vau-l'eau de huysmans, avant même que son surgeon érudit et décadent, des esseintes, n'accomplisse en somme la finale débandade du solipsisme irrémédiable. l'allusion à folantin et des esseintes n'est pas gratuite : l'inqualifiable est de leur engeance même s'il parachève, si je puis dire, la dérive pitoyable du premier sans jouir des ors verbaux que s'amuse à redécouvrir le second dans sa thébaïde d'esthète. est-ce si sûr ? car, enfin, et constatons que le transhumain a bien évoqué ce point, l'inqualifiable, s'il rêve destruction et viols cosmiques, choisit la littérature comme arme, non pas les écrits des doctes ou, inversement (même s'il y a sans doute identité entre les deux...), des imbéciles qui hantent le café de flore, mais celle qui s'est écrite (continue-t-elle de s'écrire ? non, semble répondre l'auteur...) avec le sang d'une poignée d'hommes qui ont payé de leur corps, de leur intelligence et, parfois, de leur âme. c'est le langage seul qui peut, en révélant l'immense tartufferie dans laquelle s'endorment et jouissent nos contemporains, hâter en somme l'apocalypse qui, ce n'est pas trop tôt pense l'auteur, fera son affaire de l'extraordinaire et comique prétention chevillée au dernier des représentants de la race humaine. là, je ne puis que suivre bénier-bürckel même si la pente célinienne est trop souvent franchement glissante sous le bolide d'opérette de l'auteur (qui écrit sans rire : «l’ivresse est le toboggan de l’opprobre qui glisse sur les encorbellements de la routine»), lorsqu'il affirme que l'écriture véritable est risque. bien évidemment lui rétorquera-t-on mais c'est bel et bien le signe de l'indigence de notre âge qu'il faille lui répéter quelques évidences. lisons-le, prêtons une extrême attention à cet auteur capable d'affirmer, péremptoirement et à bien des reprises : «quant à vous, vous pensez que pour entrer en littérature, il faut se présenter nerfs à vif, nu, sanglant, hurlant, écorché, en viande toute crue, en piqûres de guêpes, surtout pas en habit d’académie, encore moins en chasuble». la nudité de bénier-bürckel est pourtant rien moins que travaillée, voire maquillée d'excréments et de boue. cette phrase encore est extraordinaire, qui traduit superbement la descente aux enfers que doit accepter d'accomplir tout écrivain digne de ce nom : «chaque mot est aimanté par le gouffre qu’il abrite et sur lequel il oscille et tangue comme un radeau à moitié disloqué, toujours sur le point de rompre, de couler et de se faire dévorer par le monstre». bénier-bürckel, comme rimbaud, annonce donc son programme de dérèglement de tous les sens avec un certain panache et, sous la plume, une violence bien réelle, assassine, salutaire, dans le sens où seule elle nous permettra peut-être de sortir de notre profond sommeil. il y a ainsi du machiavel dans ce terrible constat même si, ailleurs, il m'a semblé que l'auteur détestait toute forme de nationalisme, en tout cas occidental : «on a tous sa vilaine petite coquetterie à soi. c’est ce désir masochiste que les islamistes et tous les mercenaires en mal de brutalité viennent soulager avec une très consciencieuse et très prévenante malveillance. qu’ils soient remerciés d’avoir ravivé la flamme nationaliste des vieilles nations européennes à bout de souffle vivant depuis trop longtemps sous la tyrannie des mous». l'attaque, certes, est rude. mais alors pourquoi cette impression constante de jeu malsain, de pochades un peu trop travaillées dans les urinoirs, de débordements qui sentent leur pose congestionnée de fort en thème, sous la plume d'un adolescent attardé sans doute quelque peu contaminé de noires lectures ? comment se fait-il que je ne puisse retenir un soupir de lassitude lorsque le trope de la destruction totale a été égrené une bonne centaine de fois, bénier-bürckel n'en finissant pas de nous empiler les «auschwitz en symphonie concrète», les déflagrations «tout en rafales», les joies «stridente[s] d’agonies», le «chaos interprété par un orchestre philharmonique sous la conduite d’un bourreau ss» ? voilà bien ce qui me gêne : non pas le programme («votre langue natale est un pays que vous rêvez de mettre à feu et à sang» ou encore : «c’est dans l’effondrement de soi et de sa langue qu’on se réveille à son propre jour»), finalement moins original qu'il n'y paraît et fleurant bon la décortication patiente des catalogues rimbaldo-mallarméens, que le résultat, simple pétard mouillé plutôt que saison en enfer et bûcher dans lequel, je vous le jure, je rêve, comme bénier-bürckel, de voir rissoler nos gloires littéraires, ces écrivains finalement seuls obscènes à force de nous entretenir de leur insignifiance. bénier-bürckel, au moins, s'il n'a rien de la puissance d'un céline (voir ce nom, dans certaines des critiques consacrées à pogrom, m'a fait beaucoup rire), parvient encore à nous indiquer ce que la littérature doit être : une apocalypse, une longue errance «à la lisière de son propre néant» et, ajoute l'auteur avec une belle tristesse, le «chagrin de l’intelligence [forçant] l’homme à se dépasser, comme un impératif fortuit et inévitable cloué dans sa chair». finalement, bénier-bürckel n'est tout simplement pas à la hauteur de la vérité qu'il a comprise sans être capable de lui donner un corps auquel sans hésitation je donnerai ce nom : un roman. 20:30 lien permanent | envoyer cette note | tags : littérature, critique littéraire, romans, polémiques 19/02/2006 dosadi de frank herbert ou l'enfer du nouveau monde «derrière la marionnette, il y a le montreur». frank herbert, dosadi. quel contraste tout de même entre ces deux expériences : d’un côté la relecture du complexe et touffu dosadi et, de l’autre, la vision du film envoûtant, malgré quelques tics (comme la présence de john savage rejouant son rôle d’exalté, la longue immersion de john smith dans la tribu indienne, à l’instar de celle que vécut le soldat witt dans the thin red line) de terence malick, le nouveau monde. espace strictement confiné dans le roman du maître de cycle d'arrakis, à tel point que certains lieux surpeuplés y sont surnommés des garennes, étendue sans limites du nouveau monde, magnifié par les prises de vue statiques du réalisateur des moissons du ciel. une terre vierge à conquérir, où regagner, peut-être, son âme, comme le songe le personnage principal du film, un nouvel Éden où l’homme pourra boire la source d’eau vive, alors que l’œuvre d’herbert multiplie les pièges, tous mortels, de la planète cachée, immense parc où est retenu prisonnier le cheptel humain qui n'a qu'une envie, mais féroce, mais consumante : se répandre dans l'univers, interdit par de mystérieuses puissances invisibles. dosadi [the dosadi experiment] de frank herbert, publié en 1977 par l’éditeur new-yorkais putnam’s sons, concentre les habituelles thématiques chères à l’auteur de dune : le confinement d’une population de plusieurs millions d’êtres (pas seulement humains) dans un lieu proprement inhabitable, l’émergence, au travers des jeux du pouvoir et des trames politico-économiques croisées, d’une violence que l’auteur observe en véritable clinicien, censée qu’elle est renouveler les forces taries de la civilisation (ici, la co-sentience), l’interrogation quant au phénomène de la divinité, matérialisé, dans ce roman, par le «mur de dieu», la volonté prométhéenne d’expérimenter sur le vivant et enfin la discrète allusion au thème majeur de la saga de la planète des sables, l’apparition d’un messie, ici ridiculisée. dans destination vide, le premier tome de la série intitulée le programme conscience, il s’agissait de faire naître une étincelle d’intelligence dans un ordinateur soumis à des conditions d’exercice extrêmes puisqu’il était chargé de conduire un vaisseau et sa population humaine vers une planète… inexistante. cette machine deviendra dans l’incident jésus la nef qui, à son tour, expérimentera in vivo les conditions requises pour que naisse l’adoration de la créature envers son créateur : il s’agissait d’apprendre à la vénefrer. dosadi, qui donc paraît moins être la suite de l'inclassable l'Étoile et le fouet que de destination vide, plus qu’aucun autre roman d’herbert mène jusqu’à son paroxysme l’idée de la manipulation : c’est une planète entière, coupée du reste de l’univers, qui sert de laboratoire d’expérience. encore cette dimension n’est-elle elle-même qu’un leurre, un de plus, puisque le personnage principal du roman, le saboteur extraordinaire jorj x. mckie, découvrira, derrière l’intention un peu trop évidente consistant à exacerber les chances de survie d’une population implacablement opprimée, une réalité beaucoup plus troublante, la vieille et fausse quête de l’immortalité du corps. de sorte que, à considérer les choses en profondeur, le film de malick comme le roman d’herbert évoquent la recherche, impossible, du jardin d’Éden qui est aussi réparation de la différence sexuelle, amour premier, éternel. dans le roman de science-fiction, ce seront les étranges noces androgynes qui lieront ineffablement jorj x. mckie à keila jedrik et, aussi, une pureté mortelle insufflée à l’univers de la co-sentience par les hordes fanatiques dosadiennes, rapprochées des guerriers mythiques du nord que furent les berserkers. dans le film de malick, la perte de l’amour sans taches que pocahontas voue à l’explorateur john smith connaîtra sa reconquête puis son accomplissement auprès d’un autre homme, john rolfe, qui deviendra époux et père, alors que smith avouera à son ancien amour qu’il a peut-être dépassé les indes, à défaut de les avoir trouvées. a peine conquis, le paradis perdu entame sa chute inexorable, le mal, inexplicablement (j'en veux pour preuve les questions lancinantes qui ponctuent les films de malick), apparaissant comme un ver invisible qui n'attendait que l'occasion favorable pour commencer sa lente croissance, puis sa dévoration : une hésitation d'un court instant, un infléchissement indécelable de la volonté, l'ébauche d'une tentation, la faille minuscule par où le venin de la grandeur fausse va s'infuser, comme dans la cervelle de macbeth, et c'en est fait, tout est fini, irrémédiablement souillé, l'innocence n'est plus. mais le nouveau monde de malick comme dosadi d'herbert nous affirment tous deux qu'une réparation, moins peut-être : son rêve immense, reste toujours possible qui réside dans la volonté inflexible des hommes de conquérir leur liberté. 12:20 lien permanent | envoyer cette note 17/02/2006 le christ nain et le christ bourreau de pär lagerkvist pär lagerkvist est né en 1891 à växjo, petite ville du sud de la suède, et est mort en 1974. il a reçu le prix nobel de littérature en 1951. depuis quelques années, même s'il ne devient pas encore difficile de trouver dans les librairies les principaux romans de pär lagerkvist (le nain, le bourreau mais aussi la mort d'ahasverus, barabbas ou la sybille), bien peu d'études me paraissent être consacrées à cet auteur qui reçut le prix nobel de littérature en 1951. je profite de la parution d'un recueil de poèmes somptueux, où chaque vers résonne d'une douloureuse inquiétude métaphysique (par exemple, p. 63 : «o puissant, pourquoi ne nous enseignes-tu à lire ton livre. / pourquoi ne passes-tu le long des signes ton doigt / pour nous apprendre à épeler et comprendre / comme des enfants.»), recueil intitulé pays du soir (chez arfuyen, livre à mon sens inutilement postfacé par charles juliet) pour publier dans la zone un vieux texte consacré aux deux romans (il s'agirait plutôt de longues nouvelles) les plus connus de lagerkvist, le bourreau et le nain. «il s'effrite comme un lépreux sur son trône et le vent sinistre de l'éternité répand sa poussière dans les déserts célestes». pär lagerkvist, le bourreau. «peut-être le mal a-t-il une demeure éternelle, une aire lointaine, désolée, inaccessible où l'on aspire en vain à la rédemption, quelque chose d'impérissable comme la lumière même». pär lagerkvist, genius. nous allons tenter d'examiner ces deux étranges récits de pär lagerkvist sous le regard le plus déroutant, le seul, vital pour notre temps sans dieu, regard qui du christ fait un nain, dénué jusqu'au vertige de la plus petite parcelle de charité, regard qui du christ fait un bourreau, cette fois digne de pitié. a dire vrai, il eût été plus juste d'inverser les termes de la provocante égalité – et de dire ainsi que lagerkvist fait d'un nain ou d'un bourreau le christ, moins même, une figure christique –, mais ce serait faire preuve d'une sotte prudence, et se condamner à sous-estimer la portée du renversement absolu, non seulement des valeurs, mais plus encore du sens de la verticalité, qui se joue dans ces deux œuvres – renversement de sens, inversion de polarité, que l'on trouve déjà dans macbeth, pièce la plus noire de shakespeare qui fait du héros éponyme un contre-christ bien que, dans cette pièce, ce renversement ne soit pas aussi explicite et radical que chez lagerkvist. le nain (dvärgen, 1944) donc, piccolino, qui est l'auteur d'un récit à la première personne, monstrueux comploteur, difforme créature au service d'un prince d'une cour italienne de la renaissance, qu'un critique et traducteur éminents, régis boyer, a tort de confondre avec satan (dans son introduction aux Âmes masquées, flammarion, coll. g.f., 1986; certes, cette identification, le nain l'établit en personne : je me sentais comme satan lui-même, entouré des esprits infernaux; là pourtant n'est pas l'essentiel). aussi méchant soit-il, notre nain n'est pas satan : sa sensibilité délicate s'émeut de beaucoup de choses, de trop de choses, et certains tableaux violents lui donnent une franche nausée. non, ce nain n'est pas satan, mais plus : l'adversaire en personne de ce dernier, le christ. cette identification va infiniment plus loin que la précédente, puisqu'elle porte le soupçon du mal au sein même de la divinité, au sein même du cœur du fils de l'homme, et qu'elle n'érige plus seulement en figure trop évidente le diabolique. le nain piccolino est un christ inverse, inversé, un contre-christ, c'est-à-dire, un antichrist, non pas le formidable émissaire du diable, tout gorgé du sang des martyrs chrétiens que nous décrivent les textes anciens, mais un antichrist veule, grotesque, méchant – non, intrinsèquement mauvais, piccolino, comme on dit, a le mal dans les veines –, un pitoyable solitaire dégoûté de tout et de tous, hormis, peut-être, de son maître, le prince. notre nain, c'est le christ des temps modernes, le seul, ridicule et publicitaire, qui puisse convenir à nos temps troubles et oublieux de dieu. piccolino est un christ de carnaval, ridicule mais conforme en tout point à son modèle. simplement, le petit personnage ne s'est pas avisé qu'il regardait dans une glace son reflet contradictoire. c'est au cours d'une messe carnavalesque qu'il célèbre en personne, que notre nain va acquérir sa stature christique : je mange son corps, qui était difforme comme le vôtre, hurle-t-il à l'assemblée uniquement composée de nains, il est amer comme fiel, car il est plein de haine. puissiez-vous en manger tous ! je bois son sang, qui brûle comme un feu inextinguible. c'est comme si je buvais le mien. l'opposition entre le nain et le christ dès lors, de tracer une trame aisément repérable : l'un est pure donation de son corps aux hommes, l'autre pure réserve et égoïsme : mais je me hais aussi moi-même. je dévore ma chair imbibée de fiel. je bois mon sang empoisonné. sombre évêque de mon peuple, j'accomplis chaque jour mon rite solitaire. le christ vrai ne craint pas de dire qu'un le surpasse, son père; l'autre se veut sa propre origine, comme le démon de saint anselme de cantorbéry : et je reconnais tout ce qui vient de moi, rien n'émerge des bas-fonds de mon être, car rien n'y est caché dans l'ombre. l'un apporte la paix, l'autre la guerre farfelue et pitoyable du monstre, de la contrefaçon : sauveur des nains, puisse ton feu consumer le monde entier !, et la parodie se poursuit, dans ces quelques lignes par exemple, où piccolino médite sur la personne du christ, que maître bernardo (masque transparent de maître leonardo da vinci) a représenté lors de la cène : la haine a été mon aliment depuis les premiers instants de ma vie, j'ai absorbé sa sève amère, le sein maternel sur lequel je reposais était plein de fiel, tandis que jésus, lui, tétait la douce madone, la plus tendre, la plus suave de toutes les femmes, et buvait le lait le plus délicieux qu'ait jamais goûté un être humain. remarquons alors que le nain infâme se représente sous les traits de judas : je songeai avec joie que ce dernier allait bientôt être pris, que judas, recroquevillé dans un coin, ne tarderait pas à le trahir. il est encore aimé et honoré, pensai-je, il siège encore à sa table d'amour – tandis que je me tiens debout dans la honte ! [piccolino pose en effet pour maître bernardo] mais son heure viendra ! au lieux d'être assis avec les siens, il sera cloué sur la croix, trahi par eux. et il y pendra nu, comme je le suis en ce moment, aussi honteusement avili ! exposé aux regards de tous, raillé et injurié. et pourquoi pas ? pourquoi ne subirait-il pas le même traitement que moi ? le second récit, lui aussi bref – à peine plus d'une centaine de pages en édition de poche – pourrait être une sorte de geste du maudit, ici représenté par le personnage du bourreau, une amplification romanesque des quelques dizaines de lignes que le grand joseph de maistre consacre à l'exécuteur dans le premier entretien de ses soirées de saint-pétersbourg. ce court texte date de 1933 et a été adapté au théâtre avec gösta ekman. le bourreau est ce personnage, honni de tous, qui symbolise le mal absolu. mais le bourreau qui est le serviteur du mal, le compagnon préféré de satan, est le christ aussi, est le christ pourtant, est le christ plus que le christ. le fils de l'homme, qui obsède lagerkvist dans ses derniers récits, lagerkvist qui est aux prises avec lui et qui, comme jacob avec l'ange, ferraille dur, le christ que l'on retrouve, mais inversé, dans le très cruel récit le nain, comme une contre-épreuve, un petit christ minable et joyeux de l'être, même pas satan, rien qu'une caricature grotesque, un parasite informe et atone, content d'être là et de faire le mal à sa toute petite et puérile échelle, sans aucune ascension de golgotha, sans désespoir, sans peur de la mort et sans l'angoisse d'être abandonné au dernier moment (car piccolino n'a pas peur; emprisonné, torturé, il est absolument incapable d'éprouver la peur du christ face à son agonie. le nain n'a pas peur, car, dit-il, il ne s'ignore pas : et je reconnais tout ce qui vient de moi [...]. aussi n'ai-je point peur de ce qui effraie les autres, de cet hôte bizarre et mystérieux). a moins que le nain ne soit assimilable au dieu mort. il faut ainsi remarquer la similarité de deux scènes, évoquant l'une et l'autre la solitude stupide de ce qui n'a plus aucune raison d'être : la première décrit la vision du dieu mort dans notre nouvelle, la seconde, celle du nain emprisonné : je suis là dans mes fers et les jours passent et il n'arrive jamais rien. c'est une existence vide et sans joie, mais je m'y trouve bien. j'attends d'autres temps qui viendront sans doute. il n'a sûrement jamais été question que je reste ici pour toujours. je trouverai bien l'occasion de poursuivre ma chronique au grand jour, comme avant, et l'on trouvera bien, de nouveau, à m'employer. si je connais bien mon maître, il ne pourra pas se passer de son nain, à la longue. suivons pas à pas la narration de notre deuxième nouvelle – et comprenons que la critique, bien souvent, devrait se contenter de ce seul rôle fort modeste. et d'abord, ce bourreau, personnage tutélaire et thuriféraire du mal, ne parle pas, ne vit pas, n'est pas mis en scène autrement que par une présence qui est absence. la nouvelle commence dans une taverne mal famée : attablé dans la pénombre de la taverne, le bourreau buvait. c'est tout ce qu'on nous dit ou presque. immédiatement alors surgit la conversation entre les différents arsouilles qui peuplent le lieu interlope : tous parlent du bourreau, car oui, c'est effrayant de ce que les gens sont avides de tout ce qui se rapporte à lui, cet être nocturne, présenté comme l'allié, l'émissaire du diable : le bourreau est celui qui se tient si près du malin. c'est le premier chapitre, qui se termine sur la prise de parole d'un des ivrognes, qui durant tout le deuxième chapitre va raconter l'expérience qu'il vécut jadis, enfant, à laquelle le bourreau fut intimement mêlé : il n'est pas facile de connaître à fond le malin, et lorsqu'on y arrive, on peut avoir des surprises. ce n'est pas que j'y comprenne grand-chose moi-même, mais un jour le malin m'a pour ainsi dire tenu entre ses mains et m'a laissé voir son visage. enfant, ce narrateur momentané a joué avec les deux enfants d'un bourreau, vivant à l'écart du reste des habitations. ayant pénétré dans sa demeure et s'étant approché d'une épée accrochée au mur, celle-ci a gémi. aucun doute pour la compagne du bourreau, qui interprète le signe maléfique : c'est par l'épée du bourreau qu'un jour l'enfant devenu adulte périra. la conjuration funeste est défaite, le jour où le bourreau, par trois fois, fait boire dans sa main à l'enfant l'eau d'un puits auquel puise la famille proscrite. que dieu vous bénisse, s'exclame la mère du petit au bourreau. mais, pour toute réponse, nous dit le narrateur, le bourreau se détourna. le malin est bizarre, qui peut le nier ?, est la première des constatations à faire, suivie par cette autre, surprenante, on dirait qu'il y a quelque chose de bon en lui. il faut faire donc le constat de la force mystérieuse qui gît dans le mal, capable de sauver une vie que la fatalité enchaînait pourtant à son pouvoir de mort. c'est là le premier renversement qu'opère le texte : le mal est bénéfique dans certaines conditions, point ne sert de se le cacher. jusqu'à présent, le bourreau n'a pas ouvert la bouche, peut-être même n'écoute-t-il pas les histoires que se racontent les hommes. un deuxième narrateur prend alors le relais du premier. c'est une histoire d'amour qu'il va nous raconter, entre un bourreau et la femme qu'il devait exécuter. au moment de trancher la tête adorable, il avoue ne pas pouvoir le faire : tout le monde le sait, c'est un motif suffisant – le seul, à vrai dire – pour que la condamnée soit graciée (certes, comme il faut encore préserver la part du gibet, la femme sera marquée au fer rouge). hélas, lorsqu'un enfant naîtra au couple singulier, son front sera marqué d'une tache en forme de potence. horrifiée, l'ancienne condamnée tue son enfant, et pour ce crime elle est enterrée vivante par son propre époux. après cette deuxième histoire – et le bourreau attablé dans la taverne n'a toujours pas prononcé un seul mot –, un intermède grotesque a lieu, qui fait s'ouvrir la gueule de l'enfer : le mal s'y déchaîne, servi par le hideux lasse, voleur de grand chemin sans main, qui déclare posséder un trésor démoniaque dans l'objet singulier dont il est devenu le possesseur, une mandragore. lorsqu'il a arraché celle-ci, au pied même de la potence, à l'endroit où l'on enterre les pendus lorsque le vent les a fait tomber, voici ce qu'il a entendu : et quand je l'arrachai de terre, il y eut un fracas épouvantable autour de moi, ça grondait et tremblait ! – l'abîme s'ouvrit, du sang et des cadavres en jaillirent ! – l'obscurité se fendit et du feu coula sur le monde ! quelle horreur et quels cris ! – et tout brûlait ! – on aurait dit que l'enfer avait été lâché sur la terre ! – «voilà que je la tiens ! je la tiens !» ai-je crié ! mais alors qu'éclatent dans la gargote ces paroles hallucinées, le bourreau, toujours immobile et comme hors du temps, fixait gravement l'obscurité devant lui. comme s'il savait depuis longtemps que sa présence néfaste jamais n'allait se démentir tout au long du gouffre des âges futurs, comme s'il voyait déjà la hideuse prolifération du mal dont il est le serviteur. il a raison. les années ont passé, creusant un peu plus profond le gouffre du mal. le quatrième chapitre débute, de nouveau, sur l'intérieur bruyant d'une taverne, quelques siècles après le cadre d'ouverture de la nouvelle, ou quelques heures, peu importe. le bourreau, une fois de plus, est muet : le mal en personne se tait, peut-être regarde-t-il – mais rien n'est moins sûr – les hommes – des soldats nazis, nouvelle incarnation temporelle et temporaire du mal – en train de s'amuser au son d'un orchestre noir. un dilemme de pensée totalitaire, un meurtre qui le solde rapidement, et puis la bagarre éclate entre l'orchestre et les allemands. enfin, après celle-ci, qui se conclut par quelques morts, un soldat interpelle le bourreau, dans un panégyrique qui mêle au salut des nouveaux dieux de la horde, l'exaltation de la sainte violence et la certitude réjouissante que la silhouette puissante du bourreau remplira les guerriers de confiance et de courage. heil ! heil !, crie le soldat au bourreau; mais ce dernier garde le silence, continue à les regarder sans souffler mot. puis il prend la parole, pour ne plus la laisser jusqu'à la fin. oui, à ceux qui en doutaient, il crie qu'il est bien le bourreau. c'est lui qui, depuis les premier âges du monde, vagissants encore depuis qu'ils ont quitté leur berceau d'infamie, c'est lui qui suit pas à pas la carrière frénétique et grotesque des hommes : on m'appelle encore et j'arrive, car c'est pour le mal l'époque du rut ! c'est l'heure du bourreau ! comme caïn dont il est le frère infortuné, le bourreau, parce qu'il porte sur le front la marque du crime, est condamné à n'être qu'un tueur, pour l'éternité. selon la logique propre au sacré – sacer : toujours l'étymologie est révélatrice – dont il est la figure mystérieuse et symbolique, le bourreau est le mal et le bien, l'exécuteur et sa victime : le bourreau est condamné à servir les hommes, il est aveuglé par leur sang, qu'il répand en larges torrents – condamnations, guerres, sacrifices religieux, etc. –, qui pourtant est le sien, selon cette étonnante préfiguration de la parenté christique : le sang des hommes est celui du bourreau et le sang du bourreau, comme le sang vivificateur du fils de l'homme, circule en l'humanité. il porte, pas moins que l'absurde sisyphe, un fardeau: il est, selon ses paroles, le seul à le faire : je dois porter vos fardeaux, suivre vos chemins sans me lasser, tandis que dans vos tombeaux vous reposez depuis longtemps. qui creusera une tombe assez profonde pour me cacher ? pour me donner la paix ? qui soulèvera de mes épaules le fardeau de la malédiction et me procurera le repos de la mort ? personne !, s'exclame le bourreau, car personne ne serait capable de porter ce que je porte. personne ? ne reste-t-il pas, même pour le pire des criminels, même pour le gilles de rais le plus délectablement pervers, le recours d'adresser ses prières à dieu ? non, répond le bourreau, car dieu, cela est sûr depuis belle lurette, est mort et bien mort. a dire vrai, le bourreau a certes éprouvé le désir de parler au créateur, mais à une époque reculée, à l'époque où il y avait encore un dieu, afin, nous dit-il, de plaider [sa] cause devant lui. plus précisément encore, la veille de la grande exécution accomplie par le bourreau, celle d'un homme qui se prétend le sauveur des hommes, qui s'appelle le messie, qui a prêché la paix sur la terre. incompréhension du bourreau qui s'entretient quelque instant avec le pauvre diable: pourquoi la paix nécessite-t-elle que meurt celui qui la désire et aspire à elle de ses vœux, de toutes ses forces de dieu ? c'est, répond étrangement l'homme qui se prétend le fils de dieu, une convention mystique entre lui et son père. pourtant, au moment de l'agonie, et juste avant celle-ci, lorsqu'il s'agit d'aider le condamné à porter la croix sur laquelle il va être cloué par le bourreau, nul autre que ce dernier ne se trouvera pour l'aider. lui seul est venu à son secours et nul autre, car, bien entendu, son fardeau pesait moins que ce [que le bourreau] porte d'habitude pour les hommes. le bourreau est donc devenu simon de cyrène, – pas encore le christ –, comme, auparavant (dans la narration, non dans la logique temporelle, mais qu'importe ?), il avait aidé le jeune enfant, ou encore sauvé celle qu'il allait épouser. au moment de le mettre en croix, le christ murmure je te pardonne, frère au bourreau, dont un témoin prétend qu'alors la marque inscrite sur son front disparut. parce que le christ a appelé frère le bourreau, celui-ci a l'impression de crucifier son propre frère : désormais, cette certitude sera inébranlable dans l'esprit du tortionnaire. après la mort du christ et la profération de son cri formidable – «mon dieu, mon dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné ?» –, le bourreau, assis près du lieu du supplice, a l'idée d'aller parler à dieu. je quittai la terre et m'élevai dans les cieux, nous dit le personnage, comme dans les vieilles apocalypses juives, où du moins l'air n'est pas étouffant et fade. j'ai marché, marché, je ne sais combien de temps. il habitait terriblement loin, dieu. enfin, je le découvris trônant devant moi, grand et puissant, dans l'immensité céleste. alors le bourreau parle, comme il ne l'a jamais fait ni ne le fera plus jamais. comme on dit, il se déverse, car comment ne pas conter sa misère au dieu de tous les âges ? cela est inutile, car nous assistons à la vision du dieu mort qui s'effrite comme un lépreux sur son trône. mais il ne me voyait pas. ses yeux bombés, au regard vide comme le désert, fixaient toujours l'espace. je fus pris de crainte et d'un désespoir au-dessus de mes forces. «aujourd'hui j'ai crucifié ton propre fils !» lui criai-je, fou de rage. mais aucun trait de son visage dur et impassible ne bougea. il semblait taillé dans la pierre. seul dans le silence et le froid, je sentais le vent de l'éternité me glacer. il n'y avait rien à faire. personne à qui parler. rien. je dus reprendre ma hache et rebrousser chemin. je compris que le crucifié n'était pas son fils. il faisait partie des hommes et ce n'était pas étonnant qu'on l'eût traité comme ils ont l'habitude de traiter les leurs. le texte, bien sûr, est superbe : il nous fait penser à telle page de dostoïevski – la légende du grand inquisiteur ? – et nous permet de saisir le retournement par lequel désormais le bourreau va pouvoir se prétendre christ. comment l'autre pouvait-il se dire sauveur, alors qu'il n'est pas même capable de venir en aide au bourreau, celui-là même qui en a le plus pressant besoin ? non, le christ véritable, le seul que méritent les hommes inhumains, c'est lui, le mal incarné, le bourreau, abandonné de tous, mais présent fantastiquement, alors que l'autre, le frère supplicié, est parti et qu'il n'était pas, d'ailleurs, le fils de dieu. mais moi, je suis le christ, je vis !, crie le bourreau, qui alors n'aspire, comme son frère abandonné, qu'à se faire crucifier, bien qu'il sache que jamais sa croix ne sera dressée, car le mal sans aucun doute n'aura pas de fin et, s'il en avait une par hasard, qu'en ferait-il, lui ? est-ce que pour autant cela amoindrirait son indicible souffrance ? est-ce que pour autant ses crimes lui seraient pardonnés ? et néanmoins j'aspire à cela. a ce que ce soit fini, à ce que ma culpabilité cesse d'augmenter. j'aspire au moment où vous [vous, les hommes] serez effacés de la terre et où mon bras pourra enfin retomber. aucune voix rauque ne se lèvera plus vers moi, je serai seul et en regardant autour de moi je comprendrai que tout est accompli. et je m'en irai dans la nuit éternelle, conclut-il, désespérément. désespérément ? certes, la profondeur de l'angoisse atteinte dans ce court récit, l'irréparable doute porté sur la divinité du christ, la certitude définitive de la mort de dieu, enfin la pérennité de la mission du bourreau et de la présence du mal, enté au plus intime des flancs de l'humanité, tout cela plaide pour une noirceur irréfragable. mais il reste, encore une fois comme dans l’œuvre du grand russe, le secours de la femme, de l'amour que celle-ci porte à son compagnon de misère. qui est-elle ? nul ne le sait, pas même le bourreau : je ne sais pas qui elle est, mais elle est bonne pour moi. quand la nuit est tombée, elle passe sa main sur mon front et me dit que la marque au fer rouge a disparu. elle ne ressemble à personne, elle peut m'aimer. j'ai demandé aux hommes qui elle est, mais nul ne la connaît. dans un univers renversé, inversé, mis sens dessus dessous depuis que dieu est mort, au point que le bourreau est le seul à pouvoir prétendre remplacer un christ misérable et abandonné, sans que cela ne puisse même pas – plus ? – nous choquer, il ne reste plus rien qu'une morne route qui se fraie son passage au creux d'une mer rouge de gibets, de cadavres et d'abominations: mais au loin, c'est peut-être bien le soleil rescapé de l'amour qui luit encore. le bourreau et le nain, ainsi que les titres majeurs de lagerkvist sont publiés par les éditions stock, dans la collection de poche bibliothèque cosmopolite. 19:36 lien permanent | envoyer cette note 15/02/2006 un texte inédit extrait d'amnésie de sarah vajda après un texte inédit d'Éric bénier-bürckel, je publie dans la zone des lignes rares, et pour cause : voici la réponse que me fit sarah vajda à qui je demandais un passage non publié de son remarquable roman, amnésie : «[...] sûr que j'en ai un, la matrice du livre, le premier jet, un long poème en prose d'où il naquit et que (ne le dites pas [...] m'a fait oter) avec quelque raison, pléonasme, mais vous ne le détesterez pas – vous seul avez pointé cet angle dantécien ou dantéquien. [...] vous l'aurez deviné il était placé dans le chapitre révélation : l'extase de saint jean de la croix... la passion d'avila dans les rues de saint-pierre-sur-garonne.» c’est arrivé, un point c’est tout. ici et maintenant, qui aurait pu tout aussi bien avoir lieu ailleurs, moins au sud, à chaque point cardinal du pays et sans doute du continent. resté là, fixé, tenace, chancre ou mycose. emplâtre ou galipot n’y faisaient. la ville, le territoire continuaient à noircir, en dépit des efforts des meilleurs. urbanistes, paysagistes et architectes, tous s’y étaient mis, en vain. les barres avaient supplanté les maisons tristes en pierre meulière et l’opacité des vies, cédé le pas à la transparence : aux baies-vitrées où les familles se mirent au reflet neigeux du voisinage, aux cités-jardins d’un nouveau genre, piscines au centre et haies taillées à l’entour qui recouvraient le pays, effaçant l’ordonnance d’une république aux ors pâlis. les quartiers ouvriers avaient fondu au soleil du capital. dame misère avait établi des squats et des taudis où, naguère, des rideaux clairs et des pinsons en cage simulaient la douceur de vivre. de la chose arrivée, de l’acte innommable, le pays seul se souvenait, quand ses habitants l’avaient oublié. c’était resté, collé à l’air, aux institutions, aux pratiques scientifiques, médicales, universitaires, aux lois, aux vêtements des femmes, à la casquette des jules. les hommes avaient beau ne plus porter de feutre, de lunettes d’écailles, de pantalons de tergal ou de popeline, et les femmes avoir oublié le bruit des socques, l’esthétique enfantine des chaussettes repliées, les jupes faites à la maison, les peignes dans les cheveux, on avait beau avoir inversé les slogans, inventé un monde nouveau, lavé les mots à grande eau, retourné la grammaire, la chose s’était faufilée partout, à la ville, à la campagne, dans les sports et les loisirs, dans toutes les couches de la société, du plus jeune au plus vieux. l’advenu suintait, culture non apprise, déjà là, confondue avec l’être et le non-être, visqueuse et riante. les hommes désormais vivaient suspendus entre ciel et terre, glissant, à la surface des choses, emportés dans un tourbillon douceâtre. nourris de lait et de sucre, la faim les tenaillait et la pesanteur de la terre les attirait, comme si, dans l’éther et au-dessous des pavés, au lieu de la plage attendue et du pays de nulle part, flottaient des armées de fantômes, rampants, volants, incoercibles. les jeunes gens des trois sexes avaient déchiré leurs pantalons, dénudé, troué et marqué leurs corps. on les reconnaissait à cette habitude qu’ils avaient de s’insurger contre le parti du passé, parlant une langue nouvelle aux accents des confins, un jargon, dont toute identité nationale s’était absentée. la vieille rhétorique, à tue-tête, chantait dans le non-dit, le sous-texte, le palimpseste et l’intertextualité. sous les habits neufs du pays, la vieille terre grondait, volcan mal éteint, jamais identifié, fuyant comme les spectres à la lueur de l’aube. c’était couleur d’aurore, couleur opérette, lavée à l’eau de source contrôlée. cela a un beau nom, femme narsès, ça s’appelle l’histoire. de vieux mythes parlaient de crimes impunis, imprescriptibles, d’une déesse h, invisible et inaccessible, néanmoins violentée. l’horreur prenait la tonalité d’un roucoulement de luis mariano, le charme désuet d’un clocher paisible et d’une girouette municipale, l’éclat des lambris de versailles un certain 3 octobre 1789 où une reine moqua un peuple affamé jusqu’à ce que l’indifférence, vice commun en ce pays, transforme une insurrection en révolution et un promeneur solitaire en maître de terreur et par dessus-tout, glaçant le paysage, la pâleur, rose sucre glacé d’une pièce montée apportée jadis en une noce de province dont chacun avait oublié et l’identité des mariés et celle de leurs convives. la fête, dit-on, s’était mal terminée et un bois de bouleaux avait recouvert le merveilleux domaine. Ça poissait le long des murs, au fil des nuits, le long du temps, figé à l’état de larve, dans le sommeil et dans la veille, dans l’accordéon comme dans le rock, derrière les cris du rap et le sirop des chanteurs à texte ou dans les trémolos des chanteurs à voix. aucune forme nouvelle ne parvenait à éradiquer une figure maudite, un hexagone réapparaissant sournoisement sous les pyramides, les ovales et les rectangles, présent dans la pierre des montagnes comme sur le sable des plages, dans la structure des molécules, les diagrammes de l’État, les sourires et les pleurs des gamins. quoique ceci ne se dévoilât jamais, chacun, confusément, sentait un malaise. le pays n’était jamais sorti de table. chaque aube le trouvait barbouillé. le gâteau, de si belle apparence, si doux aux lèvres avait tourné – trop de levain sans doute. au sucre s’était mêlée une substance âcre. le pays gavé conservait sa nausée. il fallut bien se rendre à l’évidence : le sucre était poison qui ne s’éliminerait pas. quatre générations déjà, et les anneaux pyloriques demeuraient impuissants, aigreurs, ballonnements, pets foireux, brûlures, mauvaise humeur chronique, alternance de diarrhées et de constipation. aucun régime n’y ferait. ni l’austérité ni l’abondance, ni le jeûne ni la diète ni les repas équilibrés ou les banquets ne dissoudraient ce relent. toute l’eau des fleuves, tout le jus de la treille ne laverait la bilieuse saveur. la mauvaise graisse et la cellulite survivraient au surf, au roller, au football, au rugby, au jogging, au stretching même, à toutes ces disciplines inventées dans l’unique but de modeler des hommes nouveaux, des corps durs, imperméables aux fantômes. aucun coach n’en viendrait à bout. les esprits avaient beau se vider devant des spectacles offerts en masse aux masses, des jeux collectifs où la frivolité le disputait à l’obscénité, ça filtrait, conscience insidieuse et sans nom, repérée par les instituts de statistiques aux chapitres dépression, suicide, conduites d’addiction, repérable sous le masque du spleen déguisé en exaltation du moi. les vieilles femmes se coupaient les cheveux à ras, tondues pour un crime imaginaire et les plus jeunes, mâles et femelles confondus, estampillaient leurs corps d’une encre indélébile. le marquage avait commencé par la cheville, une esquisse de chaîne, viré ensuite à l’allégorique, au décoratif. des papillons, des oiseaux se faisaient les signes d’une liberté qu’ils ne retrouveraient plus. les humains de cet étrange pays vivaient comme se meurent en réserve les animaux et les peuples sauvages. semblant ne manquer de rien, ils manquaient de tout. les témoins de la scène initiale avaient presque tous disparus, qu’ils l’aient décrite avec force détails avant de tomber sous les balles au fort de montrouge ou au mont valérien, évoquant le souvenir des amours chiennes qu’avait entretenu le pays avec un bel officier silencieux ou qu’ils se soient suicidés, obsédés par un verbe trompeur, soldats perdus d’un royaume au songe millénaire et bientôt aboli. les autres furent frappés d’amnésie. le pays se mit à ressembler au château de la belle endormie, version parc de loisirs. l’oubli est frère du sommeil et par-là même de la mort. aussi les mortels, désormais semblables aux compagnons lotophages du vieil ulysse, erraient-il sans but, en troupeaux revenus, ignorant, de leur voyage, la nature et le sens. le mensonge, malgré eux, devint langue maternelle. aux vastes questionnements, ils opposaient un mot, jouissance. et ce mot comme le a d’une grenade éclatait dans leurs bouches insolentes de santé, génération fluor, avant qu’ils ne se ceinturent la taille de grenades, dans l’inutile espoir d’annihiler le néant. se croyant condamnée par la domination de l’économie et de maître profit, la jeunesse, horde dominante, ne concevait d’autre alternative à sa douleur que de prendre la vague, s’emplir l’âme de musique, tenter de vivre une fraternité imaginaire avec quelques hors-caste, révoltes immédiatement initiées en modes et toujours pratiquées en bandes. ces âmes errantes s’autoproclamaient rebelles, usant d’un vieux mot dont le sens leur échappait. cette classe d’âge, érigée en valeur absolue, se tenait debout des nuits entières dans des champs dévastés, les narines pleines de substances hallucinogènes, à danser et hurler jusqu’à la dissolution complète, totale, absolue du sentiment temporel. de cette espèce, il en venait par milliers qui rollaient dans les rues des grandes villes, entourés de vastes cordons sanitaires, s’évadant dans des camps sans voir d’autres indigènes que des esclaves porteurs de miel et d’hydromel. au travail comme au repos, le même sentiment d’irréalité triomphait du vif. du but de l’existence, ils avaient cessé de se fabriquer une idée. de la guerre qui les avaient opposés si longtemps à un autre peuple, ils ne parlaient jamais. désormais frères, battant même monnaie, ils se voulaient pour l’éternité retrouvée compagnons d’arme dans une seule et même unité, en attendant de parler une langue commune, jouvence. en ce jargon, ils paradaient ontologiquement fiers, gays ou lesbiens, végétariens ou végétaliens, carnivores jamais. parfois ces damnés qui se croyaient élus évoquaient leurs arrières-grands-pères disparus par millions dans une guerre ancienne qu’ils jugeaient inutile. celle-ci, ils la qualifiaient de grande, ayant tout oublié de la petite qui avait suivi. la pressentaient-ils trop laide pour donner naissance à des contes et légendes, trop irréelle pour la pouvoir enfermer même dans un songe ? leurs vies et leurs livres se confondaient. l’authenticité de leurs récits devenait le garant de la forme, la marque de l’écrivain, comme elle justifiait leurs existences, occupées du seul souci de soi. en réalité, il s’agissait d’un génocide sans cadavres, exit la littérature. fini le temps offert à la reconstruction de l’expérience humaine, évanouie l’aspiration à la transfiguration du réel, foin de l’effort d’inscrire un événement, un récit, un songe ou un instant dans une tradition, et par-là même, adieu la révolte. les faits parlaient d’eux-mêmes. l’hypocrite lecteur enfin devenu semblable et frère, l’unicité de leurs existences avaient valeur d’universel. les pères parlaient à leurs fils en copains et les filles recevaient les confidences des mères. en cette fusion extrême des générations et des catégories, ce qui avait mû leurs aînés était devenu lettre morte, surgissant seulement au détour d’un slogan publicitaire à l’usage d’une firme, d’une banque ou d’un parti politique. les hommes continuaient à donner le nom de cité à des ensembles vides où des individus arrachaient au néant des instants de glisse, au-dessus des contingences. ils vivaient en paix, loin de la hache de l’histoire, l’esprit entièrement occupé des choses à acquérir pour meubler, non seulement leurs demeures, mais ces trous noirs auxquels ils donnaient par habitude le nom d’existence. si d’aventure leur béatitude se troublait comme l’eau d’un lac aux abords de l’orage, ils rejoignaient un village sans clocher ni mairie. certains prétendaient, techniciens habiles, attaquer le cœur même de l’État, mettre en péril l’ordre et la sécurité du monde, en tapant sur la touche shift de merveilleux engins qui, en lieu et place des dieux assassinés et des catégories anciennes, ordonnaient l’incohérence du monde. l’amour même se faisait sériel en ce temps là, à l’instar du crime, de la musique et de la mathématique. les femmes achetaient des chaussures en série, couraient les magasins afin d’emplir leurs armoires de vêtements qu’elles ne mettraient jamais. certaines d’entre elles, dans un geste en tous points similaire, vomissaient immédiatement après avoir mangé. les habitants du pays ne se contentèrent plus, mâles ou femelles, androgynes ou vieillards, de collectionner les amants : ce furent bientôt les vies qu’ils multiplièrent, changeant d’emploi, de famille, les recomposant à l’infini, dans l’espoir délétère de voir tous ces éclats composer une rhapsodie qui ne naîtrait jamais. l’amertume veillait, dragon d’un autre temps, qui, à leurs oreilles, fredonnait le chant du nevermore et de la vanité. les premières rides prenaient, dans ce monde, une importance extrême. quel moyen, à cinquante ans, quand les corps s’alourdissent, de prendre la grande vague ? des guérisseurs, souvent, leur offraient de quoi supporter l’épreuve. parfois, lassés d’avoir bu et mangé des substances caloriquement faibles, ils ouvraient un vieux livre. leurs yeux et leurs cerveaux saturés par l’amoncellement d’images découvraient d’étranges phonèmes qui avaient cessé de faire sens. abjection, héroïsme, vertu, beauté, passion… démagnétisés, les mots vaguaient. le couteau de la valeur, resté sur la table du banquet, le temps s’était arrêté. la pendule marquait midi – heure de l’acédie – aux clochers des églises, aux frontons des mairies, à la porte des synagogues, des mosquées et des temples, charity, shoa business, souillure post-coloniale, à laver comme jésus les plaies des lépreux. confusion générale : la mathématique quantique avait même annulé le «je sais que 2 et 2 font 4» de don juan. le visage humain ne se conformait plus au modèle ancien. amaigri, pommettes saillantes, blanchi outrageusement, yeux noircis, gothic style, il renvoyait à l’image des larves, des gargouilles. obèses ou anorexiques, les humains avaient à cœur de narguer toute règle. c’était vraiment une époque formidable, grouillante de révolutionnaires et d’homme libres qui chérissaient la mer, le soleil, la plage et qui, sans discontinuer, incroyables de centre commercial et merveilleuses de banlieue, entonnaient la ballade des gens heureux dans l’air vicié. les queers n’étaient désormais plus les seuls à modeler leurs corps. les poubelles se remplissaient de déchets humains, de boules de graisse superflue, de fragments de seins et de nez jugés trop longs ou trop gros. en lieu et place des lèvres, des mollets, des seins encore, du silicone. la nature, mère ou sœur de l’histoire, s’était réfugiée dans des posters figurant des îles désertes, des îles préhistoriques. il semblait que, pour paraître homme, il fallût, en ce temps-là, se déshumaniser. le diktat de la mode, de la minceur, la tentative aboutie de ne plus rien conserver du monde ancien, sauf à titre dérisoire d’indices du passé, entretenait un lien encore invisible avec ce nuage rose plus terrible que celui d’hiroshima tombé sur le pays, un matin de 1945. amnésie : je est un autre, je ferai de vos deuils des fêtes, cours camarade, le vieux monde est derrière toi. pourtant, c’était là se déplaçant à la vitesse des métastases dans la chaîne nucléique, acide qui grignotait les cerveaux, aussi présent que le bleu de la robe de marie dans le miel des discours humanitaires, trace jamais résorbée de martyrs chantant dans l’incendie de rome. certains mortels ne souffraient plus cette singulière non-vie dans un monde de zombies qui, un certain 11 septembre, se mirent à genoux. on les vit qui remerciaient le ciel, la providence, le destin, allah ou l’antéchrist, qu’importe, d’avoir à ce monde apporté le détergent capable d’effacer le cauchemar climatisé qui leur avait tenu lieu de maison paternelle. ainsi, une amnésie chassant l’autre, l’espérance d’un monde nouveau leur fit rêver que les zombies chassés, ils retrouveraient un monde conforme à des rêves plus humains. l’espérance des lendemains qui chantent ne les quittait pas, ils croyaient, comme des générations avant eux, à l’efficace de la tabula rasa, ignorant qu’après eux, dans un monde, une nouvelle fois dévasté, d’autres jeunes gens, à leur tour, reprendrait le couplet : c’est arrivé, un point c’est tout. 22:10 lien permanent | envoyer cette note 10/02/2006 toutes sortes de secrets moins l'essentiel : sur jacquemond, boutang, bloy et massignon «que laissent les dieux derrière eux lorsqu'ils meurent (meurent-ils avec le savoir de la perte du secret fondamental ou meurent-ils de la perte de ce savoir ? c'est une autre histoire) ?» olivier jacquemond, les trois secrets, volume 2, en hommage à guy debord. «la vraie, la seule histoire d’une personne humaine, c’est l’émergence graduelle de son vœu secret à travers sa vie publique; en agissant, loin de le souiller, elle le purifie. la vraie, la seule histoire d’un peuple, c’est la montée folklorique de ses réactions collectives, thèmes archétypiques lui servant à classer et à juger les témoins «engendrés» par sa masse. le peuple les somme, au nom de serments communs; mais eux doivent fidélité privée à leurs vœux. aussi la courbe de vie de chacun de nous se tend, pour l’ordalie; se noue, en «nœud d’angoisse», prise entre son vœu et ses serments; jusqu’à réaliser, parfois, une prise de conscience héroïque du sacré, expiatrice de la crise collective. l’âme subit alors le choc de l’événement réalisant son vœu par les serments mêmes qui en brisent le secret, l’interprétant comme l’intersigne, très folklorique, du thème de son destin. cette rupture est un signe de mort […].» louis massignon, un vœu et un destin : marie-antoinette, reine de france, in parole donnée. mystérieuse insistance, dans le deuxième volume (consacré à guy debord, le premier l'était à poe) de ses trois secrets, de la part de l'auteur évoquant à de multiples reprises une déperdition du secret primordial, une inexorable sénescence du secret inqualifiable de l'origine, devenant peu à peu quantifiable, secret appliqué, par exemple celui que s'évertue à voiler tout pouvoir politique flanqué de ses banals cagliostro de l'espionnage et du contre-espionnage. jacquemond écrit ainsi (les trois secrets (2) en hommage à guy debord, sens & tonka, 2005, p. 36) : «[...] comme s'il avait existé autrefois un certain quantum de secret circulant librement parmi les hommes et qui aurait été détourné par une minorité d'entre eux. le secret, d'impalpable, serait devenu une denrée calculable, applicable, mesurable [...].» puis une répétition, quelques pages plus loin (pp. 44-5), dont je ne puis tout de même penser qu'elle ait pu échapper à une relecture de l'auteur, tant les termes choisis sont proches de ceux plus haut utilisés : «c'est comme s'il existait depuis la nuit des temps un quantum de secret circulant librement parmi les hommes et qui, mystérieusement, comme par accident, aurait été détourné au profit d'une minorité. le «mauvais» pouvoir et le secret appliqué sont les enfants issus du malencontre.» olivier jacquemond poursuit (p. 57), sans que je puisse éloigner de cette phrase l'ombre de thomas de quincey (en ses méditations sur le nom secret de rome, par exemple) plutôt que celle, jamais plus bavarde que depuis quelques années, de guy debord : «matière d'abord imparticulée, le secret fondamental s'est dispersé, il est perdu à l'unité et s'est répandu dans la pluralité; parfois décèle-t-on sa présence dans le crime, dans l'art, dans l'amour.» pourquoi le secret s'est-il ainsi invinciblement étiolé ? l'auteur répond (p. 62) : «a l'origine des origines, il y a le secret fondamental (ou secret des secrets). mais celui-ci s'est perdu, et ce n'est qu'avec la mort de dieu que la perte du secret fondamental a commencé à compter et à peser.» ainsi donc le sacré, une fois dénié l'existence du quadriparti heideggérien, se réfugierait-il sur une terre platement matérialiste sous la forme du secret nu, désacralisé (p. 56) même si est tout de même affirmée la puissance de représentation exercée par l'autorité du roi, gardien, pour un temps seulement, du secret fondamental perdu (p. 63). bizarre oubli, tout de même, dans ce deuxième volume (je n'ai pas lu le premier), bizarre oubli qui doit bien signifier quelque chose de caché plutôt que de secret, de l'ontologie du secret ou bien encore du secret de rené dorlinde de pierre boutang, dont l'érudition poétique est elle-même, et de quelle hauteur, incomparablement supérieure aux écrits de guy debord. bizarre oubli alors même que boutang a superbement commenté poe, ce que tout amateur des nouvelles de ce dernier devrait se garder d'occulter si ce n'est, plus sûrement, d'ignorer. bizarres oublis, encore, du secret de léon bloy, appris de la bouche d'hello, médité dans le puits mystique des révélations de la compatiente mélanie, du secret de louis massignon, scruté minutieusement dans les intersignes, sanglants ou anodins, de l'histoire universelle de l'infamie et de la noblesse des hommes. je suis un optimiste : espérons que le troisième et dernier volume de jacquemond réparera cet oubli, ces oublis, voire ces véritables fautes même si, m'étant adressé à l'auteur, j'en doute très fortement à présent qu'il a répondu à ma question. non, boutang ne sera pas évoqué, ni même bloy, ni encore massignon. ne rêvons pas voyons : qui cite, aujourd'hui, boutang ? qui pense à l'évoquer, alors même que la thématique du secret est essentielle à ses yeux, comme étant d'essence contre-révolutionnaire, plus encore comme étant une véritable modalité de l'être ? qui médite les splendides visions de bloy, ses révélations on dirait surgies de l'abîme, ses silences (car il en a, et de fort rimbaldiens...) qui dessinent une espèce d'immense œuvre écrite cachée, que les milliers de pages publiées ont commentée durant toute une vie ? qui connaît l'existence du malingre hello, qui à léon bloy justement révéla quelque secret que le terrible imprécateur tut durant toute une vie ? qui, enfin, en ces temps d'implacable stupidité et de résurgence, toujours plus forte, de l'idolâtrie mahométane, qui aime rappeler que massignon, le premier et sans doute le dernier avec un tel éclat intellectuel et poétique, a arpenté les étendues sans fin des déserts arabes, y cherchant les traces étranges d'el shaddaï, le dieu unique dont la demeure est le désert le plus profond ? qui donc a plus superbement que l'auteur de parole donnée noué, une fois pour toutes, les thèmes du secret, du vœu personnel et de son accomplissement par l'œuvre ? qui encore s'est interrogé sur la problématique inhérente à la constitution des sociétés secrètes ? foucault ? debord ? non : massignon, avant eux, qui écrit, dans ce même texte remarquable : «le serment de secret (secret de métier) est naturellement à la base des sociétés éducatives à ségrégation sexuelle : écoles d’internat, couvents, loges, casernes, bagnes, bordels. il les expose à deux contaminations immorales : au-dedans, à l’inversion sexuelle ; du dehors, au noyautage policier des services de renseignements […].» mais bien évidemment, on me dira que debord est tellement plus intéressant n'est-ce pas, lui-même incarnant sans doute, aux yeux de notre auteur, une espèce exotérique de secret rentré, une individuation spectaculaire du secret appliqué. si jacquemond oublie (restons prudents) boutang et massignon (et avec eux, toute la tradition de ces écrivains coruscants ayant médité sur le secret des saints, comme hello ou bloy et, à leur contre-versant démoniaque, bernanos sondant le secret vide de ses possédés), je ne ferai en revanche pas le reproche à l'auteur de ne point connaître un de mes textes intitulé la lente agonie du secret, qui décrit la transformation du secret premier en ces misérables tas de petits secrets honnis par malraux. je précise en outre que ce texte a été recueilli dans ma littérature à contre-nuit, puisque je le considère comme une sorte de synthèse diachronique de la transformation du mystère (voici un mot que jacquemond n'écrit jamais) qui est langage en secret qui est bavardage. je donne les premières lignes dépouillées de leurs notes, l'intégralité du texte se trouvant ici. «la parole, si elle se risque, a toujours la clarté d'un éveil.» jean-louis chrétien, l’arche de la parole. «...comme son prestige et sa défense, servant si paresseusement à le définir qu'il incline à ne pas chercher plus avant, se trouve l'absolue négation de tout paraître.» il y a un mystère rayonnant, dont la face lumineuse est tournée vers cela qu'elle reflète en toute pudeur, et dont bossuet livre peut-être la plus sereine vision, lorsqu'il écrit ces phrases : «la nature a quelque chose de plus délicat : voici dans de claires eaux, et dans un miroir, un nouveau secret pour prendre et faire image. il n'y a qu'à présenter un objet, aussitôt il se peint lui-même, et cet admirable tableau ne dégénère en aucun endroit de l'original : c'est en quelque sorte l'original même. cependant rien ne dépérit, ni à l'original ni à la glace polie où il s'est imprimé lui-même tout entier. pour achever ce portrait, on n'a pas besoin du secours du temps, ni d'une ébauche imparfaite ; un même instant le commence et l'achève, et le dessein, comme le fini, n'est qu'un seul trait». ces quelques lignes sont inépuisables, comme si, en tentant de ramasser la diversité du monde en une épure grammaticale, l’auteur s’était avisé d’une troublante réalité : la sonde qu’il a jetée dans la source d’eau claire n’en finit pas de s’enfoncer, elle se perdrait même dans ses profondeurs s’il ne décidait d’en remonter le contenu à la surface. second émerveillement car, parfois, les créatures rapportées des abîmes ne perdent pas toutes leur livrée multicolore extraordinaire. ici, la prise a été bonne, exceptionnelle même, miraculeuse, comme si nous pouvions plonger notre regard dans l’une de ces anciennes miniatures, où le monde étageait sa complexité dans la hauteur d’un dé à coudre. Écrire ainsi que la nature prend soin et garde de sa propre image, c'est penser qu’elle demeure, même souillée par l'homme et, littéralement, dé-figurée, attendant sa libération dans les affres de leur chute commune, la gardienne de toute forme, de tout geste, de toute pensée, qu'elle présente à nos yeux l'albédo immuable d'une matrice essentielle où toute création est infiniment renouvelable, retrouvable et questionnable par l’homme, c'est-à-dire : que la nature, envers et contre tout abandon, reste et demeure (mais pour combien de temps encore ?) le lieu et l’espace de parole qui peut étancher l’interrogation des humains, leurs éternelles demandes angoissées, ces questions aussi que les enfants ne cessent de poser aux fées, ces rieuses qui sont d’abord d’incorrigibles bavardes comme l’étymologie du mot nous l’enseigne. si le monde, selon les auteurs de la renaissance et du romantisme allemand, est enchanté, c’est d’abord parce qu’il nous parle, qu’il est, littéralement, ruisselant de parole. une petite flaque d'eau, un étang ou bien le vaste miroir de la mer creusant le ciel d'une nouvelle profondeur, une larme dont l'eau minuscule est amère, leur secret est ainsi d'être le reposoir où ce qui est, tout autant, ce qui sera, ce qui toujours est parce qu'il a toujours été – puisque l'essence du secret, dit boutang, est d'être «contre-révolutionnaire» –, peut trouver un sûr refuge. alors, le danger commun, le péril ordinaire de l'irrésistible corruption ne guette plus, si le visage d'un homme qui se voit dans le creux d'une flaque n'est pas que le simple reflet d'une face humaine plongée dans un élément qui lui serait étranger (périssable donc, puisque cette face serait alors déformée par la désolante lucidité de narcisse), mais bel et bien, s'il est cette flaque, et l'eau qui la fait miroitante au soleil, vitrifiée pour qu'y glisse toute une population éphémère de l'entre-deux, et aussi chacun des simples dont cette eau est faite – et la roche qui l'enserre, et la lumière qui y parade, et l'air qui l'effleure, et la vie inquiète qui va s'en désaltérer, et la vue perçante qui scrute depuis le ciel les étendues giboyeuses de la vie en y flairant déjà la mort – comme un corps composé n'est jamais réductible, malgré ce qu'en dit la sotte chimie, à la seule disparité informe de tous ses éléments, mais tire vers lui, sur son cliquetis de cadavre sonore, la couverture de l'universelle analogie, véritable chair spirituelle qui entaille la monotonie de la matière grisâtre par la dague du vivant et du visible. tout est signe de tout, oui, et chaque parole murmurée est pleine d’un infini bruissant sans relâche ni redite. ce monde qui nous entoure ne nous est point hostile, il n’est pas cet autiste géant que stanislas lem a imaginé en écrivant solaris lequel, il faut toutefois le préciser, n’en tente pas moins de parler aux hommes qui l’observent en leur offrant ce qu’ils ont toujours désiré posséder, ce qu’ils ont perdu, ce qu’ils ne savent même plus garder précieusement si on le leur offre de nouveau. 19:00 lien permanent | envoyer cette note 08/02/2006 géographie mentale de la shoah, par jean-luc evard voici un texte exceptionnel que jean-luc evard (lauréat du prix ernst jünger en 2000), sur les remarquables ouvrages duquel je me suis déjà penché (à propos de signes et insignes de la catastrophe, son plus récent ouvrage publié par l'Éclat), m'a fait parvenir. comme je le fais maintenant presque systématiquement lorsqu'il s'agit de textes conséquents, difficiles, donc, à lire sur un écran, je propose de cet article d'evard la version complète ici au traditionnel format pdf, avec son apparat critique et une bibliographie sommaire de l'auteur. comme l'enseignent les cartes géographiques, les camps d'extermination nazis, à l'exception du struthof, en alsace, furent tous construits à mi-chemin, à peu près, de deux capitales, celle russe et celle française. on s'interroge peu sur cette équidistance. tout au plus, se dit-on en la constatant – à supposer qu'on s'en avise –, elle illustre le déroulement chronologique même de la shoah : en pologne, en 1939 le premier État envahi et dépecé, la grande terre du judaïsme depuis des siècles (breslau, «jérusalem de l'est»), oui, en pologne, comment les nazis n'auraient-ils pas décidé de mettre en œuvre l'extermination en pologne au premier chef – et en pologne plutôt qu'en allemagne, ajoute-t-on, pour signifier : à l'écart, plus que loin («pitchipol», disaient, dans drancy, les parents à leurs enfants). et l'on reconstitue ainsi le raisonnement simple des exécuteurs : de fait, ils organisèrent la shoah à l'abri, pour ainsi dire, du théâtre de la guerre qui lui fit écran. de même, à partir de juin 1941, les einsatzgruppen opèrent derrière les premières lignes du nouveau front, avançant derrière la wehrmacht (et en concertation avec elle). en sens inverse, quand l'armée rouge progressera vers l'ouest, la ss fera procéder au démantèlement de certaines chambres à gaz, escomptant escamoter en partie les traces de l'abomination : là encore, la topographie mobile de la guerre dessine directement la zone de la mise à mort, dont la carte (mais pas la cadence) se rétrécit au fur et à mesure que la wehrmacht recule. incontestables, et d'ailleurs objet d'études minutieuses, ces intrications de la guerre et de la shoah confortent ainsi la conviction des historiens, toutes écoles confondues : il fallait la guerre, cette guerre, pour que la shoah pût avoir lieu comme elle eut lieu. cette conviction, pourtant, si argumentée soit-elle, n'a jamais de valeur que descriptive : ce qu'elle élucide de l'enchaînement de mort, de son apparence écrasante de rouage bureaucratique et industriel, ne donne pas à comprendre pourquoi il eut lieu. avoir lieu : survenir, et survenir en un espace-temps un. mieux les historiens reconstituent cet enchaînement, plus ils s'obligent donc à relancer la question que ne peut ni soutenir ni éviter aucun esprit normalement constitué : la question des motifs, celle des fins sans lesquelles cet enchaînement n'aurait pas eu lieu. autrement dit : sans aucun doute, le lieu (en gros, la pologne) n'est pas sans rapport avec l'avoir-lieu de la shoah, mais la géographie de la shoah dissimule aussi bien l'essentiel de ses significations, du moins elle les déforme (car la guerre a rendu la shoah possible, mais elle ne lui a pas pour autant donné lieu : différence fondamentale, qui excède les compétences du récit historique, au sens ordinaire). pour entrevoir une part de ces significations, il faut donc ajouter une déformation supplémentaire à la déformation inhérente au réel, je veux dire : à la face visible de l'événement, à l'opacité de sa surface. la projection géographique ne saurait se lire véritablement tant que l'on ne remonte pas vers les arcanes du projet de la mise à mort perpétrée en ce lieu. or ce lieu est plus qu'une étendue, ou plutôt : il ne s'étend pas qu'en terre polonaise, ni que sur les plus de cinq ans de la shoah, il s'étend déjà bien avant, bien ailleurs : «l'alliance israélite universelle ne peut être détruite qu'au moyen de l'extermination complète de la race juive», écrit en russie, en 1886, en allemand, l'agitateur pogromiste serbe osman-bey (1). transformer la phénoménalité géographique de la shoah, déplacer le lieu, le lire non comme l'enclos polonais de l'extermination, mais comme un mi-chemin sur l'axe paris-moscou, et derechef, cet axe, le considérer non seulement comme une construction géographique, comme un méridien, ou comme un horizon d'espace, mais comme un schéma historique, comme un horizon de temps inscrit dans la condition juive dès avant la shoah, longtemps avant elle – oui, cette relecture transformante du lieu et de l'avoir-lieu peut nous aider à comprendre pourquoi c'est en pologne, à mi-chemin de paris et de moscou, que les exterminateurs s'étaient résolus à passer à l'acte. cette transformation et cette déformation méthodiques du visible de la shoah déplacera aussi la question de l'identité des bourreaux : à mi-chemin de paris et de moscou, les nazis allemands œuvrèrent en accomplissant le vœu de l'antisémitisme continental. la pologne n'était pas seulement équidistante à deux capitales, l'une la plus orientale, l'autre la plus occidentale, du continent européen : «après 1919 et la fermeture quasi totale de la russie bolchevique, la pologne indépendante devient le cœur du judaïsme européen» (2). notre méditation géographique commence par la considération de ces deux espaces-temps : 1919 en pologne, et, à quelques centaines de kilomètres, quelques mois plus tard, 1920 en bavière, où est proclamée la fondation du parti nationalsocialiste des travailleurs allemands. quand, en juillet 1920, à munich, dietrich eckart, rosenberg et hitler font de la croix gammée le blason du parti qu'ils viennent de créer, ils ne se distinguent en rien du gros des groupes völkisch qui, depuis l'avant-guerre, affichent cette croix, la svastika, pour rallier les divers courants antisémites, et pour les rallier sous ce signe explicitement pogromiste. «en tant que nationalsocialistes, nous reconnaissons notre programme dans notre drapeau. dans la couleur rouge, nous voyons l'idée sociale du mouvement, dans la couleur blanche l'idée nationale, dans la croix gammée la mission de lutte pour la victoire de l'homme aryen, et avec lui aussi la victoire de l'idée de travail productif (schaffenden arbeit), qui de toujours a été et sera éternellement antisémite», expose hitler (3) en 1924. composition sémiotique confirmée par un des compagnons de la première heure : «c’est à cette époque (courant 1920) qu’il (hitler) donna naissance au drapeau rouge à croix gammée sur rond blanc, dans lequel on retrouvait l’influence des partis d’extrême gauche pour la couleur et de la société thulé pour la croix gammée» (4). la mention de la «société de thulé» (la thule gesellschaft) est précieuse : outre que le noyau fondateur du parti nazi en provient, ladite société a joué un rôle bien particulier dans l'écrasement de la «commune» munichoise – c'est elle qui a organisé l'assassinat des leaders juifs de la république des conseils d'ouvriers et soldats de bavière, kurt eisner et gustav landauer entre autres. si la thule gesellschaft ne semble pas avoir opéré au-delà des frontières de la bavière, son recrutement, en revanche, est très cosmopolite : à preuve l'affiliation de rosenberg, le futur «chef idéologue» du nazisme, qui, fuyant les bataillons bolcheviks, arrive des régions baltes. d'où il ne surgit pas les mains vides : là-haut, dans ces terres de colonisation russe et allemande où sont aussi ancrées des judaïtés importantes, on lit et on diffuse activement les protocoles des sages de sion. rosenberg gagne l'allemagne en 1918, l'année même où, à ekaterinburg, le czar et sa famille sont massacrés. norman cohn décrit les effets que les blancs retrouvèrent dans les appartements des romanov : «autre détail curieux, la tsarine avait dessiné une croix gammée dans l'embrasure de la chambre où elle logeait avec son mari. elle avait toujours montré un goût particulier pour cet antique symbole : elle portait une croix gammée sertie de pierres précieuses, et faisait graver des croix gammées sur les cadeaux qu'elle envoyait à ses amis.» et n. cohn ajoute : «aux russes […] la découverte simultanée de la croix gammée et du livre de nilus (i. e. les protocoles) fit l'effet d'une révélation céleste. ils se crurent en présence du testament de leur défunte impératrice; et ce testament annonçait que le règne de l'antéchrist avait commencé, que la révolution communiste était l'assaut suprême des pouvoirs sataniques, que la famille impériale avait été supprimée parce qu'elle représentait la volonté divine sur terre et que les forces du mal se trouvaient incarnées dans les juifs» (5). rosenberg, dans le noyau nazi des commencements, exploitera d'ailleurs le capital de propagande qu'il a amené avec lui : en 1923, il préfacera une réédition des protocoles. l'homme-charnière placé à mi-distance de l'hitlérisme et de l'exterminationnisme antérieur, celui, russe, des protocoles, c'est lui. À sa manière, la trajectoire de rosenberg migrant des provinces baltes de l'empire russe à la bavière répète celle de son maître à penser : si osman-bey est d'origine balkanique, c'est en allemand qu'il écrit, et c'est à la russie qu'il offre ses services de propagandaire exterminateur. rosenberg, certes, comme le parti nazi à ses débuts, ne s'agite qu'en bavière – mais la croix gammée, elle, pour inaugurer ses parcours au nord de l'allemagne, peut se passer de lui : lorsque les formations blindées du capitaine ehrhard entrent dans berlin, en janvier 1920, pour appuyer la tentative de putsch kapp-lüttwitz, elles arborent la svastika, qu'elles ramènent des régions baltes où elles guerroyaient contre des détachements de l'armée rouge. là encore, les historiens ont pu déceler les manifestations d'un réseau germano-russe. non seulement la swastika circulait dans divers milieux de l'extrême-droite allemande dès les débuts de la république de weimar, mais elle était apparue aussi, au même moment, dans une autre guerre civile : «il importe de signaler que les monarchistes et contre-révolutionnaires russes réfugiés à berlin avaient servi, pour la plupart, dans les troupes du balticum dirigées jadis par le général von goltz et bermond-avalov. elles se composaient principalement de formations de cosaques, commandées par un certain svetorazov dont le vrai nom balte était heinrich pelchau. on peut constater par plusieurs clichés des services photographiques du new york times que les soldats portaient un brassard à croix gammée» (6). les corps francs se mettront en veilleuse dans les brèves années qui séparent la signature du traité de rapallo des premiers succès électoraux des hitlériens, en 1930. mais l'analyse statistique montre que, pour moitié environ, les tout premiers adhérents à la nsdap et les premières recrues de la sa et de la ss étaient des anciens des corps francs – autant d'hommes à qui la svastika de hitler, loin de représenter une nouveauté, leur garantissait la continuité avec leur première carrière lithuanienne ou silésienne. parmi eux, certains avaient donc frayé avec les «forces militaires 'blanches' de denikine et petlioura, entre 1918 et 1921», quand ces phalanges se lancent dans les pogroms qui ont «coûté la vie à un chiffre difficile à établir de juifs, qu'on évalue entre cinquante et cent mille» (7). notes. (1) n. cohn, histoire d'un mythe. la "conspiration" juive et les protocoles des sages de sion [1967], trad. l. poliakov (gallimard, folio, 1992), p. 63. (2) georges bensoussan, une histoire intellectuelle et politique du sionisme 1860-1940 (fayard, 2002), p. 276. (3) mein kampf, édition de 1937, p. 557. (4) otto strasser en entretien avec victor alexandrov, le front noir contre hitler. l’histoire d’une lutte opiniâtre et clandestine contre le dictateur et son régime (verviers, marabout, 1966), p. 27. (5) op. cit., pp. 121-122. (6) rené alleau, hitler et les sociétés secrètes. enquête sur les sources occultes du nazisme (le cercle du nouveau livre d'histoire, 1969, p. 210. indice concordant : une photographie analogue figure dans un volume publié en 1929 par ernst jünger, der kampf um das reich (sur ce document, les corps-francs de rossbach à l’entraînement arborent la croix gammée). (7) f. lovsky, antisémitisme et mystère d'israël (albin michel, 1955), p. 311. 18:20 lien permanent | envoyer cette note 07/02/2006 munich de steven spielberg : videmus nunc per speculum ? certes, dans ce film facile à bien trop d'égards, beaucoup d'images sont d'une évidente banalité dont cette scène finale, proprement ridicule, d'orgasme israélo-palestinien : du sperme, de la bave et du sang, mélangés de la plus maladroite façon. une autre image de munich peut sembler tout aussi facile, si on n'y prend garde : juste avant que n'apparaisse son étrange informateur français, louis, avner, le chef du groupe chargé de liquider, l'un après l'autre, les commanditaires et exécutants de l'attentat anti-israélien de munich en 1972, se tient devant une vitrine de magasin qui lui renvoie son reflet et contemple, l'air stupide, une splendide cuisine, clinquante et sans doute hors de prix, comme louis, amateur d'arts exquis, le lui fait d'ailleurs ironiquement remarquer. n'y a-t-il rien d'autre ? quel élément passé inaperçu légitime cette curieuse scène et lui confère, peut-être, une aura trouble, lui évitant de tomber, une fois de plus, dans l'ornière de la facilité confondante (sans compter une foule de détails incongrus peu dignes de l'attention d'un réalisateur de téléfilms ouralo-altaïques) dans laquelle avait déjà sombré la guerre des mondes ? oui, il y a tout de même autre chose dans cette scène sans intérêt. les spectateurs attentifs auront noté que l'air absent d'avner s'explique par le fait que, désormais, ses mains de plus en plus couvertes de sang arabe et alors même qu'il est devenu le père d'une petite fille, il songe à l'un de ses hommes, robert l'artificier, mort : le visage de son ami apparaît sur la vitre qu'avner fixe, à l'endroit même où le visage de louis va effacer, trait pour trait, le visage souriant du disparu, qu'avner d'ailleurs aura tenté de saisir de sa main avant qu'il ne s'évanouisse. méthodiquement, fidèle en tout cas à son extrême prudence, l'informateur exceptionnel qu'est louis effacera la trace laissée par la main d'avner sur la vitrine du magasin. est-ce là tout ce que nous aurions dû voir ? non, il reste encore un élément, je le concède bien discret, peut-être même exagéré par le souvenir que j'en garde : devant la vitrine illuminée de ce magasin vendant des cuisines haut de gamme, avner, perdu dans ses sombres pensées, paraît basculer d'avant en arrière, comme s'il esquissait, dans une espèce d'insomnie diabolique, l'attitude bien connue des juifs en prière devant le mur des lamentations. c'est peut-être là l'image la plus troublante de munich, la seule qu'il convienne de retenir avant qu'elle ne s'efface, charriée par le flot de toutes ces autres images sans intérêt, ce basculement devant une vitrine ne renvoyant rien de plus que le reflet du visage enfiévré du tueur et le séparant d'un saint des saints frelaté, de pacotille, sans autre réelle présence, sans autre possibilité de transcendance que celle d'une cuisine, fût-elle flambant neuve et, certes, hors de prix. et puis, aussi, munich ayant plutôt dû s'appeler, à mon goût, avner, c'est assez payer tous ces morts de juifs et d'arabes (ainsi que d'une magnifique hollandaise) que la conscience d'un homme hantée par les innombrables fantômes des liquidés, ne croyant plus de surcroît que le sang versé l'a été pour la survie d'israël, tueur errant de ville en ville et incapable de dormir, devenu aussi apatride que les terroristes palestiniens qu'il a pourchassés, éliminés, et qui ne cessent pourtant de renaître sous ses yeux. 21:00 lien permanent | envoyer cette note toutes les notes  

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