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quatre mois dans la vie de stains, une zone de non-droit
le monde | 01.11.07 | 16h55 • mis à jour le 01.11.07 | 16h55
ombien sont-elles exactement dans ce genre ? une trentaine ? un peu plus ? un peu moins, comme le croit et le dira sur le plateau fadela amara, secrétaire d'etat chargée de la politique de la ville ? qu'importe. la cité du clos-saint-lazare, à stains (seine-saint-denis), est certainement très singulière.
au printemps, elle a en effet été le théâtre d'un déchaînement de violence peu commun : quatre morts en quelques semaines. quatre jeunes hommes abattus à l'arme à feu, en plein jour, quatre règlements de comptes sur fond de trafic de drogue.
la cité du clos-saint-lazare est ce qu'il est convenu d'appeler une "zone de non-droit". elle est considérée comme l'une des plaques tournantes de la drogue en ile-de-france. il y a longtemps que les commerces ont fermé - à l'exception d'une boulangerie -, longtemps que les équipements communs ont été laissés à l'abandon, que les espaces et services publics sont tombés en désuétude ou ont baissé le rideau. depuis la sanglante série de règlements de comptes, la cité vit dans la peur des représailles, dans la méfiance de l'autre.
il a fallu pas moins de quatre mois d'enquête à l'équipe de "pièces à conviction" pour arriver à faire se délier quelques langues, pour se faire accepter, pour parvenir à "entrebâiller un peu la porte de cette cité refermée sur elle-même", ainsi que l'explique willy gouville, l'un des journalistes.
"il faut bien manger"
derrière cette porte entrouverte, le tableau est terrifiant. il est le résultat d'une lente, mais inexorable descente aux enfers d'un quartier, dans l'indifférence et le silence général. une jeunesse désoeuvrée, oubliée, sans soutien, n'a plus le choix dit-elle, qu'entre "l'oseille ou la merde". "je n'ai jamais voulu faire du mal, confie ainsi l'un des témoins. mais il faut bien manger et s'habiller." quand la société n'offre que précarité et revenus modestes, l'économie souterraine de la cité est florissante et d'autant plus attirante. l'argent y est facile et c'est "l'immense potentiel lucratif de cette cité qui génère la violence meurtrière", explique un rapport de police.
au clos-saint-lazare, les événements ont dégénéré. mais le plus terrible, dans cette anatomie, c'est que, sous bien des aspects, elle montre aussi la banalité de cette cité du "9-3", et l'impuissance désormais revendiquée des autorités face à cette situation.
a noter que le reportage sera suivi d'un débat en présence de fadela amara, du rappeur alibi montana et de yannick salabert, chef adjoint de l'office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants.
"pièces à conviction. anatomie d'une cité de non-droit". sur france 3, vendredi 2 novembre, à 23 h 25. sur france 5, dimanche 4 novembre à 20 h 40.
olivier zilbertin
article paru dans l'édition du 02.11.07
02 novembre 2007 dans société | lien permanent
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grand angle
campings de la mouise
vivre à l’année en camping ou sur un lopin de terre peut être le dernier recours face à l’explosion des loyers. ce phénomène en pleine expansion touche désormais des salariés et des retraités. reportage en languedoc-roussillon.
photos gilles favier.vu pierre daum
quotidien : jeudi 25 octobre 2007
comme ils vivent cachés, on ne les voit pas. c’est comme s’ils n’existaient pas. pourtant, ils sont plus de 100 000, un peu partout en france, à loger dans une caravane ou un cabanon. il serait plus simple que ces hommes et ces femmes soient sdf, alcooliques, tsiganes, sans-papiers, rmistes à vie, etc. mais non, ces gens-là se lèvent le matin pour aller au boulot, ou sont à la retraite après avoir cotisé toute leur vie.
caroline (1) habite un vieux mobile home le long de la rn 113, à la sortie de béziers. un simple bosquet la sépare de la route, et le bruit infernal des voitures traverse en permanence les frêles parois de l’habitacle. autour, quatre autres caravanes et mobile homes sont habités, entourés d’épaves de voitures, de tôles rouillées, de flaques de boue et de déchets divers. «le bruit ? on s’y habitue, vous savez», et puis «ici, tout le monde s’entraide, c’est vraiment formidable !», clame cette jolie quadragénaire rousse, avec un entrain un peu forcé. sa tenue très soignée jure avec la misère environnante. caroline est standardiste dans une entreprise de béziers. elle vit avec sa fille de 18 ans, et son fils de 10 ans. très méfiante au premier abord, elle finit par lâcher quelques bribes de sa vie, mais refuse catégoriquement que son vrai prénom apparaisse dans le journal. «avant, j’habitais une maison, à lyon. puis j’ai vécu en appartement pendant six ans. ici, vous payez une misère, c’est le paradis ! et ça n’empêche pas mes enfants de grandir et d’être bien élevés. par contre, il faut se foutre royalement de ce que pensent les autres. quand je suis allée inscrire mon fils à la cantine, la secrétaire de la mairie a été charmante. mais dès que je lui ai donné mon adresse, son visage s’est refermé, et elle m’a dit qu’il n’y avait plus de place. c’est clair, elle m’a prise pour une manouche.»
«mes enfants ne savent pas que je vis ici»
chez les voisins de caroline, personne n’a voulu ouvrir sa porte. que l’on soit journaliste, bénévole dans une association caritative, assistante sociale ou chercheur en sociologie, il est très difficile d’entrer en contact avec ces «campeurs» malgré eux. leur habitation de fortune se cache souvent loin des axes de circulation, dans des campings discrets, en bordure d’un champ, voire au fond d’une forêt. «et puis certains ont un peu honte», ajoute france poulain, une des rares chercheuses en france à travailler sur le sujet. «ou bien ils savent que ce n’est pas vraiment légal, alors ils ne veulent pas d’ennuis.» auteure d’une thèse sur «l’urbanisation illégale liée au camping-caravaning sur parcelles privées du littoral français», elle estime «entre 70 000 et 120 000 le nombre de personnes vivant à l’année sur un camping», et «de 20 000 à 30 000 celles qui vivent s ur des parcelles privées, même si cette estimation est beaucoup plus aléatoire».
c’est le cas de paul. ce retraité de 71 ans a posé ses trois caravanes au bout d’un petit chemin de terre qui serpente au milieu des jardins saint-jacques, vaste étendue de terrains maraîchers où poussent tomates, salades et carottes destinées à la ville. dans ce dédale de champs traversés de minuscules routes et de chemins boueux, aucun panneau n’indique le lieu-dit du mas-cristol, où paul vit «tranquille» depuis quatre ans, à quelques minutes seulement du centre de perpignan. lorsqu’on arrive, les aboiements féroces de guido, son énorme chien, dissuadent les curieux d’approcher. par chance, paul apprécie libération. «enfin, je préférais le libé d’avant…» avant, paul était ténor d’opéra. dans des petits théâtres, certes, et aussi dans les restaurants, mais il connaît bien ses classiques, et sa voix vibre toujours avec passion. «des endroits comme le mien, j’en connais plein dans la région, mais ils sont cachés. il y a quelques années, j’ai essayé d’acheter un bout de terrain. vous n’imaginez pas le prix qu’on m’en demandait ! il faut que cesse cette folie des loyers, sinon tout le monde va se retrouver comme moi.» paul est père de cinq enfants, dispersés aux quatre coins de france. il vit avec 620 euros de retraite. pendant un temps, il a eu des voisins, alexandre, qui travaille chez bouygues, josée et leur enfant. «maintenant, je suis seul. mes enfants ne savent pas que je vis ici, ça me gênerait qu’ils me voient ainsi.» pour l’eau, il va remplir des bidons à une fontaine avec sa vieille peugeot 505. «tant qu’elle marche…» pour l’électricité, il allume un moteur à essence deux heures par jour, «pour économiser».
en languedoc-roussillon, où débarquent chaque année des milliers de nordistes, attirés par le soleil et les nombreux campings bon marché, des situations de ce genre existent à foison. il y a magali, 50 ans, agricultrice, pétillante de vitalité derrière ses lunettes rouges, logée avec son fils de 17 ans dans un mobile home à rebaut-le-bas, sur d’anciens terrains agricoles de béziers, avec au moins une vingtaine de familles dans son cas autour d’elle. ou andré, un ancien légionnaire, devenu électromécanicien. en attendant que ses droits à la retraite soient reconnus, il vit depuis six ans dans une cabane au bord du lez, près de montpellier. il y a aussi pascal, ouvrier cariste de 46 ans, installé avec sa femme aide-soignante au camping les cerisiers, à céret (pyrénées-orientales), avec une
dizaine d’autres familles.
caroline, paul, magali et les autres sont complètement inconnus des services sociaux. «nous avons déjà tellement à faire avec les personnes qui viennent nous voir», soupire colette vergez, responsable de l’agence départementale de la solidarité de béziers-est. «et en plus, si les personnes ne nous sollicitent pas, nous n’avons pas le droit de venir taper à leur porte.»
le phénomène, nouveau, est en pleine expansion. la fondation abbé-pierre l’a repéré pour la première fois, dans son rapport 2004 sur l’état du mal-logement en france. «alternatives à un logement trop rare et trop cher», ces solutions d’habitat précaire découlent de la cherté des loyers, auxquels s’ajoutent les cautions et les garanties exigées.
comme le souligne cathy bourguignon, directrice de la fédération départementale pour le logement social à céret, «dans les pyrénées-orientales , les prix de location ont augmenté de 50 à 80 % en cinq ans dans le secteur privé.» quant au logement social, il reste complètement insuffisant. sur l’ensemble du languedoc-roussillon, on recense 55 000 dossiers de demande de hlm en souffrance, pour seulement 3 870 constructions prévues en 2007. «notre taux de logement social est la moitié de la moyenne nationale», dénonce anne-gaëlle baudouin, secrétaire générale de la préfecture de perpignan, qui admet «avoir bien du mal à endiguer» l’expansion de ces formes d’habitat sauvage.
«risques sanitaires et d’inondations»
en 2004, une action a été menée pour évacuer le camping agua dulce, à saint-nazaire, sur le littoral roussillonnais. «lorsque nous sommes arrivés, nous avons dénombré cinquante et un ménages vivant sur place», se souvient cathy bourguignon, chargée d’aider les familles à se reloger dans du dur. «parmi eux, il y avait un plombier, un artisan peintre, deux fonctionnaires de police, un agent administratif, une caissière de supermarché, un auxiliaire de vie…» en 2006, c’est le camping de l’estelle, près de montpellier, qui a fait l’objet d’une évacuation. saleha alili, travailleuse sociale à la maison du logement de montpellier, s’est rendue sur place pendant plusieurs mois. «À côté de personnes vivant des minima sociaux, il y avait deux routiers, un maçon, un serveur dans un restaurant, une cuisinière de collectivité, un informaticien…»
jacques cotta, auteur en 2006 du livre 7 millions de travailleurs pauvres : la face cachée des temps modernes, le confirme (2). «l’image des personnes vivant en logement précaire comme étant forcément sans travail est devenue complètement obsolète. avec l’accroissement très sensible des contrats de travail précaires, et l’augmentation des prix de l’immobilier, ce sont des pans entiers de salariés qui se retrouvent éjectés des logements normaux.» avec l’apparition d’un type nouveau de marchands de sommeil. a vias, petite commune littorale près de béziers, 3 000 anciennes parcelles agricoles sont utilisées depuis trente ans par des vacanciers qui y passent l’été dans une caravane ou un bungalow. l’endroit est superbe, la mer est à deux pas, on s’invite entre voisins à jouer aux boules et à partager des grillades. or, «depuis sept ou huit ans, avec la crise du logement, une centaine de mobile homes sont habités à l’année, malgré les risques sanitaires et d’inondation importants», s’inquiète le maire michel saint-blancat, qui a saisi la justice pour tenter de les déloger. d’autant que des profiteurs ont racheté plusieurs parcelles, y ont collé des mobile homes à touche-touche, qu’ils louent à des familles à la rue, pour environ 300 euros par mois. «c’est sûr qu’entre habiter là, dans ce site magnifique, ou dans un hlm à la devèze [le quartier ghetto immigré de béziers], le choix est vite vu», fait remarquer le maire. lorsqu’on tente de parler à ces familles, les portes se ferment et les chiens sont lâchés. «je n’ai rien à vous dire, voyez avec le propriétaire !», lance une occupante, entourées de ses deux enfants, présents ce matin-là au lieu d’être à l’école.
que faire pour lutter contre ce camping forcé ? il faudrait certes augmenter les bas salaires, réduire la précarité de l’emploi, baisser les prix des loyers. «mais ne nous faisons aucune illusion, la tendance va exactement dans le sens inverse, dénonce eric fine, directeur de la maison du logement à montpellier. une chose est sûre : le nombre de personnes ne trouvant plus de logement adapté à leurs revenus et aux besoins de leur famille est en pleine explosion.»
(1) a sa demande, le prénom a été modifié. aucune des personnes rencontrées n’a accepté d’être photographiée.
(2) 7 millions de travailleurs pauvres : la face cachée des temps modernes, fayard, 306 pp., 19 euros.
http://www.liberation.fr/transversales/grandsangles/287155.fr.php
© libération
28 octobre 2007 dans société | lien permanent
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libémag
marseille architecture
la rue de la république fera-t-elle sa mue ?
l'artère vieillie devait être réhabilitée, mais le promoteur se défausse. et les travaux prennent du retard.
par michel henry
quotidien : samedi 29 septembre 2007
marseille de notre correspondant
l'opération, un des plus vastes chantiers de rénovation urbaine en france, n'a qu'un but : faire changer la population. de quartier popu, la rue de république, entre vieux port et joliette, doit devenir repère de cadres. après trois ans de travaux, cette artère se retrouve, depuis cet été, dans l'expectative : lone star, le fond de pensions texan qui y a racheté, en 2004, 130 immeubles décatis aux façades hausmaniennes sculptées, cède prématurément une partie de son patrimoine. une surprise : marseille république, la filiale de lone star, s'était engagée à mener à bien la rénovation jusqu'en 2010.
incertitude. pour eric foillard, le patron de l'opération, le chantier ne serait pas remis en cause : «lone star ne se propose pas de vendre des immeubles, mais de faire entrer un nouvel actionnaire dans le capital de marseille république. il ne s'agit en aucun cas d'une opération de vente à la découpe», assure le directeur de marseille république. mais, à mi-chemin du travail de réhabilitation, cette vente crée l'incertitude. notamment parce que, selon foillard, sur les 100 000 m2 de logements acquis par marseille république en 2004, «il en reste à ce jour 42 000 m2 dont les chantiers de rénovation ne sont pas encore lancés».
50 000 m2 de boutiques et 41 600 m2 de logements se retrouvent sur le marché. pour un prix de 250 millions d'euros, selon la provence. foillard corrige : «le prix (...) n'est pas fixé et dépendra des offres.» lone star avait eu le tout pour 103 millions d'euros en 2004 et envisageait 130 millions d'euros de travaux. mais le fond de pensions a peut-être fait ses calculs : de 1998 à 2004, l'immobilier augmentait à marseille de 20 % par an. les prix s'étant stabilisés, l'affaire devient moins rentable. alors, on vend. surtout que les réhabilitations urbaines, à marseille, aboutissent rarement à des réussites.
lors de son percement en 1860, la rue de la république devait attirer le bourgeois en ville. Ça n'a jamais fonctionné. au moment du rachat par lone star, elle était devenue une grande artère déshumanisée, un repaire de précarités. marseille république a voulu en faire un «piège à bobos». «on revalorise et on revend, expliquait eric foillard ( libération du 30 septembre 2004). on n'est pas des spéculateurs qui se disent " le marché va monter, on peut s'enrichir en dormant". non. avec du sang, de la sueur et des larmes, on va créer de la valeur, par le travail.»
soucis. il a fallu reloger 1 300 personnes occupant 600 appartements, ce qui a provoqué pas mal de soucis. «mais il n'y a pas eu de scandale majeur, constate nouredine abouakil, de l'association un centre ville pour tous. la résistance et la campagne médiatique ont porté leurs fruits.» lone star a donc réhabilité, et commencé à revendre. cher : 3 200 à 4 000 euros le m2. «430 logements et bureaux ont été vendus depuis avril 2006, indique foillard. sur les 30 000 m2 de commerces, plus de 15 000 m2 sont déjà réservés.» selon le responsable, les premières enseignes ouvriront «à partir de l'automne 2008».
http://www.liberation.fr/transversales/villes/282185.fr.php
© libération
03 octobre 2007 dans société | lien permanent
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libéralisation des postes : pays du nord et du sud de l'europe s'affrontent
le monde | 11.12.06 | 14h31 • mis à jour le 01.10.07 | 16h30
es ministres européens des postes devaient examiner, lundi 11 décembre, pour la première fois, la proposition de directive postale adoptée par la commission européenne le 18 octobre. les discussions s'annonçaient animées autour de ce texte déterminant pour l'avenir du secteur postal, prévoyant une libéralisation totale du marché en 2009. soit, en fait, la suppression du dernier monopole réservé aux opérateurs historiques, le courrier de moins 50 grammes.
face aux tenants d'une ouverture du marché sans condition - l'allemagne, la suède, les pays-bas, la grande-bretagne et la finlande - de nombreux etats du sud de l'europe, auxquels s'est jointe la france, devaient exprimer leurs craintes d'une libéralisation hâtive et mal préparée, susceptible, selon eux, de dégrader la qualité du service universel postal, à savoir l'obligation de distribuer le courrier au moins cinq jours par semaine, pour chaque citoyen européen.
respecter les particularitÉs
souvent liées à la peur de voir arriver sur leur marché des concurrents mieux organisés et plus rentables qu'eux, au discours commercial agressif - les postes allemande et néerlandaise - leurs inquiétudes se fondent aussi sur les enseignements tirés des quelques expériences de libéralisation dans le monde : en grande-bretagne, en suède, en finlande, au japon, en nouvelle-zélande et en argentine.
ces expériences, estiment-ils, exigent une directive respectant les particularités de chaque etat (densité de population, difficultés de desserte, coût des missions de service public assumé par l'opérateur historique etc.). d'autant plus, soulignent ces pays, qu'à la différence d'autres secteurs libéralisés comme les télécommunications, l'électricité ou le gaz, le courrier ne se développe plus.
"il n'existe pas de norme absolue en la matière ni de recette miracle, souligne-t-on dans l'entourage de la poste française, bruxelles doit avancer prudemment pour ne pas mettre en danger des milliers d'emplois en europe. ce n'est dans l'intérêt de personne que le service se dégrade ou que l'opérateur public historique soit brutalement affaibli."
de fait, les expériences de libéralisation déjà tentées ont connu des fortunes diverses, avec un exemple de faillite de l'opérateur historique, en argentine. en suède - le cas le plus ancien en europe - le concurrent né de la libéralisation s'est vite trouvé en difficultés et l'etat a dû demander à la sweden post de le racheter, avant qu'il ne soit finalement repris par la poste norvégienne. partout, l'ouverture du marché a entraîné des réductions d'effectifs (35 000 emplois supprimés par la royal mail en grande-bretagne en 2005 et un second plan de grande ampleur annoncé pour les mois à venir).
par ailleurs, il est difficile de dire si les consommateurs ont profité de l'ouverture à la concurrence du marché postal, à travers des services de meilleure qualité ou moins chers. partout dans le monde, on observe, en fait, que les prix se sont rééquilibrés sur les coûts réels, sous le contrôle du régulateur postal national.
cet "effet prix" a profité tantôt aux particuliers, tantôt aux entreprises, selon que les anciens systèmes de péréquation tarifaire profitaient aux uns ou aux autres. le prix du timbre a, par exemple, augmenté dans les pays où il était jusqu'alors encadré. la norvège détient le record du timbre le plus cher d'europe, à 70 centimes.
anne michel
02 octobre 2007 dans crevures, nullards, politique, société | lien permanent
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rebonds
la chasse aux miséreux
les maires multiplient les opérations de nettoyage contre les sans-abri.
par sébastien thiery, docteur en sciences politiques, membre de l’association les enfants de don quichotte.
quotidien : mardi 18 septembre 2007
sous le pont d’austerlitz, à paris, des dizaines de femmes et d’hommes sous tentes sont menacés par la préfecture de police d’évacuation musclée. les menaces sont désormais prises très au sérieux. et pour cause : ces derniers jours, matraques et coups en tout genre ont servi à «déloger» des sans-abri dans la capitale, en banlieue, en province.
le crâne de kamel s’en souvient : six points de suture. il dormait sous un pont du canal saint-martin, il était 6 heures du matin. le travail mené ici ou là, depuis des mois, par les maraudes d’associations spécialisées dans l’aide aux sans-abri est sur le point de se voir anéanti.
alors qu’il faut venir à la rencontre de ces personnes, les rassurer pas à pas et imaginer avec eux les solutions dignes qui s’imposent, la puissance publique chasse et nettoie, sans même s’encombrer de discours de justification de façade. il faut disperser ces miséreux. l’inouï signe des temps est là, dans l’aveu décomplexé de cet objectif.
peu importe qu’ils se réfugient, comme des bêtes traquées, dans un recoin du monde moins accessible aux professionnels toujours plus alarmés. peu importe qu’ils en crèvent finalement. l’essentiel est donc qu’ils disparaissent.
les autorités rivalisent d’imagination. non pour venir en aide aux 100 000 sans-abri qui peuplent nos espaces publics, mais pour éviter que l’étendue du désastre ne s’affiche trop manifestement.
ainsi d’un maire ump qui, presque fier, emploie un produit chimique anti-sdf comme l’on utiliserait du dératisant. ainsi d’un maire socialiste en vogue qui, fort du succès d’un vélo gratuit et d’une cote grandissante au sein d’un parti en déroute, verrouille tranquillement l’accès aux berges du canal saint-martin pour prévenir quelque accident de parcours (présidentiel ?).
voici donc l’attirail, plus soft que les plots en béton par dizaines déversés en haut du quai de jemmapes par la mairie de paris là où en juin encore une trentaine de tentes se dressaient ; de grandes barrières empêchent l’accès à une parcelle du quai de valmy où, nous apprend un texte placardé, l’on réalise «un aménagement végétalisé», car «la nature c’est capital» ; une installation grillage-barrières anti-infiltration de sdf scellée à la structure du pont d’ hôtel du nord pour préserver, tant bien que mal, le décor de paris plages ; des vigiles - payés avec les deniers publics - qui, jour et nuit depuis le mois de juin, arpentent les rives du canal pour «faire dégager» (vocabulaire d’un de ces agents de sécurité, questionné la semaine dernière) d’éventuelles nouvelles tentes encombrantes.
durant ce même été, une délégation d’habitants du quartier a, sans vergogne, demandé aux autorités locales une «remise gracieuse» sur le montant de leur taxe d’habitation en raison des «nuisances subies» lors de l’action des enfants de don quichotte. le chef d’entreprise cinquantenaire à la tête du groupuscule d’argumenter : «pendant plus de sept mois, la propreté et l’entretien courant de cette zone n’ont pu être assurés normalement.»
le président de la république, un jour de campagne, annonça que fin 2008 nous compterions «zéro sdf». nous voyons se dessiner assez clairement les méthodes qui, somme toute, risquent de faire se réaliser la promesse : la chasse à l’homme. une autre solution envisageable eût été de faire de la politique précisément, et de mettre en œuvre le plan d’action renforcé en faveur des sans-abri (parsa), annoncé le 8 janvier 2007 alors que l’action des enfants de don quichotte battait son plein.
a l’époque, en effet, l’actuel grand ministre d’etat de l’ecologie (la nature, encore…), alors ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, s’était engagé à suivre les recommandations de la «charte du canal saint-martin pour l’accès de tous à un logement», document élaboré le 25 décembre 2006 et cosigné par un très grand nombre d’associations d’aide aux sans-abri.
aujourd’hui, force est de constater que les autorités elles-mêmes, y compris dans le camp de m. borloo, doutent de la mise en place du parsa, qui prévoyait entre autres la réforme des structures d’accueil d’urgence, l’ouverture massive de places de stabilisation et la construction démultipliée de logements sociaux.
un exemple : alors que 3 000 logements des collecteurs 1 % devaient être mobilisés chaque année, une convention etat-uesl en date du 4 juillet 2007 a ramené cet objectif à 1 000 ; aujourd’hui, il semblerait que nous en ayons obtenu 140… en être réduit à «faire dégager» les sdf bien trop visibles apparaît comme un aveu de la faillite de cette politique. mais on ne s’en cache plus.
le nettoyage est nécessaire au sein d’une république gérée comme une entreprise par une équipe de managers, y compris pour des raisons de communication par temps de coupe du monde de rugby. nos patrons soignent l’image du pays. les personnes en détresse que nous ne cessons de rencontrer, toujours plus nombreuses, ils les chassent ou les «dégraissent» en tant que personnel jugé inapte, légalisant le sacrifice des économiquement faibles. accessoirement, ils piétinent ainsi la république en ses fondements, cet abri de droit nécessairement ouvert à tous.
ce maire d’argenteuil, dans le val-d’oise, adepte de la solution chimique contre une population coupable d’une «gêne olfactive anormale» reste une caricature. parfois moins spectaculaire, moins polémique, la funeste dérive n’en reste pas moins visible à qui ouvre les yeux. l’inhumanité en politique jamais ne crie son arrivée : elle s’installe, sous les regards anesthésiés.
il est donc aujourd’hui peut-être urgent de voir, de témoigner, et de renvoyer aux responsables politiques les images de leur ignominie. il y a dix jours, une jeune femme sans abri est décédée, sous nos yeux, d’une overdose. aujourd’hui, un ami du canal saint-martin attend de se faire amputer du pied droit, pourri jusqu’à l’os, dévoré par des vers.
l’immonde est là. sur les berges du canal saint-martin ou ailleurs, il va falloir redoubler de détermination pour rappeler ce pays à ses devoirs d’humanité les plus élémentaires.
paris, canal saint-martin , 1er janvier 2007, en collaboration avec le phot ographe laurent malone, éditions integral laurent malone, à paraître en octobre.
http://www.liberation.fr/rebonds/279152.fr.php
© libération
20 septembre 2007 dans france d'après, société | lien permanent
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temps de travail
une usine continental
repasse aux 40 heures
nouvelobs.com | 14.09.2007 | 09:54
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un accord, qui prévoit également 130 embauches, a été signé entre la direction du site de clairoix (oise) et les syndicats.
(reuters)
(reuters)
l'usine de l'équipementier automobile allemand continental à clairoix (oise), près de compiègne, a annoncé, jeudi 13 septembre, que la durée hebdomadaire du travail allait repasser à 40 heures à compter du 1er janvier 2008, selon des sources patronales et syndicales. actuellement, le temps de travail hebdomadaire sur le site est de 37 heures et demie.
un accord, qui prévoit également l'embauche de 130 salariés supplémentaires sur le site d'ici au 1er janvier 2008, a été signé mercredi entre la direction du site et les syndicats cftc (majoritaire) et cgc. il entérine le retour aux 40 heures de travail hebdomadaire pour environ 650 des 1.200 salariés du site, ont précisé thierry wipff, directeur de l'usine, et antonio da costa, délégué syndical cftc.
1h30 payée en heure sup'
"pour les salariés qui travaillent en 3x8, cela représente 2 heures 30 minutes de travail hebdomadaire supplémentaires, dont 1 heure 30 payée en heure supplémentaire, et une heure compensée par l'octroi de six vendredis de rtt de plus par an aux salariés concernés", a résumé antonio da costa. il a souligné que cela représentait une augmentation mensuelle de 92 euros pour ces salariés.
"nous avons l'assurance que grâce aux économies réalisées par ce projet équilibré, nous retrouvons une certaine performance, et nous pouvons réinvestir dans le site", a déclaré thierry wipff.
"tout le monde s'y retrouve"
"cela faisait 14 mois que nous étions en négociations. une première copie avait été refusée par le personnel à l'issue d'une consultation qui avait donné 51% de "non". cela voulait dire que les personnels et les organisations syndicales étaient prêts à faire quelque chose. on a retravaillé avec les partenaires sociaux et on est arrivé à cet accord équilibré", a encore jugé thierry wipff.
"les salariés s'y retrouvent, l'entreprise s'y retrouve aussi puisque des économies sont trouvées, et quelque part, l'emploi s'y retrouve aussi", a-t-il ajouté.
"après la signature de l'accord, nous avons réuni les équipes, et nous avons senti qu'ils étaient soulagés d'aboutir enfin à quelque chose et de se voir garantir un peu leur emploi", a estimé antonio da costa, soulignant que le site était "sous la menace d'un plan social depuis 18 mois".
14 septembre 2007 dans société | lien permanent
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société
seine-saint-denis: un épicier poignardé, une supérette sous haute surveillance
michèle alliot-marie, ministre de l'intérieur. (reuters)
la ministre de l'intérieur s'est rendue à epinay-sur-seine, où un épicier a été poignardé par un sdf. dans le même département, aux francs-moisins, un franprix est gardé par d'importantes forces de police.
par amelia blanchot
liberation.fr : mardi 4 septembre 2007
a chaque fait divers sa réaction gouvernementale. ce matin, la ministre de l’intérieur, michèle alliot-marie, s’est rendue à epinay-sur-seine (seine-saint-denis), où un épicier de 54 ans a été tué de plusieurs coups de couteaux par un sdf de 41 ans.
figure charismatique du quartier, le gérant de l’épicerie az, située rue maurice-ravel, connaissait et nourissait régulièrement ce sdf. très apprécié par les habitants du quartier, un hommage devrait lui être rendu dans la soirée.
de son côté, mam a promis une « action extrêmement ferme, parce que tout le monde a le droit, sur le territoire français, de vivre en étant respecté dans son intégrité physique, sa liberté d’aller et venir ». elle a précisé que ce « drame » n’avait cependant « rien à voir avec les phénomènes de bande ou de quartier ». et d’ajouter qu’il faut « isoler les délinquants ». selon elle, certaines personnes « craignent potentiellement ce qui pourrait se passer, il faut que nous éliminions ce sentiment de peur en montrant que la loi est respectée ».
ce meurtre a eu lieu vers 8 heures, alors que la ministre allait rendre visite à mahmed abderrahmen, un autre commerçant de seine-saint-denis, lui aussi victime de violences, dans des circonstances totalement différentes.
propriétaire d’un franprix au coeur du quartier des francs-moisins, il a déclaré avoir été agressé six fois entre le 4 juillet et le 29 août. début juillet, il a été blessé lors d’une première attaque. le 27 août, il aurait été agressé à coups de batte de base-ball. mercredi dernier, la supérette a été envahie par une vingtaine de jeunes, qui ont tenté de voler la caisse. enfin, mahmed abderrahmen assure avoir été menacé par un homme en moto, dans la nuit de jeudi à vendredi, près de son domicile dans le val-de-marne. il avait alors été hospitalisé au service psychiatrique de l’hôpital du kremlin-bicêtre, jusqu’à dimanche.
pourtant, dans la petite zone commerciale qui entoure sa supérette, les autres gérants ne subissent pas le même sort. quelques vols ou autres vitres brisées ont bien lieu de temps à autre, mais pas d’agressions physiques comme a pu subir mahmed abderrahmen.
son histoire a débuté le 6 juin 2007, lorsqu’il reprend la moyenne surface, auparavant sous l’enseigne ed. consciente des difficultés économiques de la zone commerciale, la mairie de saint-denis avait voulu favoriser son insertion dans le quartier. francis langlade, maire-adjoint au commerce, se souvient: « nous avons voulu lui faire rencontrer les associations, le faire venir à des réunions de quartier. il n’a jamais donné suite. il avait promis une grande fête pour l’inauguration de son magasin, il ne l’a jamais fait ».
dans le quartier, tout le monde s’accorde sur le caractère bien trempé de mahmed abderrahmen. dans un commerce voisin, un jeune, déserteur du franprix, affirme: « c’est lui qui cherche les embrouilles. il nous demande d’enlever nos capuches et nos bonnets quand on entre dans son magasin. il dit même qu’à franc-moisin on est plus en france ».
même francis langlade l’admet: « son rapport à la clientèle s’est sérieusement dégradé. des personnes âgées et des mères de famille sont venues se plaindre».
au mois de juillet, lors d’une visite de la ministre de l’intérieur, il avait imploré mam, un bras dans la plâtre et les yeux rougis par les larmes: « qu’est-ce que vous pouvez faire pour moi? ce n’est plus supportable. la france est un beau pays, mais en trente-cinq ans, je n’ai jamais vu ça. aux francs-moisins, on n'est plus en france… », selon les propos rapportés par le parisien. la ministre s’était levé, l’avait embrassé, et lui avait promis de revenir.
chose promise, chose due: après avoir été reçu place beauveau par michel delpuech, le bras droit de mam, c’est elle-même qui s’est déplacée pour voir les commerçants. depuis la fin de semaine dernière, la supérette est protégé par une armada de policiers, postés jour et nuit, prêts à intervenir.
et depuis ce matin, mahmed abderrahmen est pris en charge par sept policiers des renseignements généraux. une faveur sécuritaire qui aurait déjà suscité des remous au sein des rg, selon l’afp.
http://www.liberation.fr/actualite/societe/276185.fr.php
© libération
05 septembre 2007 dans fait-divers, société | lien permanent
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on recrute
emmaüs cherche nouveau don quichotte
sur le terrain, emmaüs poursuit sa tâche. sans pleurs ni couronnes. l'abbé pierre ? il faut continuer son oeuvre. mais en durcissant le ton. reportage
dans le hall d'accueil du centre d'hébergement de valmy, dans le 10e arrondissement de paris, les affiches sur le mal-logement ont remplacé les portraits de l'abbé fondateur. « il n'a pas, comme chirac, sa photo dans les mairies de france, plaisante margareth stoib, la directrice, mais il est toujours là.» cela fait plusieurs années que l'abbé pierre n'avait pas poussé la porte. et pourtant sa « présence rayonnante » habite toujours les lieux. l'abbé, fidel dobozendi ne l'a rencontré qu'une fois, mais n'a jamais oublié. son combat est devenu le sien : il était comptable, il est aujourd'hui travailleur social à l'association emmaüs. c'était il y a six ans déjà. depuis, c'est du plein-temps. « chez nous, l'important, c'est l'accueil, explique-t-il. c'est ça qui permet aux familles d'avoir confiance et d'aller de l'avant. » rien à voir avec les méthodes musclées d'autres associations. fouilles systématiques, stress permanent. ici, on prend le temps d'écouter et, pour les familles, de se poser un peu avant de retrouver un toit. cela peut prendre des années. les chrs (1) de l'association emmaüs parient sur la durée. «en leur offrant un logement, nous les aidons à se stabiliser et à se réinsérer dans la vie professionnelle. en attendant qu'ils trouvent mieux», ajoute la directrice. avec son mari et ses deux jeunes enfants, kagui vit depuis trois ans dans l'un des treize studios du centre valmy. le soir, derrière les rideaux, elle voit les tentes de sdf du canal saint-martin. quand il fait chaud dans l'unique pièce, elle ouvre la fenêtre. eux, ils font des feux. « je ne me plains pas. on a tout ce qu'il faut. » la famille s'est équipée : frigo, micro-ondes, téléviseur. le minimum. même si à quatre dans 25 mètres carrés, ils se sentent un peu à l'étroit. leur parcours ressemble à celui de beaucoup d'autres. pas de travail, un logement insalubre et surpeuplé. pudique, elle évoque à peine la fausse couche de son premier bébé. elle dit : « le froid l'a tué. » elle n'est pas venue à emmaüs par hasard. c'est une histoire de famille. sa mère aussi, à son arrivée en france, s'en est sortie grâce à l'association. elle a fini par retrouver un logement. et son honneur. se sentir chez soi, c'est le rêve de leurs voisins, mouna et abdel. il y a un an, mouna était encore une jeune étudiante en tunisie. elle rêvait de son futur de jeune mariée en france. la réalité l'a réveillée. pendant un mois, le jeune couple a vécu dans un local à vélos. avec un nouveau-né. «on était discret, les voisins n'ont rien dit.» il en a tellement honte, abdel, de cette vie. jamais il n'a osé en parler à ses parents. « le problème, en france, c'est le logement», dit-il. avec son salaire de pizzaiolo et son patronyme tunisien, il s'est fait débouté de toutes les demandes. pourtant, il refuse la charité. dans les centres, les loyers représentent 10% du salaire. une solution qui les sort de la rue, provisoirement.
certains reviennent de loin. les travailleurs sociaux racontent : marques de fatigue, dénuement, maladie. souffrance et manque de confiance. et parfois la violence. il arrive que les familles ramènent leurs problèmes avec elles. coupées de leurs proches quand elles étaient sans logement, elles aimeraient accueillir leurs amis dans les centres. mais les règles sont strictes. les dossiers scrupuleusement étudiés. « on ne peut pas accepter tout le monde. on reçoit dix demandes par jour, alors que six places se dégagent chaque année», dit fidel. une situation qui empire chaque année. et que faire de tous les sans-logis du canal saint-martin ?, s'interroge margareth. de futures injustices pour ceux qui resteront camper sur les pavés des berges. fidel aimerait que ça aille plus vite. il rêve de tout bousculer, de remuer les bureaucrates de la vieille association emmaüs. «ils ne veulent pas faire de vagues, alors qu'il nous faut des actions coups de poing ! », s'écrie-t-il. comme celles des nouveaux robin des bois du mal-logement. désormais, son modèle, c'est jean-baptiste eyraud, le président de droit au logement. il se souvient de l'hiver 1954 et du cri de désespoir de l'abbé pierre. où sont passées l'émotion, la spontanéité ? l'abbé avait appelé à la révolte : « l'insurrection de la bonté ». il est mort, son modèle, son cri s'est éteint. fidel attend maintenant un nouveau don quichotte.
(1) centre d'hébergement et de réinsertion sociale.
léna mauger, marie vaton
le nouvel observateur
27 août 2007 dans société | lien permanent
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société
le maire d'argenteuil chasse le sdf au répulsif
georges mothron, député-maire ump d'argenteuil. (afp)
la ville s'est procuré un produit chimique maladorant pour tenter d'écarter les sans-abris de certaines zones. l'un de ses arrêtés anti-mendicité, en 2005, évoquait la «gêne olfactive» liée à la présence de sdf...
par afp
liberation.fr : vendredi 24 août 2007
dans le but de déloger les sdf de son centre-ville, la mairie d’argenteuil (val-d’oise) a acheté cet été des répulsifs nauséabonds appelés «malodore», «une solution triste» mais nécessaire selon la mairie que dénonce le ps qui condamne «une chasse aux pauvres».
depuis trois ans, le maire georges mothron (ump) prend chaque été un arrêté pour interdire le centre d’argenteuil aux sdf. cette année, pour la première fois, la mairie a reconnu vendredi s’être procuré du «malodore» pour éloigner les sdf vivant notamment aux abords du centre commercial du coeur de ville.
«la mairie utilisera ce produit si elle ne trouve aucune autre solution, notamment sociale, pour éloigner des sdf occupant une sortie de secours du centre commercial. ils posent des problèmes de sécurité et gênent les riverains. c’est une solution triste dont on espère se passer», a expliqué à l’afp philippe metezeau, premier adjoint au maire.
selon plusieurs sources, la mairie a demandé en juillet à ses agents de la voirie d’asperger de répulsif les lieux de prédilection des sdf dans le centre-ville. mais elle a essuyé un refus net des employés municipaux.
«le carton de malodore précisait que le produit était toxique et irritant, et qu’il ne fallait pas le respirer, alors, les agents ont décidé de ne pas le diffuser, car ils veulent bien +chasser des rats mais pas des sdf+», raconte un agent de la mairie sous couvert d’anonymat.
suite à ce refus, une partie du répulsif a été donné à des agents d’entretien de la galerie marchande «côté seine», ce que reconnaît la mairie. la direction de «côté seine» a précisé à l’afp que ses employés avaient bien diffusé le répulsif au niveau des sorties de secours du centre commercial où les sdf ont leur habitudes.
livré sous forme de concentré à diluer et à pulvériser, «malodore» est une exclusivité de la société firchim, spécialisée en produits d’entretien.
«c’est un produit pas dangereux qui laisse une rémanence nauséabonde pendant plusieurs semaines. on l’utilise normalement pour éviter que des gens en état d’ébriété ne stationnent près d’endroits dangereux, sous les ponts ou près des routes», a expliqué à l’afp le responsable de firchim, pierre pasturel. selon lui, d’autres collectivités utilisent «malodore» à cet effet.
secrétaire nationale à l’égalité des chances du ps et candidat aux législatives à argenteuil en juin, faouzi lamdaoui a dénoncé à l’afp la «scandaleuse chasse aux pauvres» du maire et «des moyens contraires à la dignité humaine».
en 2005, l’un des arrêtés anti-mendicité de m. mothron, évoquant une «gêne olfactive anormale» liée à la présence des sdf, avait été annulé par la préfecture.
l’arrêté pris le 6 août et qui court jusqu’en 2012, fait l’objet d’une requête en annulation déposé à la préfecture par valentin texeira, militant verts.
http://www.liberation.fr/actualite/societe/274067.fr.php
© libération
24 août 2007 dans crevures, france d'après, la france la vraie, société | lien permanent
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débordement d’associations
le collectif présent dès le début du mouvement voit d’un mauvais œil les nouvelles venues.
par stéphanie maurice
quotidien : jeudi 16 août 2007
au portillon des négociations, les associations se bousculent. d’un côté, il a les interlocuteurs habituels, comité des sans-papiers (csp 59), mrap e ligue des droits de l’homme (ldh), réunis dans un même collectif. d l’autre, cinq nouvelles arrivantes (aida, emmaüs, voix de nanas, parce qu des hommes y vivent, safia) qui viennent bouleverser la donne en signan avec la préfecture un dispositif de sortie de crise. elles espèrent siéger a futur comité départemental, qui remplacera en septembre la réunio mensuelle d’examen des possibles régularisations, où elles n’étaient pa représentées
cette réunion était une exception nordiste, obtenue après une grève de la faim en 2004. a la ldh, annick battallan soupire : «on sollicite des associations qui sont dans la gestion administrative des dossiers. le collectif, lui, ne se contente pas de gérer, il se bat aux côtés des sans-papiers.» et elle remarque : «c’est finalement la déclinaison régionale de la politique de débauchage de m. sarkozy.»
au milieu du gué, se tient la cimade nord-picardie. elle fait partie des associations historiques, mais soutient le plan proposé. son président affirme : «on ne peut pas risquer que la préfecture claque la porte, il faut sauvegarder l’espace de négociation.» il n’est pas suivi par la plupart des ses militants. cet accord prévoit le réexamen de 150 dossiers au lieu de 100 et un permis de libre circulation pour les sans-papiers pendant l’étude de leur cas. a condition que la grève de la faim s’arrête, et sans aucune assurance de régularisation.
«on ne peut pas donner une prime aux grévistes, beaucoup de gens ont de meilleurs dossiers qu’eux»,justifie martina partoès, de parce que les hommes y vivent. reste un hic majeur : les signataires n’ont reçu aucun mandat des grévistes. «on n’a jamais vu ces associations. elles monnayent notre souffrance», disent-ils. hier, 63 sans-papiers étaient toujours en grève de la faim, la plupart depuis 61 jours. dans les centres de rétention, quatre sans-papiers, dont un gréviste risquent l’expulsion imminente.
16 août 2007 dans crevures, société | lien permanent
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ecrans
«le monde»: minc tente de passer en force
alain minc. sa reconduction à la présidence du conseil de surveillance du monde est «une pantalonnade», selon un journaliste du monde. (afp)
le président du conseil de surveillance du groupe le monde a été reconduit jeudi dans des conditions irrégulières. devant ce coup de force, la société des rédacteurs du monde a claqué la porte. le tribunal de commerce pourrait être saisi pour trancher.
par olivier costemalle et catherine mallaval
liberation.fr : jeudi 28 juin 2007
«vraiment, le cac40 nous fait chier, le cac40 n’est pas honnête». c’était le commentaire, hier soir, d’un élu du monde à l’issue d’un conseil de surveillance pour le moins ubuesque.
enjeu du jour: la reconduction - ou non - d’alain minc à son poste de président du conseil de surveillance du groupe. face à face, les actionnaires extérieurs (dix voix) et les actionnaires internes (dix voix également). pour être reconduit, selon les statuts, minc doit recueillir 11 voix. résultat du vote: dix voix pour minc (celles des actionnaires externes), sept voix contre et trois abstentions (le camp des actionnaires internes).
le grand argentier du monde, qui depuis 1994 tire les ficelles du journal, est donc viré. sauf que non. coup de théâtre: le président de séance, claude perdriel, par ailleurs pdg du nouvel observateur, le déclare… élu. et il va même jusqu’à ajouter: «nous allons maintenant procéder au renouvellement des membres du directoire». abasourdis et furieux, les actionnaires internes (société des rédacteurs du monde, personnels des publications de la vie catholique, journalistes de midi libre, employés et cadres du monde) n’en croient pas leurs oreilles. ils protestent, rappellent que les statuts sont très clairs sur ce point: «c’est 11 voix, et pas 10». rien n’y fait. minc: «vous n’êtes pas d’accord ? le tribunal tranchera».
derrière lui, claude perdriel et les actionnaires extérieurs font bloc. personne ne moufte. ni le représentant de saint-gobain, ni celui du crédit mutuel, ni celui de safran, ni celui de prisa, ni celui de mederic, tous ces grands groupes cotés en bourse. «ils se sont comportés comme des toutous», commente, amer, un journaliste.
la crise institutionnelle au sommet du monde est ouverte. les représentants des actionnaires internes se lèvent et claquent la porte.
la nouvelle se répand, suscitant l’incrédulité. «comment minc a-t-il osé demander un nouveau mandat alors que les journalistes du monde se sont prononcés à la quasi-unanimité contre lui ?», s’interroge l’un. «on s’est battu à la loyale, face à nous ils ne le sont pas, c’est une pantalonnade, ce sont des tricheurs», ajoute un autre. «on tiendra bon, le droit est avec nous. ils vont rembarquer leur manip», conclut un troisième.
un vent de protestation se lève dans la maison. plus personne ne sait quoi faire. jean-michel dumay, qui vient d’être confirmé, à l’unanimité, à la tête de la société des rédacteurs du monde, commence à rédiger un communiqué saignant. au sein du journal, on s’interroge: faut-il publier demain comme prévu, l’article que jean-marie colombani a rédigé en forme d’adieu aux lecteurs ?
de fait, pierre jeantet, qui devait être officiellement nommé hier au poste de numéro un en remplacement de colombani, n’a pas pu être désigné puisque les actionnaires internes ont interrompu la réunion du conseil de surveillance avant qu’on aborde ce chapitre.
bilan: le groupe le monde se retrouve ce matin dans une drôle de situation. avec un président du conseil de surveillance élu dans des conditions irrégulières, un patron censé partir et son successeur qui ne peut juridiquement pas s’asseoir dans son fauteuil. un imbroglio jamais vu et jamais imaginé dans une entreprise qui compte 3300 salariés et plus de 600 millions d’euros de chiffe d’affaires, endettée jusqu’à la gorge qui plus est (100 millions d’euros).
le tribunal de commerce pourrait être saisi dans les prochains jours pour trancher sur l’affaire. il pourrait même nommer un administrateur judiciaire pour gérer les affaires courantes du groupe en attendant un jugement sur le fond.
«il faut régler ça dans les 48 heures, s’alarme un élu du personnel. on ne peut pas laisser traîner cette situation. minc doit céder. comme colombani, qui a fini par admettre lui aussi qu’il ne pouvait pas passer outre les statuts». claude perdriel avait en effet tenté de maintenir jean-marie colombani à son poste en dépit du vote contraire des journalistes du monde. «colombani, minc, perdriel: tous ces grands bonshommes ont quand même une drôle de conception de la démocratie et du respect du droit», conclut un représentant des actionnaires internes.
http://www.liberation.fr/actualite/ecrans/264099.fr.php
© libération
28 juin 2007 dans société | lien permanent
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les bobos font passer les villes à gauche
le monde | 23.06.07 | 13h40 • mis à jour le 23.06.07 | 13h40
toulouse envoyÉ spÉcial
ienvenue à "boboland". s'il fallait un symbole, ce serait le vélo. version étudiante avec sac à dos. version profession libérale avec la veste de costume ou le sac à main dans le panier avant. version jeune mère de famille avec le siège enfant. le vélo et tout le décor qui va avec. tramway, rues semi-piétonnes, cafés branchés, petit-commerçant-du-coin-qui-nous-connaît... les centres-villes changent. ils sont envahis par ceux qu'on appelle, de manière un peu caricaturale, les bobos, les bourgeois bohèmes. ils s'ancrent à gauche. c'est une tendance de fond qui s'est révélée, à la faveur des législatives, à bordeaux, lyon, caen, toulouse et strasbourg.
les maires de droite accompagnent, contraints et forcés, cette évolution qui leur est défavorable. a toulouse, jean-luc moudenc (ump) s'apprête à créer dans sa ville 140 "vélos-stations" au mois de novembre. il vient de subir une défaite cuisante aux législatives, dans la 1re circonscription, celle qu'il décrit lui-même comme "la circonscription des maires de toulouse". naguère occupée par dominique baudis et philippe douste-blazy. "le mode de développement des villes favorise une sociologie qui ne nous est pas favorable, reconnaît-il. dans le centre, la droite est prise en étau entre une gauche populaire en situation de précarité, qui occupe des immeubles locatifs non rénovés, et une gauche bourgeoise, composée d'enseignants, d'ingénieurs, d'universitaires. pour autant, je n'envisage pas le développement urbain en fonction de mon électorat, mais en faveur de la qualité de vie."
toulouse se renouvelle, toulouse bouillonne. la ville accueille chaque année entre 15 000 et 18 000 nouveaux habitants, tandis que sa population stagne autour de 430 000. le soir, la place du capitole et la place wilson s'animent peu. les vrais lieux de vie se sont déplacés sur les bords de la garonne, dans les quartiers de saint-pierre et la dorade. ou à arnaud-bernard, îlot populaire aux allures de "petit souk" à l'ombre de la basilique saint-sernin. là, les cafés restent ouverts tard le soir. toute une population estudiantine s'approprie les lieux.
"en contradiction avec la ville"
jean-luc forget, candidat modem aux législatives (10 % des voix), constate que c'est dans ces quartiers vivants qu'il a obtenu ses meilleurs scores. "la traditionnelle bourgeoisie s'est recroquevillée, affirme cet avocat. le centre est habité désormais par des gens qui vivent différemment, très "culture", artistes ou qui se pensent artistes. en décalage avec le personnel politique de la mairie qui, lui, n'a pas changé." salah amokrane, ancienne tête de liste des motivé-e-s aux municipales de 2001, fait le même constat : "la majorité municipale ne se rend pas compte que la ville a changé. ils sont encore dans la vision d'une bourgeoisie provinciale qui recherche sa tranquillité : pas trop de bruit le soir, des cafés qui ferment tôt, et que ça ne sente pas trop le kebab. c'est en contradiction avec ce que la ville est devenue."
la députée ps nouvellement élue, catherine lemorton, voit d'abord dans la défaite de jean-luc moudenc la fin des années baudis. ce qui n'exclut pas une analyse en termes d'évolution sociologique. "le maire a été tenté d'utiliser les réseaux baudis, les clubs du troisième âge, le rugby, les notables... le problème, lorsqu'on est élu, c'est qu'on ne voit plus les électeurs qu'à travers les associations et les réseaux, qu'on arrose de subventions. or la plupart des gens ne sont rien. ils n'appartiennent à aucun réseau. in fine, ce sont les électrons libres qui font les élections."
les sociologues de la bourgeoisie, monique et michel pinçon, ont eu l'occasion d'étudier ces nouvelles couches sociales à paris, ville qui a été précurseur : "ce sont des gens qui ont une bonne position dans la société et qui, en même temps, ne sont pas des héritiers, expliquent-ils. ils doivent leur réussite sociale à leurs études. ils parlent de leur quartier comme d'un "village". avec un brin de nostalgie dans la voix." quelque chose entre amélie poulain et chacun cherche son chat.
toulouse n'échappe pas à la tendance générale. la cité et son agglomération correspondent assez bien au schéma de la "ville à trois vitesses" décrite par le sociologue jacques donzelot. relégation des enfants de l'immigration dans les cités, dont le mirail est le symbole ; évasion des classes moyennes vers le périurbain et des quartiers autrefois populaires, comme les minimes, chantés par nougaro ; enfin, gentryfication du centre-ville par l'installation d'une nouvelle bourgeoisie.
marie-christine jaillet, sociologue à l'université du mirail, met en garde contre une corrélation trop forte entre la gentryfication des centres-villes et le vote à gauche. "la classe créative, autrement dit les bobos, est en réalité très composite. on y trouve une mouvance bohème, artistique, précaire, et un niveau plus élevé, composé d'ingénieurs, de créateurs, de tous ceux qui participent au développement économique." selon cette spécialiste de la ville, le centre de toulouse est plus divers qu'il n'y paraît. "on trouve encore des milieux populaires dans les espaces interstitiels oubliés par la rénovation. il faut aussi prendre en compte les étudiants, de plus en plus nombreux à s'inscrire sur les listes électorales de leur lieu de résidence. parmi eux, beaucoup des jeunes qui travaillent ou sont en situation de précarité."
la gauche estime que ce nouvel électorat doit logiquement tomber dans son escarcelle. la députée catherine lemorton décrit les bobos comme "des personnes de 30-45 ans, qui ont les moyens et qui sont des humanistes". "ils sont ouverts sur le monde, prêts à une certaine mixité sociale. ils basculent à gauche. royal a fait 57 % dans ma circonscription." jean-luc forget, du modem, les verrait plutôt centristes : "ce sont des gens qui ne votaient pas, et qui sont attirés par une nouvelle manière de faire de la politique. bayrou a fait 19,2 % dans la circonscription." le maire, jean-luc moudenc, n'a qu'un mot à la bouche pour séduire cet électorat en 2008 : l'ouverture. "mon idée est de faire une liste ouverte, politiquement et sociologiquement. avec des gens qui ont une sensibilité de gauche et qui incarnent la diversité de la ville." la bataille municipale s'annonce rude.
xavier ternisien
26 juin 2007 dans société | lien permanent
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polo. le gratin avait rendez-vous à chantilly pour la finale de l'open de france.
parce que je le chevaux bien
par muriel gremillet
quotidien : lundi 18 juin 2007
chantilly envoyée spéciale
c'est «un dimanche ordinaire». le jeune homme s'installe dans un siège confortable face au terrain pour mieux continuer sa conversation téléphonique : «courses, polo. la routine. j'ai un peu gagné.» dehors, 44 millions d'électeurs sont invités à élire leurs députés. mais en ce dimanche de premier tour des élections législatives, au polo club de chantilly, les préoccupations sont ailleurs. très, très loin de la basse politique. il s'agit de savoir qui remportera la finale de l'open de france, sponsorisé par hermès. deux équipes s'affrontent, castel contre in the wings. castel, favori de la compétition, finit par l'emporter.
«fou». mais peut-on vraiment utiliser le vocabulaire sportif ordinaire au bord d'un terrain de polo ? tout semble au-delà. le principe de l'open, d'abord. un affrontement entre des équipes parrainées par un grand patron. philippe fatien, patron de castel, le patron d'un groupe de médias suisses, claude solarz, le vice-président du groupe de recyclage de déchets industriels paprec, patrick guerrand-hermès, autrefois patron d'hermès, financent des équipes, mais sont aussi à cheval. des équipes qui s'affranchissent de toute nationalité, de toute règle de classement. seule compte la capacité dudit patron à se payer des joueurs professionnels, argentins, anglais ou suisses. puis à financer les chevaux, quatre au moins par joueur et par match, sans compter les doublures. puis les lads, eux aussi argentins, qui prennent soin des animaux. et le déplacement des équipes, ainsi que l'équipement. bref, des sommes assez colossales. mais dont on ne parle pas au bord des terrains. l'argent va de soi et n'est pas «le moteur de la passion», comme explique un vieux monsieur. «les chevaux, je vous assure, ça peut rendre fou.»
pour l'instant, la folie reste dans un cadre très maîtrisé. certes, pendant le match qui oppose deux équipes féminines, des encouragements fusent des petits groupes au bord des planches qui délimitent le terrain et empêchent la balle de sortir trop loin. mais on garde son quant-à-soi. d'ailleurs, comment faire bêtement supporteur quand il s'agit d'encourager sixtine ou albéric ?
même le champagne rosé que de jeunes spectateurs boivent dans des verres, assis sur la pelouse incroyablement moelleuse, ne les transforme pas en hooligans. tout au plus, les filles, blondes et minces, ont-elles les joues un petit peu plus rose. d'ailleurs, les filles qui viennent de terminer leur match et qui descendent de cheval sont elles aussi toutes blondes. et à peine marquées par l'effort. le polo en est pourtant un. les chevaux accélèrent, le maillet est lourd, les contacts physiques entre les animaux peuvent être brutaux. mais la plupart des cavalières sortent de là à peine décoiffées. on se précipite pour les féliciter en direct, au téléphone. certaines filent se recoiffer avant d'accepter les hommages, y compris de leurs propres enfants. les chevaux, fumants, sont laissés aux argentins qui les conduisent dans les boxes et vont gérer l'intendance. elles, elles restent en tenue, pantalon blanc (lui aussi à peine crotté, bottes en cuir luisantes, polo rose pâle), et promènent cet air hautain de celles qui jouent au milieu des spectateurs.
car les spectateurs, familiers des courses et du polo, arrivent. de l'autre côté du domaine de la ferme d'apremont, le prix de diane vient de s'achever sur la victoire de la pouliche française west wind, montée par le jockey italien lanfranco dettori. des amateurs logés dans les bonnes tribunes, cocarde verte et orange à la boutonnière. les femmes sont en robe et chapeautées, comme il est de tradition au prix de diane. au pied, des sandales avec au moins 8 centimètres de talon. pas très confortable pour regarder la petite finale. mais le talon, outre qu'il est incroyablement chic, a une utilité au polo. aux interruptions, quand les joueurs changent de cheval en sautant de l'un à l'autre sans prendre le temps de mettre un pied à terre, le speaker invite les spectateurs à passer les barrières et à aller remettre les mottes d'herbe retournées en place sur le terrain. «même la reine d'angleterre le fait», assure le commentateur au micro. on assiste alors à de drôles de scènes. les femmes accourent, un homme au bras gauche, un verre dans l'autre main, et retournent allégrement la pelouse de la pointe de l'escarpin. tout le monde se dépêche de regagner les tribunes pour que le match puisse reprendre. le spectacle sportif est impressionnant. mais assez peu de gens finalement le goûtent. généralement, ils sont les jumelles à la main, debout. et se reconnaissent à leur tenue, plus sportive, moins apprêtée que le pékin moyen. autre signe distinctif, ces amateurs-là ont généralement un ou plusieurs chiens sur les talons. des chiens qui respirent la santé, boivent de l'evian dans leur gamelle, et sont très bien élevés.
tracteur. au moment de la remise des prix, tout le monde converge vers le podium mobile emmené par un tracteur agricole qui disparaît aussi vite qu'il est venu. le public applaudit, fait des commentaires acerbes sur les joueurs et les joueuses. on parle beaucoup du rendez-vous de l'année, le centenaire du polo club de deauville, en août. dehors, une vague bleue submerge l'assemblée nationale. la vulgaire écume de l'actualité politique n'atteint même pas les portes de chantilly. les hippodromes et les polo clubs bénéficient de l'extraterritorialité.
20 juin 2007 dans curiosités, société | lien permanent
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e suis antisarkoziste primaire, et alors?
quotidien : lundi 4 juin 2007
il y a à peu près quatre ans, j'ai cessé d'acheter le monde, que je lisais depuis toujours, parce qu'il devenait trop sarkozyste à mon goût. je suis alors devenu lecteur de libération, auquel je me suis habitué, et s'il m'est arrivé d'être critique, je crois pouvoir affirmer que je n'ai jamais été vraiment choqué par tel ou tel article.
or, il en va tout autrement depuis l'élection de nicolas sarkozy, concernant les éditoriaux ou les articles de laurent joffrin. j'ai donc décidé, comme d'autres amis, je dois vous le dire, d'abandonner la lecture de ce journal.
ce ne sont pas les grandes déclarations social-démocrates de m. joffrin qui me dérangent, non ! ce qui m'est insupportable, c'est d'être régulièrement insulté dans un journal que j'achète tous les matins. par exemple, je n'ai guère apprécié d'être traité d' «opposant pavlovien à sarkozy» . je suis effectivement antisarkozyste primaire, comme de nombreux lecteurs de libération , je suppose, mais pourquoi cette insulte ? ne trahit-elle pas une admiration secrète pour sarkozy ? autre exemple : les sarcasmes, en lieu et place d'argumentation à l'égard des structuralistes, des déconstructionnistes et des paléomarxistes, dont il m'arrive d'apprécier certains ouvrages, et qui sont qualifiés de lugubres personnages, de fantômes qui hantent les campus, par contraste avec cette admirable clarté que diffuse la doctrine social-libérale dont mme canto-sperber, par ailleurs directrice de l'ens et dont l'autoritarisme est dénoncé par la majorité des enseignants, est désignée comme une éminente représentante.
quant à la bienveillance, sinon l'admiration, pour sarkozy, elle est évidente. ce qui me choque le plus, ce ne sont pas les félicitations adressées au président pour l'initiative qu'il a prise concernant la lettre de guy môquet, et je suis persuadé que le fait de qualifier sarkozy, à cette occasion, d'homme tolérant, relève de l'ironie. non ! ce qui me choque vraiment c'est ce qui est tu : à savoir, le fait de passer sous silence la simulation des larmes pendant la lecture de cette lettre, lors de la cérémonie du bois de boulogne car cette simulation est abjecte. en effet, si plus de soixante ans après, on est encore bouleversé et révolté par l'assassinat de ce jeune résistant, on ne peut pas ne pas ressentir de la colère à l'égard des bourreaux et de leurs complices. or, quid de cette colère à l'égard de la france pétainiste ? où est passée l'habituelle colère de sarkozy à l'égard des criminels et des délinquants ?
au moment où la politique devient de plus en plus un grand cirque médiatique, j'attends surtout d'un journal de gauche qu'il ne cède pas sur les exigences éthiques et qu'il dénonce inlassablement les incohérences, les mensonges et, bien sûr, les manoeuvres ignobles des hommes politiques, qu'ils soient de droite ou de gauche. il s'agit du combat pour la sauvegarde de la démocratie.
claude bonneault
04 juin 2007 dans france d'après, pour rire, société | lien permanent
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des clandestins naufragés, accrochés à des cages à poisson
le monde | 30.05.07 | 14h29 • mis à jour le 30.05.07 | 14h29
rome correspondance
la photo a fait le tour du monde. elle est le symbole d'une nouvelle limite franchie dans l'odyssée des immigrants clandestins, celle de l'indifférence. cette photo, c'est celle de 27 immigrants qui ont survécu au naufrage de leur embarcation au large de malte en s'accrochant en mer à la partie émergée des cages métalliques destinées à l'élevage de thons.
un navire de la marine militaire italienne a secouru le groupe samedi 26 mai. le même jour, 26 autres immigrants naufragés, accrochés eux aussi à des cages métalliques d'élevage de poisson en pleine mer, ont été recueillis par un chalutier espagnol.
emmenés sur l'île de lampedusa au sud de la sicile, les rescapés ont raconté avoir été laissés, en mer, dans ces conditions pendant plusieurs jours. un remorqueur maltais a même refusé de les prendre à bord. "ils nous ont dit que c'était dangereux et qu'il valait mieux rester agrippés", a raconté au quotidien italien la repubblica l'un des naufragés, robert, d'origine nigériane.
on leur a lancé des vivres le premier jour, puis plus rien. d'autres embarcations sont passées sans intervenir. certaines ont fait semblant de ne pas les voir. seule l'une d'elles a tenté, en vain, de leur prêter secours.
ces candidats à l'immigration étaient partis du port libyen de zawarah, près de la frontière tunisienne, dix jours auparavant, a raconté un rescapé ghanéen. on leur avait dit : "en 24 heures, nous aurons atteint la sicile."
mais l'embarcation est vite tombée en panne. ce que les naufragés n'ont pas compris tout de suite, c'est qu'aucun secours n'arrivait, car les bureaucraties maltaise et libyenne se renvoyaient mutuellement la responsabilité d'intervenir.
le ministre maltais de l'intérieur, tonio borg, a déclaré que son pays n'avait "aucune obligation au regard de la loi internationale" en ce qui concerne le groupe secouru par les espagnols, étant donné qu'il se trouvait "dans la zone de recherche et de secours libyenne".
"ne pas nous laisser mourir"
malte a ainsi refusé au chalutier espagnol l'autorisation de débarquer les immigrants. c'est ce qui s'était déjà passé en 2006 quand un autre chalutier espagnol, avec à son bord 51 naufragés sauvés au large, s'était vu refuser l'accès des ports maltais.
pour finir, samedi après-midi, les autorités maltaises se sont enfin décidées à prévenir les services de sécurité italiens, qui ont envoyé alors un navire de la marine militaire dans la zone. robert, le naufragé, raconte que, quand il a vu d'abord un avion de reconnaissance, puis le navire battant drapeau italien, il a compris qu'au moins "les italiens n'allaient pas (les) laisser mourir".
embarrassée par le scandale, une porte-parole de la commission européenne a admis, mardi, que la coopération européenne "ne marchait pas encore" dans ce domaine. il a par ailleurs annoncé le lancement d'"une étude sur l'analyse des lois maritimes applicables" dans ce genre de cas, où "il y a toujours l'obligation de sauver la vie humaine".
pour le moment, aucune date n'a été avancée pour la publication de cette étude.
salvatore aloïse
article paru dans l'édition du 31.05.07
01 juin 2007 dans curiosités, internationnal, société | lien permanent
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vincent lamanda devient président
de la cour de cassation
nouvelobs.com | 30.05.2007 | 17:22
le magistrat, ex-directeur de cabinet du ministre rpr alain peyrefitte, a promis de se montrer indépendant, lors d'un discours où il a rendu hommage à nicolas sarkozy.
vincent lamanda, un magistrat qui a occupé plusieurs postes dans des cabinets ministériels de droite, a été installé mercredi 30 mai comme premier président de la cour de cassation, plus haut poste de la magistrature française.
lors d'une cérémonie solennelle, en présence du président nicolas sarkozy et de la ministre de la justice, rachida dati, le nouveau président, qui aura 61 ans jeudi, a rendu dans son discours hommage au nouveau chef de l'etat.
"en ces heures où tant d'êtres tournent leurs attentes vers la nouvelle destinée du pays, c'est beaucoup de voir un chef de l'etat, prompt à l'action de chaque jour, et portant vive sa charge d'hommes à toutes les brèches de la communauté, marquer d'emblée sa considération à l'autorité judiciaire dont il est garant de l'indépendance", a-t-il dit.
le magistrat a promis de se montrer indépendant. "je serai ce que j'ai toujours été : un magistrat, soucieux avant tout de l'indépendance et de la dignité de la justice".
chef de cabinet de peyreffite
vincent lamanda, qui était auparavant président de la cour d'appel de versailles, a été désigné à ce nouveau poste en avril par le conseil supérieur de la magistrature (csm), qui l'a préféré à un magistrat présenté comme proche de la gauche, bruno cotte, actuel président de la chambre criminelle de la cour de cassation, pourtant favori au départ.
vincent lamanda, qui remplace guy canivet, nommé au conseil constitutionnel, a été chef de cabinet du ministre rpr de la justice alain peyrefitte en 1977 et 1978, puis conseiller technique à son cabinet jusqu'en 1981. en 1994-1995, sous le gouvernement d'edouard balladur, il fut président de la commission de l'informatique au ministère de la justice.
le sm évoque une "reprise en mains"
l'union syndicale de la magistrature (usm, majoritaire) n'a pas souhaité commenter sa désignation, estimant qu'elle relevait du jeu normal des institutions. le syndicat de la magistrature (gauche) a parlé en revanche en avril de "reprise en mains" et relevé ce qui constitue à ses yeux "la nette progression de la fraction la plus conservatrice de la magistrature".
dans les prochaines semaines, jean-claude magendie, 62 ans, actuel président du tribunal de paris, sera officiellement installé comme nouveau premier président de la cour d'appel de paris. il sera remplacé à son ancien poste par jacques degrandi, 58 ans, actuel président du tribunal de nanterre.
ces deux magistrats sont aussi considérés comme proches de la majorité présidentielle. les trois instances qui changent de titulaires sont cruciales pour l'avenir des principales "affaires" politico-financières, dont certaines menacent jacques chirac après son départ de l'elysée.
30 mai 2007 dans crevures, france d'après, société | lien permanent
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le cirque du soleil à l'aide des gitans
a saint-denis, la troupe a négocié le relogement des roms dont elle occupe le terrain jusqu'à la mi-juillet.
par vincent noce
quotidien : jeudi 24 mai 2007
venu de montréal, le cirque du soleil s'est installé sur un site proche du stade de france, à saint-denis, pour un spectacle qui dure jusqu'à la mi-juillet (libération du 16 mai). peu savent que sur ce site vivaient des roms, dont la présence a compliqué l'installation de l'immense chapiteau. quand l'équipe québécoise arrive sur le terrain loué par la commune, quatre semaines avant la «première», elle y découvre quatre camps de gitans, qui rassemblent trois cents personnes.
avant de planter le chapiteau, il fallait assainir les lieux, assurer le dégagement des ordures, installer les adductions d'eau et d'électricité ainsi que les toilettes. mais rien de prévu pour les gitans. nulle discussion n'avait été ouverte. la commune n'aurait-elle pas été jusqu'à les déloger par la force ? le cirque du soleil a pris les devants : «nous avons tout de suite exprimé notre préoccupation et réclamé que le déplacement se fasse de manière respectable et honorable.» né d'une troupe d'artistes de rue, le cirque du soleil, devenu une multinationale (3 000 personnes à travers le monde), a toujours eu à coeur de consacrer une part de ses bénéfices à l'action humanitaire, notamment via l'ong oxfam.
le cirque a immédiatement pris contact avec les représentants de la communauté des campements, notamment par le biais d'associations présentes sur le site comme terada, médecins du monde ou la fondation abbé pierre. il a négocié leur déplacement sur un terrain à l'arrière, expliqué les contraintes du spectacle, du bruit notamment, et souhaité établir en commun «les règles du jeu d'une coexistence». des financements ont été débloqués, et le cirque a émis auprès de la municipalité de saint-denis le souhait que les adductions d'eau et d'électricité deviennent permanentes afin de bénéficier aux gitans après son départ.
«pour nous, c'était très important que tout se passe bien», souligne renée-claude ménard, porte-parole du cirque du soleil, manifestement interloquée de l'impréparation de la commune. sensibilité des gens de la balle pour les gens du voyage ? ou, plus simplement, mentalité nord-américaine contre esprit bureaucratique français ? la question de l'avenir du site reste, elle, ouverte.
25 mai 2007 dans culture, société | lien permanent
(c'est pas un article du figaro mais il y a pas de différence),
cinéma. a son initiative, a débuté jeudi à saint-denis la première projection gratuite de films cannois.
luc besson fait sa croisette en banlieue
par stéphanie binet
quotidien : lundi 21 mai 2007
cannes en banlieue ce soir à vitry-sur-seine (94), le 22 à champigny-sur-marne (94), le 23 à sevran (93), le 24 à clichy-sous-bois (93), le 25 à la courneuve (93), le 26 aux ulis (91).
l'opération cannes en banlieue a démarré sur un ratage, jeudi soir, à saint-denis. après avoir été montré à cannes, un des films présélectionnes par thierry frémeaux devait le lendemain être diffusé dans une des dix villes choisies par le réalisateur luc besson et sa fondation. or, pour la première, ce fut... indigènes, de rachid bouchareb, récompensé en 2006 et défendu à saint-denis par jamel debbouze venu en invité surprise.
couac. en coulisse, luc besson explique le couac : «un seul film a été diffusé hier soir, à cannes. nous n'avions donc pas beaucoup de choix. les producteurs n'ont pas voulu jouer le jeu, ils avaient peur du piratage. ils ont tort : wong kar-wai aurait bien besoin de publicité.» luc besson a eu l'idée de cannes en banlieue il y a un an et demi, peu avant les émeutes de novembre de 2005 : «ces banlieues souffrent de se sentir abandonnées, c'est un signe d'affection de la part de quelqu'un qui sait qu'il ne peut pas grand-chose.»
le lendemain, à chanteloup-les-vignes, les habitants de la cité la noé qui avait déjà hébergé en 1994, le tournage du film la haine de mathieu kassovitz , auront la faveur des promesses tenues. entre deux averses, l'équipe de la fondation luc-besson a installé un écran gonflable de 30 mètres de large. le public, en début de soirée, est moins nombreux sur la prairie : beaucoup de mères de famille avec leurs enfants, quelques jeunes... chamsdine, 19 ans, est descendu de chez lui après avoir entendu du bruit. brahim, 21 ans, est étonné de voir besson se déplacer en personne : «cannes, ici, c'est surprenant. au moins, il y en a un qui pense à nous.»
dans cette cité isolée, au milieu des champs, les dealers ont repris la main. quelques heures avant la projection, le passager d'une voiture stationnée sur la pelouse devant l'écran recharge son arme de poing, avant de s'en aller. avant que la nuit tombe, les organisateurs proposent des chauffeurs de salle. ce soir, ce sera david douillet qui a donné son nom à un gymnase de la ville et la fouine, rappeur originaire de trappes.
merguez. luc besson lance triangle, de johnnie to, tsui hark et ringo lam, trois metteurs en scène chinois. il explique: «je n'ai vu aucun film sélectionné à cannes moi-même, alors je ne sais pas si celui-ci est difficile. mais ne vous attendez pas à voir spider-man ou taxi 4. le film de ce soir a été diffusé à minuit hier, c'est donc sa première mondiale à chanteloup.» silence. «bon, ça ne vous fait aucun effet», constate en riant le maître de cérémonie qui demande aux adultes d'être vigilants : «si vous voyez que le film est trop musclé, je vous conseille de rentrer les plus petits à la maison.» acheminé depuis l'aéroport du bourget quelques heures plus tôt, triangle raconte l'histoire de trois amis poursuivis par des gangsters rancuniers. plus d'une centaine de personnes restent les yeux rivés sur l'écran. fatoumata, 57 ans, médiatrice, férue de films historiques, aurait préféré un film en français : «vous savez, ici, la plupart des mères ne savent pas lire, ou très mal.»
derrière son stand de merguez, mme beya, mère de huit enfants, est aussi un peu déçue : «c'est trop violent, et la violence, ce n'est pas ce qui nous manque ici.» les chansons d'amour de christophe honoré ou my blueberry nights de wong kar-wai auraient fait l'affaire. les autres villes auront peut-être plus de chance.
21 mai 2007 dans société | lien permanent
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un directeur d'hôpital réducteur de psys
a saint-mandé, près de paris, un mouvement a été lancé contre la suppression de huit postes de médecin.
par eric favereau
quotidien : lundi 14 mai 2007
voilà un conflit, certes un rien corporatiste, mais qui illustre non seulement les difficultés à faire bouger l'hôpital mais aussi les faiblesses budgétaires des établissements psychiatriques.
le lieu ? l'hôpital esquirol, un de ces gros hôpitaux psychiatriques situés aux bords de paris et qui accueillent en grande majorité des malades parisiens. esquirol, situé à saint-mandé, a une double particularité : en son sein, il y a aussi une maternité et ,enfin, il est accolé à un autre hôpital, celui de saint-maurice, spécialisé en soins de réadaptation. depuis plusieurs semaines, en tout cas, la quasi-totalité des psychiatres sont en grève totale de participation dans les instances de l'établissement.
la raison ? le directeur refuse de pourvoir les postes des psychiatres qui s'en vont, trois exactement. «et cela, pour des raisons d'ordre budgétaire, écrivent dans une lettre ouverte les différents chefs de service de l'hôpital. c'est d'autant plus surprenant que les résultats annuels de l'établissement sont régulièrement excédentaires depuis plusieurs années. de plus, au début du mois d'avril, le directeur a, sans en avertir l'intéressé, émis un avis négatif à la prolongation d'activité d'un praticien pourtant pressenti pour occuper la responsabilité médicale du pôle précarité [chargé de s'occuper des malades mentaux sdf, ndlr]. enfin, le directeur a décidé de geler l'ensemble des recrutements médicaux de sorte que, dès le mois de mai, il ne sera notamment plus possible d'assurer la prise en charge, par des généralistes, des patients hospitalisés». au total, ce sont huit postes de médecins qui, dans les différents services de l'hôpital, sont supprimés.
«on est dans une situation de jeu de dupes», explique le dr gérard bourcier, président de la commission médicale d'établissement. avec la réforme de la gouvernance des hôpitaux, il existe pourtant un conseil exécutif dans chaque hôpital où se retrouvent, à parité, médecins et administratifs. c'est la structure décisionnelle. «on nous a dit qu'il fallait réduire les dépenses. nous avons dit "d'accord, mais ne touchons pas aux personnels". on a proposé de différer certains investissements», poursuit le dr eric piel, médecin chef.
hausses. refus absolu du directeur qui n'a qu'une idée en tête : la réduction de la masse salariale des médecins. «le nombre de médecins n'a pourtant pas augmenté, simplement il y a eu les hausses statutaires de salaires, voulues par le gouvernement», note le dr piel.
attente. en filigrane, se cache un autre conflit. a paris, il ne manque pas de psychiatres dans les hôpitaux psychiatriques. ailleurs, c'est souvent la pénurie. a esquirol, il y a autour de huit praticiens hospitaliers à temps plein par secteur de psychiatrie (un secteur compte 130 000 habitants). nationalement, la moyenne est plutôt autour de 6. avec des endroits où cela peut baisser à 4. résultat, à esquirol, le temps d'attente pour une consultation est d'une semaine. en grande banlieue, cela peut prendre deux à trois mois. «diminuer le nombre de médecins en ile-de-france ne va pas améliorer la situation dans le limousin. qu'est ce qu'ils veulent ? un nivellement par le bas?» s'interroge gérard bourcier.
en tout cas, à esquirol, la situation est tendue. le directeur, qui a refusé de répondre à nos questions, a une gestion somme toute personnelle des rapports humains. a un médecin qui le critiquait, il lui a répondu, selon plusieurs témoins : «vous devriez aller voir un psychiatre.»
15 mai 2007 dans france d'après, société | lien permanent
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«libération» a rencontré à lyon la famille albanaise expulsée au kosovo en décembre.
les raba : retour clandestin au pays natal de leurs enfants
par alice geraud
quotidien : jeudi 26 avril 2007
lyon correspondance
il y a quelques jours, dans un square de lyon où elle se promenait avec ses enfants, shpresa a été interpellée par une dame . «madame raba, vous êtes revenue ! Ça fait plaisir.» shpresa a eu peur. elle a dit que, non, elle n'était pas madame raba. la dame devait confondre. mais cette dernière a insisté. elle a expliqué avoir vu le film sur la famille raba tourné au kosovo par un militant du réseau éducation sans frontières (resf) et diffusé cet hiver lors d'une conférence à l'opéra de lyon. dans ce film, shpresa raba, 27 ans, racontait comment elle, son mari, jusuf, et leurs trois enfants avaient été expulsés le 6 décembre vers le kosovo. et comment ils vivaient, depuis, reclus dans ce pays qu'ils avaient fui cinq ans plus tôt. ils disaient qu'ils tenteraient tout pour «rentrer» en france. le pays où deux des trois enfants sont nés. où ils ont une grande partie de leur famille. où ils se sentent chez eux.
peur. la semaine dernière, après quatre mois «d'exil», ils sont rentrés. illégalement. ils vivent ,depuis, cachés dans la région lyonnaise par des amis et des membres du réseau éducation sans frontières. ils ont peur de tout. d'être reconnus. d'être arrêtés, et à nouveau expulsés. pourtant, suivant les conseils du resf et de leurs proches, les raba ont décidé de sortir de la clandestinité. aujourd'hui, à midi, ils tiendront une conférence de presse sur leur histoire à l'assemblée nationale. des élus politiques (verts, pc, ps et udf), des responsables associatifs et syndicaux se sont engagés à venir les soutenir. ils attendent notamment jack lang et «quelqu'un de chez bayrou». mais shpresa a peur. en en parlant, elle a le souffle tremblant et les doigts qui se tordent sur eux-mêmes. les raba vont devoir prendre le tgv, croiser des policiers. «si ça peut nous aider, il faut le faire», répète shpresa comme pour se donner du courage. ils espèrent que la médiatisation les protégera. autour d'eux, on leur a expliqué que la période électorale était plus propice aux belles promesses qu'aux coups bas. mais leur expérience a érodé la confiance. la jeune femme sait que le futur président de la république pourrait être celui qui a mis sa famille dans un avion, il y a quatre mois, lorsque nicolas sarkozy était encore le ministre de l'intérieur. dans la salle de réunion de la mairie du ier arrondissement de lyon, mise à disposition par la maire socialiste pour qu'ils puissent nous rencontrer, shpresa sursaute à chaque fois que quelqu'un frappe à la porte.
ofpra. les raba vont déposer, dans les prochains jours, une demande d'asile auprès de l'ofpra. sans certitude d'obtenir gain de cause. lors de leur première arrivée en france en 2001, ils avaient cru que cela ne poserait pas de problème. les frères de jusuf avaient, eux, déjà obtenu le statut de réfugié. avec un dossier similaire : tous ont fui le kosovo car, bien qu'albanais, ils avaient refusé de participer aux exactions contre les serbes aux côtés de l'uck. en france, l'un des frères de jusuf s'est même vu accorder la nationalité française. pourtant, le statut de réfugié a été refusé à shpresa et jusuf. la circulaire sarkozy de cet été leur avait redonné espoir. installés dans le village de gray, en haute-saône, où depuis cinq ans leurs trois enfants (dont deux nés en france) étaient scolarisés, ils avaient des promesses d'embauches... les raba réunissaient donc la totalité des critères exposés par la circulaire. pire qu'un refus, ils n'ont même pas obtenu de réponse de la préfecture de haute-saône. les gendarmes ont débarqué chez eux, à gray, le 16 novembre 2006. après deux semaines au centre de rétention administrative de l'aéroport de lyon, une première tentative d'expulsion ratée (des passagers se sont interposés dans l'avion qui devaient les emmener à paris), un transfert au centre de rétention de toulouse-blagnac, ils ont fini par être renvoyés au kosovo. a grands renforts de moyens. le ministère de l'intérieur est en effet allé jusqu'à affréter un avion spécial pour pristina avec, à bord, une dizaine de policiers chargés de les escorter. le déploiement de force n'a fait que renforcer la mobilisation du soutien à la famille raba.
durant les quatre mois qu'ils ont passé à orahovac, la ville du kosovo d'où ils sont originaires, les raba ont gardé un contact permanent avec la france. resf a assuré leur survie matérielle, grâce à de l'argent et des téléphones. des journalistes, dont un de libération , sont venus les voir. les amis, les copains d'école de qirim, l'aîné (8 ans), appelaient aussi quotidiennement. a gray, les voisins de leur immeuble sont allés en délégation voir l'office hlm pour exiger que l'appartement des raba ne soit ni vidé ni reloué, expliquant qu'ils allaient revenir. «c'est ce qui nous faisait tenir», explique shpresa. avec jusuf, ils avaient promis aux enfants ce retour. «on ne pensait qu'à ça.» ils ont finalement trouvé un passeur fin mars. contre 7 000 euros. le départ a eu lieu un jeudi. shpresa a dit aux enfants qu'ils partaient chez une cousine. «pour qu'ils n'aient pas peur du voyage.» ils ont quitté le kosovo via la grèce. en voiture, puis à pied, puis à nouveau en voiture avant d'embarquer sur un ferry direction l'italie. «quand qirim a vu la mer, il a compris qu'on rentrait à la maison, il était heureux, il riait», raconte shpresa. le voyage a duré trois jours. «on a été avec sept messieurs différents. le dernier, pour passer de milan à la france, disait qu'on était de sa famille.» trois jours et trois nuits d'angoisse pour le jeune couple. jusqu'au moment où ils ont vu le panneau «lyon».
vie normale. les deux petits, dashnor, 5 ans, et dashroje, 3 ans, n'ont toujours pas compris qu'ils étaient à nouveau en france. «pour eux, la france, c'est notre appartement à gray», explique shpresa. a lyon, les raba vivent clandestinement. ils ne se déplacent jamais tous ensemble, ne donnent l'adresse de ceux qui les cachent à personne. mais commencent à préparer le retour à la vie normale dont ils rêvent. qirim passe ses journées avec des profs à la retraite qui lui font l'école. «il faut qu'il rattrape ce qu'il a manqué pour passer en ce2», explique shpresa, reprenant un instant le ton assuré du parent d'élève. shpresa, en albanais, signifie «espoir».
27 avril 2007 dans france d'après, société | lien permanent
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«libération» a rencontré à lyon la famille albanaise expulsée au kosovo en décembre.
les raba : retour clandestin au pays natal de leurs enfants
par alice geraud
quotidien : jeudi 26 avril 2007
lyon correspondance
il y a quelques jours, dans un square de lyon où elle se promenait avec ses enfants, shpresa a été interpellée par une dame . «madame raba, vous êtes revenue ! Ça fait plaisir.» shpresa a eu peur. elle a dit que, non, elle n'était pas madame raba. la dame devait confondre. mais cette dernière a insisté. elle a expliqué avoir vu le film sur la famille raba tourné au kosovo par un militant du réseau éducation sans frontières (resf) et diffusé cet hiver lors d'une conférence à l'opéra de lyon. dans ce film, shpresa raba, 27 ans, racontait comment elle, son mari, jusuf, et leurs trois enfants avaient été expulsés le 6 décembre vers le kosovo. et comment ils vivaient, depuis, reclus dans ce pays qu'ils avaient fui cinq ans plus tôt. ils disaient qu'ils tenteraient tout pour «rentrer» en france. le pays où deux des trois enfants sont nés. où ils ont une grande partie de leur famille. où ils se sentent chez eux.
peur. la semaine dernière, après quatre mois «d'exil», ils sont rentrés. illégalement. ils vivent ,depuis, cachés dans la région lyonnaise par des amis et des membres du réseau éducation sans frontières. ils ont peur de tout. d'être reconnus. d'être arrêtés, et à nouveau expulsés. pourtant, suivant les conseils du resf et de leurs proches, les raba ont décidé de sortir de la clandestinité. aujourd'hui, à midi, ils tiendront une conférence de presse sur leur histoire à l'assemblée nationale. des élus politiques (verts, pc, ps et udf), des responsables associatifs et syndicaux se sont engagés à venir les soutenir. ils attendent notamment jack lang et «quelqu'un de chez bayrou». mais shpresa a peur. en en parlant, elle a le souffle tremblant et les doigts qui se tordent sur eux-mêmes. les raba vont devoir prendre le tgv, croiser des policiers. «si ça peut nous aider, il faut le faire», répète shpresa comme pour se donner du courage. ils espèrent que la médiatisation les protégera. autour d'eux, on leur a expliqué que la période électorale était plus propice aux belles promesses qu'aux coups bas. mais leur expérience a érodé la confiance. la jeune femme sait que le futur président de la république pourrait être celui qui a mis sa famille dans un avion, il y a quatre mois, lorsque nicolas sarkozy était encore le ministre de l'intérieur. dans la salle de réunion de la mairie du ier arrondissement de lyon, mise à disposition par la maire socialiste pour qu'ils puissent nous rencontrer, shpresa sursaute à chaque fois que quelqu'un frappe à la porte.
ofpra. les raba vont déposer, dans les prochains jours, une demande d'asile auprès de l'ofpra. sans certitude d'obtenir gain de cause. lors de leur première arrivée en france en 2001, ils avaient cru que cela ne poserait pas de problème. les frères de jusuf avaient, eux, déjà obtenu le statut de réfugié. avec un dossier similaire : tous ont fui le kosovo car, bien qu'albanais, ils avaient refusé de participer aux exactions contre les serbes aux côtés de l'uck. en france, l'un des frères de jusuf s'est même vu accorder la nationalité française. pourtant, le statut de réfugié a été refusé à shpresa et jusuf. la circulaire sarkozy de cet été leur avait redonné espoir. installés dans le village de gray, en haute-saône, où depuis cinq ans leurs trois enfants (dont deux nés en france) étaient scolarisés, ils avaient des promesses d'embauches... les raba réunissaient donc la totalité des critères exposés par la circulaire. pire qu'un refus, ils n'ont même pas obtenu de réponse de la préfecture de haute-saône. les gendarmes ont débarqué chez eux, à gray, le 16 novembre 2006. après deux semaines au centre de rétention administrative de l'aéroport de lyon, une première tentative d'expulsion ratée (des passagers se sont interposés dans l'avion qui devaient les emmener à paris), un transfert au centre de rétention de toulouse-blagnac, ils ont fini par être renvoyés au kosovo. a grands renforts de moyens. le ministère de l'intérieur est en effet allé jusqu'à affréter un avion spécial pour pristina avec, à bord, une dizaine de policiers chargés de les escorter. le déploiement de force n'a fait que renforcer la mobilisation du soutien à la famille raba.
durant les quatre mois qu'ils ont passé à orahovac, la ville du kosovo d'où ils sont originaires, les raba ont gardé un contact permanent avec la france. resf a assuré leur survie matérielle, grâce à de l'argent et des téléphones. des journalistes, dont un de libération , sont venus les voir. les amis, les copains d'école de qirim, l'aîné (8 ans), appelaient aussi quotidiennement. a gray, les voisins de leur immeuble sont allés en délégation voir l'office hlm pour exiger que l'appartement des raba ne soit ni vidé ni reloué, expliquant qu'ils allaient revenir. «c'est ce qui nous faisait tenir», explique shpresa. avec jusuf, ils avaient promis aux enfants ce retour. «on ne pensait qu'à ça.» ils ont finalement trouvé un passeur fin mars. contre 7 000 euros. le départ a eu lieu un jeudi. shpresa a dit aux enfants qu'ils partaient chez une cousine. «pour qu'ils n'aient pas peur du voyage.» ils ont quitté le kosovo via la grèce. en voiture, puis à pied, puis à nouveau en voiture avant d'embarquer sur un ferry direction l'italie. «quand qirim a vu la mer, il a compris qu'on rentrait à la maison, il était heureux, il riait», raconte shpresa. le voyage a duré trois jours. «on a été avec sept messieurs différents. le dernier, pour passer de milan à la france, disait qu'on était de sa famille.» trois jours et trois nuits d'angoisse pour le jeune couple. jusqu'au moment où ils ont vu le panneau «lyon».
vie normale. les deux petits, dashnor, 5 ans, et dashroje, 3 ans, n'ont toujours pas compris qu'ils étaient à nouveau en france. «pour eux, la france, c'est notre appartement à gray», explique shpresa. a lyon, les raba vivent clandestinement. ils ne se déplacent jamais tous ensemble, ne donnent l'adresse de ceux qui les cachent à personne. mais commencent à préparer le retour à la vie normale dont ils rêvent. qirim passe ses journées avec des profs à la retraite qui lui font l'école. «il faut qu'il rattrape ce qu'il a manqué pour passer en ce2», explique shpresa, reprenant un instant le ton assuré du parent d'élève. shpresa, en albanais, signifie «espoir».
27 avril 2007 dans france d'après, société | lien permanent
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ses cuisses et son dos avaient été tailladés de dizaines de coups de couteaux.»
révélations macabres après le meurtre de trois protestants assassinés mercredi dans une communauté évangéliste de l'est de la turquie • tous auraient été torturés •
par libération.fr avec afp
liberation.fr : vendredi 20 avril 2007
l'enquête sur le meurtre de trois protestants assassinés mercredi dans la communauté évangéliste de malatya, à l'est de la turquie, prend une tournure de plus en plus macabre. selon la presse turque de vendredi, ils auraient tous été torturés auparavant, tandis que la police poursuivait l’interrogation de 10 suspects, dont les cinq principaux arrêtés sur les lieux du crime.
un médecin qui a opéré l’une des trois victimes, encore vivante après la descente policière de mercredi dans la maison d’edition chrétienne zirve, a expliqué au journal hürriyet les détails macabres de l’attaque sans précédent contre malatya.
«ses cuisses, ses testicules, son anus et son dos avaient été tailladés de dizaines de coups de couteaux. ses doigts avaient été coupés jusqu’à l’os», a indiqué le chirurgien murat ugras qui, malgré une longue intervention, n’a pu sauver ugur yüksel, converti au christianisme. «c’est clair que ces blessures ont été infligées pour le torturer», selon le médecin qui a dû recourir à pas moins de 51 unités de sang de transfusion lors de l’opération. les deux autres personnes retrouvées mortes par les policiers, le turc necati aydin, un autre converti, et tilmann geske, un allemand, avaient eux aussi subi un supplice de trois heures aux mains de leurs cinq tortionnaires, au cours duquel ils ont été interrogés sur leurs activités de missionnaires.
le prosélytisme n’est pas interdit par la loi en turquie, mais est vu d’un mauvais oeil. «nous leur avons ligoté les mains et les pieds avant de les bâillonner. c’est emre (günaydin, le cerveau présumé de l’attaque qui s’est jeté par la fenêtre et qui est grièvement blessé) qui leur a tranché la gorge», ont déclaré les suspects à la police, selon le quotidien sabah. les autorités gouvernementales d’ankara ont promis de faire toute la lumière sur cette attaque survenue dans un pays à 99 %, musulman à cheval entre l’europe et l’asie et souhaitant rejoindre l’union européenne. apparemment, le principal suspect âgé de 19 ans, hospitalisé pour une fracture du crâne, aurait gagné la confiance de ses victimes en se rendant plusieurs fois dans leurs locaux dans l’intention de s’informer sur le protestantisme.
les médias estiment que cette tuerie, la première contre une communauté chrétienne, s’inscrit dans la lignée du meurtre l’an dernier à trabzon (nord) du prêtre catholique italien andrea santoro et, en janvier, du journaliste d’origine arménienne hrant dink à istanbul, par un jeune chômeur de trabzon, un bastion nationaliste du nord-est. il y aurait eu à malatya un regroupement de jeunes dans une cellule islamo-nationaliste d’où seraient issus les auteurs de l’attaque vraisemblablement préméditée, selon les journaux. dans leurs aveux ces suspects auraient dit: «nous l’avons fait pour la patrie» et «notre pays et notre religion étaient menacés».
la presse rapporte en outre que trois des cinq principaux suspects avaient été interpellés par la police deux jours avant les faits pour avoir tiré avec des pistolets à air comprimé sur un terrain vague avant d’être relâchés contre une amende. susanne geske, l’épouse de la victime allemande, père de trois enfants, est intervenue sur une chaîne de télévision turque, déclarant avoir «pardonné» aux tueurs. elle a demandé que son époux soit enterré à malatya, où la famille vit depuis près de dix ans. la tuerie a été condamnée par la communauté internationale et l’allemagne, présidente en exercice de l’ue, a enjoint ankara de prendre des mesures pour protéger la liberté religieuse.
21 avril 2007 dans société | lien permanent
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peur, sentiment d'humiliation : le terreau du vote le pen
le monde | 04.04.07 | 11h06 • mis à jour le 04.04.07 | 12h48
creil (oise) envoyÉ spÉcial
ls se sentent envahis par les maghrébins et les noirs, et le diront dans les urnes, avec fracas, le 22 avril. dans le quartier de la gare de creil, ces "petits blancs" – retraités, employés, ouvriers – montrent dans la rue les jeunes des "cités" au volant de voitures de sport, évoquent les "kebabs" qui se multiplient dans la ville, parlent des émeutes de 2005, des insultes antifrançaises, de l'insécurité… cinq ans après avoir voté pour jean-marie le pen, la plupart sont prêts à recommencer, parce que "rien n'a changé".
dans cette ville où le candidat du front national avait obtenu 23,7% des voix en 2002, le terreau sur lequel m. le pen a prospéré est resté le même. "il y a trop d'immigrés et la sécurité ne s'est pas améliorée, quoi qu'en disent les statistiques. la démocratie commence par la liberté, le droit de ne pas raser les murs et de ne pas se faire traiter de raciste", explique, en exigeant un strict anonymat, un fonctionnaire de l'éducation nationale à la retraite. il votera, comme en 2002, pour jean-marie le pen "sans hésitation".
le vote de ces électeurs n'est pas idéologique. derrière leur suffrage probable pour le front national, transparaît un sentiment d'humiliation quotidienne face à des jeunes des cités qui les effraient. "c'est pas un problème de race,mais d'attitude. comment on peut intégrer quelqu'un qui ne veut pas l'être et qui ne fait rien comme vous? moi, je suis immigré et j'ai toujours considéré qu'en tant qu'étranger je devais rester discret. les jeunes d'aujourd'hui n'en ont rien à faire", se désole mirko andrijevic, ouvrier de 60 ans, devenu français il y a quinze ans. lui aussi a voté pour le pen en 2002.
ces électeurs disent avoir l'impression de devoir baisser la tête ou modifier leur propre comportement face aux "immigrés". ne plus retirer d'argent au distributeur automatique lorsque la nuit tombe à cause de la délinquance venue des "cités". eviter les rues jugées dangereuses. ne pas klaxonner une voiture conduite par des "jeunes de banlieue" par crainte d'être agressé.
il faudrait aussi pouvoir mesurer l'impact électoral des "bandes" qui traînent dans les transports en commun. combien de voyageurs qui modifient leur itinéraire dans les couloirs ou qui changent de wagon pour éviter de croiser des "racailles"? et combien qui en conçoivent de la colère jusque dans les urnes? "j'ai pris le rer pendant trente-cinq ans pour aller sur paris sans avoir peur. aujourd'hui, je ne le fais plus. on ne peut plus prendre les transports en commun le soir", se désole, par exemple, un employé de banque à la retraite qui se présente comme un soutien de françois bayrou mais regrette vivement, sous couvert de l'anonymat, que la france soit devenue une "passoire" sans frontières à cause de l'europe.
"tout ça donne une ambiance vraiment désagréable quand on passe des heures dans les transports", ajoute joël blanche, ouvrier paysagiste de 50 ans, qui a voté le pen au premier tour en 2002 "par colère" et chirac au second pour "ne pas exagérer" dans la protestation.
"ils truquent les chiffres"
certains parlent d'une prise de pouvoir du territoire par les jeunes issus de l'immigration. comme à la gare du nord, passage obligé de tous les habitants de creil qui se rendent à paris en train. cette colère déborde jusqu'à des électeurs marqués à gauche. "les mecs sont en bandes, accoudés au-dessus des voies du rer : tu sens qu'ils veulent en faire leur territoire", raconte patrice nouts, 54 ans, déménageur au chômage, "plutôt à gauche", qui dit comprendre les votes de "ras-le-bol".
pour ces habitués du rer, les violences intervenues gare du nord fin mars n'avaient rien de surprenant. une suite logique, à leurs yeux, des émeutes de 2005 et de l'absence de réponse au problème de l'immigration. "ce qui est arrivé à la gare du nord se passera ici aussi. un jour, ils descendront du plateau [où sont situées les cités sensibles de creil] et casseront tout. le vote le pen, ici, c'est d'abord le vote de ceux qui n'aiment pas le plateau et en ont peur", explique francis foulon, 50 ans, conducteur de bus, surpris par le nombre important de clients âgés qui affirment vouloir voter pour jean-marie le pen.
nicolas sarkozy a beau se flatter d'avoir mis fin à l'augmentation de la délinquance, peu d'habitants le croient à cause du décalage entre des statistiques officielles, a priori suspectes, et leur vécu. "l'insécurité c'est comme le chômage, ils truquent les chiffres. moi, je suis au chômage depuis un an mais dispensé de recherche d'emploi parce que je suis trop vieux. Ça veut dire que j'apparais pas dans les statistiques du chômage. c'est pareil pour l'insécurité", souligne mirko andrijevic.
jean-marie le pen n'a pas besoin de parler ou d'apparaître dans les médias. ceux qui sont susceptibles de voter pour lui ne suivent pas sa campagne : sans l'écouter, ils ont retenu depuis longtemps son message sur la défense des français et le rejet de la classe politique actuelle. un ressentiment qui frappe plus durement la gauche, accusée de privilégier les immigrés sans papiers et de se désintéresser de leurs difficultés de "pauvres français". le silence est d'or pour jean-marie le pen.
luc bronner
20 avril 2007 dans société | lien permanent
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profanation de tombes de soldats musulmans près d'arras
reuters. cimétière militaire notre-dame de lorette près d'arras.
une cinquantaine de tombes du cimetière militaire notre-dame de lorette, près d'arras, ont été recouvertes d'inscriptions nazies, notamment de croix gammées • les tombes étaient toutes celles de soldats de confession musulmane •
par liberation.fr avec afp
liberation.fr : jeudi 19 avril 2007
une cinquantaine de tombes du cimetière militaire notre-dame de lorette, près d'arras, appartenant toutes au carré musulman, ont été recouvertes d'inscriptions nazies, notamment de croix gammées, a-t-on appris jeudi auprès de la gendarmerie.
«cinquante-deux tombes ont été taguées, selon les premières constatations effectuées ce matin. ce sont des inscriptions nazies, des croix gammées. il n'y a eu aucune destruction de tombes», avait-on annoncé dans un temps. le procureur d'arras, jean-pierre valensi, a ensuite ajouté que les inscriptiuons concernaient des "52 tombes de soldats français de confession musulmane".
le cimetière, sur la commune d'ablain-saint-nazaire (pas-de-calais), commémore des combats meurtriers de 1915, à l'un des endroits les plus disputés du front occidental pendant la première guerre mondiale.
près de 23.000 corps de soldats de différentes nationalités reposent à cet endroit.
20 avril 2007 dans crevures, société | lien permanent
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la fin de sangatte n'a pas fait disparaître les migrants. elle les a rendus moins visibles.
autour de calais, la forêt, sinistre asile des clandestins
un réfugié afghan près de calais (reuters).
par haydée saberan
quotidien : jeudi 29 mars 2007
pas-de-calais envoyée spéciale
c'est une forêt du pas-de-calais. on s'enfonce sur un chemin, devenu boueux à force d'avoir été piétiné. des afghans mangent et dorment là en attendant de se glisser sous un camion sur l'aire d'autoroute voisine, dans l'espoir de passer en angleterre. au bout du chemin, ils sont une petite quarantaine. certains s'avancent, d'autres dorment sous les tentes de bâches en plastique et de couvertures. ils sont sales et tendus. ils reprochent à hakim, un jeune homme de 16 ans, d'avoir montré le chemin du campement à libération. «il ne faut pas écrire sur nous, sinon la police reviendra.» on promet qu'on ne donnera aucune indication du lieu. un feu de bois. une casserole. «la police est venue ici, il y a quelques jours, on préparait le repas. des jeunes comme nous, qui couraient vite. ils ont donné un coup de pied dans la casserole. on fuyait, ils nous frappaient. abdolkarim s'est retrouvé à l'hôpital.» un garçon au visage et aux mains écorchés par les ronces désigne un grand jeune homme au teint maladif. il a été transporté évanoui, est resté en observation une dizaine d'heures. «regarde-le, le pauvre. certains d'entre nous sont en train de devenir fous.» il montre un garçon qui sourit. «lui, il se réveille paniqué la nuit, il crie "police !" et s'enfuit. nous aussi on se met à courir, et puis on se rend compte qu'il n'y a pas de policiers.»
«skinheads». malgré quelques descentes comme celle-là, les migrants de cette forêt échappent un peu plus à la police qu'à calais. du coup, ils sont loin des humanitaires qui nourrissent, soignent et proposent des douches (1). calais, c'est loin, et c'est s'exposer à des compagnies de crs qui chassent le migrant, parfois en plein jour. nerveuses au point d'avoir menotté et retenu plusieurs heures un journaliste local qui prenait des photos. pour ne rien arranger, cette semaine, salam dénonce «trois ou quatre ratonnades à coups de battes de base-ball par des skinheads, c'est nouveau».
un jeune afghan montre un fossé rempli d'eau : «on se lave là. on recueille l'eau de la pluie pour boire.» des habitants passent leur porter de la nourriture. «mais seulement de temps en temps, on a faim.» un garçon n'a que du duvet au-dessus de la lèvre. on lui demande son âge : «12 ans.» seul ici ? «non, mon oncle est là.» il désigne un garçon de 15 ans.
a calais, dans les trois forêts entre les usines et le port, les gens se cachent par nationalités : erythréens, somaliens, soudanais du darfour, iraniens, afghans. la police détruit de façon systématique les cabanes de toile et de couvertures. le matin, les migrants qui n'ont pas réussi à traverser la manche pendant la nuit marchent avec prudence vers le quai de la moselle où sylvie, de l'association salam, reste le plus longtemps possible avec ses thermos de thé géants. «quand je suis là, les policiers les laissent tranquilles.» un soir, sur le port, un jeune afghan, fatigué de calais, dit au revoir, l'air entendu : «tu ne nous verras plus. ce soir, avec d'autres hazaras [chiites d'afghanistan, ndlr], je passe par la belgique.» on ne l'a pas revu.
nicolas sarkozy affirme qu'il a divisé le nombre de clandestins à calais par «vingt ou trente» avec la fermeture du hangar de sangatte. il est vrai qu'il y a quelques semaines on a vu 50 migrants faire la queue au repas du soir distribué par salam. a sangatte, ils étaient une moyenne de 1 500 sous le hangar. mais ce décompte n'est vrai qu'en apparence tant ils sont dispersés. dans la campagne, du côté de gravelines, saint-omer, dunkerque, le long des autoroutes ou près du port industriel de dunkerque, à paris, gare de l'est, et, dans une moindre mesure, dans les ports de caen-ouistreham, dieppe, saint-malo et le havre, et les ports belges. enfin, ils sont tout le temps sur les routes (lire ci-contre). en temps normal, à calais, ils sont entre 300 et 400. hier soir, selon jean-claude lenoir, de salam, ils étaient 130 à la distribution du repas. «on est en période électorale, traduit martine, infirmière bénévole à médecins du monde, il faut qu'ils deviennent invisibles.»
bonnet. dans les discrets locaux du secours catholique, ils viennent prendre leurs douches, acheminés par minibus. «le seul endroit où ils se détendent vraiment», dit michaël boude, de l'association. jacky, un autre salarié, rigole avec eux avec trois mots de persan : «boro digué ! baré to kolâ nadâram !» («bouge de là, je n'ai pas de bonnet pour toi !»). sortant de la douche, hamid, afghan, 21 ans, chante : «j'ai voyagé, et trois chagrins me sont arrivés : je suis à la fois étranger, captif et loin de ma bien-aimée.»
(1) secours catholique, salam, collectif de soutien d'urgence aux réfugiés, médecins du monde.
20 avril 2007 dans france d'après, société | lien permanent
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hannah, 27 ans, diplômée en psycho. a l'heure où la violence faite aux femmes devient un thème de campagne, elle dit comment, jeune amoureuse, elle s'est retrouvée femme battue.
coup de foudre, coups de poing
par alexandra schwartzbrod
quotidien : vendredi 20 avril 2007
on l'a connue enfant, puis adolescente, queue de cheval virevoltant dans le dos, sourire comme un soleil, figure familière d'un quartier de paris fréquenté depuis plus de vingt ans. puis un jour, ce livre, trouvé sur le paillasson, avec cette lettre de sa mère tapée à la machine : «bonjour, je ne vous connais pas vraiment mais lorsque je vous croise, je sens que je vous apprécie...» l'ex-fillette à queue de cheval avait écrit un livre, transmis par sa mère comme un lourd secret. emprise, signé du pseudonyme d'hannah. le récit d'une histoire d'amour virant au cauchemar. les confessions d'une jeune femme battue. que l'on jugerait sans doute rocambolesques si l'on ne connaissait, de loin, cette enfant depuis toujours. et d'ailleurs, comment avait-on pu ne rien percevoir du drame ?
hannah a 20 ans quand elle rencontre hadji. il a sept ans de plus qu'elle, ses parents viennent d'afrique du nord et, surtout, c'est l'amoureux de sa meilleure amie, qu'elle appelle elodie. hannah vit chez sa mère, concentrée sur ses études de psychologie. sérieuse, ordonnée, elle a du mal à se remettre de la mort de son père, quatre ans plus tôt, deuil qui a entraîné sa mère dans la dépression. elle est belle longue, fine, visage rond et lisse, cheveux lâchés sur les épaules , mais se sent loin des jeux de l'amour. elle trouve hadji sympathique et encourage elodie à poursuivre cette relation.
un jour, le jeune homme l'appelle, l'invite à boire un verre. lui apprend, désemparé, qu'il a rompu avec elodie. ils se revoient plusieurs fois, il lui avoue qu'il l'aime depuis la première seconde, elle est touchée par sa gentillesse, sa fragilité, son besoin d'elle. il se rend indispensable, elle tombe amoureuse. «il envahissait mon esprit. il était mon unique pensée. je perdais le sens des réalités. j'étais heureuse», écrit-elle. la découverte du sexe ne la transporte pas. «tout se déroulait de façon mécanique. il évitait les préliminaires : pas de caresses, pas de jeux. il évitait de me toucher. seul son plaisir comptait. c'est avec le recul et de nouvelles expériences que j'ai compris qu'il m'avait réduite à un objet sexuel. il s'était simplement servi. a l'époque, je ne le vivais pas ainsi : je partageais un moment d'intimité avec l'homme que j'aimais.»
un jour, désespéré, il lui annonce que sa société de gardiennage est au bord de la faillite, qu'il a besoin d'argent. hannah a un petit pécule qui lui vient de son père, technicien, il le sait. elle paie, heureuse de voler à son secours. une fois, deux fois, trois fois. parallèlement, elle abandonne ses cours de gym, ses copines, et même sa mère. «hadji était l'essentiel de ma vie, je le laissais en prendre possession.» elle continue malgré tout à se rendre à la fac. un soir, grave, il lui avoue le secret qui va bouleverser le cours de leur histoire : «je suis encore avec elodie, nous n'avons jamais rompu. je l'aime et je n'ai pas l'intention de la quitter. je t'aime aussi et je ne veux pas qu'on se sépare. ce que je souhaite, c'est que l'on vive ensemble, tous les trois.»
on a un peu de mal à le comprendre, mais hannah emménage sans sourciller chez elodie avec hadji et se retrouve au coeur d'un étrange ménage à trois. son explication : «je n'envisageais pas de remettre en question cet amour, il était devenu ma drogue.» avec elodie, elle a du mal à retrouver la complicité d'autrefois. hadji essaie bien d'entraîner les deux jeunes femmes dans des jeux sexuels à trois, mais elles s'y refusent. elles subissent, chacune à leur tour, les ébats des deux autres, dans le même lit.
lentement, la vie devient un enfer. hadji veut toujours plus d'argent, d'attention, de temps. il s'emporte si ses volontés ne sont pas satisfaites, n'hésite plus à brandir des menaces, à lever la main. «une violence quotidienne, habituelle, qui prenait toutes les formes : verbale, psychologique, physique», écrit hannah. terrorisées, mais toujours amoureuses et dans la crainte permanente de le perdre, les deux jeunes femmes s'isolent du reste du monde. hannah s'efforce de protéger elodie, plus fragile. «qu'est-ce que j'attendais de cette histoire pour choisir d'y rester ? changer hadji ? vivre une histoire d'amour avec un bad boy ? jouer les sauveteurs ? les trois à la fois peut-être», écrit hannah. «au fond de moi, je voulais le changer, en faire quelqu'un de bien», dit-elle. une de ses amies, audrey, qui décrit hadji comme un homme grand, fin, obsessionnel («sa coiffure devait toujours être impeccable»), un peu «m'as-tu-vu», s'insurge. «quand j'ai lu le livre d'hannah, j'ai été révoltée et je le lui ai dit. hannah est dans le déni. elle s'érige en sauveteur mais son rôle a été plus ambigu qu'elle ne veut bien le dire.» une envie inconsciente de prendre l'ascendant sur elodie, à qui tout réussissait ?
a force de donner son argent sans compter, la jeune femme émet des chèques en bois, devient interdit bancaire. déjà inquiète, sa mère s'alarme devant les courriers d'huissiers. elle veut porter plainte contre hadji, mais la police refuse : hannah, c'est vrai, «est majeure, libre, responsable». l'argent venant à manquer, hadji attire une troisième femme dans l'aventure, et sa violence s'accroît. ses compagnes ont de plus en plus peur. mais redoutent d'appeler la police par crainte des représailles. le ménage à quatre aurait pu s'agrandir encore, ou une des trois jeunes femmes succomber à une volée de coups, si les parents de ces dernières, alertés par des appels téléphoniques passés en cachette, ne s'étaient regroupés pour déposer plainte au commissariat. «trois familles venues dénoncer les agissements d'un même homme, cette fois, ils ont pris l'histoire au sérieux», écrit hannah.
hadji est arrêté. incarcéré à la prison de fresnes. trois chefs d'inculpation sont retenus contre lui : extorsion de fonds, violences avec armes et viols. deux mois plus tard, il se pend dans sa cellule. pour elle, il ne voyait «plus d'issue à sa folie» . c'était en 2004.
aujourd'hui, à 27 ans, hannah vit à nouveau chez sa mère. toujours interdite bancaire , elle n'a pas les moyens de payer un loyer. elle ne voit plus elodie, qui ne lui a pas pardonné de publier leur histoire. une confession qui, explique-t-elle, l'a aidée à analyser l'épreuve et à reprendre confiance en elle. «ce que j'ai vécu peut arriver à n'importe qui, mais il faut qu'il y ait des failles. hadji m'a "étudiée" . il savait que je n'étais pas épanouie, que je manquais d'un repère paternel, que j'avais de l'argent, que j'aimais aider les gens. et il s'est posé en victime.» sa mère, qui exerce comme psy, a la même analyse : «elle avait des besoins affectifs importants que cet homme a satisfaits au début, elle était ensuite prête à payer n'importe quel prix pour retrouver cette satisfaction-là.» audrey, elle, maintient ses réserves. «il y avait beaucoup plus à comprendre sur elle-même que ce qu'elle livre dans son témoignage.»
hannah a fini ses études de psychologie avec brio et exerce un job alimentaire pour financer sa formation de psychothérapeute. depuis quelques mois, elle est amoureuse. «je n'ai jamais mis tous les hommes dans le même sac, je sais que je suis tombée sur un cas particulier. cette expérience m'a appris énormément sur moi, mes manques, mes limites. avant hadji, je ne ressentais aucune émotion.»
photo aglaé bory
(1) tous les prénoms ont été changés.
hannah en 6 dates 18 juillet 1979 naissance à paris. 19 juillet 1995 décès de son père. novembre 2000 début de la relation avec hadji. septembre 2004 fin de cette relation. octobre 2004 obtention d'un dess de psychologie clinique et pathologique. octobre 2006 publie emprise (privé).
20 avril 2007 dans société | lien permanent
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52 tombes de tirailleurs nord-africains profanées
près de lens, des croix gammées dans un cimetière de la première guerre.
par haydée saberan
quotidien : vendredi 20 avril 2007
ablain-saint-nazaire envoyée spéciale
des tags en rouge et noir, des croix gammées, des croix celtiques, des slogans nazis et proskinhead : cinquante-deux tombes du carré musulman du cimetière militaire de notre-dame-de-lorette, près de lens, ont été découvertes, hier matin, souillées de ces graffitis nazis. «c'est dégueulasse, c'est des gars qui ont combattu pour la france.» michel, ouvrier cimentier à la retraite, habite près du cimetière. il se promène avec yvonne, dont le grand-père est mort sur la crête de vimy, comme les 600 musulmans du cimetière, surtout des «tirailleurs» algériens, marocains et tunisiens. une centaine de gendarmes ont été mobilisés. en milieu d'après-midi, ils ont ouvert l'accès aux journalistes et à quelques dignitaires religieux. «les morts ont besoin de respect. la communauté juive a été touchée par le même malheur à lille [lire ci-contre] . nous devons être main dans la main», indique bahssine saaïdi, le président du conseil régional du culte musulman. il ajoute : «ces personnes ont sacrifié leur vie pour la france. nous devons prier pour elles, pas faire n'importe quoi sur leur tombe.»
devant les stèles profanées, il a chanté la « fatiha », le verset qui ouvre le coran, et la prière des morts. autour, des dizaines de journalistes, la substitut du procureur cécile guillo, des gendarmes, jean-paul delevoye, ump, médiateur de la république. alain tajchner, président de la communauté israélite de lens, donne son numéro de portable au musulman pour organiser un rassemblement inter-religieux. «on ne peut qu'être horrifié devant ces actes barbares qui se multiplient.»
au téléphone, le procureur d'arras, jean-pierre valensi, exprime son «indignation» et son «émotion». «nous sommes consternés, et révoltés, et nous avons mis tous les moyens pour identifier les auteurs.» «ce geste inqualifiable blesse les consciences, insulte la mémoire et déshonore ses auteurs», a déclaré, à paris, le président de la république jacques chirac, en écho à la classe politique, unanime et aux associations.
sur la colline qui domine l'artois, des voitures viennent se garer. un trentenaire baraqué trouve ça «nul». florian, 26 ans, chômeur, trouve ça «lamentable, et le mot est faible». son copain david, 34 ans, ancien vendeur, pense que c'est «des jeunes qui ont trop bu, qui ont fait un pari, ou alors, c'est en rapport avec les élections et avec un certain candidat, le monsieur que je n'aime pas». ils sont tous deux pour une sanction. bernard, ancien employé de banque : «on ne profane pas les tombes. que ce soit des français, des anglais ou des arabes, qu'on leur foute la paix.» son beau-frère, britannique, se dit «très déçu. s'attaquer aux morts, c'est la chose la plus basse» . rosemonde, ancien agent immobilier : «c'est un lieu de paix, c'est notre promenade.»
20 avril 2007 dans société | lien permanent
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l'agglomération estime que le refus d'un projet de 3 000 logements sociaux est partisan.
hlm de clermont : le préfet d'auvergne ferme la porte
par tonino serafini
quotidien : mardi 17 avril 2007
jusqu'à la fin mars et la décision du préfet d'auvergne, dominique schmitt, les 11 000 demandeurs de hlm de clermont-ferrand avaient de quoi se réjouir. les élus de l'agglomération s'étaient en effet engagés, en se fondant sur la loi de cohésion sociale de 2005, à réaliser 800 logements sociaux par an jusqu'en 2012. les 21 communes de clermont-communauté, confortées par l'adoption au parlement du droit au logement opposable, en février, prévoyaient dans le plan local d'habitat (plh) que toute opération immobilière de plus de cinq logements devrait comporter un quota de 20 % de logement sociaux. c'était sans compter sur des considérations plus terre à terre...
«arrière-pensées». car, pour construire ces logements, la communauté d'agglomération souhaitait obtenir la délégation des aides à la pierre des crédits d'etat pour la construction de logement sociaux ou la réhabilitation des logements anciens à louer. c'est là que le préfet de région a dit niet. un refus de dominique schmitt qui bloque donc le projet.
serge godard, le président de la communauté d'agglomération et maire (ps) de clermont-ferrand, voit dans cette décision des arrière-pensées partisanes. «je constate que la stratégie du préfet consiste à attaquer quasi systématiquement la communauté d'agglomération, car c'est une pièce essentielle dans l'édifice politique auvergnat, clame l'élu socialiste. je n'ose pas y croire, mais les faits semblent confirmer que le préfet est en mission ici pour favoriser l'élection de brice hortefeux.» chef de file local de l'ump, le bras droit de nicolas sarkozy, battu aux dernières régionales, est en effet un candidat potentiel à la mairie de clermont-ferrand en 2008 . son électorat verrait donc d'un mauvais oeil ce vaste plan de logements sociaux.
«impartialité». histoire d'enfoncer le clou, le maire observe que, avant sa nomination à clermont en août dernier, dominique schmitt était «directeur général des collectivités locales au ministère de l'intérieur et travaillait sous l'égide de nicolas sarkozy et de brice hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales» . une charge qui fait bondir le préfet. il rappelle qu'il a servi sous des gouvernements de gauche «sans que personne ne [lui] fasse de procès sur [son] impartialité». «en auvergne, j'ai été l'un des premiers préfets à signer un contrat de projet entre l'etat et la région», dirigée par un président socialiste, «adopté à l'unanimité par tous les élus». du maire de clermont-ferrand, il dit : «quand je lui règle un problème, il prend. quand je refuse, il l'habille politiquement.»
il n'empêche, cette affaire pose plusieurs questions. dans une lettre adressée au maire, le préfet reconnaît que «sur le fond» le plh «apparaît conforme au plan de cohésion sociale et à la loi solidarité et renouvellement urbain» et que la communauté d'agglomération fait un effort «financier substantiel» avec des crédits de «6,4 millions d'euros par an pour le logement social». mais selon dominique schmitt, l'objectif de 800 logements sociaux par an «dépasse les possibilités budgétaires de l'etat». un argument contesté par le sénateur (ps) thierry repentin : «je m'étonne que l'etat soit aussi restrictif sur la programmation de logements sociaux, alors qu'il n'existe aucune limite sur les logements défiscalisés privés type robien ou borloo, qui coûtent deux fois plus cher au budget de l'etat et qui affichent parfois des loyers trois fois supérieurs à ceux des hlm.»
couperet. pour mettre de l'huile dans les rouages, la communauté d'agglomération a accepté de réduire à 600 hlm par an ses objectifs. elle a aussi tenu compte de plusieurs observations du préfet, dans les domaines de l'architecture ou de l'accession sociale à la propriété. rien n'y a fait, le couperet est tombé fin mars.
«le préfet a soulevé des points de désaccords concernant le plh, pointe serge godard. nous y avons répondu en concertation avec ses services. mais, au dernier moment, il trouve d'autres motifs d'achoppement.» «nous sommes la seule communauté d'agglomération dont les élus sont privés de leurs responsabilités de gérer l'équilibre social de l'habitat», dénoncent les 60 élus du conseil de la communauté, toutes tendances confondues. ils ont donc adopté une motion (45 oui, 15 abstentions, aucun vote contre) exigeant «des explications sur cette prise de position unique en france».
18 avril 2007 dans france d'après, société | lien permanent
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smoking
oui, nicolas, c'est mal...
par pierre marcelle
quotidien : mardi 17 avril 2007
il est moins cinq
est-ce l'heure des urnes approchantes qui veut cela, ce syndrome de la dernière semaine où l'on voit des bleus partout, et le temps revenu de l'obsession sécuritaire ? ravivant opportunément nos antiques effrois, les «lapideurs» de ghofrane et les «incendiaires» de mama galledou ressuscitent en assises des hypothèses de papy voise et d'al-qaeda. mais cinq années ont passé, et, par un invraisemblable retournement, les patrouilles de police terrorisent autant que les voyous. les forces de l'ordre font désordre. un accident de fraudeur à la gare du nord le révéla. trois incidents l'ont conforté, dont la banalité ne vaudrait pas qu'on les rapporte, hormis en une chronique égoïste et égotiste. il se trouve que nous y sommes. allons-y donc ; c'est d'expérience que je parle d'une peu charitable semaine pascale.
mardi l'illustra assez lorsque, vers 15 heures, dans le peu passant passage saint-sébastien, s'offrit le spectacle de cinq adolescents de 13 à 15 ans, dont une jeune fille, tous «blacks» et «beurs» collés au mur et les mains en l'air en un drôle de piquet. a leurs pieds, un ballon de foot ; à leur entour, une dizaine de zélés uniformes jaillis de quatre (!) voitures de police ; braqué sur les gosses, un flash-ball ; et aux poignets de la jeune fille noire, des menottes verrouillées dans son dos qui lui auront appris, à celle-là, ce qu'il en coûte de troubler... de troubler quoi, au fait ? la troupe est repartie sans coup férir après relevé des identités, mais sans même embarquer le ballon.
et moi non plus, ils ne m'avaient pas embarqué, les trois surgis la veille de leur fourgon à sept heures et demie de ce lundi férié qui me verbalisèrent pour défaut de port de casque entre chez moi et mon kiosque à journaux. (c'est que j'aurais été mal fondé, en cette aube si joliment fériée, à chipoter une demi-heure de grasse matinée au porteur de libération. ) l'air était transparent ainsi qu'aux plus beaux jours, eût dit m. de la fontaine, mais pour «l'absence de sergents de veille ajoutant encore à la beauté des lieux», comme disait blondin, ce fut raté. confronté à mes trois fonctionnants fonctionnaires, je plaidai coupable, me bornant à demander si le tarif (90 euros et 3 points de permis) serait le même à 90 km/h sur le périphérique, dans le trafic d'un jour ouvré, que pour ces trois cents mètres rectilignes sur une chaussée que pâques avait désertifiée. elle ressemblait pourtant fort à une rébellion, ma remarque relative au devenir de la paix civile, lorsque la force publique se refuse à apprécier des circonstances pour appliquer mécaniquement la lettre de la loi, en aboyant de provocateurs «bonjour, monsieur» qui, emballés dans un rictus de doberman, sont tout ce qui semble rester du code de déontologie policière. m'imaginant «black» ou «beur» avec trente ou quarante ans de moins au compteur, j'ai frémi.
christophe mercier, lui, doit trembler encore du traitement qu'il subit après son interpellation au sortir de déjeuner, à 30 km/h sur un deux-roues avec trois bières dans le nez : son score de 0,7 g à l'alcootest lui valut en effet dix-neuf heures d'ordinaire cauchemar dont on lira l'édifiant témoignage, intitulé garde à vue et publié chez phébus (30 pages, 3 euros). le pire cependant lui vint après après le déshabillage, après le doigt d'un flic dans le cul, après les odeurs de vomi d'une cellule de dégrisement et diverses humiliations désormais bien banalisées. le pire réside dans les commentaires que son affaire suscita sur la toile bavarde. ils révèlent, chez nombre de contributeurs, un éclatant désir d'ordre, allant jusqu'à applaudir à l'enfermement du délinquant rhabillé en potentiel meurtrier de la route. pour ceux-là, il va sans dire que les qualités de christophe mercier critique littéraire, ex-normalien supérieur et parisien de surcroît lui sont comptées comme circonstances aggravantes.
où l'on découvre tout soudain que les choses ont bien avancé pour l'homme qui, jeudi, à la une de libération , demandait benoîtement si «récupérer le vote fn, c'est mal ?». (oui, nicolas. c'est mal.)
dégonflage de nicolas sarkozy
je me serais volontiers entretenu de l'état de sa police sinistrée avec nicolas sarkozy, mercredi dernier rue béranger, mais il n'est pas venu. on n'a pas très bien compris pourquoi. des bruits auraient couru d'une hypothèse de citoyens d'act up et/ou de sans-papiers désireux de rencontrer une hypothèse de président de la république...
mais tout n'est pas «sécurisable» comme à meaux (à défaut d'argenteuil), où, vendredi, des crs bloquèrent trois heures durant deux cars d'une centaine de salariés en cours de liquidation des entreprises jdc et lsg-gate-gourmet pour leur interdire l'accès au meeting local et sarkozyen.
c'est donc en son bunker de la rue d'enghien que le candidat qui candidement s'interroge sur l'inquiétude qu'il suscite s'est plaint de sa «démolition systématique» dans nos pages, en précisant spirituellement que «ça, c'est ignoble» ( libération du 12 avril). autant et plus, assurément, que la promotion d'un ministère de l'immigration et de l'identité nationale...
j'aurais pourtant bien aimé, moi, entendre nicolas sarkozy énoncer tout à trac que libération «appartient» à edouard de rothschild, et voir ses grands yeux s'agrandir à notre étonnement. mais n'épiloguons pas... sarkozy s'est dégonflé, voilà tout, et cela, au moins, atteste chez lui une forme d'humanité .
c'est olivier besancenot qui nous a entretenus la semaine dernière autour de la grande table ronde et noire, et assez efficacement pour nous troubler encore, l'espace d'une demi-journée. las ! le soir venu, invité sur tf1, il tenait le même discours, à la virgule près, à claire chazal au terme de son jt...
ce détail plia l'affaire, et me conforta dans ma résolution de voter très utilement, dimanche prochain, pour ségolène royal évidemment, et évidemment moins pour elle que contre nicolas sarkozy. je voterai royal avec l'enthousiasme modéré d'ariane mnouchkine appelant (dans libération du 11 avril) à «cesser nos tergiversations de précieux ridicules», et comme benoîte groult déplorant (dans le monde du 11 avril) que «chaque fois qu'une femme remet en question l'accord tacite qui réserve aux hommes les hautes fonctions du pouvoir [...], apparaît un élément imprévu, qui ressortit à des pulsions archaïques, inavouées et inavouables, la renvoyant aux sources millénaires de son identité».
sans états d'âme, je voterai royal comme un boeuf tire une charrue.
dernière facétie de gérard dupuy
jeudi soir, 12 avril, achevant pour libération son dernier édito, gérard dupuy offrit à boire et à au revoir dans un au-delà du travail salarié. la qualité de son champagne fit l'unanimité des présents, et l'on n'eut à déplorer de défection que celle de nombre de gobelets de plastique au flanc percé (mais «ça ne tache pas»). loin de ces contingences, avec son aimable et coutumière discrétion, notre amphitryon identifia dans l'armature métallique verrouillant au goulot le bouchon de champagne un muselet (n. m. de museau, 1903). dans le mot et la chose, le cadeau, c'est lui qui le fit.
18 avril 2007 dans france d'après, société | lien permanent
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bleu éditorial dans l'oeil académique
par pierre marcelle
quotidien : mardi 27 mars 2007
la grande illusion
ce symptôme finira par nous dévorer, me disais-je l'autre lundi, en écoutant france inter sacrifier à son tour à la grande guignolade du journalisme universel... l'estimable olivier besancenot (1) était ce jour-là invité par la station à essuyer les plâtres d'un dispositif l'autorisant à intervenir à quatre reprises, pas plus, pas moins dans le journal de 8 heures, rebaptisé pour l'occasion «journal interrompu». il disposait pour ce faire d'un antique «buzzer», ce champignon familier aux amateurs de jeux audiovisuels et déclencheur d'une sirène, de tonalité assez basse et anxiogène, donnant instantanément à qui l'active le droit de ramener sa fraise. le candidat de la lcr, amusé, usa en termes courtois de cet interrupteur. on crut cependant percevoir, dans les silences de son interrompu, comme une discrète irritation.
dès le lendemain, la vigoureuse protestation des personnels de la radio, soucieux de maintenir une frontière «entre l'information et le show», mit heureusement un terme à ce gadget.
craignons pourtant que leur courageuse résistance à l'air du temps démagogique ne soit perçue comme corporatiste (2), et la maison ronde comme archaïque bunker encore rebelle au «contrôle citoyen sur l'information». pris en étau entre les velléités de contrôle policier de sa tutelle et la privatisation insidieuse de tous ses outils, le journaliste de radio france se débat dans sa déontologie comme l'enseignant dans sa pédagogie ou le cheminot dans la défense du droit de grève. (rappeler que les uns et les autres font cela dans l'intérêt de tous le nôtre compris.)
sur france inter, le suprême paradoxe et le piège suprême du jeu de l'interrupteur se révéla en ceci qu'olivier besancenot n'y était ni le moins légitime ni le plus demandeur. dans ce paradoxe piégeux brassant tous les rôles et diluant toutes les fonctions (du citoyen-usager, de l'auditeur-client, du candidat et du journaliste, du service public et des sévices publics), se perçut mieux comment avait été rendue possible l'éclosion de la bulle bayrou, son côté grande illusion... tout y étant égal à tout, rien n'y signifie bientôt plus rien, évidemment : ni la droite, ni la gauche, ni le support, ni le propos, ni l'auditeur, ni le locuteur.
tant et si bien que j'eusse dû ne pas m'étonner, jeudi, en me découvrant salarié d'un libération où éditorialisait jean d'ormesson, tout de même qu'il éditorialisa jadis dans le figaro de robert hersant. la semaine dernière, c'était au prétexte du salon du livre, et à propos du «soutien» apporté par chirac à la candidature de sarkozy soutien que d'ormesson ne barguigna pas et auquel il ne mit pas de guillemets. tout, ce jour-là, se noya dans le bleu éditorial de son oeil académique ; et tout le monde, à libération, fut ce jour-là intérimaire.
(1) et assez même pour qu'on regarde puisqu'on nous somme de tout dire l'hypothèse de voter pour lui comme tout à fait légitime, en cette semaine où la course aux symboles identitaires et nationaux ne nous sembla pas du meilleur goût socialiste. dimanche, l'engagement de la candidate du ps de régulariser les enfants scolarisés de sans-papiers a heureusement relativisé notre ire. (pas non plus du meilleur goût socialiste, cependant, les balbutiantes déclarations de la rue de solférino après l'arrestation de cesare battisti, à trois jours de l'annonce par nicolas sarkozy de son retrait du ministère des affaires qui tombent à point.) (2) «corporatisme : mal qui menace n'importe quelle catégorie de salariés défendant ses droits, à l'exclusion des tenanciers des médias.» la définition est tirée du remarquable travail analytique que signent henri mahler et mathias reymond pour l'acrimed (action critique médias), dans médias et mobilisations sociales (syllepse, 173 pages, 7 euros). pour revenir aux fondamentaux du journaliste confronté à la réalité sociale (la lutte des classes, pour le dire autrement), s'imprégner simultanément des terribles images du camarade gilles favier, commentées par notre collègue muriel gremillet, dans merci patron. conflits sociaux en 2006 (le diable vauvert, 190 pages, 29 euros).
témoignage chrétien
nonobstant ces feux croisés sur notre misérable métier, depuis jeudi, je dors mieux, je mange mieux, je bois mieux, et, pour tout dire, je respire mieux. c'est qu'après six semaines d'une traumatisante attente fut jeudi prononcée, par les juges très sages de la xviie chambre correctionnelle du tribunal de paris, la relaxe de philippe val et de charlie hebdo, dans l'affaire dite «des caricatures de mahomet».
enfin, au terme d'un combat titanesque livré aux barbes intégristes, giordano bruno réincarné triomphait de la calotte, et le chevalier de la barre écrasait l'infâme. c'est afin de très humblement rendre grâce à son courage et à sa lucidité qu'au mitan de ce jeudi glorieux, balayant toutes mes réticences, je me rendis à genoux, en chemise et la corde au col, porter ma déférence dans les locaux du confrère, où l'on conférençait de presse. une jungle de micros et de caméras y disait spectaculairement l'enjeu de l'affaire ; honteusement dissimulé derrière ce rideau mouvant, je ne parvins même pas à apercevoir l'entièreté de la tribune (je ne saurais dire, par exemple, si le professeur robert redeker, du cnrs, en était). j'entendis parfaitement, en revanche, notre magnanime champion réitérer son offre généreuse de main tendue aux représentants de l'entité cultuelle dite «grande mosquée de france», laquelle avait deux heures auparavant annoncé son intention, a contrario de celle de la diabolique union des organisations islamiques de france, de ne pas interjeter appel de l'arrêt. j'y attrapai au vol les bribes d'un discours où il était question d'un «dialogue» aspirant à un «consensus» prometteur d'universelle harmonie interconfessionnelle.
et comme personne, à mon entour, ne semblait s'étonner de ce prosélytisme soudainement érigé, en place de son traditionnel athéisme, en nouvelle ligne éditoriale du satirique hebdomadaire, je profitai de la liesse générale pour tirer mes guêtres dans une tangente.
le strip-tease d'eric besson, suite
je ne m'en fus pas, ce soir-là, boire sans modération au salon du livre s'inaugurant porte de versailles où, comme traditionnellement en cette saison, le vide politico-culturel succédait au trop-plein politico-agriculturel. en fait de lecture, je poursuivais celle du feuilleton d'eric besson, ex-économiste socialiste affinant son projet présidentiel. l'homme double nous avait dit l'autre semaine sa répugnance à voter royal ; le mardi suivant, il précisa sur rtl qu'il «ne roulait strictement pour personne», et, un peu plus tard dans la journée, sur le site du nouvel observateur, que sarkozy et bayrou lui semblaient «plus qualifiés» qu'elle pour l'elysée. on avançait... j'en conclus qu'on devrait apprendre dans les tout prochains jours pour qui, de l'un ou de l'autre, racole eric besson en son excitant teasing.
les grandes familles
que pinault se paye manaudou, c'est dans l'or, pardon, dans l'air du temps. révélant ce business déguisé en mécénat, le jdd précisa que michel drucker l'avait accouché («françois est un ami de vingt ans, avec qui je fais du vélo»). c'est fou ce que ça rapproche, le vélo. je me demande si je ne vais pas m'y remettre, moi... ah ! cycler avec sarkozy et me payer un appart sur une île, à deux tours de roue du bois de boulogne...
18 avril 2007 dans france d'après, société | lien permanent
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pour didier eribon, philosophe, le ps partage avec la droite la volonté d'en finir avec l'héritage de mai 68 :
«la gauche s'est coupée des énergies sociales»
par christophe forcari
quotidien : mardi 10 avril 2007
didier eribon, philosophe, vient de publier d'une révolution conservatrice et de ses effets sur la gauche française (léo scheer), où il analyse le glissement à droite de la société sur les décombres d'une gauche qui n'aura su concilier la critique radicale et la réforme effective.
le débat autour de l'identité nationale traduit-il un glissement à droite de la société française ?
c'est le produit d'un travail idéologique mis en oeuvre par des intellectuels néoconservateurs depuis vingt ans, qui ont cherché à remplacer la perception de la société en termes de clivages sociaux et d'inégalités sociales par un discours sur la nation et l'unité nationale. ils ont proposé à la gauche une vieille pensée de droite en la présentant comme une rénovation de la pensée de gauche. il y aurait donc d'un côté la nation et de l'autre les «individus», qui doivent se fondre dans un «vivre ensemble» national. ce qui a conduit la gauche gouvernementale à considérer toutes les mobilisations politiques comme le symptôme d'un délitement du «lien social» et «national» au lieu d'y voir le point d'ancrage d'une transformation possible de la société.
sarkozy incarne-t-il en france la révolution conservatrice américaine ?
dans une large mesure, oui. et souvent dans ses versions les plus caricaturales. mais le problème est que le ps a été façonné par les mêmes thématiques idéologiques. l'obsession d'en finir avec l'héritage de mai 68 et des années 70 est partagée aujourd'hui par la droite et par la gauche gouvernementale. cette dernière devrait au contraire se donner pour tâche de faire vivre cet héritage. cela amènerait à imaginer un «travail en commun» de la gauche gouvernementale et de la gauche critique, comme le suggérait foucault après la victoire de mitterrand en 1981.
a qui profite ce glissement ?
a court terme, cela va profiter à sarkozy, puisque cela conduit la gauche à se couper des énergies sociales et politiques qui pourraient s'agréger en une dynamique collective, où chacun pourrait participer tout en gardant sa propre démarche. a plus long terme, dans la mesure où le ps n'est plus capable de fournir aux classes populaires un discours par lequel elles pourraient donner sens à leur expérience vécue, cela laisse le champ libre à ceux qui viennent offrir une autre manière de penser cette expérience. dès lors qu'on ne perçoit plus le monde en termes de classes sociales, on laisse s'installer une pensée en termes de clivages nationaux et raciaux. ce qui se traduit électoralement par un vote le pen. tout ce discours sur la nation fait circuler dans la société de mauvaises pulsions que la gauche devrait contrecarrer au lieu de ratifier.
le centre de gravité se déplace-t-il à droite ?
non ! d'abord parce que ce qui apparaît comme la force du «centre droit» vient en grande partie du fait que de nombreux électeurs de gauche ont été déçus par l'absence d'unité de la gauche antilibérale. ils veulent battre sarkozy, mais ne veulent pas voter royal. si le ps avait été à l'écoute des mouvements sociaux, au lieu de les insulter comme il l'a fait pendant des années, la situation serait très différente. si les composantes de la gauche radicale avaient oublié un instant leurs intérêts de boutique pour s'unir, elles auraient été en position d'imposer une autre évolution aux socialistes.
quels sont les grands sujets de société qui clivent la droite de la gauche ?
ce qui devrait définir la gauche, à mes yeux, c'est l'attention portée aux revendications et mobilisations sociales, politiques et culturelles. avec le souci de garantir au maximum les droits acquis et d'en créer de nouveaux. la défense de l'etat-providence et redistributeur, le maintien des systèmes de protection sociale, mais aussi, par exemple, une approche ouverte et généreuse de la question des sans-papiers, ou, pour évoquer des mouvements apparus plus récemment, l'accueil des revendications des minorités visibles et, bien sûr, celles de tant d'autres mouvements, présents et aussi à venir dont l'émergence est imprévisible.
14 avril 2007 dans france d'après, politique, société | lien permanent
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a calais, l'assise ouvrière du front
poussées par le chômage et les bas salaires, les classes populaires s'en remettent à le pen.
par haydée saberan
quotidien : mercredi 4 avril 2007
calais envoyée spéciale
ils sont ouvrière, ouvrier, intérimaire, et ils votent front national, voire militent au fn. valérie, 37 ans, remplissait les bobines de fil pour les tullistes, les ouvriers de la dentelle. a présent au chômage, cette mère de trois enfants, mariée à un tulliste, a longtemps mis dans l'urne «une enveloppe vide, pour pas faire de bêtise». et puis elle a commencé à voter le pen il y a dix ans, avant d'adhérer «cette année, parce qu'il faut un changement». son mari touche «un smic et demi, depuis vingt ans. il y a vingt ans, un tulliste gagnait bien sa vie. un rmiste gagne mieux que nous. il ne paie rien. a la caf, on m'a dit que pour avoir les apl, il fallait que je me sépare de mon mari».
migrants sans abri. «a calais, il n'y a pas de racisme» pour expliquer le vote frontiste près de 22 % pour le pen au second tour en 2002 , précise françois dubout, conseiller régional fn, instituteur, candidat à la mairie de calais, et chansonnier patoisant connu dans la région sous le nom de «nénesse». «c'est un vote économique et social.» les «étrangers», ou perçus comme tels, traditionnelle cible des électeurs du front, sont rares ici. ou alors ils sont de passage : les migrants sans abri, qui peuplent les bois de la ville et se cachent de la police en attendant de passer en angleterre. ici, la pauvreté a la peau blanche.
calais est la plus grosse ville de france gérée par les communistes depuis 1971, à la faveur d'une coalition avec les socialistes. valérie était à peine née à l'époque. aujourd'hui, elle a «un gros ras-le-bol. mon gamin de 17 ans, il reste à la maison, je ne peux pas le laisser sortir, à cause de l'insécurité. ici, cet automne, un petit jeune a pris un coup de couteau pour rien». elle trouve aussi que jean-marie le pen «parle bien. on comprend très bien ce qu'il veut dire».
voici laurent, 43 ans, chômeur, il cumule les emplois précaires. il a «toujours voté fn, en secret. l'identité française fout le camp, on mélange trop les cultures. et on culpabilise ceux qui le disent». il a rencontré françois dubout quand il était agent d'accueil en ces. «j'étais le seul enseignant qui mangeait avec les ouvriers», raconte le candidat. qui ajoute : «nous, on y va, dans les hlm. ça se passe plus que très bien.» justement, sophie vit au fort-nieulay, un des deux quartiers populaires de calais. smicarde, ouvrière dans une blanchisserie industrielle, elle lave le linge pour les hôpitaux, les hôtels, les restaurants. elle vote fn «parce que mes enfants, et ceux des autres, n'ont pas d'avenir. nous, on a la chance d'avoir un travail, mais eux ?».
usine de conditionnement. l'avenir des enfants, c'est aussi l'angoisse d'arnaud, 33 ans. père de trois enfants, ancien marin-pêcheur, il a laissé tomber, car «à 800 euros par mois, je ne gagnais plus ma vie. a cause de bruxelles et des quotas». son épouse, ancienne ouvrière de marée intérimaire dans une usine de conditionnement du poisson, est au chômage. lui s'est recyclé dans les «travaux maritimes» , la maintenance et la construction des berges, en intérim depuis neuf ans et «partout en france : bayonne, bordeaux, le havre. mais à 42 euros par jour en déplacement, alors que la demi-pension coûte 45 euros, on est perdants. concurrencés par l'immigration. ils sont dans les formule 1, parqués à trois dans la même chambre. les salaires baissent, si t'acceptes pas, c'est pareil, eux, ils veulent bien le faire pour rien en vivant dans un container. et moi, si je veux gagner un franc de plus de l'heure, je dois passer une licence de soudure. voilà pourquoi on adhère au fn. je demande pas l'assistance, juste pouvoir bosser». ses parents et ses grands-parents, ouvriers, ont tous réussi à acheter leur maison. «pas moi. la propriétaire me demande de partir, ça fait cinq ans que j'ai demandé un logement social. rien».
09 avril 2007 dans curiosités, société | lien permanent
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«ni des potes, ni des blacks, ni des beurs»
le pen s'est rendu inopinément sur la dalle d'argenteuil où, en 2005, sarkozy avait parlé de «racaille».
par christophe forcari
quotidien : samedi 7 avril 2007
«b ad», son surnom, 19 ans, se fraye un chemin dans la cohue des photographes et des cameramen. il veut sa photo aux côtés de jean-marie le pen. son pote mouloud le clique dans l'objectif de son portable. «c'est pas la honte d'être en photo avec le pen. sarko, il me fait plus peur», explique bad, prêt à voter ségolène royal, même s'il trouve qu'elle n'a pas beaucoup d'expérience. sur la dalle d'argenteuil (val-d'oise), là où nicolas sarkozy avait déclaré vouloir «débarrasser» la cité de la «racaille» en octobre 2005, le président du front national s'est offert vendredi le luxe d'une visite inopinée. tenue secrète jusqu'au dernier moment, elle a été préparée dans ses moindres détails depuis dimanche par une petite équipe dont farid smahi, le «beur» du fn.
«préférence». contre toute évidence, le pen se défend d'être venu faire un «safari politico-médiatique. pour la france nationale, il n'y a pas de zone de non-droit». «si certains veulent vous kärcheriser pour vous exclure, nous voulons, nous, vous aider à sortir de ces ghettos de banlieues où les politiciens français vous ont parqués, pour vous traiter de racaille par la suite», déclare-t-il dans une courte déclaration lue sur la dalle. «il n'y a pas de beurtitude. pour moi, vous n'êtes ni des potes, ni des blacks, ni des beurs, vous êtes des citoyens français, des enfants légitimes de la france faisant partie de notre république», poursuit le président du fn qui s'emploie à démontrer que les citoyens français issus de l'immigration bénéficieront des «bienfaits de la préférence nationale», ce système qui consiste à réserver aux seuls nationaux les prestations sociales.
«c'est un beau galet que j'envoie dans le jardin de sarkozy», jubile le candidat à la présidentielle. même les cinq policiers chargés de sa sécurité, les yeux rivés sur les étages des immeubles de peur de voir fondre un projectile sur le pen, ignoraient jusqu'au dernier moment la destination du cortège officiel. la préfecture n'a pas été tenue au courant non plus. aucun car de crs ne stationne sur place.
trente minutes sur la dalle, sans manifestation d'enthousiasme, mais surtout sans heurts. un déplacement normal dans un lieu réputé chaud, mais à une heure où les habitants vaquent à leurs occupations. «il fallait qu'ils viennent de bonne heure ou en fin de journée, il y aurait eu du monde. je suis surpris de le voir dans le quartier», s'étonne dominique, d'origine zaïroise.
rabatteur. a défaut d'approcher le père, cerné par une nuée d'appareils photo et de caméras, il alpague sa fille, marine. «sarkozy, il ne parlait pas avec nous, se plaint l'un des badauds. nous, ce qu'il nous faut, c'est du boulot.» «il y en a qui viennent ici et vous traitent de racailles et parlent de kärcher. nous, ce n'est pas notre discours», répète posément la vice-présidente du fn.
«le pen, depuis qu'on est tout petit on le voit, on a l'image du facho, mais il est plus franc que sarko. sarko, il passe bien à la télé, il parle bien mais il nous fait peur à tous», explique nasser. de groupe en groupe, un homme en blouson rouge encourage les habitants à aller poser des questions à le pen. il joue les rabatteurs. «allez-y ! si vous voulez passer à la télé, c'est le jour», les exhorte-t-il. «je suis un habitant du quartier», se présente lotfi, oubliant de préciser qu'il est un ami de longue date de farid smahi.
«asperges». l'opération possédait même son nom de code : «asperges», cultivées autrefois à argenteuil. rendez-vous avait même été pris avec les responsables de la mosquée, un vendredi jour de prière. une rencontre finalement annulée.
09 avril 2007 dans crevures, curiosités, société | lien permanent
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«on a oublié que l'objectif ultime est la paix sociale»
philippe pichon, commandant de police.
par fabrice tassel
quotidien : lundi 26 mars 2007
philippe pichon, 37 ans, commandant de police, codirige le commissariat de coulommiers (seine-et-marne). il a publié journal d'un flic (flammarion).
«l'attente sécuritaire était énorme depuis 2002, avec le slogan de la tolérance zéro. on nous a aussi vendu le risque zéro, mais cela n'existe pas... sauf à mettre un policier derrière chaque personne. mais cette judiciarisation de la société est une erreur, car comment développer du lien social si l'on dit aux citoyens que tous les problèmes doivent se régler devant un tribunal ? quand la lutte contre la criminalité va-t-elle enfin cesser d'être cernée par des postures idéologiques ?
en tant que policier, j'ai l'impression qu'on veut me faire partir à la guerre tous les jours ; or je ne suis pas là pour faire monter la sauce. la cassure avec les banlieues est le principal échec de nicolas sarkozy. certains mots ne doivent pas être prononcés.
je ne dis pas qu'il ne faut pas faire d'interpellations, évidemment, mais je crois en la polyvalence du rôle de la police, qui doit vulgariser de l'espérance, c'est la définition du rôle des gardiens de la paix.
avec nicolas sarkozy, la police est restée dans l'urgence sécuritaire, dans l'action, les interpellations, la logique de production d'infractions, mais sans prendre de hauteur, en oubliant que l'objectif ultime à atteindre est la paix publique et le lien social, ce qui, philosophiquement, définit la concorde.
concernant les statistiques, par exemple, cela n'a plus de logique : par exemple, si à coulommiers on passe de 4 à 5 cambriolages, on va me faire un procès d'intention, mais ça n'a aucun sens, et cela n'en aurait pas plus si on était passé de 4 à 3 cambriolages. on sait aussi que, par exemple, depuis 2002 on a fait entrer les violences intrafamiliales dans la catégorie des violences aux personnes, pour mieux les prendre en compte, ce qui, mécaniquement, a fait augmenter l'index des violences faites aux personnes.
la recherche juridique des responsabilités ne peut être confondue avec l'analyse des leviers qui permettent de limiter la délinquance. on s'affronte sur des principes, prévention contre répression par exemple, sans chercher à évaluer les moyens effectifs d'agir.
l'époque de nicolas sarkozy aura aussi été marquée par une inflation de textes juridiques pas toujours indispensables, comme les infractions dans les halls d'immeuble ou celles contre les gens du voyage...
pourtant nicolas sarkozy a fait des constats justes, mais sans adopter la bonne méthode : la délinquance augmente très probablement, mais il faut aller au-delà de toute idéologie. j'ai l'intime conviction que l'ordre et la compassion ne sont pas si inconciliables que ça. un policier se doit de faire l'apologie de la république. ce qui ne lui interdit pas d'être ferme, mais lui impose d'être juste. le constat de la «fracture sociale» est là. mais plâtre-t-on une fracture ouverte ? non, on l'opère !»
27 mars 2007 dans france d'après, société | lien permanent
l'éditorial de libération, par jean d'ormesson.
politique. editorial
fin de partie
par jean d'ormesson
quotidien : jeudi 22 mars 2007
sarkozy cesse d'être ministre. il n'est pas encore à l'elysée. il n'est déjà plus place beauvau. une histoire s'achève. on la connaît. une autre commence. elle est encore incertaine.
les choses sont moins simples qu'elles ne le paraissent. pour des raisons opposées, partisans et adversaires poussaient également sarkozy vers la sortie. lui a retardé le plus possible, jusqu'à l'arrivée du printemps, jusqu'à un mois du premier tour, le moment de déposer sa casquette de responsable de la sécurité. «tu as intérêt à partir», lui susurraient ses amis. il préférait rester et veiller au grain. «vous n'avez pas honte d'être candidat et ministre ?» lui criaient ses ennemis. il répondait que mitterrand était un candidat président et jospin un candidat premier ministre.
sarkozy, en partant, reçoit le soutien de chirac. là encore, c'est compliqué. chirac a dit l'autre jour aux français combien il les chérissait. de tous les français tant aimés, celui qu'il aimait le moins était sûrement nicolas. et nicolas, de son côté, avait deux obsessions : que chirac le soutienne et qu'il ne le soutienne pas trop. c'était un peu le coup de ségolène avec les éléphants.
chirac n'a pas eu trop de mal à répondre à ce double voeu. il a trouvé une bonne formule : il le soutient, «tout naturellement». Ça veut dire à peu près qu'il ne peut pas faire autrement.
sarkozy, en face de chirac, a plus de chance que chaban, que giscard, que balladur. tous étaient des amis que chirac a flingués, sans la moindre hésitation. il n'a jamais aimé sarkozy et il votera pour lui sans état d'âme.
tout le monde, à droite, est maintenant intérimaire. chirac : intérimaire en chef. ollier : intérimaire à la tribune d'une assemblée fantôme. baroin : intérimaire à l'intérieur. tout le gouvernement : intérimaire. et sarkozy : intérimaire. avec un gros appétit.
22 mars 2007 dans crevures, france d'après, histoire, indécence, politique, société | lien permanent
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meeting ump: miroir de l'anti-france
lundi, nicolas sarkozy était en déplacement du bon côté de la banlieue.
par jean-eric boulin
quotidien : jeudi 22 mars 2007
villebon-sur-yvette (essonne) envoyé spécial
mardi, au meeting de nicolas sarkozy, il ne s'est rien passé. jeunes de l'ump, frais et impliqués, parterre de caciques locaux, et le public honnête, classe moyenne, drainé des pavillons. homogènes, blancs pour la plupart, un rien âgés, leurs visages ont un air de revanche. kermesse acide et bon enfant. au soudain bazar, on le devine, sarkozy. tout est bouillant autour de lui. sémillant, il fend, tape des bises, rate des mains, mais qu'importe, au bout il y a sa tribune de vrp de la france majuscule. et, pendant une heure, il devrait nous rendre tout ce qu'on nous a pris.
cow-boy. quand même, il y a l'énormité du discours, stupéfiante. mais d'abord la gestuelle de cow-boy, bien connue, en index vengeur, avec pauses comiques, où, le corps arqué à la de funès, on sait que, là, il va couper le bois. petites phrases, jeux de massacres, bayrou tête de ive république, royal n'en parlons même pas. demain, cette écume dans les journaux. le petit peuple acquiesce. le tribun leur rend dignité et rires. il y a la gêne quand même de n'être qu'entre soi.
typique de cette malédiction gaullienne qui veut que la présidentielle soit la rencontre d'un homme et d'un peuple, le discours brouet, signé henri guaino, parle à la france éternelle dont les mamelles ont nourri blum, jaurès, la colonisation ( «plus civilisation qu'exploitation» ) puis nicolas sarkozy. si la france est un bloc, elle tiendra dans son ventre. sarkozy veut la résumer pour la défendre, loin des clivages, de la haine de soi, de la paresse, du renoncement. mais d'abord il faut émanciper, alors il brise les tabous comme des cacahuètes : laxisme, repentance, pensée unique.
pourquoi ce discours dessine-t-il en creux le portrait d'une anti-france ? pourquoi certains se sentent visés, et pas seulement les belles âmes de gauche ? pourquoi a-t-on peur que ce torrent de mots, de références, de «moi, je» volontaires et fauves, finisse par nous emporter ? ce type nous aime tellement qu'il finira par nous faire mal. d'abord à ceux qui cassent, se lèvent tard, n'aiment pas l'autorité, le travail, la france officielle. les catégories mentales surgissent, et on sent bien qu'il y a un ennemi intérieur, indéfini, auquel il faudra rendre gorge.
luther king. le meeting s'achève. il «fend l'armure». il part de lui même pour aller vers nous. il évoque luther king, le sacré de sa mission. l'auditoire décroche. des mots trop grands débordent de sa bouche : civilisation, vérité, trahison. autour, les visages de nos compatriotes s'éteignent, mais ils y croient.
on sympathise avec un mec de la logistique, k. en intérim depuis sept ans, à 1 300 euros par mois. il parle de la jeunesse de son quartier, française, belle, puis l'absence de bienveillance, le harcèlement policier quotidien. il y a un mois, en allant au boulot, il s'est fait mettre par terre par des mecs de la bac alors que pourtant, me dit-il, il avait la cravate. après cinq minutes, il a quitté le meeting, il s'est senti visé. sarkozy va trop loin, il court. arrêtons-le.
22 mars 2007 dans crevures, france d'après, politique, société | lien permanent
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berlusconisme à la française, recettes
par daniel schneidermann
quotidien : vendredi 9 mars 2007
tout au long des années berlusconi, nous nous demandions comment pouvait se maintenir une telle emprise du divertissement sur le peuple italien. nous considérions les italiens avec une infinie supériorité. comment peuvent-ils se laisser ainsi embobiner par un oligarque, milliardaire, aux prises avec la justice ? comment un pays démocratique laisse-t-il se construire ce totalitarisme light, où un seul maîtrise à la fois le politique, l'économique, et le divertissement ? examinant les choses de plus près, on se rendait compte que la proposition «berlusconi contrôle tous les médias» était fausse. certaines chaînes publiques lui étaient opposées. certains journaux le critiquaient durement. même sur ses propres chaînes privées, dans certaines émissions, il était parfois cruellement moqué par les guignols locaux. a l'extérieur du système, des francs-tireurs concentraient sur lui toutes leurs attaques. bref, fonctionnait un système à deux vitesses, qui n'est pas sans rappeler l'architecture médiatique, par exemple, de la russie poutinienne d'aujourd'hui : des grands médias asservis ; des médias plus confidentiels développant un discours critique.
le mystère ne faisait que s'en épaissir. comment ça marche ? comment, si l'accès à une information indépendante est possible, comment le grand dispositif à chloroformer l'opinion parvient-il tout de même à rester performant ? comment les deux parviennent-ils à rester hermétiques, à ne pas se mélanger ?
il nous est maintenant possible de poser toutes ces questions en observant le système français. le berlusconisme, ce n'est pas la censure. les dissidents vont bien. ils parlent, ils écrivent. le canard enchaîné paraît. nul ne songe à l'interdire. ses révélations sont même reprises par les radios du matin. elles ne sont pas étouffées. donc, c'est autre chose.
mais quoi ? une musique, une ambiance, qui ne se laissent pas capturer facilement. deux jours après les révélations du canard sur son appartement, denisot reçoit sarkozy. sarkozy est comme chez lui. il lance la pub.
il plaisante. denisot l'interroge avec délicatesse et compassion sur la semaine difficile qu'il vient de vivre. car on est déjà deux jours après. et l'agression n'est donc plus qu'un lointain souvenir, qui s'estompe délicatement. sarkozy est la cible des «amuseurs caustiques» de l'émission, qui lui balancent en face (quel courage !) les mots qui fâchent : kärcher, racailles, etc. une association sarkozyste des jeunes de banlieue est là aussi. c'est l'heure des braves. les yeux dans les yeux, on reconnaît bien du talent au camp d'en face. mais pas un mot sur les expulsions d'enfants, si présentes sur le même plateau, les autres jours. l'oeil mouillé, l'invité a choisi un extrait de film émouvant. il lit un extrait de livre émouvant. beigbeder : «il me semble que vous êtes un hypersensible, et que ça ne se voit pas du tout.» un silence : «peut-être pas assez.» peut-être.
peut-être qu'il suffit de créer ces lieux-là, où règnent le rire et l'émotion, pour que tout autre lieu apparaisse grisâtre, lointain, isolé du rond de lumière par un limes invisible, lointaine réserve d'indiens-dissidents. peut-être qu'il n'est besoin de rien d'autre que d'accueillir les dissidents un par un, pour les neutraliser. peut-être qu'il n'est même pas nécessaire de les affamer, de les torturer, ou de leur couper la lumière.
arrive le journaliste de rtl, jean-michel aphatie. aphatie est le trouble-fête, la caution «non berlusconienne» de l'émission. son rôle consiste à rappeler la cruelle présence du «journalisme pur et dur», de celui qui reste coupant, qui exige des réponses, qui reste connecté au réel, qui trempe un doigt dans le charme mais pas davantage, qui ne se dissout pas dans l'empathie ambiante.
mais jean-michel aphatie est ramené à deux questions seulement, deux questions en fin d'émission, parce que beigbeder n'en finit pas de déverser sa mélasse. parce que denisot n'ose pas interrompre la séquence-émotion pour faire entrer aphatie.
cette timidité, ces attendrissements de vieux enfants : et si c'était aussi ça, le berlusconisme ?
et si c'était ça, une recette culinaire du confinement de la parole critique, un art du dosage, de la pincée, juste ce qu'il faut mais pas davantage, juste un courant d'eau fraîche dans la tiédeur du bain moussant, juste ce qu'il faut pour ne pas étouffer, pour ne pas être asphyxié par le trio denisot-beigbeder-sarkozy ? et si c'était ça ? laisser à l'extérieur, à la dissidence, juste assez d'espace, lâcher juste assez de lest, pour qu'alain minc, dans une autre émission de cette semaine-là, puisse camper sarkozy en victime, en remarquant que les panels de tf1 des autres candidats furent, n'est-ce pas, tellement plus douillets.
quelle solution, alors, pour ces alibis ? quelle autre solution que de lâcher leurs bulles, jouer leur rôle, danser dans leur cage, le plus gracieusement possible.
se taire, et fuir ? trépigner ? ce sera transformé en spectacle. on viendra rire du fou. et les puissants soupireront, d'accablement ou d'indulgence. ciseler ses mots, alors. continuer à parler le plus juste possible. faire le gros dos, attendre. lancer des bouteilles à la mer, en espérant qu'un jour elles atteignent un rivage.
11 mars 2007 dans curiosités, france d'après, société | lien permanent
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xavier chaumette, historien de la mode
au xviie, bottes blanches et cheveux hirsutes, de jeunes aristocrates paradaient à la cour
par valentine gay
quotidien : vendredi 2 mars 2007
xavier chaumette est directeur de l'école mod'art international. historie de la mode, il observe avec attention comment les adolescents s'approprien les styles
qu'est-ce qui vous frappe aujourd'hui dans la tenue des adolescents ?
pour la première depuis quinze ans, de jeunes bourgeois issus des centres-ville s'emparent de la mode. après des années de sportswear, on remarque à paris, mais aussi à londres et à new york, l'apparition massive de jeunes minets. ils reprennent les thèmes des années 60 avec des exagérations étonnantes. ils ont des cheveux hirsutes mais très balayés et en contraste avec leurs têtes devenues très volumineuses à cause de leurs brushings, leurs jambes sont très fines, moulées dans des pantalons cigarettes. ils portent des vêtements très étriqués, des petits blousons, et sont minces comme les filles rêvent de l'être. c'est un terrain très favorable pour la mode masculine. ces jeunes adolescents, même s'ils sont influencés par la mode d'hedi slimane, expriment le désir d'affirmer leur différence, voire leur supériorité, après des années de neutralité.
comment analysez-vous ce retour aux années 60 ?
dans une société très standardisée, ils retrouvent dans la musique et l'esthétique des années 60 une authenticité, une créativité et un charme qui aujourd'hui n'existent plus. il n'y avait plus eu de mouvement bourgeois depuis le mouvement bcbg de la fin des années 70, qui incarnait le retour au jazz. ces mouvements sont portés par des gens qui revendiquent une certaine culture, une histoire, contrairement à ceux qui n'ont pas d'histoire. aller aux puces, s'habiller dans des fripes, se confectionner son propre vestiaire alors que le prêt-à-porter offre des produits standardisés, c'est une façon de se cultiver. ce sont des mouvements d'élégance assez courants dans l'histoire.
comment expliquez-vous la coquetterie de ces jeunes hommes ?
il y a chez les jeunes hommes entre 14 et 21 ans un désir d'affirmer un corps différent. c'est un rite de passage dans le monde adulte. soit les adolescents ont peur du corps, soit ils lui vouent un culte débordant. s'intéresser à la mode quand on est adolescent, c'est une façon de manifester sa différence. aujourd'hui, on constate un désir de rompre avec la neutralité. tout à coup, ces jeunes hommes sont plus féminins et même plus à la mode que les filles. même le diktat de la minceur, qui est si fort chez les femmes, touche ces adolescents alors que les mouvements inhérents au rap avaient plutôt véhiculé un corps large et volumineux.
vous dites que c'est un mouvement d'élégance assez commun dans l'histoire. a quand remonte-t-il ?
les premiers témoignages sur les jeunes hommes apparaissent au xviie siècle, pendant la guerre de trente ans. de jeunes aristocrates décident de détourner l'habit militaire pour en faire un costume très branché. ils paradent à la cour avec des bottes blanches et des éperons en or parsemés de diamants. ils ont des cheveux complètement hirsutes, alors que leurs pères étaient extrêmement bien coiffés. ils portent la cadenette, une immense mèche qui vole au vent. ces jeunes nobles sont des flambeurs à une époque où la guerre limite le luxe.
le deuxième mouvement naît à londres, un peu avant la révolution française. on est à la fin du xviiie, à une époque où la révolution industrielle commence à changer la société. les jeunes hommes vont manifester leur pouvoir et leur entrée dans le monde avec une mise extrêmement excentrique. ils portent de tout petits vêtements moulants et des coiffures absolument volumineuses. ce sont des dandys, les golden boys de l'époque. après la révolution, en pleine période de la terreur, apparaît un groupe qu'on appelle les muscadins. on ne sait pas trop d'où ils viennent, ce sont peut-être des voyous, des jeunes gens au chômage, ils sont souvent contre l'armée. ces jeunes gens descendent au palais royal dans une mise très sexuée. ils ont des pantalons très moulants. ils remontent leur vêtement vers le haut. leurs vestes deviennent très courtes, leurs cols gigantesques couvrent les oreilles avec d'immenses foulards et des cheveux hirsutes qui ressemblent presque à des coiffures de punks. sous le directoire, des jeunes excentriques extrêmement précieux se mettent à avaler les «r» en parlant. ce sont les incroyables et leurs copines, les merveilleuses, qui se promènent nues sous de longues robes antiques blanches et qui seront immortalisées par joséphine. et puis, il y a les dandys du xixe siècle qui, dans une société très bourgeoise, revendiquent un raffinement extrême. ils cultivent le mythe de l'aristocratie et affirment un physique à l'encontre d'un père qui incarne la neutralité bourgeoise. ils sont obsédés par la minceur. rappelons que lord byron voyageait toujours avec son médecin diététicien afin de toujours rester mince, alors que le bourgeois, en vieillissant, grossit.
on parle beaucoup de diktat de la minceur, c'est nouveau ?
absolument pas. les jeunes hommes ont toujours voulu être maigres en opposition au corps vieillissant. finalement, le retour des minets a été annoncé par karl lagerfeld qui a maigri pour porter du hedi slimane.
est-ce que l'on trouve des points communs à ces jeunes gens qui, au fil des siècles, ont bousculé les convenances et inventé le style ?
il est curieux de constater que ces jeunes hommes, au fil de l'histoire, ont toujours eu le même amour pour la musique et les transports. au xviie, c'est le cheval. aux xviiie et xixe, les dandys anglais et français paradent dans de somptueuses voitures tirées par des chevaux superbes. les mods, eux, adorent leurs scooters, qu'ils customisent à l'excès. on retrouve donc toujours cet amour de la vitesse. on aime transporter sa copine derrière soi, en amazone, comme les dandys du xixe qui emportaient leurs égéries à bord de cabriolets.
où se procuraient-ils leurs vêtements ?
ils récupéraient des vêtements de théâtre qu'ils détournaient et, comme nos jeunes dandys, ils s'habillaient dans les friperies.
09 mars 2007 dans curiosités, société | lien permanent
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(l'original est là)
prismes et lubies "filosofiques"
3 mars 2007, par rousseau
hier, alain finkielkraut chez guillaume durand reproche à ségolène royal de mettre sur le même plan bach et diam’s. michel onfray, présent lui aussi sur le plateau l’avait précédé sur son blog en ironisant sur les connaissances culturelles de la candidate.
voyons donc l’objet du délit :
http://www.telerama.fr/divers/m0702191604233.html
ainsi, télérama a vu 2 fois mme royal. face à l’insistance du journal pour qu’elle livre ses goûts personnels, nous devinons les tergiversations de la socialiste, car, dit-elle, "je ne sais pas si j’ai envie de répondre sur mes pratiques personnelles. je ne veux pas d’exhibitionnisme."
un finkielkraut se rappelant de finkielkraut aurait pu lui donner acte de cette résistance à l’injonction de dévoilement de la sphère privée et au refus d’une personnalisation de la fonction. que nenni !
la dame finit donc par céder et envoie une télécopie, simple liste (forcément réductrice) de ses propres préférences. et c’est ce document que vont exploiter sans vergogne nos nouveaux "filosofes". que je sache, elle n’a pas théorisé une hiérarchie dans l’absolu, ni disserté sur l’art mineur et l’art majeur, ni même revendiqué une esthétique. non une simple liste. mais l’histoire ne se finit pas là.
pour l’instant, tout ce que l’on peut en tirer, c’est que la réticence de mme royal était bel et bien fondée.
or, dans la même série de télérama, que dit nicolas sarkozy ? extrait de l’article de télérama :
« la chanson est un art majeur , et je vais vous le prouver. » la chanson, sa passion : johnny, bien sûr, « quarante ans de bonheur », mais aussi « les québécois : céline dion, garou... », mais aussi, « je vais vous étonner », raphaël, corneille : « quand il chante, on sent que ça vient vraiment de loin. »
a la lumière de cet éclairage, par quel miracle peut-on, même à admettre les critères finkielkrautiens, pourtant contestables, imputer à ségolène royal un quasi-crime contre la haute culture, sans penser à égratigner quelque peu son adversaire, alors que d’évidence nicolas sarkozy va beaucoup plus loin en essayant de démontrer que la chanson est un art majeur ?
en l’absence d’explications complémentaires, je considère que la caricature de finkielkraut par lui-même devient de plus en plus inquiétante.
quant à michel onfray, c’est encore plus risible. a ce point-là ce n’est plus de la naïveté. car dès le lendemain, le voilà qu’il publie un article d’inspiration montebourgeoise, porté par un sens remarquable de la mesure : le fascisme télévisuel )
mais parions que cela ne lui serve pas de leçon : il continuera de la donner sans aucun doute aux autres.
05 mars 2007 dans crevures, culture, exemple, france d'après, histoire, politique, société | lien permanent
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un noyau de juges très répressifs sévit à la tête du service d'application des peines.
la main de fer des jap de lyon
par olivier bertrand
quotidien : jeudi 1 mars 2007
lyon de notre correspondant
il y a quinze ans, lyon était un exemple en france pour l'application des peines. des magistrats motivés usaient de tous les outils possibles pour éviter les incarcérations systématiques et accompagner les sorties de prison, afin de limiter les récidives. c'est fini. depuis quelques années, un noyau de juges très répressifs a mis la main sur le service d'application des peines. deux chiffres résument la situation. en 2000, 148 libérations conditionnelles étaient accordées à lyon. l'année dernière, 11 seulement pour les maisons d'arrêt.
pierre sermanson, vice-président chargé du service de l'application des peines, admet cette «chute considérable», et assume : «notre politique est plus restrictive, mais je préfère qu'on nous reproche cela plutôt que de voir fustiger un collègue parce qu'il aura mis en liberté un condamné qui commet un crime.» l'argument fait bondir les spécialistes : les libérations conditionnelles débouchent sur des taux de récidive plus bas que les sorties sèches, et les lois perben ii entendaient «redonner de la crédibilité aux alternatives à l'incarcération».
fausser. mais le vice-président sermanson n'est pas sur cette ligne. pour lui, les outils d'aménagement sont des «mesures bienveillantes». il ajoute : «la société souhaite-t-elle que l'on remette en liberté quelqu'un au prétexte qu'il présente des gages ? je ne le crois pas.» civiliste de formation, il répète que sa priorité, «ce sont les victimes». et ponctue: «celui qui viole la loi doit subir une peine, et le latin nous enseigne que la peine renvoie à la souffrance.»
la hiérarchie se garde de commenter publiquement les décisions de ses juges. mais jean-olivier viou, procureur général, rappelle que «l'on protège la société lorsque les gens comprennent le sens de la peine, et se réinsèrent». pierre garbit, président du tribunal, ajoute : «chacun d'entre nous s'interdit de juger les décisions des juges d'application des peines [jap, ndlr]. néanmoins, ils sont en quelque sorte les délégataires de la juridiction qui a prononcé la peine. il leur incombe de mettre en oeuvre toutes les possibilités d'aménagement prévues par la loi, sans dogmatisme ni rigidité.»
a lyon, tous les outils patinent. le centre de semi-liberté connaît depuis septembre un régime peu favorable à la réinsertion (lire sur libération.fr). les bracelets électroniques sont délivrés au compte-gouttes (47 en 2006). et aucun placement extérieur (pour des stages ou des chantiers) n'a été prononcé l'an dernier. la direction régionale de l'administration pénitentiaire a d'ailleurs retiré lyon de ses statistiques, pour ne pas les fausser. lionel perrin, de l'observatoire international des prisons (oip), calcule que lyon compte 2 % de la population carcérale, mais seulement 0,6 % des libérations conditionnelles françaises, et 13 % des révocations.
comparaison. la chute des libérations conditionnelles a commencé avec l'arrivée de christophe trillou, nommé jap en septembre 2000, après quatorze ans de parquet. le magistrat explique que les textes venaient de changer, ce qui rendrait toute comparaison invalide. mais la loi a changé partout en même temps, et les conditionnelles ont progressé de 5 % en france de 2000 à 2001, pendant qu'elles passaient à lyon de 148 à 6. «peut-être que j'ai une pratique plus rigoureuse que mes collègues vis-à-vis de la loi», réagit christophe trillou. le jap assure n'avoir «pas de volonté de faire passer une philosophie quelconque». mais il ajoute: «lorsque quelqu'un vient me voir parce que sa grand-mère a été traînée par terre pour lui piquer son sac et qu'elle ne comprend pas que l'on offre une deuxième chance à l'auteur, je ne pourrais pas expliquer.»
d'autres juges du service développent des pratiques curieuses. l'un d'eux s'occupe par exemple des remises de peines supplémentaires, accordées aux détenus en fonction des efforts fournis en détention. le système mis en place à lyon est tellement rigide qu'il enlève automatiquement les deux tiers des remises possibles aux détenus qui n'ont pas d'obligation de soin ni de parties civiles à indemniser. «cela ne me paraît pas anormal, ils fournissent moins d'efforts», approuve pierre sermanson, qui admet cependant que la suite est «aberrante» : l'année dernière, plusieurs détenus ont remboursé leurs victimes avant même d'être incarcérés, mais le jap leur a refusé les remises de peine, car il ne prend en compte que les versements effectués «durant la détention». depuis, le service pénitentiaire d'insertion et de probation recommande aux détenus d'attendre l'incarcération avant de rembourser.
les stratégies de contournement se multiplient. les avocats bien peu investis par ailleurs sur l'application des peines conseillent à leurs clients de demander des transferts, plutôt que des conditionnelles. l'administration pénitentiaire affecte depuis peu à villefranche-sur-saône les détenus devant passer en comparution immédiate à lyon. ainsi les courtes peines auront ensuite un jap fonctionnant normalement. pareil pour les malades. lorsqu'ils sont en état d'être transférés, l'unité hospitalière sécurisée interrégionale renvoie les détenus vers des prisons où les jap accordent des aménagements, car les libérations conditionnelles médicales sont impossibles à obtenir à lyon, même lorsque le pronostic vital est engagé. certains magistrats, enfin, contournent eux-mêmes leurs collègues défaillant, en prononçant dès l'audience des peines aménagées, avec application immédiate. de la chancellerie au fin fond des cellules, tout le monde connaît la situation. le syndicat de la magistrature et la cfdt ruent dans les brancards, les autres critiques sont plus feutrées. pierre vittaz, premier président de la cour d'appel de lyon, refuse de s'exprimer sur le sujet, mais l'un de ses collaborateurs confie : «il suffit de regarder les chiffres pour comprendre le problème, mais c'est très complexe car on touche à l'indépendance du juge, qui est plus importante que tout.» les juges d'application lyonnais restent intouchables tant qu'ils respectent la loi. même s'ils en trahissent l'esprit.
ecoeurés. plusieurs jeunes juges ont tenté un travail plus dynamique. mais ils sont repartis, écoeurés. «le fonctionnement de ce service me semble dicté par le confort, soupire emmanuel razous, resté jap durant deux ans. la politique très restrictive et les dysfonctionnements tarissent la source. lorsqu'un jap tente de mettre en oeuvre une dynamique d'aménagement avec comme ligne d'horizon l'absence de récidive, il se retrouve marginalisé, culpabilisé.»
l'application des peines est désormais une forteresse repliée sur elle-même. les oppositions se sont cristallisées. pierre sermanson sait tout le mal que la plupart de ses collègues et la hiérarchie pensent de son service. mais il se recule dans son fauteuil pour lâcher en souriant : «je suis indépendant et inamovible. cela déplaît, mais je resterai là jusqu'à ma retraite.»
02 mars 2007 dans france d'après, société | lien permanent
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invisibles et relégués dans le bois de vincennes
sdf, rmistes ou intérimaires, rencontre avec des sans-logis aux portes de paris, qui ont abandonné toute idée d'un logement pérenne.
par tonino serafini
quotidien : mardi 20 février 2007
pour trouver félix, il faut laisser la grande avenue qui borde le bois de vincennes, à paris, bifurquer dans l'une des allées vouées à la promenade, prendre un chemin moins fréquenté, puis quitter les sentiers battus et s'enfoncer dans les arbres. au fond d'une parcelle, une baraque avec un toit en pente. autour, une multitude de signes de vie : un sac en toile contenant des bouteilles d'eau en plastique, un coin cuisine en plein air, et une corde pour étendre le linge. «il y a quelqu'un ?» une voix répond. bruit de clé dans la serrure. félix, 42 ans, originaire de la guadeloupe, vit ici depuis un an et demi. «avant j'avais un appartement. je n'arrivais plus à payer les loyers. un jour, on m'a convoqué pour remettre mes clés. je me suis retrouvé dehors.»
«pire». la première nuit, il a dormi dans le bois, à même le sol. «c'était le 8 août 2005.» dans les jours qui ont suivi, il a été vu par des employés de la ville de paris qui l'ont «dirigé» vers des centres d'hébergement d'urgence. mais aucune solution stable ne lui a été proposée. «quand t'es à la rue, t'es à la rue.» il est revenu dans le bois. «au début, j'ai planté des piquets et j'ai mis des bâches en plastique dessus.» dans les semaines qui ont suivi, il a songé à construire quelque chose. «dormir dehors, c'est ce qu'il y a de pire.» il s'est lancé en quête de matériaux : planches, poutres, palettes, abandonnées sur les trottoirs. «pour ramener le matériel, j'attendais qu'il fasse nuit pour ne pas me faire repérer.» l'étanchéité du toit de sa maison d'une dizaine de mètres carrés est assurée par du linoléum de récupération. «les seules choses que j'ai achetées ce sont des vis et des boulons» pour l'assemblage .
«perdus». félix alterne missions d'intérim dans le bâtiment et rmi. il laisse entendre qu'il a renoncé à l'idée de trouver un vrai logement. «ces personnes auxquelles on n'a pas tendu la main à temps ne sont plus dans la société. la société les a perdus», affirme jacques deroo, éducateur, ancien sdf et auteur du livre salauds de pauvres. selon le dernier rapport de la fondation abbé pierre, «les deux grands bois parisiens, vincennes et boulogne» abritent «200 personnes» chacun. elles y vivent souvent en ordre dispersé une baraque par ci, une tente par là et toujours cachés, «pour d'évidentes raisons de sécurité», souligne hector cardoso du secours catholique. et aussi pour ne pas être vu par la première patrouille de police. «quand je me suis retrouvé à la rue, j'ai commencé avec des cartons à vincennes. après j'ai acheté une toile de tente», raconte daniel, la soixantaine, dans le bois depuis vingt-sept ans. «plusieurs fois des employés du service de la sécurité m'ont dit: "dégagez." alors, j'allais m'installer plus loin. il fallait être invisible.» a présent, daniel vit dans l'un des rares campements collectifs, baptisé le «camping des écureuils du pied du chêne». c'est écrit sur une banderole de tissu blanc sur laquelle figurent les prénoms des cinq occupants, daniel, jeannot, jérôme et un couple, thierry et monica. ils sont invisibles, malgré une relative proximité avec le château de vincennes. pour arriver jusqu'à eux, il faut cheminer au milieu des arbres. sous de grandes tentes bleues, certains disposent de la télé, qu'ils font fonctionner avec une batterie de voiture.
«feuille morte». hors les bois, on trouve des baraques de sdf, dans les interstices des villes, ces rares espaces fonciers laissés vacants par l'urbanisation. comme le quai d'ivry, sur une bande de terre coincée entre l'autoroute de l'est et la seine. dans l'une de ces baraques, jean-claude, 50 ans, en train de lire le roman de l'elysée, un essai politique de françois d'orcival. c'est aussi un lecteur de journaux : libération , le monde , le parisien . il habite là depuis dix ans. originaire de l'est de la france, il est arrivé à paris en 1981 après avoir raté son bac. il a fait beaucoup de boulots. pendant une quinzaine d'années, il a logé dans des meublés. et puis il y a eu une rupture. un choc. il dit juste qu'il «a eu la scoumoune». il a abandonné sa chambre. a arrêté de travailler. «j'ai l'impression que je suis comme une feuille morte. je n'ai pas de projet. je ne sais pas ou la vie me mènera.» lui aussi a renoncé à toute idée de logement pérenne. «c'est pas avec mon rmi que je vais trouver un appartement», dit-il avant de replonger dans le monde de l'elysée.
22 février 2007 dans société | lien permanent
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gérard mauger, sociologue, analyse l'évolution des rapports entre jeunes et policiers :
cités, le «face-à-face permanent»
par jacky durand
quotidien : mardi 13 février 2007
gérard mauger, sociologue, directeur de recherches au cnrs (1), décrit l'évolution des bandes de jeunes, depuis trente ans, alors que le projet de loi sur la prévention de la délinquance est examiné, à partir d'aujourd'hui, en deuxième lecture à l'assemblée nationale.
les bandes de jeunes en 2007 ressemblent-elles à celles d'il y a trente ans ?
elles se ressemblent, en effet, dans la mesure où il s'agit, dans les deux cas, de formes de sociabilité de voisinage des jeunes des classes populaires, et dans la mesure, aussi, où elles entretiennent, aujourd'hui comme hier, le culte des valeurs de virilité avec ses défis et ses bastons, ses territoires et ses réputations à défendre, ses affrontements entre bandes rivales.
comment les pratiques déviantes ont-elles évolué ?
ces similitudes s'accompagnent de multiples transformations. l'essentiel est, je crois, le brouillage des frontières entre le «monde des bandes» et le «milieu», celui de la délinquance professionnelle. alors que les pratiques illégales des loubards se cantonnaient à la baston et à des vols utilitaires, aujourd'hui les jeunes des cités, affectés à la culture de rue, sont inégalement investis dans l'économie souterraine (deal et «bizness»). pour rendre compte de ces mutations, il faut prendre la mesure des effets des transformations du système scolaire et du marché du travail, à commencer par l'extension du chômage et de la précarisation, et par la recherche d'alternatives au salariat. mais il faut aussi analyser les incidences de la métamorphose des banlieues rouges en quartiers sensibles, tenir compte des effets induits par l'apparition et la diffusion de la consommation de drogues chez les jeunes des classes populaires à la fin des années 70, comme l'émergence d'une économie souterraine.
comment ont évolué les discours de stigmatisation sur ces jeunes ?
la compassion a cédé la place à la stigmatisation. schématiquement, dans le discours dominant, l'«enfance en danger» a été remplacée par l'«enfance dangereuse». la mise en cause de la «responsabilité individuelle» et le refus viril de l'«excuse sociologique» se sont substitués à la mise en avant de la «détresse psychologique et sociale». et, dans la mesure où la délinquance est souvent le fait d'enfants d'immigrés, tout simplement parce qu'ils sont au centre de la nouvelle question sociale (déscolarisation, précarisation, discriminations) on assiste du fait de l'écho trouvé par les thèses du front national et de la surenchère sécuritaire à la résurgence de discours plus ou moins explicitement racistes.
comment comparez-vous l'approche des politiques sur ces jeunes il y a trente ans et aujourd'hui ?
on peut la résumer à un alignement tendanciel de la gauche de gouvernement sur les partis de droite qui tendent eux-mêmes à s'aligner sur le fn : cette surenchère sécuritaire a eu pour conséquence le renforcement ininterrompu d'un arsenal législatif pourtant déjà très dense. pour en rendre compte, il faudrait retracer les luttes symboliques qui opposent, depuis trente ans, au sein des médias et du microcosme politique, mais aussi au sein du monde de l'expertise et de la sociologie, les différentes catégories de producteurs de représentations et d'interprétations de la délinquance, des jeunes des cités, des quartiers sensibles, etc.
comment ont évolué les relations entre ces jeunes et la police ?
tous les sociologues qui se sont intéressés à la question constatent une dégradation constante. dans ces quartiers sensibles, la police intervient sur tous les registres de l'action répressive : du contrôle d'identité jusqu'à l'opération de maintien de l'ordre massive, en passant par les opérations de police judiciaire (interpellations, perquisitions, etc.). d'où un face-à-face permanent entre les jeunes des cités les plus désoeuvrés et les policiers les moins expérimentés. c'est ainsi que les relations, entre les jeunes des cités et les policiers, sont devenues structurellement conflictuelles, accompagnées de violences symboliques et physiques réciproques.
la manière dont ces jeunes envisagent leur avenir a-t-elle changé ?
il me semble qu'elle s'apparente à celle des sous-prolétaires algériens qu'avait étudiés pierre bourdieu : elle oscille entre onirisme social et démission fataliste, entre désespoir et rage impuissante. mais, sans doute faut-il nuancer en tenant compte, par exemple, des aspirations consuméristes associées à l'intériorisation de la «culture jeune»...
13 février 2007 dans société | lien permanent
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grands angles
kosovo
terrés depuis leur expulsion
shpresa et jusuf raba et leurs trois enfants, expulsés après cinq ans passés en haute-saône, sont devenus des parias dans leur petite ville de rahovec, au kosovo. a la honte du viol subi par la mère en 2001 s'ajoute celle d'être les seuls albanophones reconduits de force.
par olivier bertrand
quotidien : mardi 6 février 2007
rahovec (kosovo) envoyé spécial
les raba se sont aménagé une petite france, au rez-de-chaussée d'une maison de rahovec, au kosovo. ils y vivent retranchés du pays, repliés sur eux-mêmes. qirim, le fils aîné, 8 ans, conserve dans une grande enveloppe les lettres et dessins que lui envoient, de france, ses copains de classe. jusqu'en novembre, il allait à l'école à gray (haute-saône). puis un matin, des gendarmes ont frappé à la porte, à l'heure du petit déjeuner. sa famille a été expulsée trois semaines plus tard, par avion spécial, après cinq ans passés en france. quel enjeu, quelle urgence, pour mobiliser de tels moyens afin d'éloigner deux parents et leurs trois enfants ? les raba ne savent pas. tout le monde à gray témoigne de leur excellente intégration, de la vitesse à laquelle ils ont appris le français. les voisins, les instituteurs, des militants, appellent à tour de rôle sur les téléphones portables. des colis arrivent régulièrement, avec des livres en français, des jouets pour les trois enfants. une profusion qui noie un peu la famille, et ne pousse pas à se projeter au kosovo. les raba ne le veulent pas. ils veulent rentrer en france, le plus vite possible.
la maison où ils ont agencé leur camp retranché est louée d'ordinaire par des fonctionnaires internationaux (1). refuge confortable, comparé aux premières semaines, où ils étaient terrés dans une pièce chez les parents de jusuf, le père, avec les cris de la grand-mère, fragile avant la guerre, folle depuis. mais les conditions de vie restent rudes. l'électricité, rationnée au kosovo, fonctionne trois heures, puis est coupée pendant six heures. il faut le soir surchauffer la chambre dans laquelle la famille de cinq personnes dort. la pièce devient glaciale au milieu de la nuit. le jour, les raba vivent dans la pièce d'à-côté, également surchauffée. les enfants (3, 4, 8 ans) s'agitent, crient, pleurent, tournent en rond et se disputent.
les parents craquent. des poches sombres sous les yeux de jusuf trahissent le début de dépression qu'il soigne aux antidépresseurs. ce huis clos familial n'est rompu que par les quelques courses dans une épicerie voisine. le reste du temps, personne ne sort. les parents disent qu'ils ont peur, car shpresa, la femme de jusuf, a été agressée, en 2001. ils ne savent pas si l'auteur vit encore dans la région.
sont-ils réellement menacés? ce n'est pas certain, ni totalement exclu, car la mère a donné le nom de son agresseur. mais les circonstances de leur fuite, puis celles de leur retour, rendent impossible une réinsertion dans cette ville, où la famille se trouve en état de mort sociale.
jusuf (27 ans) et shpresa (26) sont nés dans ce bourg de 25 000 habitants, au pied des montagnes kosovares, à soixante kilomètres de pristina. il y reste une minorité serbe, repliée dans le ghetto voisin. quelques roms. le reste de la ville est peuplé de musulmans albanophones, comme eux. ils se sont connus vers l'âge de 10 ans et avaient alors de nombreux copains serbes. puis les violences interethniques ont ravagé la région où l'armée de libération albanaise, l'uck, était bien implantée. jusuf et shpresa se sont mariés au sortir de l'adolescence. ils ont vécu chez les parents de jusuf et ont tourné le dos à la guerre. plutôt que de rejoindre l'uck, jusuf a travaillé comme bûcheron avec son père. un jour, la grande maison familiale a été incendiée. les ruines sont toujours là, légèrement noircies, avec de longs arbres fins qui ont poussé dans le salon. qirim avait trois semaines. ils ont fui vers l'albanie, dans un camp de réfugiés, et ne sont rentrés qu'après les bombardements de l'otan.
«toi trop ami des serbes»
au retour, un ami serbe, en fuite vers belgrade, leur a prêté un appartement dans le centre. c'est là, dit shpresa, que s'est produite l'agression, en 2001. trois hommes ont d'abord tenté d'enrôler son mari, en se disant de l'uck. jusuf: «ils m'ont dit: "viens avec nous, on va brûler maisons serbes." moi j'ai dit je ne brûle pas de maisons serbes. j'ai beaucoup d'amis serbes. ils ont dit : "toi, tu es trop ami des serbes."» officiellement, l'uck était déjà dissoute à l'époque. «mais n'importe qui pouvait s'en revendiquer, et c'est vrai que quelques maisons serbes ont été incendiées dans cette période-là», concède beqir haxhijaha, officier «chargé des retours» au sein de la municipalité, et l'un des rares habitants à avoir rendu visite à la famille. une fonctionnaire internationale l'avait alerté sur leur sort. shpresa lui a raconté l'agression.
quelques jours après la tentative d'enrôlement de jusuf, l'un des trois hommes serait revenu, seul, pour agresser shpresa. il travaillait de nuit, dans la sécurité, à rahovec ; habitait malicevo, ville voisine, albanophone et radicale, point de départ de la résistance. ces confidences embarrassent beqir haxhijaha. elles souillent l'image de l'uck, et la vie sociale, au kosovo, s'organise en clans familiaux; il n'est pas recommandé de s'intéresser aux affaires des autres. mais shpresa lui a donné le nom de l'agresseur, et ceux des deux autres hommes.
«toute ta famille reste sale»
la jeune femme dit que l'agression sexuelle a fait d'elle un paria dans la ville. «ici, soupire-t-elle, si tu as été violée, tu es salie, et toute ta famille reste sale. même tes enfants, après, ils ont du mal à se marier.» le code d'honneur albanais a même longtemps imposé au mari de tuer sa femme, pour laver la famille. shpresa assure que son père, informé de l'agression, a demandé à jusuf de le faire. kristin (2), fonctionnaire internationale qui l'a rencontrée et qui connaît bien la région, relativise : «le code d'honneur n'est plus en vigueur que dans les villages très reculés. il s'agit d'une mort symbolique, une répudiation.» comme tout le monde à rahovec, les parents de shpresa savent qu'elle est rentrée. ils ne se sont pas venus la voir.
a la honte de l'agression, s'ajoute celle de l'expulsion. revenir avec des policiers, sans un sou ni papiers, n'est jamais bien perçu. mais il y a plus ennuyeux, dans le cas des raba. de toute l'année 2006, à rahovec, ils sont les seuls albanophones à avoir été reconduits de force. les statistiques de la mission d'administration intérimaire des nations unies au kosovo (minuk) dénombrent 58 rapatriements forcés. des roms et des «egyptiens», minorités d'ailleurs menacées. la plupart venaient d'allemagne ou de suisse. une seule famille a été refoulée de france. les raba. «personne, dit shpresa, ne peut croire que la france a expulsé sans raison. les gens, ils disent jusuf, il a volé, ou il a fait quelque chose avec la drogue.»
difficile de vérifier la perception des habitants. quelques regards ironiques accompagnent les français qui visitent les raba. personne ne veut se mêler de l'histoire. mais tout le monde sait que les cinq frères et deux soeurs de jusuf ont tous obtenu l'asile politique, et certains, la nationalité française (3).
beqir haxhijaha, 58 ans, ancien professeur au collège, influent à la mosquée centrale, connaît bien la ville, ses familles. il interprète le sentiment général: «tout le monde se dit que s'ils reviennent après cinq ans en france et avec deux enfants nés là-bas, alors que tous les autres ont été intégrés, c'est qu'ils étaient mauvais pour la société française.» kristin, la fonctionnaire internationale, a constaté ce rejet. il y a quelques semaines, à sa demande, des collègues kosovars ont cherché une maison, afin que les raba prennent leurs distances avec la grand-mère. personne ne voulait leur louer. seul le propriétaire d'un magasin de confection a accepté, contre un loyer élevé. réseau education sans frontières verse 200 euros par mois.
l'histoire est revenue aux oreilles de massamba seck, représentant de la minuk à rahovec. il hoche la tête, et commente en français: «la question de l'immigration est très politisée chez vous. par moments, nous avons du mal à comprendre comment les choix sont faits. les populations locales se retrouvent à gérer des situations impossibles.»
que peut-il advenir à présent ? marie-noëlle fréry, avocate des raba depuis décembre, espère un retour officiel, pour qu'une nouvelle demande d'asile soit déposée, et instruite soigneusement. mais la famille perd patience, parle de revenir clandestinement. ce sera difficile. les frontières se sont refermées et les prix envolés. il faut désormais 12 000 euros pour cinq personnes, contre 10 000 marks (5 100 euros) pour trois en 2001.
«je crois qu'ils sont grillés»
autre possibilité: surmonter la honte, les peurs, et tenter de se réinsérer ? pour cela, il faudrait distendre progressivement les liens avec la france. mais jusuf et shpresa menacent de se tuer plutôt que de rester. a rahovec, tout le monde doute d'une intégration. kristin relève que les enfants ne comprennent que le rahoveci. avant, ce dialecte local très inspiré du serbe servait de creuset aux communautés. il est à présent rejeté, interdit à l'école. «ils se retrouvent dans un enfermement total, avec sans doute une part de rejet psychologique, ajoute la fonctionnaire. mais je crois aussi qu'ils sont grillés, du fait de l'agression et des soupçons liés à l'expulsion.» elle a signé une lettre envoyée le 15 décembre à nicolas sarkozy par un autre fonctionnaire international, contre le gré de leurs supérieurs. le courrier explique la situation, demande s'il n'est pas possible de réexaminer la situation. l'allemagne et la suisse, lorsqu'elles sont ainsi alertées, acceptent de reconsidérer les dossiers, et parfois de revenir en arrière. elles accusent au moins réception. le ministre de l'intérieur n'a pas encore répondu.
beqir haxhijaha, lui aussi, a écrit, en anglais. sans plus de réponse. «ces enfants me touchent, dit-il. ils sont perdus, totalement tournés vers la france. pour moi, le mieux qui puisse arriver à ces gens maintenant, c'est de quitter ce pays.»
http://www.liberation.fr/transversales/grandsangles/233226.fr.php
© libération
07 février 2007 dans société | lien permanent
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resf dénonce une "rafle"
de sans-papiers
nouvelobs.com | 01.02.2007 | 08:41
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une vingtaine de personnes auraient été arrêtées alors qu'elles venaient aux restos du cœur, mardi, à paris, selon le réseau éducation sans frontières.
le réseau éducation sans frontières (resf) dénonce la "rafle" d'une vingtaine de sans-papiers, mardi 30 janvier, place de la république, à paris. ces personnes venaient chercher un repas aux restos du cœur, souligne l'association.
"une rafle comme on en voit plusieurs fois par semaine à paris depuis le mois d'août ?", s'interroge resf. "celle-ci a quelque chose de particulier", précise l'association, car "au même moment, sur le terre-plein central de la place de la république, les restos du coeur organisent une distribution de 400 repas, comme tous les mardis, jeudis et samedis à cet endroit".
"comme pour les bêtes"
"les habitués de cette distribution arrivent en métro et sont contrôlés, embarqués", poursuit resf. "c'est comme pour les bêtes : l'appât au centre, les chasseurs en embuscade, les fourgons pour évacuer les prises. cette rafle ciblée (...) a été exécutée sur réquisition du procureur de la république qui avait ordonné des contrôles entre 19h et 23h sur un périmètre comprenant la place de la république et ses environs", explique resf.
la préfecture de police a confirmé que "vingt-et-une personnes ont été interpellées", précisant qu'il s'agissait d'une "opération de routine".
"une 'opération' du même ordre a eu lieu il y a une quinzaine de jours", précise resf. "les forces de l'ordre s'étaient postées sur la place même, bien visibles. ce jour-là les restos du cœur n'ont distribué que 150 repas au lieu des 400 habituels".
l'association croit savoir que les ordres viennent du "ministre de la chasse aux étrangers", le ministre de l'intérieur nicolas sarkozy. "toutes les rafles sont intolérables, celles qui prennent pour cible les gens qui ont faim sont immondes", conclut resf.
01 février 2007 dans france d'après, société | lien permanent
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dominique barella, ex-magistrat et conseiller de royal, critique la toute-puissance de l'exécutif :
«sarkozy a pris la tête de la justice»
par jacqueline coignard
quotidien : samedi 27 janvier 2007
dominique barella, ex-président de l'union syndicale des magistrats (usm), actuellement en détachement, fait partie de l'équipe de conseillers de ségolène royal. dans opa sur la justice (1), il décrit un pouvoir exécutif ministre de l'intérieur en tête cherchant à asservir le «troisième pouvoir» en jouant sur toute une palette de moyens : attaques directes, pressions, gestion des carrières, distribution de médailles...
sur le même sujet
* chirac au menu de courroye
quelle charge ! vous aviez besoin de vous défouler ?
pendant mes six années à l'usm, j'ai eu l'occasion de réaliser à quel point la ve république, par son caractère bonapartiste, fait tout dépendre du chef de l'etat. il préside le conseil supérieur de la magistrature (csm), nomme tous les magistrats par décret, etc. l'onction du suffrage universel tient tellement du sacre que personne ne s'étonne plus de telles particularités. c'est un système qui organise la toute-puissance de l'exécutif au détriment du parlement et de la justice notamment. il n'y a pas de neutralité et d'indépendance possibles pour la justice. certes, ce n'est pas nouveau. mais, depuis quatre ans, l'instrumentalisation de la justice atteint des sommets.
comment se manifeste cette instrumentalisation ?
le jeu des nominations a été très instructif. prenons le cas d'yves bot, proche de nicolas sarkozy, nommé à la tête du parquet de paris en 2002. il s'est empressé de changer la quasi-totalité des chefs de service et d'assécher le pôle financier en traitant les affaires sous forme d'enquêtes préliminaires dont il gardait la maîtrise. depuis quatre ans, nous avons aussi des gardes des sceaux qui revendiquent leur pouvoir d'intervention dans des dossiers individuels, qui se flattent de ne pas suivre les avis du csm en matière de nomination des magistrats. enfin, cette législature finissante se distingue par l'omniprésence d'un ministre de l'intérieur lancé depuis des mois dans la course à l'elysée. c'est un homme qui a pris la direction de la justice en initiant des réformes de procédure pénale qui ont échoué sur outreau, qui n'hésite pas à multiplier les pressions publiques sur les juges, qui s'est servi de la justice dans l'affaire clearstream pour lutter contre le premier ministre.
sarkozy est le principal raider de cette «opa sur la justice» ?
et pour quel résultat ! c'est quand même lui qui a fini par déclencher un état d'urgence, une première depuis la guerre d'algérie... il a tout joué sur les effets d'annonce à court terme. mais tous les gens arrêtés ne sont pas forcément coupables. et il y a grand danger à mesurer, comme il le fait, l'efficacité de la police au nombre de gardes à vue réalisées. comme ça ne marche pas, il cherche des boucs émissaires : les juges sont laxistes, il faut des peines automatiques, etc. sur le plan doctrinal, il a une conception automatiste de la sanction. or les mineurs dont il parle ont soixante ans de vie ou même plus devant eux. il faudrait peut-être penser à les réinsérer.
le corps judiciaire ne s'accommode-t-il pas de ces pratiques ?
c'est un système qui joue sur les faiblesses humaines et le besoin de reconnaissance. on ne devient pas un parangon d'indépendance et de courage juste en enfilant une robe de magistrat. pas plus qu'en se voyant octroyer une carte de presse, d'ailleurs. les magistrats ne sont pas aidés par ce système de distribution de médailles et de gestion des carrières. l'interdiction de recevoir des médailles qui frappe les députés et sénateurs au motif de la séparation des pouvoirs devrait être étendue aux magistrats. l'usm l'avait proposé. sans grand succès.
pourquoi avez-vous choisi de vous engager politiquement ?
j'ai envie de me battre pour corriger les dérives que je constate et que je décris dans ce livre. arrive un moment où il faut prendre son courage à deux mains et aller jusqu'au bout de sa logique. quand on voit l'affaire des hlm de la ville de paris où un juge a subi toutes les manoeuvres de déstabilisation possibles, ou clearstream où la justice a été instrumentalisée avec un listing bidon, on ne peut pas rester bras ballants. dans n'importe quel pays européen ou aux etats-unis, le gouvernement aurait sauté. au moins, en matière d'interventionnisme et de verrouillage des postes clés, la gauche a moins péché dans sa période récente. ségolène royal écoute les citoyens «sachant» dans leur domaine. je fais des propositions. Ça se tente.
quelles propositions faites-vous à royal ?
je suggère d'associer le plus possible les citoyens aux décisions de justice, comme dans les tribunaux pour enfants où la composition du tribunal est mixte. il s'agit de rétablir un lien de confiance qui n'existe plus. autre axe prioritaire : la défense des libertés publiques. il faut absolument faire baisser les détentions provisoires, par le biais de l'assignation à résidence avec contrôle policier, par exemple. enfin, je prône un réaménagement de la carte judiciaire. dans les tribunaux d'instance, il faudrait regrouper la justice «ambulatoire», celle qui touche tout le monde et qui doit être proche géographiquement : divorces, tutelles, tribunaux pour enfants, accidents de la route. a l'inverse, les opérations judiciaires lourdes comme les affaires criminelles devraient être centralisées à un échelon départemental, voire régional.
(1) a paraître début février chez hachette littérature.
30 janvier 2007 dans crevures, france d'après, politique, société | lien permanent
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la présidentielle vue de serris-val-d'europe
«chacun vit son train-train»
serris est une commune champignon poussée à un jet de pierre de disneyland. dans les rangées de pavillons neufs, les habitants apprécient la tranquillité et les équipements collectifs. la politique locale ou nationale ne déclenche aucune passion dans cette population «homogène» de jeunes couples avec enfants.
par fabrice drouzy
quotidien : vendredi 26 janvier 2007
serris (val-d'europe) envoyé spécial
une cinquantaine de pavillons d'un étage avec des toits de tuiles ocre bâtis par bouygues. chaque maison a un garage et un jardin dans lesquels traînent des vélos ou des toboggans en plastique. julie (1) habite dans la partie «vieille» de serris. elle est arrivée avec son mari en 1999, ce qui fait d'elle une historique du lotissement. depuis, une fillette de 4 ans et un petit garçon de 15 mois ont agrandi la famille.
antoine accueille le visiteur avec suspicion : il sort d'une bronchiolite et appréhende l'arrivée du kiné. dans le salon, il y a du linge qui sèche, beaucoup de jouets, des dvd pour les petits. un désordre de vie de tous les jours.
julie et son mari sont propriétaires: la maison a été achetée 115 000 euros. elle vaut le double aujourd'hui. mais pas question de partir, le val-d'europe correspond à ce qu'ils souhaitaient : «le calme», «la verdure», le centre commercial juste à côté, et toutes ces infrastructures pour les enfants. «il y a plein d'associations, explique la jeune femme, des réseaux d'assistantes maternelles, des aides aux devoirs.»
«dans la journée, il n'y a personne»
en face, vivent muriel et son mari. eux aussi sont arrivés en 1999, eux aussi attirés par la tranquillité et les services municipaux. chez elle, il y a des couleurs chaudes, des objets en bois, des souvenirs des îles qui contrastent avec le côté impersonnel de l'extérieur. côté ambiance, ils ont été un peu déçus. «avec les voisins, c'est juste bonjour bonsoir, regrette l'infirmière martiniquaise en surveillant ses deux enfants qui jouent devant la télé. on pensait que, comme on était à peu près tous du même âge, il y aurait plus d'amis à se faire. mais on a vite déchanté.» les relations sont venues «grâce à l'école». avec la maternelle et ses repas à thème, où les mères d'origine étrangère sont invitées à faire de la cuisine de leurs pays, des fêtes déguisées, des sorties...
deux numéros plus loin, m. nô reçoit dans une grande pièce blanche ornée de quelques souvenirs du cambodge. il est à serris depuis six ans et «travaille dur pour payer la maison». six jours sur sept, à evry, où il est cuisinier et barman. le matin, il part à 5 h 30 et doit parfois dormir sur place quand il finit trop tard. il n'a jamais vraiment pris le temps d'apprendre le français, croit aux vertus de l'effort «aide-toi et le ciel t'aidera», répète-t-il , apprécie lui aussi le calme d'une ville où il ne sort guère, et votera sarkozy.
mais, entre les courses au centre commercial, les tâches ménagères, le jardin... il reste peu de temps pour s'intéresser à la vie politique. d'ailleurs, à serris, «tout est impeccable, c'est propre, bien entretenu, il n'y a pas grand-chose à dire», remarque julie, plutôt le coeur à gauche. les impôts sont bas, la mairie à l'écoute... et puis «les gens partent tôt, rentrent tard. dans la journée, il n'y a personne», note stéphanie, magasinière à auchan, qui vient de finir son service de nuit.
tout le monde travaille à serris le taux de chômage y est inférieur à 4 %. des emplois plutôt modestes : employé chez disney, cuisinier ou boulanger, aide-comptable, taxi, agent à la sncf, aide maternelle... les riches sont plutôt dans la commune voisine, à magny-le-hongre, près du golf et des beaux hôtels. ici, il faut deux salaires pour payer les crédits et les traites des pavillons qui courent sur quinze ou vingt ans. le prix de la tranquillité.
«c'est une population relativement homogène, confirme olivier suty, directeur de cabinet à la mairie de serris. des familles avec enfants en bas âge ou voulant s'agrandir, qui viennent de la première ou deuxième couronne de paris, chassées par les prix de l'immobilier et l'environnement dégradé et jugé insécure.»
«quelques graines et "pouf, c'est là"»
alors, la politique, on la voit de loin... «quand ils arrivent ici, les gens commencent à planter, à tondre la pelouse ; ensuite, ils regardent la télé. puis ils commencent à s'emmerder et, là, ils se pointent à la mairie pour s'investir dans la vie communale, sourit jean calvet, conseiller général (verts). pour savoir où on en est, je regarde les haies : quand les thuyas et les sapins auront 1,50 m, les gens passeront à autre chose...»
serris est née au début des années 90. avant, il n'y avait que des champs à perte de vue et moins de 500 habitants serrés autour d'une grande rue. ils sont aujourd'hui 6 000 et seront sans doute le double à la fin de la décennie. a terme, on attend 60 000 personnes dans l'agglomération et autant d'emplois, espèrent les élus.
parce qu'on est à deux pas de disney, le décor va avec : un horizon de carton-pâte, le copier-coller d'une banlieue américaine idéalisée. sur des kilomètres, des centaines de maisons identiques s'alignent sagement le long des haies taillées au cordeau. un chemin de sable longe les façades couleur crème égayées par des guirlandes électriques. il y a des bancs, des arbres avec tuteurs, une coulée verte qui mène au lac artificiel et des panneaux invitant à ne pas dépasser les trente kilomètres à l'heure. au loin, on aperçoit les toits du centre commercial, mélange d'architecture néoclassique, de fausses halles baltard, de place toscane reconstituée... tout est propret, coquet. «c'est vrai, on dirait qu'on a mis quelques graines et "pouf, c'est là"», rigole un habitant.
gauche et droite mélangées
faute de place de village, paradoxalement, c'est via le monde virtuel que sont évoqués les problèmes les plus concrets. a quand une boulangerie ouverte le dimanche ? la piscine sera-t-elle prête pour l'été ? que penser du nouvel escalator du centre commercial ? et les gitans qui viennent d'arriver, ils partent quand ? ce dernier sujet est le plus prisé des internautes inscrits sur les forums et les blogs de val-d'europe. «pourtant, des gitans, il y en a depuis toujours dans la région, leurs grands-parents sont même enterrés dans notre cimetière», soupire olivier suty.
la vie locale, il est vrai, ne nourrit guère la flamme politique. «jusqu'à présent, les villages n'avaient aucun affichage et les conseils municipaux réunissaient gauche et droite dans leurs exécutifs, explique jean-paul balcou, maire de magny-le-hongre et président du san (syndicat d'agglomérations nouvelles, le cofinanceur de toutes les grandes opérations du secteur). l'intercommunalité y est pour beaucoup. les choses sont en train de changer mais ce n'est pas encore très marqué.» si l'on ajoute à cela la surreprésentation des jeunes ménages, qui ont souvent la tête ailleurs, et des lieux vierges de toute tradition militante ou syndicale... les votes traduisent les hésitations de ce lieu qui ne s'est pas encore forgé une identité : la circonscription est de droite, le canton de gauche. aux régionales, en 2004, serris a placé le ps jean-paul huchon largement en tête, mais la ville semble attachée à son maire udf, denis gayaudon. jusqu'à il y a un mois, celui-ci cohabitait avec son premier adjoint socialiste, mais ils viennent de se fâcher... serris pioche à droite et à gauche, selon l'air du temps.
a une centaine de mètres de la rue du poncelet, autre population mais même état d'esprit. nous sommes aux pléiades, une résidence disney pour jeunes cast members. de petits bâtiments avec des façades de bois rose pâle, des balcons blancs, une tonnelle, des peupliers... un air de nouvelle-angleterre savamment entretenu. on y croise beaucoup d'étrangers (allemands, anglais, italiens...) mais aussi quelques serrissiens inscrits sur les listes électorales. tous sont célibataires, ont moins de 30 ans, se disent «de passage ici». mais ont la même approche de la vie locale. un bon point pour les services, les infrastructures, les espaces verts... un mauvais pour les lieux culturels, les sorties limitées au centre commercial ou au village disney avec ses restos type planet hollywood. «chacun vit son train-train quotidien et s'occupe de sa propre vie.» là aussi, avec les journées à rallonge chez disney, pas le temps de s'investir dans la vie locale ou de militer au plan national. «ici, on est à la campagne et il ne se passe rien.»
«le choix pas encore fait»
une campagne encore trop proche de la capitale et des banlieues. «on ne laisse quand même pas les portes ouvertes. on parle de la sécurité à l'occasion lorsqu'il y a un vol ou des tags dans le voisinage... mais les gens ne repassent pas ça en boucle, note julie. on est dans des petits villages où il faut remonter à 1515 pour retrouver un vol de lapin.»
«le sentiment d'insécurité est uniquement cultivé par les médias, analyse de son côté jean calvet, l'élu vert. mais quand on s'aperçoit que cela ne brûle pas dans les zones dites sensibles du coin, que l'on peut faire son jogging tranquillement, que les petites nanas qui vont en boîte ne se font pas embêter, les gens réfléchissent.»
«c'est vrai, avant, on avait souvent la haine, reconnaît stéphanie, la magasinière. mon mari s'est fait agresser il y a quinze ans par une bande de noirs dans le hall de l'immeuble. c'est après ça qu'on a décidé de venir ici.» alors, le front national, elle comprend. maintenant, elle reste de droite, mais pense différemment. vivre dans un environnement protégé permet «de peser le pour et le contre, de réfléchir aux situations des jeunes. c'est vrai que c'est pas facile pour eux...»
«le vote fn, c'est un vote de peur, un vote de banlieue. ici, il n'y a aucune raison», poursuit julie. «on reste vigilant, tempère jean-paul balcou. lors de l'aménagement des villes, on évite les coins sombres, on surveille les centres urbains, on fait de la prévention.» «et puis, disney est également très réactif sur ces questions, remarque jean calvet. comme sur la marginalité : ils ne peuvent pas se permettre d'avoir des sdf à deux kilomètres du monde magique.»
a serris, ce sera donc sarko ou ségolène. ségolène ou sarko, les seuls qui passent à la télé, les seuls qu'on cite spontanément. et puisqu'il faut parler de politique on se plaint de la vie chère, de l'euro «qui fait monter les prix», «des aides qui vont à ceux qui ne travaillent pas». «de ces étrangers qui profitent de tout et sont paresseux», comme le soutient m. nô, désormais naturalisé français. avec des espoirs modestes : «la sécurité, le social, comme tout le monde...» mais, cette fois-ci, «et même si le choix n'est pas encore fait», promis, on ira voter dès le premier tour.
(1) noms et prénoms ont été changés.
29 janvier 2007 dans société | lien permanent
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après un hommage de la nation, il a été inhumé en seine-maritime.
l'adieu des compagnons d'âme de l'abbé pierre
reuters
par eric favereau
quotidien : samedi 27 janvier 2007
enterré. le voilà désormais absent des luttes, six pieds sous terre dans le petit cimetière d'esteville (seine-maritime), auprès de ses compagnons de la première heure, lucie coutaz, sa secrétaire durant quarante ans, et georges legay, le plus ancien compagnon d'emmaüs. l'abbé pierre a été inhumé, vendredi en fin d'après-midi, dans l'intimité, après un «hommage officiel de la nation» rendu le matin à la cathédrale notre-dame de paris.
comment enterrer une voix sans l'éteindre ? comment ne pas oublier les propos terribles de cet homme qui pouvait injurier la «bonne conscience des nantis», les accusant d' «avoir du sang sur les mains pendant que, dans la rue, des gens souffrent et meurent de froid» ? en somme, comment rendre un hommage solennel à un insurgé ?
discours bavards. la réponse fut singulière. ce furent, depuis lundi, jour de sa mort, des hommages de toutes parts. des discours parfois convenus et bavards. d'autres magnifiques. ce fut ce long défilé, pendant 48 heures, à la chapelle du val-de-grâce, de gens venus s'incliner devant sa dépouille. ce furent des cérémonies un peu partout en france, certaines de bric et de broc, d'autres inclassables et chaleureuses. comme jeudi soir, au palais omnisports de bercy, à paris. ce furent aussi des images uniques. comme celle de vendredi, à 11 heures, en plein coeur de la cathédrale notre-dame de paris.
au premier rang, jacques chirac. il est assis, grave et attentif, dans un fauteuil rouge. il regarde une grande photo de l'abbé. derrière le président, l'ordonnancement protocolaire de la république n'est pas respecté : pour une fois, ce ne sont ni les ministres ni les plus hauts représentants de l'etat qui occupent l'espace, mais les compagnons d'emmaüs. ce sont eux que l'on voit, qui font le service d'ordre et témoignent. le temps d'une messe, ils sont chez eux, squattent en quelque sorte la cathédrale.
petite anicroche. «avec l'elysée, il n'y a eu aucun accroc», raconte martin hirsch, président d'emmaüs et exécuteur testamentaire de l'abbé. «le président nous a dit : "c'est vous qui organisez cet hommage de la nation." et aussi : "si vous voulez que je parle, je le ferai." on a préféré que ce soit plutôt les chiffonniers.» seule petite anicroche, les autorités de notre-dame ont voulu à tout prix une quête, alors qu'emmaüs n'en souhaitait pas.
tout le gouvernement est là, ou presque. nicolas sarkozy discute avec valéry giscard d'estaing, tandis que françois bayrou arrive en solitaire. exceptés bertrand delanoë, jack lang, jacques delors et bernard kouchner, les personnalités de gauche sont moins nombreuses. françois hollande est absent, ségolène royal en déplacement aux antilles. laurence parisot, présidente du medef, hésite sur sa place, puis s'assoit, devant les syndicalistes jacques chérèque et bernard thibault. devant, le ministre jean-louis borloo, mais aussi jean-baptiste eyraud, président de droit au logement. la veille, à bercy, le président du dal s'était emporté contre ceux qui veulent baptiser la loi sur le logement opposable «loi abbé pierre» : «ce serait obscène, une honte, car cette loi est presque vide et elle va si peu changer la vie des mal-logés.»
applaudissements. sur le parvis, il fait froid, très froid. deux à trois mille personnes n'ont pas pu rentrer. elles suivent sur de gigantesques écrans la cérémonie. ils sont moins nombreux qu'on ne le prévoyait. «il fait glacial, c'est pour cela, réagit jean-baptiste legrand, président des enfants de don quichotte. mais c'est important d'être là, pour dire que c'est un grand homme et que, nous, on continue.»
quand le cercueil arrive porté par des compagnons et suivi d'un homme qui tient la canne et le béret de l'abbé pierre , des applaudissements retentissent. tout le monde applaudit, y compris jacques chirac. monique grouès, nièce de l'abbé pierre, lit une lettre à dieu, écrite par son oncle. «je vous aime plus que tout. oui, mais pour être croyant crédible, il faut que tous autour de moi sachent que je n'accepte pas, que je ne pourrai jamais accepter la permanence du mal.»
a la sortie de la cathédrale, des anonymes se bousculent, cherchent à toucher le cercueil qui doit traverser la place pour rejoindre le cortège qui se rend à esteville. au milieu du parvis, plus de cinquante ans après l'appel de l'hiver 1954, on dirait que rien n'a vraiment changé. une dizaine de sdf du canal saint-martin tiennent à bout de bras une de ces tentes rouge marron : une tente flanquée d'un grand «merci». il y a, un peu plus loin, le cortège de voitures officielles qui se met en place pour quitter les lieux. et la femme de johnny hallyday délaissant son refuge en suisse qui se laisse photographier.
29 janvier 2007 dans société | lien permanent
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"la crise a mis en exergue la face aliénante du travail"
le monde economie | 22.01.07 | 16h43 • mis à jour le 22.01.07 | 16h43
e travail a-t-il toujours été considéré comme une valeur positive, propre à assurer le bonheur individuel et collectif ?
absolument pas ! de l'antiquité au moyen age, le travail est servile - il ne sert qu'à entretenir les catégories dominantes, citoyens d'athènes et de rome, noblesse et clergé du moyen age - et méprisé : travailler, ce n'est pas avoir le temps de se consacrer à la vie de la cité, à la guerre, à la religion ou aux choses de l'esprit. les seuls discours positifs sur le travail sont, au moyen age, celui des ordres monastiques et celui des corporations. les premiers s'opposent au clergé en prônant, contre les excès des richesses ecclésiastiques, les vertus de la pauvreté et du travail, alors inextricablement liés : par leur souffrance, ceux qui travaillent gagnent plus sûrement le paradis que les riches oisifs. tout comme les indigents : la charité, les oeuvres leur assurent un revenu minimum d'existence, sans exercer pour autant une activité "socialement utile", à part apaiser le remords chrétien des philanthropes.
les secondes, en organisant les métiers, valorisent l'intelligence du travail de la matière, et surtout offrent à leurs membres la construction collective d'un accomplissement personnel immédiat, sans référence à une vie ultérieure.
quand naît le discours sur la récompense de l'effort au travail ?
au moment où la bourgeoisie - commerçants et banquiers - gagne peu à peu les sphères supérieures de la société, luther et calvin assurent, contre le clergé catholique, qu'il est possible de participer à la gloire de dieu non plus seulement par la prière, mais par la "vocation", c'est-à-dire l'implication dans le monde matériel. le travail n'est pas une obligation négative, mais une utilité sociale qui permet de gravir les échelons de la société et de jouir des biens que l'on produit : la richesse est la preuve que l'on est "élu de dieu". en abolissant les corporations, la révolution assure la suprématie de cette vision "bourgeoise" du travail : chacun est libre d'exercer l'activité que lui permet sa compétence, sa fortune, sa chance. le principe de la responsabilité individuelle, poussé à l'extrême par malthus, fait que ce dernier dénie même aux indigents le droit de faire appel à la charité publique !
mais ne voit-on pas, au même moment, éclore la vision du travail industriel, aliénant ?
marx, proudhon, fourier dénoncent les conditions de travail, mais pas le travail : celui-ci reste indispensable à l'épanouissement individuel, pourvu qu'il soit choisi, diversifié. les ouvriers, du xixe siècle au milieu du xxe, vivent ainsi dans l'attente d'un avenir socialiste, aussi radieux que le paradis, où le travail serait mieux réparti, ses fruits mieux partagés. avec les "trente glorieuses", cet avenir paraît à portée de main lorsque le plein-emploi assure le revenu qui permet l'accès à la consommation. mais la crise renvoie à la face aliénante du travail, et pousse à investir d'autres sphères plus faciles à maîtriser - la famille, la vie associative.
comment interpréter l'actuelle volonté de redonner une "valeur positive" au travail ?
comme une tentative maladroite de rétablir une promesse que le recul des religions et des partis a laissée en friche. il faudrait pour cela des propositions plus concrètes. il existe des modalités d'organisation du travail - coopératives, mutuelles, associatives - qui portent véritablement une autre "valeur travail". mais cela ne semble pas intéresser les politiques.
propos recueillis par antoine reverchon
cv
2000
pierre bouvier, professeur de sociologie à l'université paris-x, publie la socio- anthropologie (armand colin).
1997
il devient directeur de la revue socio-anthropologie.
1994
le chercheur intègre le laboratoire d'anthropologie des institutions et des organisations sociales (laios, cnrs/maison des sciences de l'homme).
1991
il publie le travail, aux puf, coll. "que sais-je ?" (réédité en 1994).
25 janvier 2007 dans société, économie | lien permanent
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la présidentielle vue de vierzon
"la ville s'est repliée dans le temps"
vierzon, ancienne cité ouvrière communiste, vieillit. près d'un tiers de la population a plus de 60 ans, et une part de l'activité de la commune est désormais consacrée au troisième âge. regards d'habitants partagés entre pessimisme et fidélité à la ville.
par didier arnaud
quotidien : vendredi 19 janvier 2007
vierzon envoyé spécial
'avenir ici, c'est la maison de retraite», sourit françois porracchia, 72 ans. françois est dans «les 29 %». dans sa ville de vierzon (cher), c'est le pourcentage de ceux qui ont plus de 60 ans. la ville est vieillissante. porracchia était agriculteur. parrain de sans-papiers menacés d'expulsion, conseiller municipal, retraité insatiable. après la guerre, il a quitté paris pour prendre une ferme dans les environs de vierzon. dans son pavillon, il occupe son temps à ne rien laisser passer de ce qui touche à sa ville. et s'inquiète de ce mouvement qui a fait disparaître 8 000 habitants depuis 1975. au prochain recensement, ils seront encore moins nombreux. avec 50 % de plus de 60 ans que la moyenne nationale, vierzon n'est pas attirante.
«il y a une perte d'espoir, une incapacité d'imaginer qu'on puisse se développer, une espèce de défaitisme par rapport à ce qu'on a été», dit paul hugo-desaigues, 56 ans, «néo-vierzonnais» depuis dix ans. stéphane mit, éducateur, la trentaine, le raconte autrement : «c'est une ville très dépressive. de l'extérieur, on a l'impression d'être mal vu. pourtant, on y est aussi bien qu'ailleurs. et il y a une fierté d'être vierzonnais.» il détaille : la qualité de la vie, la vie moins chère, la campagne solognote toute proche. andré rodier, conseiller d'orientation, 56 ans, livre une autre version. plus imagée : «allez dans la rue commerçante, vous verrez ! les gens marchent la tête baissée.» dans la rue semi-piétonne, une poignée de commerces ont mis la clé sous la porte. il y a davantage de têtes grises que de «têtes baissées». mais le taux de chômage est ici plus élevé que la moyenne nationale : 10,9 % contre 9,5 %.
«je cherche du boulot, mais il n'y a rien, dit brigitte hugo-desaigues, 48 ans. il faut aller ailleurs. ici, il n'y en a pas, ou peut-être un peu sur les métiers de la gérontologie.» sur les 5,5 millions d'euros de budget du ccas (centre communal d'action sociale), les trois quarts sont consacrés aux personnes âgées. outre les 120 aides ménagères qui prennent en charge un millier de personnes aidées à domicile, plus de 700 personnes travaillent dans ce secteur. brigitte était employée chez nadella-timken, une entreprise de roulements à aiguilles pour moteur (équipementier automobile). elle a été licenciée en juillet 2005. quand elle a commencé, ils étaient 500. aujourd'hui, ils sont 300 de moins. «je leur donne encore un an», prévoit-elle. les services «décolletage» et «rectification» sont déjà partis en pologne. son compagnon prend chaque matin le «7 h 04» pour aller travailler à paris une heure et demie jusqu'à la gare d'austerlitz. il est cadre et syndicaliste chez ibm. ils s'en sortent plutôt bien, avec leur famille recomposée, sept enfants à eux deux. la politique ? «on veut nous imposer sarko ou ségolène. mais la question c'est : quels sont les projets ? dit-il. il y a eu une effervescence pour le référendum, il faut réactualiser ce bouillonnement.»
«Ça camaradait»
au référendum, vierzon a dit non à 68,7 %. «il y a besoin dans ce pays de mettre en place une politique qui parle à nos concitoyens», analyse françois dumont, vierzonnais et vice-président (pcf) du conseil de la région centre. il ressort un dicton local à propos du vote : «qu'on soit mordu du chien ou de la chienne, on reste chez soi.» les vierzonnais n'y croient plus. la ville, autrefois passionnément de gauche, s'est résignée. andré rodier entend autour de lui des gens qui n'ont plus envie de se battre, et françois porracchia a prévenu les jeunes, lors d'une réunion de quartier : «méfiez-vous ! la démocratie est fragile.»
vierzon n'a pas toujours été si désabusée. la ville a connu son heure de gloire industrielle (mécanique agricole, porcelaine, noeud ferroviaire) jusqu'aux années 60. «Ça camaradait», se souvient le docteur roger coulon, généraliste pendant quarante ans. il regrette ces centaines de vélos posés devant les cafés. son vierzon était «tout noir» à cause de la cheminée des vapeurs et des usines. un vierzon de bouchons, la «20» sur la route des vacances. «dans les années 60, les embouteillages atteignaient quatre kilomètres, j'étais obligé de faire des détours pour aller soigner les gens et éviter la nationale. aujourd'hui, j'ai l'impression que la ville s'est repliée dans le temps», dit-il. depuis dix ans, il n'exerce plus il vit dans une coquette maison adossée à un petit jardin qui descend vers le canal mais se rend quasiment tous les jours au secours populaire, dont il est le président local.
l'association dispose de 1 000 m2, sur les terrains de l'ancienne société française, qui construisait du matériel agricole. de beaux bâtiments en briques rouges signalent une construction du xixe siècle, avec verrière et structures métalliques eiffel. désormais, on y compte les demandes d'aide financière (en augmentation de 35 % par rapport à 2005) et on y confectionne des colis alimentaires. il y a peu, deux retraités (une ancienne ouvrière d'une usine de porcelaine et un ex de la société française) sont venus. surendettés et n'arrivant pas à faire face à leurs échéances, ils n'avaient pas mangé depuis deux jours. roger coulon les appelle des «fantômes».
au secours populaire, il y a aussi gilbert, 56 ans. gilbert «attend» la retraite. il fait des sacrifices. ancien «ouvrier serrurier» pour des entreprises sous-traitantes, il est au chômage depuis trois ans et a le sentiment d'une vie passée à avoir travaillé «pour pas grand-chose» . sa femme, policière municipale, dispose d'une «bonne paie», mieux que ses 900 euros mensuels. la voiture, il la changera plus tard. en attendant, il fait du vtt dans la campagne. «quand je suis entré dans cette entreprise, qui fabriquait des engins de levage, au début des années 80, il y avait 1 000 personnes. douze ans plus tard, il n'y en avait plus que 300. petit à petit, ils ont emmené les services ailleurs. ce n'est pas la première usine qui s'en va.» gilbert a deux jumeaux de 23 ans, qui font des petits boulots. envisagent-ils de quitter la ville ? «il faut savoir franchir le pas», dit gilbert. son frère est allé à orléans, où il est technicien chez brandt. gilbert est plutôt à gauche. un peu «déçu». le travail : «tout ce qu'on voit, c'est que plus ça va, moins il y en a. ce n'est pas des racontars, c'est la vérité et le plus triste, c'est que ce n'est pas fini.»
au secours populaire, des retraités bénévoles confectionnent des colis pour sylvie, en rupture familiale, sous tutelle et mère célibataire d'un enfant de 3 ans. sylvie préfère «ségo à sarkozy». mais elle trouve que le gouvernement en fait trop «pour les étrangers». son grand-père, un des seuls qui l'aide dans sa famille, lui a transmis des valeurs. «il m'a parlé de la guerre, des journées où il ne mangeait pas. avec le pen, j'ai peur qu'il y ait une guerre», dit-elle.
jean rousseau, 64 ans, le maire un ancien socialiste, habile manoeuvrier qui dirige aujourd'hui la ville avec la droite locale , est l'auteur d'un et on a vu vierzon (1), dans lequel il détaille la sauce politique du cru. rousseau essaie de défaire la ville de sa réputation «stal», qu'il ne cesse par ailleurs de rappeler. «c'est une des rares cités où la courroie de transmission pcf-cgt est encore vivace», dit-il. vierzon a «mal su se reconvertir après la guerre». le maire compte sur le tertiaire pour développer l'activité. il insiste sur la position centrale qu'elle détient dans l'hexagone, au croisement d'un réseau autoroutier et ferré : «a moins d'une journée en camion de n'importe quel point de france», dit-il. il compte aussi sur la bulle immobilière locale, «deux fois moins chère que les terrains industriels orléanais, moitié moins pour le foncier qu'à bourges», explique-t-il. pour l'heure, le centre de sa ville se distingue surtout par son look seventies, à l'image de la salle du conseil municipal avec ses abat-jour en globes de verre qui pendent du plafond. au menu du conseil municipal de ce jeudi de décembre, le budget. l'occasion d'une passe d'armes autour d'un projet de maison de retraite, privée, pour les malades d'alzheimer. «un projet inespéré», selon le maire. la ville se spécialise : dans le plan de redynamisation du bassin de vierzon, l'etat participe à la création d'un pôle «santé handicap» qui prévoit de nouveaux emplois d'aide aux personnes âgées et une autre maison de retraite, de 80 à 150 lits supplémentaires, selon la mairie.
«la droite, ça gratte toujours sur les petits»
c'est par un retraité que toufik oussadit, 50 ans, a atterri à vierzon. son père, ancien employé de la ratp, voulait acheter une maison de campagne. il le fait, et, en 1990, tombe malade. «je suis venu pour l'aider et je suis resté», dit toufik. il a fait sa place. il s'y plaît. quand il est en déplacement, il lui tarde de rentrer «chez [lui]», à vierzon. toufik, qui travaille dans la restauration collective, et sa femme vivent avec 1 100 euros par mois. achètent tout «retapé» et d'occasion. s'ils avaient de l'argent, ils le mettraient sur un compte pour leurs filles, qu'elles n'aient pas besoin de travailler pendant leurs études. ils ont trois enfants, la plus grande fait médecine à tours. ils voteront à gauche aux élections. «quand la gauche est arrivée, pas mal de choses ont été faites, comme la cmu [couverture maladie universelle, ndlr]. la droite, ça gratte toujours sur les petits», dit la femme de toufik . sa voiture, une vieille ford fiesta, toufik ne l'a pas changée depuis dix ans. elle a plus de 150 000 kilomètres.
a l'heure de l'apéritif, de son pavillon en lisière de forêt et d'un champ, andré rodier débouche une bouteille de saint-véran blanc. le conseiller en insertion professionnelle, qui accueille les 16-25 ans, dit qu'il «ressent» quelque chose de nouveau : «je sens la retraite venir, ça me dérange.» l'émotion le gagne. «dans mon boulot, on a un sentiment de ras-le-bol. on doit sortir des jeunes de la merde et on n'a rien à leur proposer localement», dit-il. en ville, près de l'hôpital, au café la renaissance, rien ne semble avoir bougé depuis la grandeur de vierzon. andré et claude commentent : «dans le quartier, il n'y a que des retraités, il n'y a rien qui marche.» plus loin, sur l'emplacement d'une ancienne usine de porcelaine, la résidence pour seniors le village propose ses 75 appartements et 14 maisons (t 3 de plain-pied avec jardin). frédéric fermin, «de 1927», y vit avec ginette, «de 1929». il était gardien de nuit à l'usine paulstra, qui fabrique des antivibratoires pour l'automobile, quand il a été mis en préretraite. «on nous a dit : vous êtes des improductifs, raconte frédéric. il fallait faire de la place pour les jeunes, mais ça ne s'est jamais fait. on a été bernés.» ginette, sa femme, s'en énerve encore : «tu t'es fait avoir comme un bleu.» a part, elle commente : «il lui restait deux mois pour avoir ses annuités.» aujourd'hui, ils claquent plus de 1 000 euros de location par mois : toute leur retraite y passe. dans leur ancien quartier, ils habitaient un petit pavillon, mais avaient peur. trop isolés s'il leur arrivait quelque chose. le carillon sonne midi. lui : «vierzon, il est cuit.»
(1) edité par tdnj, théâtre du nain jaune en 1991.
20 janvier 2007 dans société | lien permanent
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près de trévise, le parti xénophobe recrute des volontaires contre l'«insécurité».
italie : les rondes nauséabondes de la ligue du nord
umberto bossi, le chef du parti populiste, la ligue du nord. reuters
par eric jozsef
quotidien : vendredi 19 janvier 2007
chiarano envoyé spécial
«j e dois pouvoir dormir tranquillement», explique ivano, patron d'une petite entreprise familiale de mécanique, qui est pourtant depuis quatre heures au volant d'une jeep sillonnant, en pleine nuit, la «grande route» de chiarano, les petites rues de ce bourg vénitien d'à peine 3 800 âmes, jusqu'aux chemins de terre qui mènent aux bâtisses les plus reculées. avec ses deux acolytes, le jeune camionneur alvaro et l'éleveur de poulets alessandro, il participe depuis un mois et demi aux «rondes» nocturnes contre l'insécurité, organisées à l'initiative de l'autonomiste et xénophobe ligue du nord. des patrouilles sont ainsi apparues dans plusieurs villages de la province de trévise et même, depuis quelques jours, dans le chef-lieu de 100 000 habitants.
a chiarano, il est presque minuit. encore deux heures de surveillance prévues pour les trois hommes, militants de la ligue, qui ont revêtu leurs uniformes de la «protection civile». entre les vignes, les champs de blé ou de soja et les hangars industriels qui témoignent d'une prospérité récente, ils traquent le moindre mouvement suspect dans le village désert. «qui c'est celui-là ?» s'interroge ivano, méfiant. un coup de frein, un coup d'oeil. un jeune homme s'est arrêté pour acheter un paquet de cigarettes au distributeur du bar local. la jeep repart, bredouille. «depuis un mois et demi que nous avons commencé à patrouiller, nous n'avons plus de problèmes», se félicite alessandro, intarissable sur les vols, les hold-up au petit supermarché, les cambriolages de nuit des dernières années : «nous sommes exaspérés. on nous a même volé les statues de la crèche de noël exposée au milieu d'un carrefour.»
chiffres «erronés». «nous avons décidé de réagir à la suite d'une augmentation des délits début décembre. les premiers carabiniers sont à plus de cinq kilomètres et ils n'ont qu'une seule voiture pour contrôler quinze communes», justifie giampaolo vallardi, le jeune maire (ligue du nord) de chiarano où une trentaine d'habitants se relaient chaque nuit pour sillonner les rues. l'objectif de la ligue est de mobiliser un millier de volontaires sur tout le territoire provincial. «leur seule mission est d'observer. leur seule arme, un téléphone portable pour appeler les forces de l'ordre si nécessaire», ajoute l'édile qui soutient que les chiffres de la police concernant l'insécurité sont erronés : «beaucoup de citoyens ne vont plus dénoncer les vols, ils jugent que c'est inutile. nous devons nous réapproprier et libérer notre territoire.» et de glisser, en affirmant ne pas faire de lien automatique : «nous avons environ 12 % d'immigrés. ils ont du mal à s'intégrer. ils ont d'autres traditions et peut-être moins envie de travailler que nous.»
«tripes». «retournée dans l'opposition après cinq ans de gouvernement avec berlusconi, la ligue exploite le sentiment d'insécurité alors que les chiffres montrent une diminution de 10 % de la microcriminalité dans la province de trévise», s'insurge le conseiller régional communiste nicolo atalmi qui se mobilise contre l'initiative du parti d'umberto bossi. en 1997, les dirigeants de la ligue avaient déjà mis sur pied une sorte de milice «les chemises vertes» , qui fut l'objet d'une enquête judiciaire pour «usurpation de fonction publique». cette fois, ils ont pris soin de se limiter à une association de volontaires réunis dans l'organisation «vénétie sûre». «ici, dans la province de trévise, l'immigration n'a pas explosé et nous n'avons pas de quartiers dégradés. par conséquent, les rondes ne m'inquiètent pas outre mesure. mais que se passera-t-il s'ils vont dans certains quartiers difficiles ailleurs dans la région, à padoue par exemple ?» ajoute nicolo atalmi qui admet que «la ligue sait parler aux tripes des gens». en particulier, dans l'industrielle et opulente vénétie, devenue l'une des principales terres d'immigration d'italie.
dans ce contexte de bouleversement du tissu social, les déclarations racistes et islamophobes de la ligue (qui recueille plus de 10 % des voix dans la région avec des pointes à 30 % dans certaines communes) ne choquent pas grand monde. même lorsque l'ancien maire de trévise giancarlo gentilini préconise d' «habiller les extracommunautaires en lapin pour permettre aux chasseurs de s'exercer» ou qu'il fait retirer les bancs de la ville, pour éviter que les immigrés puissent les occuper.
«arrogants». «il y a encore dix ans, on n'avait pas besoin de fermer nos maisons à clés», insiste ivano, au volant de la jeep, ajoutant que «les étrangers qui viennent ici ne doivent pas être arrogants». le soir, à chiarano, ils sont en tout cas invisibles. de même qu'à trévise, où, lors de la première «ronde», les volontaires n'ont dérangé qu'un couple enlacé dans une voiture. «l'initiative de la ligue ne nous gêne pas même si on peut douter de son efficacité , estime gino balbino, secrétaire local du syndicat autonome de la police. elle nous permettra peut-être d'obtenir des renforts. l'important c'est que les volontaires soient conscients des risques qu'ils prennent pour eux-mêmes.» pour éviter tout débordement, les jeunes communistes de trévise ont en tout cas décidé de réagir. mardi, ils ont mis sur pied une patrouille pour surveiller celle des léguistes.
20 janvier 2007 dans société | lien permanent
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sexe voiles et vidéo
le monde | 18.01.07 | 15h44 • mis à jour le 18.01.07 | 15h44
rends-moi dans tes bras..." salma supplie son amant. un peu hébété, youssef accepte une accolade, brève et maladroite. alentour, les passants des rues du caire sont les témoins involontaires des amours illicites du couple. plus tard, pour faire l'amour, les jeunes tourtereaux disposeront de l'appartement vide d'un ami. il faudra ruser. ne pas monter les étages ensemble, ne pas attirer l'attention, surtout ne pas réveiller le gardien de l'immeuble, une vraie commère professionnelle celui-là, chacun le sait en egypte. pour l'heure, celui-ci ronfle dans le hall d'entrée. youssef est passé. c'est le tour de salma. soudain, un imprévu : elle a oublié l'étage auquel l'attend son amant. catastrophe ! le gardien a levé la tête. "psssiit ! mademoiselle ! ton ami est au cinquième... ne prend pas les escaliers, il y a un ascenseur au fond du couloir."
dans la salle du cinéma good news, au coeur d'un quartier chic du caire, le ton du bonhomme, genre "j'ai-tout-vu-tout-entendu", déclenche une explosion de rires. la salle est pleine. ils sont venus en groupe, en couple ou en famille. c'est la première d'istughomaya - "cache-cache" en français -, en compétition officielle au festival international du caire fin 2006.
a 36 ans, le réalisateur emad al-bahat a voulu traiter de "la mentalité de l'egypte d'aujourd'hui". "le sexe avant le mariage, les relations adultères, tout le monde sait que ça se produit, nous dit-il. mais chacun fait comme si ça n'existait pas. les gens portent un masque. on se ment à soi-même. on se cache en se drapant dans les apparences d'une moralité parfaite, dont le symbole est devenu le voile islamique. ce qui m'intéresse, ce n'est pas que le personnage de salma ait une relation sexuelle sans être mariée, c'est de montrer la honte qu'elle en éprouve, la pression sociale. ces sujets sont devenus tabous au point qu'il est maintenant risqué de les évoquer, même au cinéma." risqué, vraiment ?
a la fin de la projection, l'accueil des spectateurs et des journalistes est pour le moins mitigé. la "scène d'amour" - plan fixe sur l'épaule nue de la femme tandis que l'homme, déjà rhabillé, fume une cigarette - serait une "incitation à la débauche". les attaques les plus virulentes viseront une autre scène de cache-cache : le moment où salma abandonne son voile islamique. le hidjab, explique l'actrice à la caméra, n'est qu'un moyen commode de vivre comme on l'entend, sans éveiller les soupçons, sans avoir à subir les commentaires des proches. elle ôte le "masque". "insulte à l'islam !", réagissent aussitôt plusieurs spectateurs.
aujourd'hui, en egypte comme ailleurs, c'est un voile que tout "arabollywood" devrait poser sur sa pellicule. l'ouverture du festival a débuté par un lynchage médiatique, celui de son patron, farouk hosni, ministre de la culture. il avait tenu, en privé, des propos déplorant la multiplication des hidjabs dans son pays. "outrage à l'islam !", ont crié les "barbus" du mouvement des frères musulmans, mais aussi des élus de la majorité présidentielle, qui ont exigé illico les excuses et la démission du ministre. farouk hosni a dû s'expliquer.
"mes propos constituaient un avis personnel, non destiné à la presse, a-t-il dit, le 3 décembre, devant l'assemblée du peuple. n'étant ni ouléma ni mufti, je ne me prononçais absolument pas sur la religion." il précise qu'il respecte la femme égyptienne et qu'il n'a jamais préconisé "une politique contre le port du voile dans (son) ministère. une telle politique serait inappropriée et folle", conclut-il.
autre scène. le soir du 24 octobre, devant le mythique cinéma metro, en plein centre du caire, dina, célèbre danseuse et actrice du film alaya al-tarab bel-talatha, esquisse quelques pas de danse devant l'entrée du cinéma. les jeunes mâles qui sont là en sont tout retournés. quatre heures durant, ils vont s'en prendre à toutes les passantes, voilées ou non, qui sont poursuivies, tripotées et molestées sans que la police daigne intervenir. ici, comme dans beaucoup d'autres régions du monde, la frustration sexuelle est largement répandue...
le lendemain, un religieux justifie cette poussée d'hormones mâles à la télévision. "si la chèvre se jette au milieu des loups et se fait dévorer, déclare-il, ce ne sont pas les loups qu'il faut blâmer, mais la bêtise de la chèvre." la pléthore d'articles polémiques suscités par les projections du festival international du caire, avec des "études comparatives" sur la moralité comparée des films locaux et étrangers, en témoigne. plus surprenants peut-être, dans un milieu artistique réputé avant-gardiste, les débats sur la "décence" agitent les cercles des producteurs, distributeurs, réalisateurs et acteurs égyptiens. "c'est surréaliste !", fulmine wahid hamed, le scénariste de l'immeuble yacoubian, film à succès qui aborde notamment des thèmes comme la corruption, l'homosexualité et le harcèlement sexuel. "sur le tournage, un de mes acteurs récitait une sourate du coran avant chacune de ses scènes. a la fin, il courait se droguer, sourit-il. récemment, je reçois une actrice pour un casting. elle m'annonce avec une mine de diva qu'elle refuse toute scène de baiser. a part ça, elle portait une chemise minuscule et un pantalon taille basse. je suis désolé de dire que je voyais la moitié de ses fesses. nous vivons dans une société arriérée et schizophrène !"
a qui la faute ? aux "chaînes satellitaires arabes en continu", qui, "pour meubler, tendent le micro aux sermons d'obscurs cheikhs religieux qui n'ont rien à voir avec l'islam, dit le scénariste. là commence le lavage de cerveau". mais le satellite a également permis à d'autres chaînes, sans vocation politique ni religieuse, de diffuser des films pornographiques jusque-là interdits et qui contribuent à donner de l'occident une image de dépravation.
en egypte, comme ailleurs dans la région, toute production culturelle est soumise à censure. une loi datant de 1955 précise que l'oeuvre d'esprit "ne doit pas porter atteinte aux bonnes moeurs, à l'etat et aux intérêts de l'etat". pour ali abou chadi, le grand manitou de la censure en egypte, la loi "est volontairement élastique et laisse une part importante à l'interprétation". l'homme a une excellente réputation, y compris chez les artistes les plus rebelles. il est notamment à l'origine, au printemps 2000, de la publication du festin des algues de mer, roman syrien jugé blasphématoire qui enflamma les étudiants d'al-azhar et provoqua de violentes émeutes.
il y a quelques mois, abou chadi a essuyé l'ire de parlementaires pour avoir autorisé l'immeuble yacoubian : "je dois être le seul censeur au monde insulté pour des autorisations ! dans les années 1960, on filmait des baisers, des femmes en bikini ou dans des lits. aujourd'hui, ces scènes choquent. récemment, dans un quartier populaire, une famille a déboulé dans la salle du projectionniste pour exiger la coupure d'une scène de baiser. le technicien a obéi et pris ses ciseaux... la censure sociale est devenue un fléau."
miroir de cette évolution, une mouvance conservatrice, apparue il y a cinq ans, gagne du terrain. baptisée "le cinéma propre", son premier commandement est "j'embrasse pas". l'actrice hanane turk en est devenue l'icône après avoir annoncé cet été qu'elle porterait désormais le voile islamique à la ville comme à l'écran. des collègues qui l'ont connue auparavant racontent qu'elle "était déchirée depuis longtemps entre sa passion du cinéma et la conviction que cette activité la plongeait dans le péché permanent". qu'elle ait conservé ses bijoux, un maquillage prononcé et un hidjab couleur rose bonbon montre que le voile est aussi affaire de mode. régulièrement invitée sur les plateaux de télévision, la starlette promeut le "cinéma propre" et appelle à un "cinéma de style iranien" - qui interdit tout contact physique entre personnes de sexes opposés. nombreuses sont celles qui ont suivi son exemple, provoquant la colère de nombreux réalisateurs. ils lui opposent l'exemple de hend sabri, actrice tunisienne devenue star du grand écran égyptien, qui a gardé "le courage de jouer avec son corps".
ces polémiques ne sont cependant pas du goût de la jeune actrice. "ce genre de compliments m'énerve, dit hend. j'en ai assez d'être le mouton noir, d'essuyer les insultes et les crachats dans la rue. je ne vais pas batailler seule contre 70 millions d'egyptiens pour défendre un baiser de cinéma ! l'europe se trompe quand elle applaudit un film arabe au motif d'une scène de sexe audacieuse. les scénaristes, les réalisateurs, les acteurs, moi incluse, tout le monde s'autocensure, affirme-t-elle. le résultat s'en ressent. ne pas avoir l'esprit aussi étroit que ceux qui nous regardent, c'est aussi être assez malin pour réussir à se faire entendre. le malaise social est tel qu'il n'est plus l'heure de la provocation. quand un type quitte la salle en criant "allah !" et en emmenant femme et enfants à cause d'un baiser, c'est dommage. il aurait mieux valu chercher un moyen de le garder jusqu'au bout. il y a des messages plus importants à faire passer qu'un simple baiser."
cécile hennion le caire, envoyée spéciale
20 janvier 2007 dans cinéma, société | lien permanent
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jugés vendredi à paris, sept barbouilleurs de pubs plaident la désobéissance civile.
«je dédie ma défense à l'entrée défigurée de douarnenez»
par jacqueline coignard
quotidien : samedi 13 janvier 2007
«p our les déboulonneurs ? c'est la 29e chambre, au premier étage.» dans le labyrinthe du palais de justice de paris, un membre de ce collectif antipub s'improvise guide, vendredi matin, pour la centaine de supporteurs des héros du jour : sept barbouilleurs de panneaux publicitaires, poursuivis en correctionnelle pour «dégradations graves». en l'occurrence, le 28 octobre, le commando a bombé deux panneaux devant la gare d'austerlitz (paris xiiie). aux messages de l'afficheur clear channel qui ne s'est pas constitué partie civile les barbouilleurs avaient substitué leurs propres slogans : «50-70» (format de panneau qu'ils préconisent, soit la taille de l'affichage associatif et politique), «pub = virus mental», ou tout simplement «marre de la pub».
casier vierge. «tous les derniers samedis du mois, le collectif antipub appelé les déboulonneurs, que je ne connaissais pas, organise ce genre d'action. mais au regard du droit pénal ce que vous avez fait est un délit», résume la présidente sylvia caillard. puis elle énumère la liste des prévenus, des gens au casier vierge, dotés de professions diverses (photographe, informaticien, correcteur, designer, commercial, régisseuse), trentenaires pour la plupart. appelé le premier à la barre, yvan gradis, le seul quadragénaire, déclame en préambule : «je dédie ma défense à l'entrée défigurée de douarnenez en venant de quimper.» c'est le coup d'envoi de trois heures de débats sur l'action politique en démocratie et la notion de désobéissance civile, thèmes peu habituels dans cette enceinte.
«vous êtes minoritaires !» hors la loi ? yvan gradis explique qu'il s'est battu au sein de l'association paysages de france pendant cinq ans, pour mener une chasse légale aux panneaux qui défigurent le paysage en toute illégalité. il se félicite d'en avoir fait tomber 100 sur 400 dossiers montés. mais il estime cette démarche inefficace, car «les voies légales sont bloquées». david sterboul, autre prévenu, renchérit : «non seulement les afficheurs violent la loi sciemment, mais les préfets refusent de poursuivre quand paysages de france les alerte avec un dossier complètement ficelé !» c'est ainsi que l'association en vient à poursuivre l'etat qu'elle a fait condamner 18 fois ces dernières années, indique-t-il.
céline rambos ne supporte plus que sa fille de 6 ans soit exposée à 18 panneaux géants sur le trajet de l'école (sept minutes). jean-michel vourgère parle de son père, en sevrage alcoolique et confronté au matraquage des marchands. aux uns et aux autres, le procureur laurent michel répète : «votez, fondez un parti, constatez que vous êtes minoritaires !» car, pour le représentant de la société, ces publiphobes sont des peines à jouir intolérants qui veulent imposer leurs valeurs puritaines à des concitoyens qui ne leur en demandent pas tant.
les trois témoins cités par la défense considèrent, eux, que les barbouilleurs sont de précieux «éveilleurs de conscience». «je remercie les prévenus d'attirer l'attention sur ces questions-là», dit jean-françois pellissier, adjoint au maire du xiiie (les alternatifs). maurice pergnier, sémiologue et linguiste, souligne : «partout, tous les jours, il y a des gens qui barbouillent. beaucoup de nos contemporains se sentent agressés.» quant au professeur claude got, après trente-cinq ans de combat contre l'alcool, le tabac et la vitesse au volant, il assure : «la publicité est nuisible. [...] si j'avais 50 ans de mois, je serais à leurs côtés.» en tant que spécialiste de sécurité sanitaire, il souligne ainsi que, faute de s'être réveillé à temps, on se retrouve à payer 1 milliard d'euros par an aux victimes de l'amiante.
«monsieur le procureur, la maison brûle et vous regardez ailleurs !» lance me françois roux, l'avocat des barbouilleurs. effacés en trois coups de torchon, les dégâts sont évalués au coût du nettoyage (294 euros) par l'afficheur lui-même. selon l'avocat, ses clients ont mené une action de désobéissance civile de la plus pure espèce : transgression non violente de la loi, à visage découvert et dans l'intérêt collectif. et de citer «le manifeste des 343 salopes» qui luttaient pour le droit à l'avortement, les objecteurs de conscience pendant la guerre d'algérie ou, plus près de nous, les enfants de don quichotte et le réseau education sans frontières. «vous trouvez que nous galvaudons cette notion, monsieur le procureur ? mais si vous habituez les gens à obéir, qui se lèvera quand ce sera nécessaire ? demande l'avocat. je n'ai pas entendu dire que le corps des magistrats a répondu en masse à l'appel à la désobéissance du 18 juin 1940.»
«soyez audacieuse». me roux réclame la relaxe, ou au pire, une dispense de peine. le procureur requiert 500 euros d'amende avec sursis par prévenu, plus que la peine prononcée en juillet à montpellier contre deux membres du collectif (200 euros d'amende avec sursis). «nous avons besoin de gens comme eux qui s'engagent, qui s'indignent. soyez audacieuse madame la présidente. soyez juge !» s'enflamme me roux. le tribunal répondra le 23 février.
http://www.liberation.fr/actualite/societe/228371.fr.php
13 janvier 2007 dans société | lien permanent
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on dégrade le moral des français"
daniel, 58 ans, longtemps au rmi, veut monter une boîte de récupération informatique et en faire une entreprise de réinsertion. il a voté le pen au premier tour en 2002, chirac au second. il s'attend à une «révolution comme en 68».
par charlotte rotman
quotidien : vendredi 12 janvier 2007
poix-de-picardie envoyée spéciale
c'est l'hiver, mais le chauffage est éteint. du linge sèche dans la cuisine. l maison n'est pas terminée. il faut encore retaper le plafond. monter des étagères dans le salon. les murs du rez-de-chaussée sont recouverts d feuilles d'annonces gratuites, collées comme un papier peint. daniel (1 habite dans cette maison, une «ruine» qu'il retape depuis 1998, située à la chapelle, un hameau de 17 familles, à deux kilomètres de poix-de-picardie. loin des cités. «les gens des cités ne sont pas respectueux des droits de la france, dit daniel. ils ne savent pas ce que c'est d'être la france.» la france, dit-il, c'est des gens comme lui, qui n'habitent pas dans les banlieues qui brûlent, qui sont préoccupés des «délocalisations», des «écoles qui ferment», des «villages qui meurent», de «la crise du logement». daniel a l'impression d'être «sur la touche» : «il y en a plus pour les étrangers que pour nous.» il a 58 ans. il perçoit 686 euros de chômage par mois. au premier tour de la dernière élection présidentielle, il a voté pour jean-marie le pen. comme la majorité de ses voisins. «on a dit que le pen, c'est hitler en france, explique-t-il, c'est faux : tous les représentants à l'élection reprennent son discours. il s'est démocratisé, alors que tout le monde en avait peur.»
daniel a connu la france du plein-emploi. il quittait un boulot le vendredi, après une engueulade avec le patron, et en retrouvait un le lundi. il a commencé comme manoeuvre de maçon, à 16 ans : il habitait avec les autres ouvriers dans d'anciens garages froids et humides, et faisait le béton à la main. mais quand il est parti de cette entreprise, il était devenu directeur des achats. «on était insouciants, on ne se gênait pas. quand je me suis marié, une mobylette ça valait 1 200 francs. quand mon fils en a voulu une, elle coûtait 3 000 francs, d'occasion. et il faut rajouter le permis, l'informatique, le mobile...»
«douloureusement ressenti»
daniel aime boire des coups au café des sports, à poix-de-picardie. l'établissement est situé sur la route qui mène à amiens, à 30 kilomètres de là. pas loin de la place de la république flanquée de deux rues de maisons égales, en brique rouge. des haut-parleurs diffusent une musique de bande fm. le square est gelé par l'hiver. mais on trouve ici tout ce qu'il faut : pharmacie, poste, salons de coiffure, maison de la presse, opticiens, ophtalmo, cabinet de radiologie, bijouterie, orthophoniste... il y a aussi un champion à la sortie de la ville de 2 300 habitants. bref, de nombreux commerces et services accessibles, surtout pour une zone rurale. une fois par mois, un bibliobus stationne sur la place. 80 personnes viennent chaque fois y emprunter de quoi se divertir. au bout de la place, l'ancienne salle des fêtes va être démolie. «il paraît que c'est une entreprise roumaine qui va le faire», dit daniel.
par ici, la roumanie a mauvaise réputation. en 2003, une entreprise de fabrication de pièces de mécanique automobile, la snra, installée dans une ancienne laiterie à l'orée de la ville et qui a employé jusqu'à 190 personnes, a délocalisé une partie de son activité à 100 kilomètres de timisoara. en décembre, 49 salariés sur 94 ont reçu leur lettre de licenciement. 42 personnes avaient déjà été mises à la porte en 2004. «une douleur sociale», comme le dit le maire sans étiquette, jacky pétigny, qui saigne la ville. la mondialisation, mais aussi la vie chère, le passage à l'euro «douloureusement ressenti» risquent, selon lui, de gonfler les bulletins de vote pour les extrêmes. ici, le non au référendum sur le traité européen a été massif. daniel lui aussi a été noniste. «la directive bolkestein, je ne me rappelle plus trop ce qu'elle voulait dire, mais elle posait un vrai problème», avance-t-il. puis : «il faut éviter que les entreprises fassent plus d'argent en roumanie et du coup laissent tomber les français qui deviennent des nouveaux pauvres.»
régis tient le bar-tabac-pmu où daniel a ses habitudes. ensemble, ils aiment parler politique. régis est un «bouffeur de presse quotidienne», un type qui a toujours été fidèle à la droite gaulliste, qui s'intéresse à tout. au comptoir, un mécanicien de 21 ans, en bleu de travail, écoute vaguement. il n'a jamais voté de sa vie, n'est pas inscrit sur les listes. «pas le temps.» un chasseur sirote un ricard, l'air absent. il dit à la cantonade qu'il n'aime pas trop nicolas hulot. puis plus rien. il y a aussi un ouvrier de la snra qui va partir en retraite anticipée et craint pour les «jeunes licenciés avec une maison neuve à payer et trois gamins» . il n'a pas envie de discuter politique.
«là je vais boycotter»
régis, le buraliste, fume clope sur clope. sa barbe et ses doigts sont jaunis par le tabac. il a été ouvrier pendant trente ans dans une entreprise de luminaires qui a fait faillite «à cause de la concurrence asiatique» . il ne décolère pas contre la loi sur l'interdiction de fumer dans les lieux publics. «c'est une atteinte au commerce de proximité. je suis de droite, mais là je vais boycotter, le gouvernement nous tape dessus. celui qui rit, c'est jean-marie. lui, il va récupérer des voix, je le vois avec mes confrères.»
«vous voyez», glisse daniel. cette contestation qui gronde semble le ravir. on parle du cpe, de l'exil fiscal de johnny, des 35 heures chez les profs, des «fainéants», en france, qui ne veulent pas travailler. des médias qui «manipulent» les français en leur faisant «peur». ou encore d'alain gest, député ump de la somme qui fait la une du journal local parce que l'une de ses conversations dans les couloirs de l'assemblée a été enregistrée lors d'une enquête sur les lobbies par une caméra cachée. commentaires soupçonneux d'un client du bar : «ce n'est pas un hasard... qu'est-ce qu'il faisait là-bas ?»
daniel relance : «sarkozy, c'est un bagarreur, un petit roquet, un opportuniste.» régis n'a pas besoin de se faire pousser du coude pour dénoncer la politique d'immigration choisie du ministre de l'intérieur. «déjà, il faut trouver du travail pour ceux qui sont là. les autres, on va les faire venir : pour faire quoi ? des ghettos ?» daniel renchérit : «on a fait venir des gens en offrant du travail et une vie relativement agréable, assedic, sécurité sociale. on les a laissés reconstruire leur vie communautaire ici.»
«personne n'ose rien dire»
sylvain, 32 ans, le fils aîné de daniel, rêvait d'être élagueur au canada. il est jardinier à la mairie d'amiens. la femme de sylvain a travaillé dans la grande distribution (payée «au lance-pierres», «des horaires décalés» et des promesses d'une embauche qui ne vient pas, «mais personne n'ose rien dire», lance sylvain). elle est aujourd'hui en congé parental et s'occupe de leurs deux enfants. ils vivent en hlm à 350 euros de loyer et voudraient déménager. «les autres, les sans-papiers, ou ceux du squat de cachan, on leur trouve une solution, s'énerve le père. ici, on ne va pas s'installer individuellement dans le hall de la mairie d'amiens.» sylvain approuve en silence. «a force de coups médiatiques comme ça, poursuit daniel, on dégrade le moral des français. on leur fait voir qu'ils ne sont rien, par rapport aux étrangers et aux personnes en grande difficulté.»
le deuxième fils de daniel vit dans la région de blois. il travaille comme intérimaire depuis dix ans dans des hypermarchés. le troisième est encore au lycée, à amiens. il y a quinze ans, daniel, après un grave accident de voiture, s'est retrouvé au rmi. puis à la recherche d'un emploi. «on me disait que je n'étais "pas assez diplômé" [il n'a pas le bepc, l'ancêtre du brevet des collèges, ndlr], que j'étais "déformé par mes postes précédents" ou "trop vieux".» l'époque avait changé. a présent, il veut monter sa propre boîte de récupération de matériel informatique et en faire une entreprise d'insertion afin de donner à d'autres une seconde chance : «et je me fiche d'aider des français, des arabes, des grecs, des turcs... je veux juste qu'ils soient dans les ennuis, comme je l'ai été.»
«je ne les écoute plus»
«jean-marie le pen parle de nos problèmes à nous», dit daniel, qui s'attend à «une flambée, une révolution comme en 68». tous les ingrédients sont réunis : «ne pas loger les gens qui travaillent, l'appauvrissement, les gens traités comme des pions, le pétrole cher...» «le président du fn fait passer les préoccupations des français, de la franco-france, la franchouillardise.» il sourit. «le pen a été mis à l'écart parce qu'on le trouvait xénophobe, mais quand on écoute de villiers, sarkozy, le discours est passé, on prend enfin en considération la voix du peuple, la voix de la rue, pas que la voix des banlieues.» daniel a préféré chirac au second tour. «je veux bien voter pour le pen comme contestataire, pas comme président.» sylvain, son fils, ne se souvient plus pour qui il a voté. «les politiques, je ne les écoute plus, marmonne-t-il. c'est leur sport de faire des promesses.» puis il souffle : «j'ai voté pareil.»
robert habite lui aussi à la chapelle , le village de daniel. son père était communiste, ses enfants sont de gauche. son copain de comptoir vote besancenot. lui est fier d'être frontiste. il explique : «moi, je suis d'extrême droite, pas pour le principe d'être d'extrême droite. mais pour moi, c'est la france et les français d'abord.» il trouve que le pen est «un mec vigilant». il va au meeting du patron du fn. chante les chansons et fait des blagues qui vont avec. il a voté non au référendum : «a cause de la population turque et de l'islam que ça allait ramener à l'europe.» et deux fois pour le pen, en 2002.
le témoin de mariage de daniel était tunisien. mais daniel se «méfie» quand, à amiens, il croise «une bande de jeunes avec leurs casquettes et leurs survêtements blancs» (il veut dire : des arabes). a poix-de-picardie, il n'en croise pas beaucoup. les rares immigrés sont des descendants de harkis, «de très bonne famille», dont les fils et filles sont devenus médecins, avocat, infirmiers, des «modèles de réussite et d'intégration» selon le maire. et les seuls étrangers, les 96 britanniques, 29 canadiens, 15 australiens, 8 néo-zélandais et le polonais enterrés dans le carré du commonwealth dans le cimetière qui domine la ville.
photos frederic stucin
(1) il a souhaité conserver l'anonymat.
http://www.liberation.fr/transversales/grandsangles/228066.fr.php
© libération
13 janvier 2007 dans société | lien permanent
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sans-abri, le combat des «campements solidaires»
depuis le bateau «arletty», l'envers d'un paris carte postale
l'hôtel du nord, les sdf... le canal saint-martin attire toujours les touristes.
par didier arnaud
quotidien : lundi 8 janvier 2007
on passe l'hôtel du nord, c'est le moment où le haut-parleur du batea crache la bande-son du film de marcel carné. du bord du canal, un sd prend les devants : «atmosphère, atmosphère !» ce n'est plus une balade sur le canal saint-martin, c'est la croisière des tentes. ce samedi, sur la péniche arletty , on ne voit qu'elles. alignées, les sans-abri autour. une dame souffle à son fils : «tu sais, c'est les tentes dont ils ont parlé à la télé.» la soixantaine de passagers 14 euros par personne, tarif unique le week-end se retourne, parle discrètement. ils en oublieraient presque les quatre écluses, l'hôtel du nord et les deux heures trente de visite jusqu'à la villette. venu de nice, jean-marc se dit «consterné»: «c'est catastrophique en terme d'image, surtout dans un pays aussi riche.» sur le pont, un homme se lâche, tout fort, caméra en main : «faut voir si c'est des vrais sdf ou si c'est des gens qui en profitent médiatiquement. ils sont où les figurants ? quand j'ai réservé ils m'ont dit qu'ils seraient là.» autour de lui, des sourires, et de la désapprobation. patricia commente: «il y a des gens qui pensent que ceux qui vivent dehors sont des fainéants et n'ont que ce qu'ils méritent. en passant là, on voit que c'est un problème de logement.»
«voyeurisme». le bateau patiente aux écluses : «nous nous apprêtons à gravir un grand escalier d'eau de 24 mètres de haut», dit la guide . ça laisse du temps pour scruter les berges. elle peine à quitter son texte pour raconter les tentes en rang d'oignon. devant les premiers sdf, elle indique d'une voix suave : «regardez sur la gauche ! un couple de colverts.» plus tôt, elle avait lancé à l'adresse des journalistes : «vous venez pour les sdf ? c'est du voyeurisme. vous croyez que cela va les aider ? déjà à paris plages cet été, ils nous les ont virés. ils ne savent pas où aller.» le bateau repart. de loin on aperçoit mgr jacques gaillot, en visite, à côté d'une voiture de police. un enfant parle à sa mère : «il y a pas tout le monde qui a des maisons. c'est pas normal. ça ne devrait pas exister parce que eux, ils ont plus froid.» delphine, mère de famille, ravale à peine sa colère : «il y en a combien ? c'est impressionnant. c'est une honte de vivre dans un pays riche avec autant de misères.» pour maurizio, milanais, cette question des sans-abri «ni de gauche ni de droite, doit être traitée en priorité. l'argent des impôts devrait être utilisé directement pour reloger ces gens». shomi, 38 ans, vit à bruxelles. originaire du bangladesh, il explique à son ami comment les voisins du canal viennent dormir avec les sdf par solidarité. «chez vous, il y a une vraie mentalité de révolution, dit-il. a bruxelles, on ne les voit pas autant. il y a beaucoup d'appartements vides. mais je ne suis pas sûr que ça fasse bouger les politiques.»
«moins humide». rosemarie se sent «mal à l'aise. etre sur le bateau à prendre des photos, cela me fait un choc», dit-elle. elle a vu un petit chat «piégé» sous le pont et n'a pas osé prévenir l'éclusier. «un animal, à côté de tous ces gens qui sont dehors», souffle-t-elle sans finir sa phrase. rosemarie est venue avec son grand-père armando. armando est portugais. elle traduit ce qu'il dit : «ils auraient pu choisir un endroit avec moins de passage, plus abrité et moins humide. comment font-ils pour manger ?» le grand-père n'a jamais vu ça chez lui. rosemarie s'interroge. elle se demande si c'est la meilleure solution de «les avoir mis là. j'ai peur que les gens se disent : "ils sont sous une tente, c'est déjà pas mal, c'est mieux que sous un pont."» rosemarie craint que l'image des tentes ne se banalise. elle a un travail, mais elle n'a pas assez pour louer un appartement. a 30 ans, elle vit encore chez ses parents.
08 janvier 2007 dans société | lien permanent
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recrutés via l'internet, ils ont travaillé gratuitement pendant des mois en haute-savoie. une pratique abusive qui se multiplie dans le pays.
en france, des ouvriers polonais payés en belles promesses
par nicole penicaut
quotidien : vendredi 5 janvier 2007
annecy envoyée spéciale
le recrutement était déjà suspect. par l'internet. la sélection trop simple trop rapide. ils auraient dû se méfier. mais roman, charpentier, damian peintre en bâtiment, henryk, opérateur dans une entreprise d contreplaqués, avaient trop envie d'y croire. le besoin d'argent a balayé le doutes et quand les minibus sont arrivés dans leur village de basse-silési ou de grande-pologne, ils ont sauté dedans. direction la france. plu précisément faverges en haute-savoie. là, ils sont tous devenus sous-traitants pour une petite entreprise du bâtiment de la région, le charpentiers bâtisseurs. et assurés, pensaient-ils alors, d'un bon salaire quatre fois ce qu'ils auraient gagné en pologne, logement en prime. «on me proposait entre 1 000 et 1 200 euros par mois», dit roman, 33 ans, contre 700 zlotys (l'équivalent de 180 euros) en pologne. «en basse-silésie, on ne pouvait pas joindre les deux bouts. j'étais venu pour améliorer la situation. ma femme gagne 700 zlotys par mois comme vendeuse. or notre loyer s'élève à 500 zlotys», témoigne damien, 32 ans, qui devait revenir chez lui «en père noël».
«esclavagisme». mais, il y a une semaine, ce sont les poches vides qu'ils sont repartis. sans le secours d'un autocariste qui les a reconduits gratuitement à varsovie, et sans l'aide de la cgt, roman et damien n'auraient même pas pu payer leur voyage. comme leurs dix camarades, tous embauchés par la même filière. et comme la plupart des polonais auxquels pareille mésaventure est arrivée. les cas de ces ouvriers «importés» de pologne dans des conditions frisant l'esclavagisme se multiplient. mais, faute de trouver sur le territoire français l'assistance nécessaire, rares sont ceux qui peuvent aller plaider leur cause devant un tribunal. ceux de faverges ont, eux, eu le soutien d'un syndicat, d'une inspection du travail qui a dressé un procès verbal d'infraction (transmis au parquet le 28 décembre) et d'un avocat qui va plaider leur cause devant les prud'hommes. l'audience est programmée aujourd'hui (elle a finalement été reportée au 12 janvier, a-t-on appris vendredi).
les photos des chalets qu'ils ont bardés et charpentés sont là : sur le téléphone portable de l'un d'eux. brandies comme preuve de leurs huit à treize heures de travail par jour, pendant trois, quatre, voire six mois selon les cas. le tout sans salaire. «very good, very good, vous serez payé le mois prochain», leur rétorquait-on après avoir inspecté leur boulot. de mois en mois, un nouveau prétexte excusait l'absence de rémunération : «le travail est mal fait», «les clients n'ont pas payé...» a la place, ils recevaient 20 ou 30 euros par semaine pour «acheter de quoi manger». «des raviolis en conserve, c'est tout ce qu'on pouvait se permettre et encore pas tous les jours», raconte l'un d'entre eux. et s'ils n'étaient pas contents, 100 euros pour solde de tout compte et un retour au pays. dans le groupe, certains ont choisi cette solution, persuadés qu'on leur rendrait justice dans leur pays. mais leur employeur, la société polonaise europol, celle qui les a recrutés par l'internet, a, depuis, disparu de la circulation.
arriérés de salaires. les autres ont espéré meilleure fortune en continuant de travailler gratuitement. puis le 6 décembre, la cgt est tombée sur eux. «un hasard incroyable», reconnaît agnès naton, de l'union départementale. depuis, le syndicat ne les a pas lâchés. «en pologne, notre situation n'aurait ému personne.» roman n'en revient pas des actions de solidarité pour «quelques gars comme [eux]». il est d'autant plus reconnaissant qu'en pologne il n'aura pas de travail avant la fin de l'hiver. «dans le bâtiment, ils n'embauchent pas en cette saison.» sa mère avait le «pressentiment» qu'il rentrerait les mains vides. il espère la démentir en obtenant gain de cause aux prud'hommes. leur avocate, valérie mallard, va réclamer environ 4 000 euros d'arriérés de salaires pour chacun. la société europol étant introuvable, ce sont les charpentiers bâtisseurs qui devraient être mis à contribution. le donneur d'ordre ne peut faire comme s'il n'avait rien vu. en droit, il doit «s'assurer de la procédure de détachement des salariés, de leur titre de séjour et de l'existence de salaires», commente me mallard.
c'est comme cela qu'en juillet le domaine de la reine a dû se substituer à un sous-traitant polonais, et verser 32 000 euros d'arriérés de salaires aux 21 polonais venus travailler sur un chantier de construction à superbesse (puy-de-dôme). si la directive bolkestein a perdu sa référence au «principe du pays d'origine» (qui voulait qu'une entreprise française, par exemple, puisse faire travailler un européen selon les normes sociales en vigueur dans son pays d'origine), l'esprit semble être resté. on dira que ce sont là pratiques délictueuses d'obscures officines polonaises ou allemandes. c'est par elles généralement qu'arrivent ces travailleurs. mais tout cela arrange bien ces entreprises françaises qui font comme si elles ne voyaient rien. et ce qui vaut pour le bâtiment vaut aussi pour l'agriculture. le 19 décembre, trois frères, maraîchers du rhône, ont été condamnés. selon la cfdt qui s'est porté partie civile, ils avaient embauché 79 polonais sous le statut fictif d'artisans. payés une misère. encore moins encore que les maghrébins auxquels ils se substituaient. «l'europe me plaît, surtout la france, dit roman décidément pas rancunier. si ça se représente, je repars. mais cette fois, j'essaierai de vérifier la véracité du montage.» la cgt aimerait surtout qu'il prévienne ses compatriotes du mirage des recrutements express.
08 janvier 2007 dans société | lien permanent
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edf électrise france inter
par daniel schneidermann
quotidien : vendredi 8 décembre 2006
ce fut un petit moment d'extase, comme les radios du matin en offrent trop rarement. on était sur france inter, et nicolas demorand lançait jean-marc sylvestre, à propos de l'envolée du cours de l'edf : «jean-marc, le titre a progressé de près de 70 % en un an, passant au-dessus des cent milliards de valeur boursière, de quoi réjouir les actionnaires !»
comme il sait le faire lorsqu'un radieux matin se lève sur le cac 40, sylvestre déploie aussitôt toutes les ressources de son lyrisme cyclisto-hippique. oui, edf devient la deuxième capitalisation boursière française, derrière total, mais devant sanofi, devant axa, devant aventis ! oui, l'etat peut se frotter les mains, «le contribuable aussi, puisqu'il a fait une très belle affaire. et le personnel salarié qui a pu acquérir des plans d'épargne, et qui ne le regrette surtout pas». bref, «tous les clignotants sont au vert», d'autant qu'edf est «une des entreprises qui, au monde, est la mieux placée, compte tenu notamment de son parc nucléaire». enfin, dernier bénéfice de l'opération, «ce succès va fermer le dossier d'une renationalisation d'edf et de gdf, car, sur le terrain politique, on ne voit pas qui pourrait proposer de revenir en arrière». au journal de 8 heures, l'enthousiasme n'était pas retombé. «Ça valait le coup d'acheter», murmura le présentateur, en conclusion d'une identique envolée du journaliste.
a l'origine, donc, de l'envolée boursière d'edf des derniers jours, et de l'enthousiasme matinal de france inter, une décision du conseil constitutionnel, rendue le 30 novembre. validant la privatisation de gdf, et lui interdisant de continuer à offrir des tarifs régulés au-delà de la «poursuite des contrats en cours», le conseil constitutionnel, par contrecoup, appliquait aussi cette interdiction à edf. cette décision enterrait une promesse du gouvernement. contrairement à ce qu'avait avancé thierry breton en effet, les particuliers, après un déménagement, ne pourraient plus bénéficier automatiquement des prix régulés de l'électricité, inférieurs au prix du marché.
cette décision, premier pas d'une possible extinction des prix régulés, est d'abord passée inaperçue des médias généralistes, à commencer par le monstre myope de l'audiovisuel. au soir du 30 novembre, les jt ne retiennent que la première partie de la décision du conseil constitutionnel : la privatisation de gdf est validée. sur l'effet collatéral pour edf, pas un mot. libé le mentionne le lendemain dans un encadré . quant au monde, il n'en rend compte que quatre jours plus tard en notant, prudent, que «le conseil constitutionnel a peut-être signé l'arrêt de mort des tarifs réglementés proposés depuis 1946 par edf et gdf».
ainsi les «sages» peuvent-ils ouvrir la porte à la libéralisation de la facture d'électricité sans que cette nouvelle, pourtant «concernante» pour des millions de particuliers, émeuve les médias généralistes. mais les spéculateurs ont manifestement d'autres sources d'alerte que la télévision, et la perspective d'une augmentation des tarifs de l'électricité les allèche immédiatement. conséquence : l'action s'envole, et cinq jours plus tard, la capitalisation boursière d'edf frôle les cent milliards d'euros. c'est alors que la machine à records enthousiastes et à superlatifs, jusqu'alors assoupie, monte en régime. «edf, star incontestée de l'électricité en europe», titre sans surprise le figaro . s'abandonnant à la griserie sylvestrienne des classements, tous les commentateurs saluent «la deuxième capitalisation boursière de paris derrière total», «de très loin, le premier groupe européen de l'électricité et du gaz», etc.
eternel mystère, des nouvelles qui laissent le moloch indifférent, et de celles qui soudain l'hystérisent. pourquoi cinq jours d'indifférence, et cette explosion d'enthousiasme ? en l'espèce, le critère n'est pas seulement l'intérêt que présente l'information pour le grand public. parmi les auditeurs des radios du matin, ou les téléspectateurs du 20 heures, on compte sans doute davantage d'abonnés à l'électricité que d'actionnaires d'edf. les journalistes eux-mêmes, individuellement, se sentiraient-ils plus concernés par une nouvelle que par une autre ? c'est possible. sans doute y trouve-t-on davantage de détenteurs d'un portefeuille boursier que dans la moyenne de la population, ce qui ne peut pas ne pas déteindre sur leur travail. faut-il aussi ressortir les théories du complot ? «quelqu'un» aurait-il trouvé intérêt à dissimuler au peuple la décision des «sages», disponible immédiatement sur le site du conseil constitutionnel ? cela semble peu vraisemblable, même si, pour des raisons différentes, ni la droite ni la gauche n'avaient un intérêt immédiat à en faire la publicité. alors ? alors, il faut bien déduire que la complexité juridico-politique d'un texte aux conséquences encore incertaines n'a aucune chance contre l'évidence hypnotisante des chiffres à neuf zéros, des classements enfoncés, des plafonds crevés. et tant pis pour l'indispensable débat sur les prix de l'énergie, auquel les abonnés-téléspectateurs-auditeurs n'auront donc pas (encore) droit.
24 décembre 2006 dans france d'après, société, économie | lien permanent
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rencontre
dénoncer les assassins d'enfants, c'est faire partie des «braves gens»
samuel lepastier psychiatre, explique pourquoi les crimes à caractère sexuel envers les enfants sont devenus les plus intolérables pour l'opinion publique. et en quoi ils trouvent un écho intime en chacun de nous, même si nous n'en sommes pas directement les victimes.
par cécile daumas
quotidien : samedi 16 décembre 2006
audition des acquittés d'outreau à la télévision, natascha kampusc libérée huit ans après son enlèvement à l'âge de 10 ans, meurtre de mathia et madison le week-end du 8 mai, l'affaire grégory qui devient un téléfilm en 2006, ces événements ont marqué les esprits, frappé la conscienc collective. au xixe siècle, le pire des crimes était d'assassiner son père aujourd'hui, c'est de séquestrer, violer, tuer un enfant. pourquoi
tous les ans, en france, une dizaine au moins de pères ou mères gravement déprimés se suicident après avoir tué leurs enfants. c'est ce qu'on appelle curieusement le «suicide altruiste». ces meurtres mobilisent peu l'attention. en revanche, ce qui est intolérable à l'opinion publique, c'est effectivement qu'un enfant soit agressé ou tué pour le plaisir égoïste d'un adulte pervers. aujourd'hui, la maltraitance physique émeut moins que la maltraitance sexuelle réelle ou supposée. pourquoi cette différence ? pour le comprendre, il faut parler de la pédophilie. au début des années 70, la pédophilie bénéficiait d'une relative indulgence. une revue d'avant-garde avait publié un numéro au titre significatif : «qui a peur des pédophiles ?». certains de ces derniers pratiquaient un prosélytisme actif sous la bannière «de quel droit prive-t-on l'enfant de caresses ?». c'est à partir des années 80 que l'on commence à parler d'abus sexuels dans l'actualité. l'usage même du terme franglais «abus» utilisé à ce propos témoigne qu'il s'agit d'une importation nord-américaine.
dans les années 80, des psychanalystes américains antifreudiens mettent, effectivement, l'abus sexuel au centre de leurs thérapies. quelles sont les conséquences de ce choix ?
contrairement à ce qu'on pense généralement, ce sont les patients adultes en effet qui, les premiers, à partir des années 80 aux etats-unis, ont attiré l'attention sur la pédophilie. a cette époque, les psychanalystes perdent la majorité au sein de l'association américaine de psychiatrie au profit des partisans de la « psychiatrie athéorique» médicamenteuse. dès lors, freud et sa théorie sur la sexualité infantile, notamment l'importance des fantasmes sexuels de l'enfance, font l'objet de vives critiques. le plus souvent au cours de séances d'hypnose, certains thérapeutes, qui rejettent les théories freudiennes, obtiennent de leurs patients adultes des évocations de scènes sexuelles de l'enfance ; ils estiment qu'il s'agit d'événements réellement vécus et en viennent à considérer que l'abus sexuel est pratiquement la cause essentielle de dépression, d'anxiété, d'inhibition intellectuelle et de difficultés amoureuses dans la vie adulte. d'où la volonté d'aller à la recherche du «souvenir retrouvé». la théorie de ces antifreudiens est, en fait, une simplification abusive de la psychanalyse : si un abus est mis au jour en cours de thérapie, la guérison passe nécessairement par la mise en jugement et par la condamnation de l'agresseur. c'est bien parce que beaucoup d'adultes ont retrouvé en cours de thérapie des images d'abus sexuel que, dans un deuxième temps seulement, une plus grande attention a été portée aux enfants, ce qui est sans doute la conséquence la plus positive de ce mouvement. surtout, des patients adultes ont intenté des procès à leurs pères, qui se sont retrouvés en prison. et par un phénomène de tam-tam alimenté par les médias qui rendaient compte des récits des adultes, ces histoires d'abus sexuels se sont enrichies. on est passé très sensiblement de l'abus isolé à des formes plus spectaculaires d'atteintes, comme les abus rituels sataniques. les feuilletons américains ont repris ces récits, qui nous sont devenus familiers et contribuent à accroître notre sentiment d'insécurité. or, si on a bien constaté des crimes isolés à caractère satanique, personne n'a jamais prouvé l'existence de réseaux satanistes. a partir de ce moment, la pédophilie n'a plus seulement été considérée comme une grave perversion sexuelle : davantage qu'un ogre, qui attire les enfants pour les dévorer, le pédophile est devenu le diable.
certes, il y a cette diabolisation, mais, en libérant la parole sur les abus sexuels, un certain nombre de ces faits ont été dénoncés et condamnés.
c'est l'aspect positif de cette évolution. d'une façon générale, si certains abus sont évidemment bien réels, les autres ne sont pas faux, ils sont fantasmatiques. je m'explique. freud avait été troublé par le nombre très important de récits d'abus sexuels chez ses patients, ce qui impliquait que tous les adultes auraient dû être de grands pervers alors que, paradoxalement, dans les cas les plus graves, chez les psychotiques par exemple, ces récits étaient absents. il a donc conclu que les récits de ses patients se rapportaient à des fantasmes sexuels de l'enfance, ce qui l'a conduit à faire remonter le début de la vie sexuelle bien avant l'adolescence.
pour les psychanalystes donc, il n'y a jamais de «faux souvenirs» : freud fait la différence entre «vérité matérielle», justiciable des tribunaux, et «vérité historique», qui relève du fantasme. malheureusement, il n'y a aucun indice psychologique qui permette de distinguer l'une de l'autre. le fantasme d'avoir été un enfant abusé par un adulte est un fantasme originel, qu'on peut donc retrouver, en cherchant bien, chez chacun de nous. c'est le revers, en quelque sorte, du complexe d'oedipe. c'est pourquoi des psychothérapeutes américains ont mis à jour tant de fantasmes se présentant comme des souvenirs réels... c'est pourquoi des pères accusés par leurs enfants ont pu démontrer sans peine que les accusations ne reposaient sur aucun fondement réel. a partir de 1995 environ, la théorie du «souvenir retrouvé» a commencé à s'estomper.
ce fantasme de séduction partagé par tous explique-t-il aussi pourquoi tout ce qui touche à l'abus sexuel a un retentissement intime, même chez ceux qui n'en sont pas directement victimes, comme le spectateur devant sa télévision ?
tous les adultes sont ambivalents envers les enfants. d'un côté, les enfants sont notre prolongement et notre idéal, et nous espérons qu'ils pourront accomplir ce à quoi nous avons dû renoncer. de l'autre, ils limitent notre liberté et, d'une certaine façon, personnifient notre conscience morale. les vomissements dune femme enceinte peuvent exprimer un rejet de l'enfant. des parents ont des phobies d'impulsion comme jeter leur enfant par la fenêtre. d'une façon plus générale, l'angoisse excessive devant les risques auxquels sont exposés les enfants est, le plus souvent, l'expression de cette ambivalence mal assumée : imaginer l'accident, c'est exprimer un souhait, le vivre dans la douleur, c'est la punition pour avoir eu ce désir interdit. toute cette agressivité est absolument inconsciente et refoulée. pour se départir de ces impulsions, il y a un défoulement sur le criminel d'enfant. ce n'est pas moi, c'est lui. et les réactions des gens sont d'autant plus violentes et rigides qu'ils craignent de succomber à cette ambivalence, elle s'exprime d'autant plus facilement qu'il ne s'agit pas des parents de la victime. en dénonçant les assassins d'enfants, on se donne à soi-même l'assurance de faire partie des «braves gens». mais c'est en même temps faire le reproche aux pouvoirs publics de ne pas assez protéger les enfants que nous sommes restés, et c'est un appel implicite à plus de fermeté, à un régime fort, etc.
on ferait donc du pédophile un bouc émissaire responsable de tous les maux. cette réaction, dites-vous, entre en écho avec des peurs du moyen age ?
a l'extrême fin du moyen age, au début de l'imprimerie, il y a eu une recrudescence de la chasse aux sorcières. or il est intéressant de souligner qu'aujourd'hui les pédophiles ont la sinistre réputation des sorcières d'antan. tous deux sont considérés comme des ogres, tueurs ou mangeurs d'enfants, tous deux sont l'incarnation des dysfonctionnements de l'époque. aujourd'hui, tout crime d'enfant est, selon les discours défaitistes, le signe des désordres du temps. c'est parce que la société va mal. or rien ne prouve qu'il y a davantage de crimes d'enfants aujourd'hui qu'hier. au xve siècle, pour les inquisiteurs, ce sont les sorcières qui incarnaient ce mal : elles portaient les hommes à un amour désordonné, les rendaient impuissants ; de même, elles rendaient les femmes stériles, provoquaient des avortements, et, quand elles ne réussissaient pas l'avortement, elles tuaient les enfants pour en faire offrande au démon, puis les mangeaient. il est intéressant de souligner que, si la dialectique des inquisiteurs concerne essentiellement la sexualité, les plaintes des habitants de l'époque envers les sorcières sont, elles, des préjudices essentiellement économiques elles ruinent les récoltes, elles font mourir les animaux, empoisonnent les sources. pour convaincre de la réalité des maléfices, un livre est écrit en 1486 par deux dominicains, henry institoris et jacques sprenger. le marteau des sorcières connaît un succès considérable, un des plus gros tirages de l'époque. il a fait l'objet de plus d'une trentaine d'éditions jusqu'à la fin du xviie siècle. sa diffusion, dans la vallée du rhin, est accompagnée par la multiplication des bûchers.
le phénomène se reproduirait aujourd'hui avec les médias...
par ce livre, on voit comment le fantasme individuel de l'abus sexuel peut se transformer en inquiétude collective. l'écrit hier, la radio et la télévision ensuite, créent des foules artificielles où la passion et la haine l'emportent sur la raison. a présent, l'internet est tout à la fois un merveilleux instrument d'information, le lieu de projection de beaucoup de nos craintes et, surtout, un vecteur privilégié d'expansion de la paranoïa. comme l'a montré l'exemple des etats-unis, la recherche plus systématique des abus sexuels, si elle a eu des effets positifs, a conduit en même temps à donner une nouvelle actualité à des inquiétudes moyenâgeuses comme elle a donné une nouvelle actualité aux théories du complot. les pédophiles existent, les ogres pas.
vous parliez de la dérive sataniste aux etats-unis. mais jamais en france nous n'avons connu cela.
l'aspect satanique est passé au second plan en europe, c'est vrai, car la religion ne tient pas la même place dans la société. mais nous avons eu l'équivalent laïc avec les réseaux pédophiles. bien sûr, les pédophiles peuvent se rencontrer ne serait-ce que pour aller à bangkok ensemble. mais cette idée que des puissants du monde se donneraient des plaisirs en abusant d'enfants, avant de les tuer ou de les manger, relève surtout du fantasme partagé. avec l'affaire dutroux, l'idée de l'abus rituel satanique s'est laïcisée avec des «réseaux» d'hommes puissants et influents, bénéficiant d'appuis dans les échelons les plus élevés du pouvoir. mais aucun de ces réseaux n'a été mis à jour. ce fantasme partagé de réseau pédophile explique en partie la faillite de l'affaire d'outreau. même s'il y a eu des abus réels, les experts et le magistrat influencé par eux avaient la conviction intime qu'ils allaient enfin trouver la preuve de ces réseaux. c'est pourquoi ils ont perdu toute retenue. reconnaître son inconscient, particulièrement dans les affaires de pédophilie, ne signifie nullement qu'il faille immédiatement satisfaire ses pulsions, mais, bien au contraire, que, dans chacun des moments de notre vie, la prise en compte de l'enfant qui est en nous, nous permette, bien au contraire, de distinguer notre monde intérieur de la réalité extérieure et d'agir plus ou moins en adultes.
psychiatre, attaché de l'hôpital de la pitié-salpêtrière, pédopsychiatre, samuel lepastier est, à l'origine, spécialiste de l'hystérie. mais, dans les années 90, alors porte-parole de l'association française de psychiatrie, il est amené à s'intéresser à la pédophilie, sujet qui surgit dans le débat public. samuel lepastier est aussi psychanalyste, membre de la société psychanalytique de paris. c'est donc en freudien qu'il analyse la situation depuis une quinzaine d'années. il a toujours défendu sa discipline quand elle a été attaquée, notamment lors de la publication du livre noir de la psychanalyse l'année dernière. il a participé à la rédaction de l'ouvrage collectif psychanalystes, qui êtes-vous ? aux éditions intereditions.
16 décembre 2006 dans histoire, société | lien permanent
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les mariages forcés toujours aussi nombreux
cÉcilia gabizon.
publié le 16 novembre 2006
immigration en dépit des campagnes de sensibilisation, chaque année 70 000 jeunes filles vivant en france seraient contraintes d'épouser un inconnu au bled.
« j'ai découvert que mes parents m'avaient promise à un homme du village en surprenant une conversation », explique cira, 16 ans, d'origine malienne. l'adolescente a bien tenté d'en parler à sa mère, mais s'est heurtée à un « c'est comme ça » aussi las que ferme. avec la menace d'être exclue de la famille en cas de refus. « je suis en bep secrétariat. je ne veux pas me marier à un homme qui a presque trente ans et que je connais pas. » pour autant, cira hésite à dénoncer ses parents. elle oscille entre la révolte et la résignation, se raccroche à l'idée qu'elle divorcera ensuite pour vivre sa vie.
comme elle, près de 70 000 jeunes filles seraient menacées de mariages forcés, selon une estimation du groupement pour l'abolition des mutilations sexuelles (gams). jusqu'à présent, les diverses campagnes de sensibilisation comme les modifications législatives n'ont pas enrayé le phénomène. début 2006, la majorité nubile est passée à 18 ans et les unions douteuses peuvent faire l'objet d'enquête.
À mesure que les contrôles se renforcent, les familles les plus arc-boutées sur leurs traditions adaptent leur stratégie. « on observe un retour des mariages précoces », s'inquiète le gams. « les parents ont parfois vu les aînées leur échapper, alors ils marient les cadettes très jeunes, avant qu'elles n'aient un copain », explique la directrice du gams, isabelle gillette-faye. beaucoup ont également renoué avec les mariages au village ou au bled car « ils ont compris qu'en france c'était plus surveillé et plus compliqué pour régulariser ensuite un mari sans-papier ». désormais, toutes les vacances scolaires sont devenues des « périodes à risque », alerte isabelle gillette-faye.
en seine-saint-denis, département qui compte le plus d'immigrés, les travailleurs sociaux et les enseignants sont particulièrement mobilisés. ils lancent une nouvelle campagne de prévention reposant autant sur les jeunes que sur les parents. car empêcher ces unions forcées reste complexe. « la première tendance serait d'éloigner la jeune fille, mais souvent, elles ne veulent pas quitter leur famille, explique linda m., infirmière scolaire à bobigny. alors, on essaie de gagner du temps. mais je fais un à deux signalements par an à la justice, avec des succès divers... » les jeunes filles changent souvent d'avis, les juges ne suivent pas toujours et les services sociaux « sont réticents à prendre en charge ces filles sur le long terme », ajoute cette infirmière.
«l'ambiguïté des mères»
les services sociaux notent que les mariages forcés sont plus répandus chez les immigrés de fraîche date et que la pratique s'estompe avec le temps passé en france. « autrefois, les maghrébines trouvaient normal de se marier ainsi. on n'en parlait pas. maintenant, un certain nombre de jeunes filles revendiquent des droits, analyse emmanuelle piet, qui coordonne la politique familiale au conseil général de seine-saint-denis. en revanche, dans les familles pakistanaises, les filles acceptent, pour l'instant. la pratique est commune chez les primo-arrivants. »
la persistance de ces mariages repose aussi sur « l'ambiguïté des mères », reconnaît ernestine ronai, responsable de l'observatoire des violences contre les femmes en seine-saint-denis. toutes ne sont pas prêtes à « reconnaître qu'elles ont été elles-mêmes opprimées ». mais elles sont chaque jour plus nombreuses à dénoncer cette violence, comme myriam, 40 ans, marocaine, qui proclame : « jamais ça pour ma fille ! »
17 novembre 2006 dans société | lien permanent
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À noisy-le-grand, atd se bat pour la mixité
cinquante ans après son installation dans la ville, l'association s'oppose à la municipalité.
gÉrard bureau est en colère. « tout le débat sur la mixité sociale est un mensonge, car il ne concerne pas les plus défavorisés », tempête le responsable d'atd quart monde france. l'avenir de la cité familiale, que l'association gère à noisy-le-grand, est l'objet de son courroux. dans le cadre de la rénovation urbaine, cet ensemble de logements sociaux, considéré comme un projet pilote à sa création en 1971, et qui reste encore unique en son genre, doit être détruit. la mairie propose de construire un nouveau bâtiment, atd-quart monde n'en veut pas. l'association exige que les 35 appartements, où elle accueille des familles en très grande précarité, le temps de leur réapprendre l'autonomie, ne soient plus isolés mais dispersés dans le quartier (ils représenteraient 3,5 % des logements).
le dossier est aujourd'hui au point mort. atd n'entend pas céder. la mairie refuse de s'exprimer. « c'est un débat de société. aujourd'hui encore, on ne croit pas que l'on peut accueillir les plus pauvres au milieu de la ville. nous ne voulons pas d'une résidence sociale, créatrice d'exclusion », explique gérard bureau.
des igloos en fibrociment
le débat est ancien. déjà, au début des années 1960, le projet, qui prévoyait l'édification de 120 logements répartis dans un ensemble de 1 500 appartements avait été stoppé par l'administration. « l'idée a prévalu que le regroupement des familles asociales dans la cité aboutirait à une contamination des familles les unes par les autres », expliquait alors le mouvement.
depuis, la cité, une des rares structures à proposer un hébergement familial à des exclus, a fait ses preuves. « 87 % des gens ne retournent pas à l'assistance et à l'urgence. c'est un assez beau résultat pour des gens dont personne ne veut », dit gérard bureau. kamel bitchickh, 35 ans, est resté deux ans. « je m'en souviendrai toute ma vie », dit-il. aujourd'hui, kamel travaille comme ouvrier dans une société immobilière, vit dans un f3 en banlieue parisienne avec son fils et sa femme. son passage à atd lui a permis de mettre fin à une vie d'errance et de délinquance, qui avait conduit au placement de son enfant dès sa naissance.
il y a une autre raison à la détermination d'atd. c'est ici que le mouvement de lutte contre la pauvreté a pris racine quand, le 11 novembre 1956, le père joseph wresinski, qui allait en devenir le fondateur, vint s'installer au camp de noisy, où sous des igloos en fibrociment, qui ne protégeaient ni de la chaleur ni du froid, vivaient 260 familles. il n'y avait que cinq points d'eau et pas de sanitaires, mais une cabane, dénommée vidoir, où l'on déversait son pot de chambre. un millier d'enfants, dont beaucoup n'étaient pas scolarisés, jouaient dans la boue. « quand on parle de noisy, on pense à la boue. nous étions en bottes du 1er janvier au 31 décembre », se souvient gabrielle erpicum, une des premières volontaires à rejoindre le père joseph.
« l'apôtre des sans-logis fit apposer à l'entrée ce panonceau : « ce camp est à l'honneur de ceux qui l'ont édifié et à la honte de la société qui le tolère »», racontait en décembre 1960, le journaliste du figaro denis périer-daville, qui appela à une prise de conscience. en 1963, dans les colonnes du journal, françois mauriac lançait un appel. cinquante ans plus tard, cet été, anciens bénévoles et habitants du bidonville se sont retrouvés autour de la chapelle et des bâtiments, qu'ils avaient construits pour donner au camp un air de village. dans le foyer, où certains se rappellent avoir dansé le paso-doble, un film sur le bidonville fut projeté. les souvenirs rejaillirent avec la volonté de ne pas oublier.
« noisy doit rester un symbole, la lutte doit continuer », déclarait un ancien du bidonville.
17 novembre 2006 dans société | lien permanent
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les femmes doublement victimes en palestine
human rights watch dénonce les violences, souvent impunies, contre les palestiniennes.
par delphine matthieussent
quotidien : mardi 7 novembre 2006
jérusalem correspondance
violence domestique, violences sexuelles, incestes, assassinats de femme au nom du code de l'honneur : la violence contre les femmes dans le territoires palestiniens est largement répandue même si les donnée chiffrées manquent sur le sujet, selon un rapport de human rights watc publié aujourd'hui (1)
aucun recours. l'ong américaine explique comment la conjonction de lois discriminatoires et l'absence de politique de protection laissent les femmes et les jeunes filles palestiniennes victimes de violences sans pratiquement aucun recours. l'étude, réalisée à partir de plus de cent interviews en cisjordanie et dans la bande de gaza, fin 2005, reprend les conclusions d'enquêtes menées par le bureau central palestinien des statistiques (bcps) et plusieurs organisations palestiniennes de défense des femmes.
les victimes ne font que rarement état des violences dont elles sont victimes aux autorités, en raison notamment de pressions sociales, souligne le rapport. l'ong cite ainsi une étude du bcps, réalisée en décembre 2005 et janvier 2006, selon laquelle plus de 30 % des femmes interrogées avaient dit être victimes de violences physiques ou sexuelles de la part de leur mari. seules un peu plus de 1 % d'entre elles avaient cependant porté plainte suite à ces violences.
les victimes de violences sexuelles (viol et inceste) sont particulièrement vulnérables en raison de la prévalence des codes d'honneur dans la société palestinienne : les femmes suspectées d'avoir entaché l'honneur de la famille risquent d'être tuées par leurs proches. le rapport souligne que le fait d'avoir été victime de violences sexuelles est en lui-même un affront pour la famille. c'est donc la loi du silence qui prévaut dans la grande majorité des cas. ainsi, en 2003 et 2004 respectivement, une seule condamnation pour viol a été prononcée en cisjordanie et dans la bande de gaza où vivent près de 4 millions de palestiniens. en 2005, seuls 27 détenus palestiniens purgeaient des peines de prison pour viol.
dispositions légales. par ailleurs, les lois en vigueur dans les territoires palestiniens, basées sur le droit jordanien et égyptien, sont systématiquement défavorables aux femmes et ont conduit à une situation de quasi-impunité pour les auteurs de violences à leur égard. certaines dispositions légales réduisent les peines pour les hommes ayant tué ou attaqué des femmes adultères, blanchissent les violeurs qui acceptent d'épouser leur victime ou ne permettent qu'aux hommes de la famille de porter plainte au nom des mineurs victimes d'inceste.
«confronté à des cas de violence contre les femmes, le système judiciaire palestinien cherche davantage à éviter le scandale public qu'à s'assurer que la justice sera rendue , estime ainsi lucy mair, coauteur de l'étude de hrw. le droit élémentaire des femmes à la vie et au respect de l'intégrité de leur corps est au mieux considéré comme un problème secondaire.» les contraintes liées à l'occupation israélienne ne doivent pas être «une excuse pour l'inaction» et il est de la responsabilité de l'autorité palestinienne de prendre les mesures nécessaires pour protéger les femmes victimes de violences, conclut le rapport.
(1) «occupied palestinian territories : authorities must address violence against women and girls», http://hrw.org/reports/2006/opt1106/
12 novembre 2006 dans société | lien permanent
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en août, 72 employés de roissy ont été privés de leur badge d'accès à la zone sécurisée. enquête sur un excès de zèle antiterroriste.
par christophe boltanski
quotidien : vendredi 10 novembre 2006
ce n'était qu'une simple échauffourée, une «histoire toute bête», selon hakim. un soir d'avril 2005, quelqu'un lui a tenu des «propos mal placés». «je me suis expliqué calmement. l'autre m'a foncé dessus. je me suis défendu. on va pas tendre la joue droite et la joue gauche.» l'homme a porté plainte. il n'y a pas eu de suite judiciaire. mais hakim a été interdit de travail pendant deux mois.
agent de piste pour l'une des multiples sociétés de sous-traitance de l'aéroport de roissy, il charge et vide les soutes à bagages des avions. en juin dernier, il devait renouveler son badge qui lui donne accès à la «zone réservée», cet immense périmètre sous douane. un territoire où travaillent près de 60 000 des 80 000 employés de roissy. l'officier de la police aux frontières (paf) lui a annoncé que sa carte avait été suspendue. «il y a eu une enquête et ils me l'ont rendue.» aujourd'hui, neuf autres employés de la plateforme faisant l'objet de la même procédure portent l'affaire devant les tribunaux (lire ci-contre).
contrôle biométrique. terminal e, niveau - 1, morad, un bagagiste vêtu du gilet jaune réglementaire doit traverser une petite frontière avant de travailler. «je ne porte pas de ceinture ni de sac. sinon, on attend une heure aux rayons x.» avant de franchir le portique détecteur, il pose son badge rouge sur le lecteur magnétique, appuie son index sur une touche de contrôle biométrique. son visage et son nom apparaissent sur l'écran. pas de croix rédhibitoire. il peut entrer.
«avant le 11 septembre, il n'y avait qu'un tourniquet. depuis, on a créé un patriot act sur l'aéroport», s'écrie un délégué syndical sud en référence à la loi antiterroriste américaine. pour travailler sur la plateforme, il suffisait de fournir un extrait du casier judiciaire, le b2. «même si on figurait dans le b2, on n'essuyait pas forcément un refus : il y avait la volonté d'insérer les jeunes de banlieue», explique thierry bigeon, de la cgt air france.
«fait du prince». les habilitations sont délivrées maintenant par un sous-préfet, jacques lebrot, affecté spécialement à l'aéroport, après un épluchage des fichiers de la police (stic), de la gendarmerie (judex), de la dst, des rg, ainsi que du fpr (fichier des personnes recherchées). une simple mention dans l'une de ces bases de données entraîne une suspension automatique du badge. pas d'accès, pas de boulot. «si le patron est bien disposé, il vous met en congé sans solde ou en vacances. dans les petites boîtes, c'est souvent le licenciement», explique danièle, agente de sûreté et responsable cgt. l'entreprise invoque alors une rupture du contrat de travail pour «fait du prince», une volonté supérieure qui ne dépend ni d'elle ni de son employé.
les autorités reconnaissent avoir refusé 2 600 badges depuis 2004 pour des raisons non liées à des risques terroristes. un divorce qui tourne mal, une querelle de voisinage, un excès de vitesse, peuvent ainsi déboucher sur un renvoi. «il suffit que tu n'aies pas payé tes impôts pour avoir un retrait de badge. on a dévié de la sûreté à la moralité», s'insurge thierry bigeon. pour récupérer sa carte, un stewart surpris au bois de boulogne avec une prostituée doit expliquer aux autorités qu'il a accepté de voir un psychiatre et de faire un «travail sur soi». un mari qui avait frappé sa femme et s'était retrouvé en garde à vue a été mis à pied quelques mois plus tard. entretemps, le couple s'est réconcilié. une agente d'escale air france se retrouve «sans boulot», privée de badge depuis la mi-août, parce que son ex-petit ami a été arrêté en possession de stupéfiants. la police l'a placée en garde à vue. «on ne se voyait plus depuis six mois. les policiers croyaient que j'étais mêlée à un trafic. ils m'ont relâchée et se sont excusés.» reste la main courante, un nom sur un registre qui resurgit au premier renouvellement (effectué entre six mois et deux ans) du badge. a chaque fois, il faut plaider auprès des autorités, constituer des dossiers, faire intervenir les syndicats ou recourir à un avocat. cela dure trois, quatre mois. un stewart, accusé à tort d'outrage et de coups à agent, va recouvrer son badge après quatre ans et demi.
«larmes». le représentant de l'etat à roissy dispose d'un «droit de vie ou de mort sur les salariés», dénonce un syndicaliste. «notre seul recours, c'est d'aller pleurer devant lui», confie un autre. «si je me brouille avec lebrot, la prochaine fois que je le vois pour un gars, il ne me rendra pas son badge», déplore un troisième. son pouvoir s'exerce bien au-delà des seules questions de sécurité. l'an dernier, le sous-préfet a réquisitionné les grévistes d'une société de bagagistes, cbs. «les gendarmes nous ont obligés un par un à signer un pv reconnaissant que notre action était illicite», raconte mourad. ils ont obtempéré aussi par peur de perdre leur précieux sésame. «il faut que je sois réglo sur tout. cette menace du badge, elle est permanente, raconte danièle. pendant une alerte à la bombe, une hôtesse est allée rechercher son sac. quand un gendarme l'a vue revenir en arrière, ça l'a énervé, il lui a pris son badge. elle était en larmes. elle croyait avoir perdu son boulot.» au cours des dernières années, les contrôles se sont multipliés. les interdits aussi. notamment à l'encontre des musulmans pratiquants. après le livre de villiers dénonçant les «mosquées de roissy», la direction de cbs a fait retirer les deux tapis de prière des vestiaires. «un gendarme est passé sur les tapis et a vu un mec avec une barbe, se souvient danièle. il lui a dit : "demain tu l'as plus !"»
10 novembre 2006 dans société | lien permanent
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banlieues : la plupart des émeutiers d'octobre et novembre 2005 n'étaient pas récidivistes
lemonde.fr | 25.10.06 | 18h51 • mis à jour le 25.10.06 | 19h03
l'étude "justice des mineurs, émeutes urbaines", menée par laurent mucchielli, chercheur au centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales, et aurore delon, doctorante en sciences politiques, apporte un regard assez neuf sur les jeunes émeutiers de novembre 2005. et contredit fortement le portrait-robot dressé à l'époque par le ministre de l'intérieur, nicolas sarkozy.
les deux chercheurs ont analysé le cas de quatre-vingt-six mineurs déférés devant le tribunal pour enfants de bobigny (seine-saint-denis), entre le 31 octobre et le 11 novembre 2005. au moment où ils ont terminé leur étude, en juin 2006, seules dix-neuf affaires avaient été jugées. ils n'ont pu approfondir leurs recherches qu'avec les seize dossiers consultables, qui concernaient vingt-cinq mineurs. publiée dans la revue claris d'octobre 2006, l'analyse de ces dossiers permet un premier constat : les émeutiers sont tous des garçons. "a l'heure où une supposée 'montée de la délinquance des filles' questionne régulièrement les médias, la radicalité de ce constat mérite d'être soulignée", expliquent les chercheurs qui se sont également intéressés à l'origine de ces jeunes.
ils relèvent que 84 % des mineurs déférés ont des noms et prénoms à consonance étrangère et 55,5 % ont des noms à consonance spécifiquement maghrébine. "ce constat est novateur et il amène à contester fortement certaines idées quelque peu xénophobes émises pendant ou après les émeutes dans le débat public, en particulier le lien que d'aucuns voulurent établir entre les émeutes et la polygamie de familles originaires d'afrique noire", indiquent-ils, en soulignant que le fait existe mais est "marginal".
leurs conclusions sont simples : ces émeutiers "ont pour la plupart entre 16 et 18 ans, sont majoritairement 'd'origine étrangère', et principalement maghrébine. ils sont fragiles sur le plan scolaire, issus de familles stables mais précarisées sur le plan socio-économique, et n'étaient pas des délinquants déjà connus pour la plupart d'entre eux".
deux tiers des mineurs n'Étaient pas connus de la justice
l'étude des antécédents judiciaires de ces quatre-vingt-six jeunes fait ressortir que "la justice les connaissait dans une petite moitié des cas", parmi lesquels un tiers était connu au titre de la protection de l'enfance. "ainsi, les mineurs déjà connus de la justice pour des actes délinquants ne représentent en définitive qu'un tiers (34 %) de l'ensemble des mineurs déférés à bobigny à la suite des émeutes." les auteurs soulignent que la plupart d'entre eux avaient fait l'objet de mesures de liberté surveillée et de réparations, "ce qui laisse supposer une faible gravité d'infractions".
sur les seize affaires jugées, huit non-lieux ont été prononcés faute de preuves, cinq personnes ont été relaxées, le tribunal ayant jugé les preuves insuffisantes, et trois mineurs ont été reconnus coupables mais dispensés de peine dans la mesure où ils ont reconnu les faits et effectué la "mesure provisoire" ordonnée lors de leur première comparution. enfin, deux mineurs ont été condamnés à des peines de prison.
pour expliquer la nature des condamnations, les auteurs mettent en cause les conditions d'arrestation de ces jeunes : "l'impression d'ensemble est que les policiers ont souvent attrapé ceux qui couraient moins vite que les autres." les chercheurs soulignent le contexte dans lequel se sont faites ces arrestations : "les faits se déroulent dans la pénombre, dans le vacarme des cris des uns et des autres, dans une grande tension et sous le coup d'émotions diverses", ce qui fait que "ces déclarations policières sont parfois imprécises voire contradictoires".
"les juges ont fait leur travail"
ils relèvent également que les policiers ont parfois cherché à "charger la barque". ce qui explique, selon eux, que dans un quart des affaires jugées, les juges ont requalifié les faits reprochés aux jeunes émeutiers. "enfin, le problème se complique encore davantage lorsque le juge comprend, à la lecture de l'ensemble des pièces du dossier et en auditionnant les mineurs, que les conditions de leurs interpellations posent parfois des problèmes de déontologie de l'action policière, c'est-à-dire lorsqu'il peut fortement soupçonner des violences illégitimes", soulignent-ils.
les chercheurs concluent leur étude en s'interrogeant sur les critiques de "laxisme" adressées par le ministre de l'intérieur au tribunal de bobigny. pour eux, "les juges ont fait leur travail". "ils ont relaxé la plupart des jeunes faute de preuves, ils ont condamné à des peines réparatrices ceux qui avaient commis des actes peu graves et qui n'avaient pas de passé judiciaire, et ils ont condamné à des peines de prison ceux qui étaient des délinquants récidivistes et avaient commis les actes les plus graves. dans tout cela, l'on ne voit nul laxisme."
raphaëlle besse desmoulières
25 octobre 2006 dans france d'après, société | lien permanent
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wal-mart condamné à laisser ses employés manger
heures sup et pauses «oubliées» : les salariés seront indemnisés.
par laurent mauriac
quotidien : lundi 16 octobre 2006 - 06:00
new york de notre correspondant
pour tenir sa promesse de «bas prix tous les jours», wal-mart joue beaucoup sur ses sources d'approvisionnement (la chine, en grande partie). mais aussi sur les conditions imposées à ses employés : faiblesse des salaires et de la couverture médicale, temps de pause supprimés, heures supplémentaires non payées, lutte farouche contre l'absentéisme. vendredi, une cour de justice de philadelphie (pennsylvanie) a lourdement sanctionné le leader mondial de la distribution pour ses pratiques abusives. elle l'a condamné à verser 78,5 millions de dollars (63 millions d'euros) à 187 000 salariés, anciens et actuels, en réparation des pauses oubliées et des heures supplémentaires non rémunérées. c'était le montant réclamé par les plaignants. l'entreprise a fait appel de la décision.
33 millions de pauses. le jury n'a pas été convaincu par la défense de wal-mart. pour la direction, les employés avaient eux-mêmes choisi de travailler pendant les pauses et la perte de quelques minutes de salaires ici et là n'était pas significative. selon les avocats des plaignants, les employés de wal-mart en pennsylvanie ont sauté plus de 33 millions de pauses entre 1998 et 2001. la plainte en nom collectif émanait de deux anciennes salariées. l'une d'elles, dolores hummel, 53 ans, dit avoir travaillé 8 à 12 heures supplémentaires par mois non rémunérées et avoir été licenciée en 2002 après s'être plainte de ses conditions de travail.
en décembre, wal-mart s'est déjà vu infliger une amende de 172 000 dollars (137 000 euros) en californie pour infraction à une loi de l'etat imposant des pauses déjeuner de 30 minutes, une décision dont l'entreprise a également fait appel. plus de 70 plaintes semblables ont été déposées.
«biens jetables». parallèlement, le new york times a révélé, début octobre, que l'entreprise était en train d'augmenter le nombre de ses employés à temps partiel. selon ses détracteurs, dont plusieurs associations syndicales et politiques créées pour surveiller ses pratiques sociales, le roi des hypermarchés cherche à pousser dehors les plus âgés pour contenir la masse salariale et les frais d'assurance santé. des accusations que wal-mart réfute. l'ancien conseiller économique de clinton, paul krugman, vient de dénoncer dans le quotidien le comportement de wal-mart et d'autres sociétés, qui «ont décidé que leurs intérêts sont mieux servis en traitant leurs employés comme des biens jetables, payés aussi peu que possible et encouragés à partir après un ou deux ans». dans une note interne révélée en octobre 2005 par l'association wal-mart watch, susan chambers, la vice-présidente du groupe chargée de la protection sociale, suggérait de «dissuader les gens en mauvaise santé de venir travailler à wal-mart» et d'embaucher plus de temps partiels pour diminuer le nombre de salariés couverts par l'assurance maladie. une autre note interne, datant d'août 2006, révélée par wakeupwalmart.com, détaille un nouveau système de rémunération plafonnant les salaires des employés les plus anciens.
wal-mart vient, en outre, de décider la mise en place d'une nouvelle politique de lutte contre l'absentéisme. elle durcit les sanctions en cas d'absences non justifiées successives et exige que les employés appellent un numéro spécial dès qu'ils sont malades. lors de son dernier exercice, l'entreprise a réalisé un bénéfice de 11,2 milliards de dollars sur un chiffre d'affaires de 315 milliards de dollars.
19 octobre 2006 dans crevures, société | lien permanent
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les braquages-suicides d'un ancien de metaleurop
avec l'argent, l'ouvrier licencié et son oncle payaient leurs dettes. ils comparaissent depuis hier devant les assises du pas-de-calais.
par haydée saberan
quotidien : jeudi 28 septembre 2006 - 06:00
saint-omer (pas-de-calais) envoyée spéciale
« a première fois, je l'ai fait comme un suicide. et puis j'ai vu que ça marchait.» c'est deux types sans histoire qui se mettent à braquer des banques. pourquoi hafid yousfi, 37 ans, ouvrier, a-t-il attaqué, à visage découvert, le crédit agricole de leforest, juste à côté de chez lui ? et puis l'intermarché de loos-en-gohelle (pas-de-calais), à quelques kilomètres ? et puis le crédit agricole de la même ville ? et puis l'intermarché de courcelles-lès-lens, où il pouvait croiser des dizaines d'anciens collègues de metaleurop, son usine fermée ? pourquoi a-t-il viré l'argent des braquages sur son compte ? pourquoi son jeune oncle, rachid yousfi, 38 ans, l'attendait-il à chaque fois avec sa moto jaune, dehors ? pourquoi la moto, le butin, même les bordereaux de dépôts bancaires étaient-ils chez eux ?
pâlot. hafid et rachid yousfi sont jugés depuis hier matin devant la cour d'assises du pas-de-calais pour huit braquages pour le premier, le neveu, un pâlot à l'air paisible. et complicité dans six braquages pour le second, le jeune oncle, un beau gosse aux yeux tristes. butin : entre 300 et 6 900 euros par casse, 30 065 euros au total à eux deux.
hafid n'a jamais travaillé ailleurs qu'à metaleurop-noyelles-godault, c'est son père, ouvrier dans l'usine, qui l'a fait entrer. sa soeur précise : «l'atelier le plus dur. pour être sûr qu'il voulait vraiment arrêter l'école.» onze ans intérimaire à 1 800 euros, puis embauché en 2001, mais au smic. «il en pleurait parfois», l'argent de la prime, ils se paient une twingo et une polo d'occasion. mais, malgré les 950 euros des assedic, le couple n'arrive pas à suivre : toujours à découvert et même un temps interdit bancaire. «j'empruntais à droite, à gauche», dit hafid. il tourne en rond à la maison, s'occupe de son fils à midi, le cherche à la sortie de l'école. elle attend un deuxième enfant. il l'épouse, «pour faire plaisir à la famille». mais le couple se sépare. il demande le divorce. «tout seul entre quatre murs, sans travail», dit sa soeur nadia. il s'effondre quand il apprend, en mai 2004, que dorothée a rencontré un autre homme. les braquages commencent en juin. «dans ma tête, ça allait mal. et je n'arrêtais pas de recevoir des lettres recommandées des banques. je bloquais sur les banques.» il achète un pistolet à bille au marché de montigny-en-gohelle «pour faire plaisir à mon garçon. une belle copie, il paraissait réel».
anémie. premier braquage, il s'attend à être arrêté, mais ça passe. «un homme calme, courtois», racontent les employés de banque aux policiers. il entraîne son oncle rachid dans la combine. un taciturne, chômeur lui aussi, lui qui avait toujours travaillé. père de deux enfants qui souffrent d'une anémie grave. rachid pleure dans le box. sur son père mort mystérieusement au maroc, alors qu'il avait 15 ans. sur son adolescence de garçon martyrisé par son demi-frère plus âgé. pourquoi les braquages ? «je ne suis pas surpris, dit son petit frère hamid, il est monté au créneau pour subvenir aux besoins de sa famille. il a très mal supporté le chômage. il a dû en arriver là par fierté.»
avec l'argent des braquages, hafid yousfi paie une partie de ses dettes. rembourse ses loyers en retard. s'achète des ray-ban à 290 euros. rachid aussi paie ses dettes. son petit frère, à la barre, s'en mord les doigts : «je lui ai réclamé 5 000 euros pendant l'été 2004. il me les a rendus. il était contre le mur. par fierté, il n'a pas demandé de délai. je pense que j'ai une grosse partie de responsabilité.» le dernier braquage, le 31 juillet, au crédit agricole de brebières, près d'arras, a rapporté 6 930 euros. c'était la fin : hafid raconte qu'il a jeté le pistolet en plastique dans la deûle, à courrières. il a été arrêté le 9 août, à deux heures du matin, alors qu'il était dans la voiture d'un copain. ils allaient s'acheter à manger chez frite sensass, à lens. ils n'avaient pas leur ceinture. les policiers avaient des photos de lui sous tous les angles, très nettes, grâce à la vidéosurveillance des banques. hafid a vite avoué, et donné le nom de son oncle. ils encourent tous les deux vingt ans de prison. verdict demain.
29 septembre 2006 dans société | lien permanent
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point de vue
sexe faible s'abstenir, par gabriel et daniel cohn-bendit
le monde | 14.09.06 | 14h11 • mis à jour le 14.09.06 | 14h11
dominique strauss-kahn, jack lang, laurent fabius et, de manière encore trouble, lionel jospin, tous ont en commun avec ségolène royal d'être candidat à la candidature socialiste pour la présidentielle. en novembre, les militants, dont l'un de nous deux, feront leur choix.
alors que la frénésie bat son plein, difficile pour nous de ne pas interpeller les ténors du parti socialiste. ségolène n'est pas concernée par cette interpellation, parce que nous n'avons ni entendu ni lu la moindre attaque de sa part contre ses rivaux. elle dit ce qu'elle veut faire et comment elle pense le faire. soit dit en passant, nous n'avons ni lu ni entendu d'attaque des ténors contre les autres candidats mâles. par contre que n'avons-nous pas lu et entendu, clairement dit ou sous-entendu, contre ségolène ! en gros elle n'aurait rien dans le ventre ni dans la tête. rappelons à tous ce vieux proverbe : "quand deux têtes se cognent et que ça sonne creux, ce n'est pas toujours à cause de la tête de l'autre."
comment croire à la perspicacité politique de gens qui n'imaginent même pas que ségolène puisse l'emporter dans le ps et qu'il faudra ensuite combattre ensemble le candidat de la droite ? déjà nicolas sarkozy et ses seconds couteaux reprennent les arguments prémâchés : "la présidentielle n'est pas un concours de beauté", vient-il de déclarer en plagiant, sans le citer, jack lang. dans un élan digne de ses amis machos, martine aubry est même allée jusqu'à dire de ségolène qu'elle n'avait pour elle que sa séduction et ses "mensurations". séduction "bassement terrestre" alors que certains autres candidats semblent avoir la préséance en matière de quotient intellectuel.
l'agrégé d'économie qu'est dominique strauss-kahn aspire à un débat sur son terrain pour que soit enfin reconnue son incommensurable supériorité sur ségolène. est-il nécessaire de rappeler que françois mitterand n'était pas un grand économiste ? mais il avait de bons ministres, dont précisément dominique strauss-kahn, laurent fabius ou jacques delors, et un conseiller, jacques attali, qui remplit la même fonction auprès de ségolène. lionel jospin a pour sa part créé un conseil d'analyse économique pour lui donner des avis...
quant au débat avec les jeunes socialistes, imaginons que ségolène, émue de tant d'agressivité, ait eu la gorge serrée, quelques tremblements dans la voix, qu'elle ait même retenu une larme. le tollé que cela aurait fait ! tous, et lionel jospin en premier, auraient sans aucun doute dénoncé cette sensiblerie féminine. immanquablement, on lui aurait reproché de jouer sur l'affectif, d'être incapable de maîtriser tant ses émotions que ses nerfs dans une situation difficile. mais la mâle émotion de lionel, elle, a fait l'admiration de ses fidèles. alors que les excuses de ségolène et l'échéange constructif qu'elle a pu finalement avoir avec la jeune militante socialiste, après son épisode de défaillance à quimperlé n'ont suscité que ricanements.
que les choses soient claires : quelle que soit la préférence de l'un et l'autre pour le premier tour, si nous soutenons ségolène au sein du ps, c'est non seulement parce qu'elle est la personne la plus apte à battre nicolas sarkozy au second tour, mais en plus parce qu'elle est la seule qui réponde à un besoin profond de la société française : la transformation de la fonction présidentielle. elle est, en effet, la seule à incarner ce besoin d'une présidence citoyenne, à l'écoute de la société et capable de mobiliser les intelligences collectives pour le bien du plus grand nombre. et nous croyons par ailleurs que, une fois installée au "palais royal" de l'elysée, elle saura s'entourer de conseillers, de ministres, d'amis, parmi lesquels se retrouveront les ténors, capables de démocratiser les prises de décisions.
aux ténors dès lors de se ressaisir, car demain c'est ensemble qu'ils devront combattre le candidat de la droite et après-demain, nous l'espérons, qu'ils seront au pouvoir tous ensemble et avec d'autres, heureusement pas tous socialistes, avec qui ils se compléteront très bien. que chacun dise ce qu'il a à dire au lieu de croire se grandir en rabaissant la seule concurrente féminine car, en réalité, c'est l'effet contraire qui se produit : eux se rabaissent et elle en sort grandie.
daniel cohn-bendit est député européen vert.
gabriel cohn-bendit nouvel adhérent socialiste.
16 septembre 2006 dans france d'après, société | lien permanent
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intermittents: le procès d'une intrusion
en 2003, ils avaient été violemment expulsés du plateau de «star academy».
par bruno masi
quotidien : jeudi 14 septembre 2006 - 06:00
l'affaire traîne depuis bientôt trois ans. le 18 octobre 2003, une cinquantaine d'intermittents déboule sur le plateau de la star academy , en plein direct. une banderole «eteignez vos télés» est déroulée, l'émission interrompue, tandis qu'une altercation entre le service d'ordre et les manifestants éclate en coulisse et devant les studios. au final, les troupes intermittentes comptent six blessés et quatre interpellations, dont une à domicile le lendemain matin.
cet après-midi, les quatre interpellés comparaissent devant la 14e chambre du tribunal de grande instance de bobigny, pour «violence» , «voie de fait» , «menace de mort» , et «entrave à la liberté de travail et d'expression» . pour l'un deux, olivier pousset, réalisateur de documentaires (notamment pour arte) «les quatre interpellés sont ceux qui, avant l'arrivée de la police, ont menacé les vigiles de porter plainte pour violence et qui ont ensuite été désignés» .
le lendemain de l'intrusion sur le plateau, tf1 et une grande partie des médias d'influence évoquent la violence d'un «groupe sombre, amer, face à une assemblée très jeune, très colorée et parfaitement ludique» (le parisien). au moment où le mouvement de contestation est le plus fort, il est politiquement utile de discréditer des artistes et techniciens soutenus par l'opinion publique.
mais la version de tf1 est très vite contredite par une vidéo soustraite au service d'ordre : on y voit les vigiles disperser à coups de gifles les belligérants. «je me suis retrouvé avec la tête d'elephant man pendant une semaine , confirme pousset, qui a lui-même porté plainte pour violence. par ailleurs, les manifestations ou occupations d'intermittents n'ont jamais été violentes.» les quatre intermittents demandent la relaxe.
15 septembre 2006 dans france d'après, société | lien permanent
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discrimination au logement : une société relaxée
par pierre daum
quotidien : mercredi 13 septembre 2006 - 06:00
situation rare en matière de discrimination raciste au logement ; cette fois-ci, le délit semblait parfaitement caractérisé. en mars 2003, michel froidure a pris rendez-vous au téléphone pour visiter un appartement qu’il désirait louer à montpellier. «je suis arrivé à ce rendez-vous avec, en main, deux bulletins de salaires et l’avis d’imposition 2001 d’un ami qui se portait caution, documents qui prouvaient que mon ami disposait d’un revenu nettement supérieur à trois fois le loyer», explique-t-il. avec un tel dossier, le jeune homme était en droit d’espérer obtenir le logement convoité.
sauf que… michel froidure est métis (ce que ni son nom ni son accent parisien ne peuvent laisser soupçonner au téléphone), et son cautionnaire, qui vit et travaille en france depuis quinze ans, est de nationalité algérienne. quinze jours plus tard, au lieu de signifier simplement son refus de louer par téléphone, la secrétaire de l’agence immobilière, mme p., commet la «faute» d’envoyer une lettre à michel froidure, dans laquelle elle justifie sa décision par la seule raison que «le cautionnaire doit être de nationalité française». ce que le code pénal (art. 225-1 et 225-2) considère comme un délit de «discrimination à raison de la race ou de l’origine dans l’offre ou la fourniture d’un bien ou d’un service».
hier, devant le tribunal correctionnel de montpellier, le patron de la secrétaire fautive a expliqué qu’«il s’agit d’une maladresse dans la rédaction de cette lettre», que son employée avait en fait refusé «parce que m. froidure n’avait apporté aucun justificatif de revenus de son cautionnaire, ni de preuve de domiciliation bancaire en france». avant de préciser: «je ne suis pas raciste, puisque que je suis marié avec une libanaise.» détail étrange: dans le hall du tribunal, mme p. contredisait les propos de son patron, et expliquait à libération que «m. froidure s’est présenté avec deux feuilles de salaires, et l’avis d’imposition 2001 du cautionnaire», mais que «les revenus étaient insuffisants».
sur ces documents, qui figurent dans le dossier remis au juge, on comprend pourtant que le cautionnaire disposait à l’époque d’un revenu total de 2600 euros par mois (soit six fois le futur loyer de m. froidure), répartis entre un salaire net de 1300 euros, et un revenu foncier de la même somme. on comprend aussi que ces revenus sont versés dans une banque française.
après une demi-heure de délibération, la présidente du tribunal de montpellier a entièrement relaxé le patron de l’agence immobilière – seul poursuivi car pénalement responsable. sans s'être encore prononcée sur les raisons de cette relaxe, elle s’est cependant opposé à l’avis du procureur qui, constatant que «la loi n’avait pas été respectée», avait réclamé une amende. «le tribunal de montpellier vient d’envoyer un message terrifiant à la jeunesse issue de l’immigration, et notamment à celle qui avait exprimé sa rage lors des émeutes de novembre dernier», a déploré samuel thomas, vice-président de sos racisme, qui s’était porté partie civile. «il leur dit: si vous êtes victimes de racisme, ne comptez pas sur la justice pour défendre vos droits!»
http://www.liberation.fr/actualite/societe/204059.fr.php
13 septembre 2006 dans crevures, france d'après, société | lien permanent
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economie
carole tuchszirer, économiste, analyse l'efficacité des cabinets privés, qui vont gérer les dossiers de 92 000 chômeurs ces deux prochaines années.
anpe : «l'opposition public-privé est stérile»
par sonya faure
quotidien : samedi 9 septembre 2006 - 06:00
près de 100 000 chômeurs passent au privé. hier, l'unedic a désigné les 17 cabinets privés de reclassement qui accompagneront 92 000 demandeurs d'emploi ces deux prochaines années. en février 2005, des expérimentations ont été lancées par l'unedic, qui gère les comptes de l'assurance chômage : le suivi de 7 000 chômeurs a été confié, non plus à l'anpe, mais à des organismes privés. en mai dernier, l'unedic en a dressé un bilan selon elle très satisfaisant (lire ci-dessous). et décidé d'élargir l'expérience. un second appel d'offre devrait être lancé pour confier au privé le suivi des bénéficiaires d'une convention de reclassement personnalisé (crp) (1). ces cabinets privés (tels que ingeus, adecco...) offrent un accompagnement renforcé : un conseiller pour 40 demandeurs d'emploi (contre 1 agent anpe pour 130 demandeurs). et ils sont payés au résultat, par chômeur reclassé : un tiers de la somme leur est versé au départ, et le reste en fonction de la durabilité de l'emploi trouvé.
carole tuchszirer, économiste à l'ires (institut de recherche économique et sociale), nuance l'efficacité du recours au privé.
pourquoi l'unedic tient-elle tant à recourir au privé pour le placement des chômeurs ?
ce sont les pouvoirs publics qui ont pris l'initiative d'ouvrir le marché de l'emploi au privé. l'unedic s'est engouffré dans la possibilité que lui a offerte la loi de cohésion sociale de jean-louis borloo. la raison qu'elle met en avant est financière : le privé serait plus efficace et lui épargnerait donc de verser des indemnités aux chômeurs. ce n'est pas la seule raison : on est bien dans une logique en partie idéologique d'ouverture du marché du travail à la concurrence. celle-ci n'est pas nouvelle : en 2000, l'unedic avait déjà tenté de confier la mise en place du pare (2) au privé. l'initiative n'avait pas eu de suite. d'autre part, l'anpe travaille elle-même depuis longtemps avec le privé : 70 % de ses prestations (évaluation, bilan de compétence, formation...) sont assurées par lui bien plus que la moyenne européenne. enfin depuis les années 90, le reclassement des salariés licenciés dans des plans de restructurations économiques est assumé par des cabinets privés. on sait donc depuis longtemps que le privé a un taux de reclassement d'un peu moins de 50 %. une performance légèrement supérieure à celle de l'anpe.
comment expliquer alors les polémiques autour de l'arrivée du privé sur le marché du travail si elle n'est pas nouvelle ?
depuis les années 90, la mise en cause des organismes privés chargés de placer les chômeurs est souvent excessive dans les médias, comme auprès des organisations syndicales. et les demandeurs d'emploi, eux-mêmes, préfèrent le service public de l'emploi, qui les rassure. c'est d'ailleurs pourquoi les cabinets privés choisis pour l'expérimentation menée par l'unedic ont eu du mal à trouver des volontaires. en fait, on n'arrive pas à mener un débat serein sur la question. or, l'opposition public-privé est stérile. la question n'est pas vraiment de savoir qui fait mieux le travail, mais plutôt de savoir comment les deux pourront collaborer. l'unedic va confier 46 000 chômeurs par an de plus au privé. et 50 000 bénéficiaires de la convention de reclassement personnalisée (crp). a terme, que va-t-il rester à l'anpe ? comment redéfinir sa mission de service public ? va-t-elle assumer un «service minimum» chargé de s'occuper des demandeurs d'emploi qui n'auront pas été réorientés vers les cabinets privés ? ceux-ci, payés aux résultats, seront-ils tentés de «filtrer» les chômeurs et de n'accompagner que les plus «employables» ? il n'y a toujours pas d'évaluation fiable qui nous permette de prévoir les impacts de la réforme à l'avenir.
justement, vous estimez que le bilan du privé dressé par l'unedic est «plus que mitigé». pourquoi ?
le coût du reclassement est exorbitant : entre 3 000 et 6 000 euros par chômeur (quand on estime à 650 euros le budget alloué à l'anpe par chômeur). avec davantage de moyens financiers et humains il n'est pas étonnant que le reclassement soit légèrement meilleur via les cabinets privés. de plus, les demandeurs d'emploi qui ont bénéficié de l'expérimentation étaient volontaires, ce qui introduit un biais. on peut imaginer qu'ils étaient plus motivés que la moyenne pour retrouver du travail. quand vous parlez aux agents de l'anpe, ils vous expliquent comme il est au contraire difficile de remettre dans l'emploi une personne déconnectée de tout réseau social. enfin, l'unedic explique que les demandeurs d'emploi dirigés vers les cabinets privés ont été choisis parce qu'ils présentaient des risques important de devenir des chômeurs de longue durée [parce qu'ils ont plus de 50 ans, ou sont titulaires d'un diplôme peu recherché par les entreprises, etc., ndlr]. certes, mais contrairement à beaucoup d'inscrits de l'anpe, ils ne sont pas au chômage depuis longtemps, puisqu'ils sont encore indemnisés ! ce qui biaise également les chiffres.
et le montant de 24 millions d'économies que l'unedic affirme avoir retiré de l'expérimentation ?
il est surestimé. ce calcul repose sur une hypothèse fausse : comme si les chômeurs utilisaient la totalité de leurs indemnités. or, en moyenne, les demandeurs d'emploi n'épuisent pas leur droit. ils retrouvent un emploi avant. finalement, on peut imaginer que l'unedic finisse par se dire que le recours au privé n'est pas une si bonne opération, quitte à revenir au service public de l'emploi.
(1) dispositif destiné aux licenciés économiques dans les entreprises de moins de 1 000 salariés.
(2) plan d'aide au retour à l'emploi.
http://www.liberation.fr/actualite/economie/203413.fr.php
11 septembre 2006 dans société | lien permanent
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société
« offrir du bonheur aux gens qui sont en difficulté »
cachan . lilian thuram ne comprend pas que sa « main tendue » aux familles expulsées suscite autant d’hostilité à droite. raymond domenech soutient les joueurs.
« je suis un être humain. si un autre est dans la difficulté, pourquoi je ne dois pas lui offrir une seconde de bonheur si je peux le faire ? » lilian thuram ne comprend pas que sa « main tendue » à quatre-vingts personnes hébergées au gymnase belle-image de cachan (val-de-marne) ait provoqué autant d’hostilités à droite. mercredi soir, patrick viera et lui avaient invité ces immigrés sans domicile à suivre le match france-italie (voir page 22) en direct du stade de france.
« on n’est pas rejeté par tout le monde »
un geste que dalla, l’une des participant(e)s, n’oubliera pas : « je le garderai au fond de mon coeur. moralement, ça fait du bien. on voit que l’on n’est pas rejeté par tout le monde. » au milieu d’enfants agitant
le drapeau bleu-blanc-rouge, dalla a vibré à chaque but marqué par les français. « thuram n’a pas mis un but, mais l’essentiel est que son équipe ait gagné », sourit-elle. les sourires, ce soir-là, étaient sur toutes les lèvres, surtout celles des gamins, surexcités au moment de monter dans les cars les amenant, le temps de la compétition, loin du gymnase où ils campent depuis trois semaines. « j’espère que la france ne va pas perdre comme à la coupe du monde », s’exclame ali, quatorze ans. « la france va gagner, trois à zéro », lui répond, sûre d’elle, aminata, quinze ans. du bonheur, rien que du bonheur offert par les deux footballeurs professionnels à aminata, dalla, ali et les autres, que d’aucuns semblent parfois effacer de l’espèce humaine. « ce n’est pas la première fois que j’offre des billets. ces personnes n’étaient-elles pas les bonnes à inviter ? » s’est indigné lilian thuram, lors d’un point de presse, à l’issue du match. quelques heures auparavant, philippe de villiers et deux proches de nicolas sarkozy, le député yves jégo et le ministre christian estrosi, s’étaient offusqués de cette action ; yves jégo n’hésitant pas à manier l’insulte : « on peut être un grand sportif et se révéler un piètre individu sur le terrain de la politique. » le ministre de la jeunesse et des sports, jean-françois lamour, est, lui aussi, sorti de son silence : « je tiens simplement à dire à la fédération française de football qu’elle soit vigilante à ce qu’un match de l’équipe de france ne soit pas instrumentalisé. »
« leur avis, comme tout le monde »
ces prises de position ont agacé raymond domenech,
au point de l’amener à les
commenter publiquement. « ne reprochez pas aux joueurs d’avoir des idées. on dit souvent que ce ne sont que des footballeurs, qu’ils sont bêtes, qu’ils n’ont pas d’avis. non, pourquoi ils ne donneraient pas leur avis, comme tout le monde », a déclaré, hier, le sélectionneur. une attitude sans doute appréciée par patrick viera et lilian thuram, qui n’ont pas manqué de soutiens tout au long de la journée de mercredi. ainsi, ceux du socialiste malek boutih, ou de la communiste marie-george buffet, pour qui l’initiative des deux joueurs est « d’une grande beauté ». la secrétaire nationale du pcf s’est dite « choquée » par des hommes politiques qui vont jusqu’à « nier la possibilité à des sportifs de se prononcer sur un sujet de société ». ou encore celui de christian favier. « sensible » à l’invitation de lilian thuram et patrick viera, le président du conseil général du val-de-marne a mis deux cars à la disposition des familles immigrées pour accompagner la « générosité », « l’humanisme » et « la solidarité » des deux bleus.
mina kaci (avec stéphane guérard)
09 septembre 2006 dans france d'après, société | lien permanent
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le patronat rêve de changer le peuple
terrorisés par l’antilibéralisme qui, selon eux, caractérise l’opinion publique en france, les patrons peinent à sortir de la nasse.
guerre au liban, flambée du pétrole, capitalisme en train de s’autodétruire... et un pull-over vert se lève, la question qui tue : « moi, je suis joueur de golf et on retrouve parfois des pots de yaourts sur les parcours. est-ce que danone compte bientôt passer au biodégradable ? » mines bronzées et rictus de rentrée, plusieurs milliers de patrons ont certes bien rigolé pendant l’université d’été du medef, mais, globalement, ça n’aura pas vraiment été la fête pour eux. moral passagèrement en berne ou développement durable du coup de blues ? et si, au fond, le patronat était aujourd’hui entré dans sa grande dépression ? il y a les petits tracas (la pollution, par des gueux sans doute, des parcours de golf, mais aussi les augmentations « politiques » du smic, les menaces sur les stock options, la perspective du chèque-emploi, le dossier brûlant de la fusion gdf-suez, etc.) et un très gros problème, une montagne, leur hantise : les patrons viennent de découvrir que les français n’aiment ni « l’économie de marché » ni, dans une perspective élargie, le « libéralisme ». selon un sondage mondial commandé par l’université américaine du maryland, publié au printemps dernier, mais convoqué à maintes reprises lors des rencontres annuelles de jouy-en-josas (yvelines), les français ne seraient que 36 % à répondre qu’ils sont d’accord avec l’assertion : « le système de libre entreprise et de l’économie de marché est-il le meilleur pour l’avenir ? » loin derrière les chinois (74 %), les américains (71 %), les anglais (67 %) et les allemands (65 %), qui, eux, auraient la foi... après la déroute référendaire du projet de traité constitutionnel européen en 2005, après la mise en échec dans la rue du contrat première embauche (cpe) cette année, le medef a fait un rêve : changer ce peuple de cancres dans la classe de la « mondialisation heureuse ».
* même les évêques
trahissent
trop injuste : les patrons français n’ont décidément pas le pays qu’ils méritent... et face à des concitoyens qu’ils dépeignent volontiers comme archaïques ou carrément arriérés, ils trépignent. « si, comme nous le disent presque tous les économistes, on assiste bien à la « fin de l’histoire », cela signifie qu’il y a un consensus mondial sur le meilleur système économique, et que c’est le marché, assène serge villepelet, président du cabinet d’audit price waterhouse coopers. or nous sommes dans un pays qui conserve une méfiance à l’égard du libéralisme. mais comment la france, qui n’aime que si tièdement les meilleures de ses entreprises, pourrait-elle aller sur le chemin de la croissance et de la compétitivité ? » dans un autre style, robert leblanc, courtier en assurances et responsable de l’association des entrepreneurs et dirigeants chrétiens (edc), déplore : « nous qui sommes chrétiens, quand on voit les évêques réagir, ça nous donne parfois des boutons. ils sont en phase avec les citoyens, l’opinion publique et les médias, et quand on annonce un licenciement, ils voient ça comme un drame humain. ils refusent de prendre en considération le fait que c’est une opportunité, que la mobilité, c’est positif... »
pour rendre présentable, voire désirable, le capitalisme, le medef se retrouve, au terme de trois jours d’université d’été ultra-pauvres au plan intellectuel (lire ci-dessous), avec trois registres d’interventions dans le débat public... trois « arguments », et autant d’impasses : l’idéologie de la « réalité », l’assertion technique de la « contrainte extérieure » et l’« exemple » international (la méthode des comparaisons des standards entre les pays dite « benchmarking » dans le jargon du management).
* les patrons sont
la « réalité »
« nous vivons dans un pays où l’opinion publique est la moins bien informée au monde, considère michel pébereau, président du conseil d’administration de bnp-paribas. dans les entreprises, les français ont accepté une série de réformes, mais il demeure bien difficile de réformer au plan national. nous avons sur ce terrain une exception française incompréhensible. en tant que chefs d’entreprise, nous sommes mieux placés que d’autres pour parler de la réalité, cela nous évitera de nous embarquer dans débats idéologiques qui sont en train de contester le réel. » avec la présidence de laurence parisot, le medef a mis en place une commission du « dialogue économique », vaste entreprise « pédagogique » d’explication de la « réalité ». mais avec une désinvolture totale, frank riboud, pdg de danone, lève un coin du voile sur la nature de la manipulation : « oui, il faut aujourd’hui un dialogue économique, s’embarque-t-il. il faut expliquer que l’objectif de l’entreprise, c’est de faire des résultats. danone a été l’entreprise préférée des français, et puis celle qui était la plus détestée au moment de l’affaire lu [licenciements boursiers et fermeture annoncée en 2001 de deux usines à calais et à ris-orangis - ndlr]. le matin, je me regarde dans la glace, je me dis : « c’est toi qui décides si ce que tu fais est bien ou pas. » c’est la règle que j’applique, et ça marche. » au medef, il en va de cette « réalité », passablement amputée, comme du reflet dans le miroir de frank riboud : c’est toujours le patron qui décide ce qui est « réel » ou « bien » et ce qui ne l’est pas.
* « crédit épuisé »
pour la contrainte
alors que le politologue bernard manin avertit qu’en matière de « réformes » néo-libérales « l’usage exclusif de la rhétorique de la contrainte produit aussi des coûts » et qu’aujourd’hui « le crédit est épuisé », henri de castries, président du directoire d’axa, tient son rôle de zélateur du « benchmarking » jusqu’à la caricature et au mensonge par omission : « nous n’en sommes pas encore à manger des glands, se félicite-t-il, mais depuis qu’en france le libéralisme est diabolisé, notre performance a décroché par rapport à des pays qui y ont, eux, pleinement adhéré. regardez l’angleterre, où le revenu moyen par tête a dépassé celui de la france, regardez les performances économiques, et sociales, de l’irlande et de l’espagne, qui ont fait des choix libéraux et qui les assument ! » dans un des ateliers suivants, l’avocat d’affaires et essayiste michel guénaire, qui se gargarise d’avoir été jeune giscardien à dix-sept ans, mouche en douce le représentant du parrain du grand capital français, claude bébéar. « la france n’est pas en déclin, elle est juste en décalage avec le modèle dominant, anglo-saxon, de la mondialisation. or ce modèle est en échec. blair est en train de remettre les services publics, bush a demandé à chirac comment fonctionne la sécurité sociale française. une fois réformée, la france pourrait esquisser un modèle alternatif à la mondialisation actuelle. »
* dans l’impasse
du libéralisme
en instance de divorce avec la société, le medef ne semble guère trouver d’issue pour continuer d’avancer ses pions. bien sûr, il peut, comme il le fait depuis 2002, compter sur le secours de la droite française... et il le sait, en témoigne l’accueil triomphal offert au président de l’ump, qui s’est payé le luxe de prononcer le discours de clôture de l’université d’été patronale (lire ci-contre). dans cette crise de confiance, quelles manoeuvres imagine encore le patronat ? il y a une solution du coup de boule paternaliste, un peu surannée, décalée par rapport au discours officiel, mais encore défendue sans vergogne par le patriarche serge dassault : « il ne sert à rien de parler avec les syndicats puisqu’ils ne connaissent rien à l’économie, il faut discuter directement avec le personnel. » vient ensuite la technique de la cuisson du homard : « maintenant qu’il n’y a quasiment plus de cotisations sur les salaires, on ne va plus pouvoir les alléger longtemps, note Éric chaney, « chief economist » pour l’europe chez l’analyste morgan stanley. pour avancer, on doit aller vers le contrat unique, plus flexible que le cdi. mais petit à petit ! on a un atout en poche, c’est la démographie. cela va prendre vingt-cinq ans, mais il faut qu’on ait le courage d’y aller tout de suite. » dernière piste en réflexion lors de cette université d’été : que la gauche se convertisse enfin complètement aux thèses du medef ! « en 1983, la gauche abandonne le programme de rupture avec le capitalisme, mais elle ne le dit pas, regrette philippe raynaud, philosophe au centre de recherches politiques raymond-aron. la gauche dit juste qu’il faut s’adapter. or, à mon sens, ce qui est idéologiquement hégémonique en france, c’est la gauche... c’est pourquoi il faut désormais que l’opinion française éclairée, et je pense en particulier à l’opinion française de gauche, fasse un aggiornamento [mise au goût du jour - ndlr] qu’elle n’a que trop différé jusqu’ici. » encore quelques années à ce rythme, et c’est le patronat français qui, dans une perspective véritablement réaliste, devra faire son « aggiornamento ».
t.l.
page imprimée sur http://www.humanite.fr
© journal l'humanité
03 septembre 2006 dans société | lien permanent
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le subutex ne deviendra pas un stupéfiant
le ministre de la santé a renoncé au changement de statut de ce médicament.
par julie lasterade
quotidien : mercredi 23 août 2006 - 06:00
au début de l'été, les quelque 85 000 patients traités au subutex, un substitutif aux opiacés, étaient à deux doigts de repasser pour des toxicos. didier jayle, président de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les toxicomanies (mildt), avait presque convaincu xavier bertrand, le ministre de la santé, de classer ce comprimé, aujourd'hui «produit vénéneux», dans la liste des stupéfiants (libération du 8 juin). pour lutter contre son trafic et son mauvais usage, martelait-il. après avoir entendu les associations, les usagers, les travailleurs sociaux, le ministre vient d'y renoncer. le subutex restera donc un médicament. et ça change tout.
soulagé. philippe-jean parquet, spécialiste d'addictologie, viré de la tête de l'observatoire français des drogues et des toxicomanies (ofdt), a payé de sa place son opposition à didier jayle sur le sujet. mais il est soulagé. «il est important que nos patients gardent en tête que le subutex est un médicament et non pas un produit opiacé. car un médicament n'est pas seulement une molécule ; sa prise se caractérise aussi par son intentionnalité de guérir», explique-t-il. le changer de classe revenait à «pénaliser nos patients en cours de traitement, souvent réinsérés, en les obligeant à prendre un stupéfiant sur ordonnance», continue le médecin. a passer aussi les frontières non plus avec un médicament de substitution dans leur trousse de toilette, mais un produit inscrit sur la liste des stupéfiants. très stigmatisant.
«le ministre ne veut pas qu'un classement induise des difficultés d'accès sur le terrain», justifie-t-on au ministère, ni qu'il devienne un frein à la prescription. car le subutex fonctionne bien. «c'est une politique de santé publique très satisfaisante», insiste hubert allemand, adjoint au directeur de la cnam (caisse nationale de l'assurance maladie). plusieurs dizaines de milliers de patients sont traités chaque année et «ça se passe bien dans 98 % des cas, ajoute hubert allemand. seulement 2 % des personnes consomment plus de 32 mg de subutex par jour, plus du double de la dose maximum journalière conseillée. soit entre 1 500 et 2 000 personnes qui détournent tout ou partie du subutex.»
pour la plupart des acteurs de la lutte antidrogue, le changement de statut n'aurait pas fondamentalement changé la donne. pour alain rimailhot, directeur médical de schering-plough, le laboratoire pharmaceutique inventeur de la molécule, «cela aurait surtout donné des pouvoirs renforcés aux autorités judiciaires, une fois un trafic repéré, mais cela n'aurait pas empêché le mesurage» mélanges improbables, injections pour essayer de doper ses effets . pour philippe-jean parquet, «cela revenait à coincer ceux qui le détournaient au lieu de leur venir en aide, à les poursuivre au lieu de les soigner».
commission. xavier bertrand vient donc de décider de la mise en place d'une nouvelle commission pour régler le problème du trafic et du mesurage du subutex. la commission consultative nationale visant à l'amélioration de la prise en charge des personnes ayant des conduites addictives (cnappa) devrait être opérationnelle en septembre et rendra ses conclusions avant la fin de l'année. a priori, elle ne devrait rien proposer d'extraordinaire.
«pérenniser». depuis 2004, la cnam a renforcé ses contrôles pour repérer les trop gros consommateurs de subutex. elle a pu les recenser et même le situer géographiquement : 60 % de ceux qui le détournent se répartissent entre trois régions : ile-de-france, provence-alpes-côte d'azur et alsace. un an après le renforcement des contrôles, «nous avons vu une diminution de 30 % des personnes qui consommaient plus de 32 mg de médicaments par jour, note hubert allemand. dans le même temps, la dose moyenne quotidienne prise par personne a diminué de 8 %, alors que le nombre de consommateurs a augmenté. on est en train de maîtriser les consommations excessives». selon lui, le système de contrôle est bien déployé, reste à «le pérenniser».
quant au mesurage du subutex, philippe-jean parquet mise surtout sur «une meilleure formation des professionnels dans l'accompagnement et la prise en charge». il compte aussi sur la nouvelle arme pharmaceutique de schering-plough, le suboxone. il n'empêchera pas les trafics, mais devrait fortement diminuer les envies d'injections. pris par voie orale, il a le même effet que le subutex. injecté, il simule un syndrome de manque. le suboxone devrait arriver sur le marché français à l'automne.
23 août 2006 dans société | lien permanent
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sans-papiers
nouvelle charge
de klarsfeld contre resf
sans-papiers. arno klarsfeld, médiateur nommé par sarkozy, accuse l'association resf d'avoir poussé des sans-papiers qui n'avaient aucune chance d'être régularisés à se déclarer, rendant inéluctable leur reconduite.
arno klarsfeld, le médiateur nommé par nicolas sarkozy pour faciliter l'opération de régularisation des parents d'élèves étrangers, a estimé lundi 21 août que réseau éducation sans frontière (resf) avait "une responsabilité vis-à-vis des familles qu'ils ont poussé à se déclarer à la préfecture alors qu'ils savaient qu'elles étaient hors champ de la circulaire".
"ces gens qui n'étaient pas repérés par les services de police, maintenant ils vont avoir un arrêté de reconduite à la frontière", a remarqué l'avocat parisien, lundi matin sur france-2.
selon les termes de la circulaire signée le 13 juin par le ministre de l'intérieur nicolas sarkozy, les sans-papiers vivant en france depuis au moins deux ans et ayant des enfants scolarisés depuis au moins septembre 2005 pouvaient jusqu'au 13 août déposer une demande de régularisation.
les préfectures ont reçu cet été "un peu moins de 30.000" dont "environ 6.000" seront acceptés, a réaffirmé mardi dernier le ministre de l'intérieur nicolas sarkozy.
"certaines associations comme réseau éducation sans frontières" ont "poussé des familles qui étaient complètement hors cadre de la circulaire à déposer le plus de dossiers", a accusé arno klarsfeld.
sarkozy "pragmatique, équitable, énergique, courageux"
et l'avocat de citer l'exemple d'une mère célibataire sans-papiers avec un enfant de six mois réclamant des papiers. "je lui ai dit: vous n'avez aucune chance, faites-vous la plus petite possible".
le médiateur a expliqué que "les associations ont poussé une mère comme celle-là à déposer des dossiers pour faire gonfler les chiffres" et après resf scande "vous voyez nicolas sarkozy comme il est méchant, il y a 30.000" demandes et il n'en accepte "que 6.000".
"alors que ces gens qui n'étaient pas repérés par les services de police, maintenant ils vont avoir un arrêté de reconduite à la frontière. resf a une responsabilité vis-à-vis des familles qu'ils ont poussé à se déclarer à la préfecture alors qu'ils savaient qu'elles étaient hors champ de la circulaire", a jugé arno klarsfeld, taxant resf de démagogie.
"je trouve" nicolas sarkozy "pragmatique, équitable, énergique, courageux", a conclu arno klarsfeld, précisant que si le président de l'ump "le veut", il le soutiendra dans sa campagne à la présidentielle. ap
© le nouvel observateur
21 août 2006 dans france d'après, société | lien permanent
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la cimade considère qu'arno klarsfeld est sorti de son rôle en accusant les associations de "démagogie"
le monde | 15.08.06 | 14h00 • mis à jour le 15.08.06 | 14h00
n accusant les associations de "démagogie" (le monde daté 13-14 août), arno klarsfeld est-il sorti de son rôle de médiateur dans le dossier des sans-papiers ? pour laurent giovanonni, secrétaire général de la cimade (service oecuménique d'entraide), engagée dans le soutien aux étrangers en demande de régularisation, la réponse ne fait pas l'ombre d'un doute. "en dénigrant les associations, affirme-t-il, il sort de son rôle." "comment peut-on être médiateur, ajoute le responsable opérationnel de la cimade, et porter un jugement sur l'une des parties ? entre qui et qui peut-il désormais faire office de médiateur ?"
l'irritation est d'autant plus forte que jusqu'à présent les différentes associations s'étaient accommodées de l'action conduite par me klarsfeld. nommé par le ministre de l'intérieur, nicolas sarkozy, l'avocat a plaidé à plusieurs reprises pour qu'"aucune famille dont les attaches en france sont fortes" ne soit expulsée. "il avait émis une série de propositions avec lesquelles nous étions d'accord, poursuit le représentant de la cimade. elles ont toutes été rejetées par le ministre de l'intérieur, lors de son intervention, le 24 juillet. pour rester cohérent, il aurait alors dû démissionner."
divergences
m. giovanonni admet qu'"il puisse y avoir des divergences sur certains dossiers". "c'est normal, dit-il. il peut arriver que tel ou tel élément nous échappe. parfois, nous n'avons pas toutes les pièces du dossier. mais de là à passer la ligne jaune du désaccord objectif à l'attaque en règle, il y a une marge. on ne pensait pas qu'il allait ainsi s'en affranchir." par son intermédiaire, la cimade entend aussi rappeler qu'elle "ne critique pas les préfectures", qui sont "nos interlocuteurs de tous les jours". "elles accomplissent un travail considérable, assure le secrétaire général, d'autant qu'elles ont eu à effectuer en une période de temps très court un travail considérable sur un dossier qui est tout sauf clair."
environ 24 000 demandes de régularisation ont été déposées par des familles qui pensent obéir aux critères définis par la circulaire du ministère de l'intérieur. cinq mille à 6 000 d'entre elles pourraient recevoir une réponse positive, a indiqué m. sarkozy. "ce que nous mettons en cause, a déclaré m. giovanonni, ce sont les mesures générales." "la circulaire est très mal conçue, précise-t-il. elle a suscité un grand espoir et, au final, il y aura beaucoup de déçus."
c'est aussi pour ce motif que la cimade s'interroge sur l'utilité du médiateur, arno klarsfled. "il intervient sur des dossiers individuels, concède le secrétaire général. s'il arrive à des résultats, tant mieux. ce n'est jamais inutile, mais il serait bon qu'il ne complète pas cette action par une mission de dénigrement des associations."
m. sarkozy, qui devait être l'invité du journal de 20 heures sur france 2, mardi 15 août, a indiqué qu'il ferait un point sur l'opération de régularisation des sans-papiers à la fin du mois d'août ou au début de septembre.
pascal ceaux
question À... arno klarsfeld
"il y a une distorsion entre ce que les associations affirment et la réalité"
le monde | 12.08.06 | 13h28 • mis à jour le 13.08.06 | 18h38
ésigné médiateur dans le dossier des sans-papiers par le ministre de l'intérieur, nicolas sarkozy, vous avez eu à traiter une centaine de cas litigieux. quelles sont leurs caractéristiques ?
il y a d'abord les gens dont le cas ne relève pas de la circulaire du 13 juin, mais d'autres procédures, comme le regroupement familial. certaines situations sont complexes. prenez celle d'une femme des comores, en france avec deux enfants scolarisés, dont le mari est resté au pays avec trois autres enfants. j'ai eu connaissance d'une dizaine de cas de refus des préfectures. la tension est parfois forte entre la position de médiateur et les drames personnels auxquels je suis confronté.
j'ai reçu une malienne avec un enfant de six mois ; elle voulait l'élever en france. en tant que médiateur, je me devais de lui expliquer le refus. a l'âge de six mois, il ne pouvait être question de déracinement. en tant qu'homme, j'avais envie de lui dire : tâchez de vous fondre dans la population afin que votre enfant construise ses liens avec la france.
a travers les rencontres que j'ai eues avec l'administration, j'ai pu constater qu'elle était plus humaine que ne le disent les associations. celles-ci font preuve de démagogie. il y a une distorsion entre ce qu'elles affirment et la réalité. exemple : la demande d'un père algérien, en france depuis cinq ans avec sa femme, ses enfants, est rejetée à cause d'une simple rixe dans un bar, affirment-elles. en réalité, il s'agit de coups de couteau, qui lui ont valu une condamnation à trente mois de prison. j'apprends aussi qu'il a fait venir sa famille, en 2004, alors qu'il était encore détenu.
l'enjeu est double : il faut envoyer un signe qui dise, si vous venez en situation irrégulière, il y a un risque d'être renvoyé. mais je souhaite qu'aucune famille dont les attaches en france sont fortes ne le soit. des enfants sont devenus des petits français ; ce n'est pas leur faute si leurs parents sont entrés irrégulièrement sur le territoire.
propos recueillis par pascal ceaux
article paru dans l'édition du 13.08.06
15 août 2006 dans france d'après, société | lien permanent
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contre le sida, les mannes du privé
la fondation de bill et melinda gates, riche de 60 milliards de dollars, illustre la privatisation de l'aide internationale.
par christian losson
quotidien : lundi 14 août 2006 - 06:00
c'était il y a dix ans, quand le gouvernement américain pensait que microsoft avait tendance à s'affranchir des lois antitrust. et que des cassandre se demandaient si la fondation gates ne servait pas de contre-feux. bill gates répondait d'un sourire, comme souvent évasif : «nous aurions pu choisir de financer des choses un peu plus voyantes...» depuis, l'homme le plus riche du monde 50 milliards de dollars s'est rattrapé. il s'est mis en scène dans ses bienfaisances depuis l'inde jusqu'au lesotho. il prend la plume, avec bono, pour sermonner les leaders des pays riches. il a naturellement été invité à ouvrir hier la 16e conférence internationale sur le sida à toronto.
tuyaux. en coulisse, on parlera cette semaine de l'annonce : 500 millions de dollars sur cinq ans au fonds mondial contre les pandémies, qui s'ajoutent aux 150 millions déjà versés depuis quatre ans ; ou les 287 millions annoncés il y a un mois pour la recherche d'un vaccin. on encensera ces nouveaux bienfaiteurs de l'humanité, ces «philanthro-turbocapitalistes» qui gèrent ou tentent de gérer leurs fondations comme leurs firmes. on se dira aussi qu'on ne prête pas qu'aux riches, mais que ceux-ci se lèguent entre eux. comme l'a fait en juin warren buffet, deuxième fortune planétaire : 31 milliards de dollars de dons à la fondation gates, qui en avait déjà 29 milliards dans les tuyaux. désormais, la fondation «bill et melinda» gates pèse 60 milliards de dollars. depuis sa création, elle a injecté 10,5 milliards de dollars en financements et programmes. en 2005, elle a décaissé 1,5 milliard, qu'elle pourra doubler avec la manne de buffet, estime gates, «à 3 milliards». cela peut sembler ridicule rapporté aux 3 milliards de personnes qui vivent avec deux dollars par jour dans le monde. Ça l'est. mais c'est quand même énorme. parce que, comme le dit buffet, la fondation gates, «par dollar investi, c'est très efficace». très exigeant aussi. et pas seulement bon samaritain, innovant aussi dans ses dons. et ciblé.
brevets. même si «la gates», comme on dit, est parfois controversée. a l'étranger, des activistes ne lui pardonnent pas d'avoir financé une association qui réalisait des essais cliniques pour un antiviral sur des prostituées au cameroun ; ou d'avoir lâché 25 millions sur des programmes ogm à d'ex-scientifiques de monsanto...
aux etats-unis, des faucons pilonnent la fondation pour venir nourrir «la gabegie» ou «le népotisme» des pays pauvres plutôt que d'investir dans la recherche «occidentale» ; ou brocardent ses aides à des programmes de contraception. etrangement, peu de voix s'étonnent du silence de la fondation sur les brevets, ces fameux droits de propriété intellectuelle, qui verrouillent l'accès aux médicaments dans les pays du sud. d'évidence, le gates version fondation rejoint le gates version microsoft. «la propriété intellectuelle, c'est le système incitatif pour les produits de demain», dit celui qui ne cache pas son admiration pour le labo glaxosmithkline. n'empêche. ong «de terrain» comme ong «de plaidoyer» reconnaissent que la manne gates pèse.
«sur la recherche d'un vaccin antisida, des soins de santé primaire, les maladies oubliées, la fondation gates injecte des sommes considérables», explique ainsi jean-hervé bradol, président de médecins sans frontières france.
démissions. les 1,5 milliard alloués au gavi, un fonds pour la vaccination, ont ainsi permis d'immuniser près de 800 000 enfants dans le monde. «la fondation gates illustre l'émergence de nouveaux acteurs du développement et met la pression sur les ong et les institutions, raconte céline charveriat, d'oxfam. cela les pousse à augmenter la qualité de leur aide, et renvoie les etats à leurs responsabilités.» ou leurs démissions.
plus de trente ans après leur engagement, les pays développés ne consacrent toujours pas 0,7 % de leur richesse aux pays pauvres. et les 60 milliards des gates, c'est plus que le montant de l'aide publique au développement en 2002. «on ne peut pas comparer un capital avec un flux», s'agace jean dussourd, qui coordonne unitaid, centrale d'achat de médicaments alimentée par la taxe sur les billets d'avion mise en place par la france (300 millions escomptés). «c'est très complémentaire avec les etats, qui impulsent, orientent stratégiquement, ajoute-t-on à l'elysée. on doit avoir une stratégie de coopération avec gates, pas une stratégie de hérisson.»
promesses. mais gates, lui, dit autre chose. comme à la tribune de l'oms, l'an passé : «parfois, on a l'impression que les pays riches ne regardent même pas les pays pauvres. et qu'ils ne soignent pas des maladies les plus mortelles de la planète parce qu'ils ne les ont pas chez eux.» quand il fait une annonce sonnante et trébuchante, il éclipse les incantations de tony blair sur les promesses non tenues par les pays du g8 sur l'aide à l'afrique. «c'est le revers de la médaille de la philosophie du tout libéral, juge jean fabre, directeur adjoint du pnud (programme des nations unies pour le développement). les etats ont accepté de voir réduire leurs prérogatives, le privé s'engouffre dans la brèche.»
l'heure est à la privatisation de l'aide. en 2004, l'aide privée américaine (individus, ong, fondations, universités, entreprises, groupes religieux, etc.) s'élevait à 79 milliards de dollars, quatre fois plus que l'aide publique (1), selon une étude du hudson's center for science in public policy. «ce qui gêne le plus, dit bradol, de msf, c'est l'absence de débat public sur les choix faits par des fondations par définition privées...»
(1) index of global philanthropy.
14 août 2006 dans société | lien permanent
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médecins du monde répond à delanoë
marie simon, (l'express).
l'association refuse que, sous prétexte de canicule, on retire aux sdf les tentes qu'elle a mis à leur disposition. polémique
édecins du monde (mdm) a demandé aux pouvoirs publics de ne pas utiliser l’argument des risques sanitaires liés à la canicule pour retirer ou déplacer les tentes qu’elle distribue aux sdf de paris. lors d’une conférence de presse, cet après-midi, graciela robert, la responsable sdf de paris de l’ong, a rappelé que la canicule "ne présente pas plus de risques pour un sdf que pour un campeur".
la mairie de paris avait annoncé, la semaine dernière, son intention de déménager certains de ces logements de fortune, une démarche "à la fois humaine et ferme". bertrand delanoë avait évoqué les risques liés à la canicule pour justifier l'opération, ainsi que les plaintes de plus en plus nombreuses de riverains mécontents. des bénévoles avaient perfidement fait le rapprochement avec l'inauguration, le même jour, de la 5e édition de paris-plage sur les berges de la seine - occupées par une partie des 300 tentes-igloo parisiennes.
mdm continue les distributions
malgré la polémique, croissante ces derniers jours, mdm continue de distribuer des tentes pour rendre le problème des sans-logis toujours "plus visible" et leur offrir un "endroit d’intimité". la disparition de ce dispositif "dépend de la volonté politique des pouvoirs publics", a lancé graciela robert, ajoutant que l'ong continuerait son action, "mais pas à gogo".
elle a également évoqué le cas de la "disparition" récente de 12 tentes installées dans le xve arrondissement, sous le métro aérien. la brigade d'assistance aux personnes sans abri (bapsa), unité de la police parisienne qui est intervenue juste avant sur le site, affirme avoir agi dans le cadre du plan canicule et avoir proposé des places en centre d'hébergement d'urgence, ce que, justement, refusent la majorité des sdf. quant aux quatre tentes brûlées le week-end dernier près de la gare du nord, sans faire de victime, mdm étudie la possibilité de porter plainte.
les suites d’une polémique qui enfle
de son côté, le maire de paris reste ferme. ll souhaite pouvoir continuer à déplacer certaines tentes, en particulier vers des communes de banlieue. il a rappelé lors d'une visite au centre de coordination des actions sociales de paris, hier, qu'il ne cherchait pas "à chasser les sdf" qui vivent sous des tentes mais à les "épauler", tout en estimant avoir "le devoir de (se) préoccuper de la sécurité, de l'hygiène et de la qualité de vie" des riverains. "j'ai chargé deux associations, coeur des halles et emmaüs, donc dans un climat et un état d'esprit de solidarité qui n'est pas contestable, de discuter avec les sdf, car on ne peut pas laisser les gens aller à la dérive, faire des excès de boisson, se livrer à la violence", a-t-il expliqué.
bertrand delanoë a réclamé à l'etat 5000 places d'hébergement supplémentaires, notant que "la moitié de l'hébergement d'urgence de l'ile-de-france se concentre sur paris" et que la capitale n’avait pas vocation à accueillir la majorité des sans-abri d’ile-de-france.
vendredi, une médiatrice a été nommée par le gouvernement pour étudier le dossier. agnès de fleurieu, présidente de l'observatoire national de la pauvreté, travaillera main dans la main avec les associations et la ville de paris pour dresser un bilan de la situation et apporter des solutions.
25 juillet 2006 dans société | lien permanent
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tentes pour sdf : médecins du monde, isolée, est en butte aux critiques des autres associations et du gouvernement
le monde | 25.07.06 | 14h38 • mis à jour le 25.07.06 | 14h38
e gouvernement est décidé à mettre un terme à la distribution de tentes aux sdf par médecins du monde (mdm), à paris. "j'ai dit, dès le début, que cette initiative était contre-productive, confiait dès le 21 juillet catherine vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale. les tentes aggravent la sédentarisation des sdf dans la rue. les fortes chaleurs rendent encore plus urgentes des solutions alternatives."
lors d'une conférence de presse, mardi 25 juillet, médecins du monde devait réaffirmer son intention de "continuer à distribuer des tentes, tant que les gens ne se verront pas offrir des hébergements durables". "le problème n'est pas les tentes, affirme graciela robert, de mdm. les gens refusent d'aller dans les centres en raison de la promiscuité et parce qu'ils ne sont pas autorisés à y rester plus d'une journée."
a la demande du cabinet de mme vautrin, qui déplore "une situation de blocage avec mdm", dominique de villepin a donné son feu vert, jeudi 20 juillet, à la nomination d'une médiatrice. présidente de l'observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion, agnès de fleurieu a été chargée, selon le cabinet de mme vautrin, de "convaincre mdm de ne plus offrir de nouvelles tentes et de ne plus en donner à ceux qui après avoir été hébergés retourneraient dans la rue".
ancienne conseillère de simone veil au ministère des affaires sociales entre 1994 et 1995 sous le gouvernement d'edouard balladur, mme de fleurieu doit rendre un rapport au gouvernement dans quinze jours, après avoir recensé les places d'hébergement disponibles en ile-de-france et recueilli les demandes des associations.
"un vrai danger"
le gouvernement est soumis aux critiques de la mairie de paris. confronté à l'embarrassante présence des tentes, qui provoquent des plaintes des riverains, bertrand delanoë doit se défendre, depuis plusieurs jours, de vouloir "chasser les sdf" installés sur les berges, à cause du début de l'opération paris-plages.
"je cherche à les épauler", a déclaré le maire, lundi 24 juillet, en insistant sur les "solutions humanitaires" mises en place par la mairie. mardi, il a rappelé, sur europe 1, qu'il réclame "depuis des années" à l'etat 5 000 places d'hébergement supplémentaires à paris. patrick rouyer, d'emmaüs, reconnaît, par ailleurs, que "chaque année, à l'occasion de paris-plages, la mairie nous demande d'intervenir".
pour mettre fin à l'opération de mdm, le gouvernement s'appuie aussi sur les autres associations, très critiques au sujet des tentes. "elles représentent un vrai danger pour la santé des sdf, affirme danielle hueges, secrétaire générale de l'association coeur des haltes, car elles nous empêchent parfois d'avoir accès à eux." "elles ont favorisé le regroupement des sans-abri, déplore emmaüs. il est plus difficile de convaincre huit sdf installés en campement d'aller en hébergement qu'une ou deux personnes isolées."
seul point d'accord entre les associations et mdm : obtenir du gouvernement qu'il aille au-delà des annonces d'ouverture de place d'hébergement d'urgence. "130 nouvelles places devraient s'ouvrir à paris et en région parisienne, certaines pour de longs séjours", affirme mme vautrin. "il faut aller plus loin", assure mdm.
les tensions ont encore été accentuées, avec l'incendie, selon mdm, de quatre tentes dans le 10e arrondissement, pendant le week-end (le monde du 25 juillet). lundi, des sources judiciaires et policières ont confirmé que des tentes avaient pris feu, en soulignant néanmoins que les faits avaient eu lieu dans la nuit du vendredi au samedi 22 juillet et non dans celle du samedi au dimanche comme l'affirme mdm. la piste d'une "dispute entre sdf" est, pour l'instant, jugée plus crédible par les enquêteurs que celle d'un incendie découlant de "tensions avec des riverains".
luc bronner et béatrice jérôme
25 juillet 2006 dans société | lien permanent
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sdf: delanoë tente de juguler la polémique
la volonté de voir les sans-abri quitter les trottoirs n'a selon lui rien à voir avec paris plages.
par ludovic blecher
quotidien : mardi 25 juillet 2006 - 06:00
« e ne cherche pas à chasser les sdf, je cherche à les épauler. mais je dois aussi répondre à la demande des riverains», a expliqué hier le maire (ps) de paris, bertrand delanoë, pour justifier l'action menée à l'encontre des nombreux sdf installés sous des tentes, que la ville souhaiterait voir disparaître des trottoirs.
pour tenter de juguler la polémique, il a livré une explication de sa méthode à l'issue d'une visite au centre de coordination des actions sociales de paris : «j'ai chargé deux associations, coeur des haltes et emmaüs, donc dans un climat et un état d'esprit de solidarité qui n'est pas contestable, de discuter avec les sdf, car on ne peut pas laisser les gens aller à la dérive, faire des excès de boisson, se livrer à la violence. [...] moi je n'ai pas fait appel aux forces de l'ordre, j'ai fait appel aux forces humanitaires pour de l'action humanitaire.»
mais l'objectif est confirmé : «convaincre [les sdf] d'aller dans des centres d'hébergement.» et «il n'y a aucun rapport» avec paris plages, a-t-il affirmé, agacé, alors que de nombreux témoignages recueillis par libération montrent que les associations comme les services de la ville ont été chargés d'une mission ciblée sur paris plages et une partie du xie. le maire a aussi rappelé à ses responsabilités l'etat, malgré la nomination d'une médiatrice et la création de 130 nouvelles places d'hébergement d'urgence. hébergements dont de nombreux sdf ne veulent pas car ils les jugent inadaptés.
et c'est ce que certains d'entre eux sont venus dire en fin d'après-midi devant le ministère de la cohésion sociale. réunies à l'appel de droit au logement (dal) et du comité des sans-logis, des dizaines de personnes ont réclamé des logements décents pour tous. parmi eux, mgr gaillot : «on s'occupe des mal logés à cause des touristes, car ça donne une mauvaise image de paris. c'est inacceptable. il y a assez de logements vides à paris, il suffit d'appliquer la loi de réquisition.» hier, la fédération udf de paris a estimé qu'il est «de la responsabilité des pouvoirs publics locaux, régionaux et nationaux de trouver des solutions de logement durable pour régler une situation de crise qui perdure depuis des années».
25 juillet 2006 dans france d'après, société | lien permanent
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a paris, les sdf priés de sortir de la photo
la ville de paris s'appuie sur des associations pour libérer les berges et les rues des tentes offertes par médecins du monde.
par ludovic blecher
quotidien : samedi 22 juillet 2006 - 06:00
paris plages, «lieu de convivialité, de solidarité et de partage» ? peut-être. mais pas pour les sdf. avant que le maire socialiste de paris, bertrand delanoë, ne prononce ces mots jeudi, jour de l'ouverture du site au public, habib, 36 ans, domicilié sous le pont marie depuis un an, a reçu la visite de la brigade fluviale. echange courtois, mais ferme : «pas question de rester ici entre 8 heures et 11 heures», lui ont dit des policiers qui voulaient faire place nette avant l'inauguration officielle de la manifestation phare de l'été parisien.
«en haut lieu». depuis plusieurs jours, déjà, la «fluviale» et leurs collègues en civil préparaient le terrain, «sans l'aval de la mairie», assure-t-on à l'hôtel de ville. «quand ils ont commencé à installer paris plages, les flics nous ont prévenus, raconte un homme installé le long des quais avec quelques camarades sous des tentes distribuées cet hiver par médecins du monde. ils nous ont dit qu'on parle de nous en haut lieu, et qu'il va falloir dégager. y'en a même un qui nous a dit qu'on risquait d'avoir la visite des crs à 5 heures du matin.»
tout en critiquant les intimidations policières, la mairie a, depuis une dizaine de jours, décidé de cacher cette trentaine de tentes que les bronzeurs ne sauraient voir. de même, la ville veut s'attaquer aux parcs des boulevards richard-lenoir et jules-ferry (xie), là où de nombreux riverains sont excédés . «pour l'instant, les pouvoirs publics considèrent que paris plages et une partie du xie sont prioritaires, glisse un agent de la direction de la prévention et de la protection (dpp), qui se félicite de travailler pour la première fois avec les associations. nous avons quinze jours pour explorer ces endroits, mais pour le moment personne ne nous a demandé d'aller voir ce qui se passe ailleurs.» il s'agit, selon un communiqué de bertrand delanoë, d'une «démarche à la fois humaine et ferme pour convaincre [les sdf qui vivent sous des tentes] d'accepter de se déplacer, et notamment d'accepter des solutions concrètes d'hébergement» . une opération délicate menée en douceur par le truchement d'une mission de médiation confiée à deux associations : emmaüs et le coeurs des haltes, qui, toute l'année, effectuent un travail de fond avec les sdf (lire page suivante).
refus. chacune de ces associations a dégagé une dizaine de places dans leurs centres, où l'accueil ne se limite pas à l'urgence d'un toit pour la nuit. chez emmaüs, quatre places ont été attribuées et huit sdf ont annoncé leur intention d'y venir. dans le xie, il n'y a pas eu de relogement, mais un premier recensement : sur 32 personnes, seules deux auraient catégoriquement refusé d'être hébergées. «mais les autres, qui connaissent bien le système d'hébergement actuel, n'en veulent pas, soit parce qu'il s'agit de couples, soit parce qu'elles vivent en groupe ou ont des animaux», précise mylène stambouli, adjointe chargée de l'exclusion. «si les sdf sont majoritairement prêts à quitter la rue en échange d'une solution d'accompagnement, le dispositif d'accueil d'urgence n'est pas forcément le plus adapté aux grands exclus, prévient patrick rouyer, directeur des missions sociales à emmaüs. pour eux, ce qu'il faut, ce sont des petites unités. nous avons donc demandé à la ville et à l'etat de nous donner des bâtiments.»
la canicule a aussi donné au gouvernement un bon prétexte pour s'emparer du dossier. et montrer que lui ne s'intéresse pas seulement aux lieux où la misère dérange. vendredi, la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, catherine vautrin, a nommé une médiatrice pour trouver une solution aux difficultés posées par les tentes. agnès de fleurieu, présidente de l'observatoire national de la pauvreté, a deux semaines pour remplir sa mission : recenser le nombre de places d'hébergement disponibles, voir comment sortir les «sdf sous tente» de la rue et régler la question des tentes avec médecins du monde, pour que l'association «n'en redistribue pas dès le lendemain». elle devra aussi répondre à la ville, qui compte relayer la demande d'emmaüs. «je ne coupe pas l'herbe sous le pied de la mairie, je l'accompagne, assurait vendredi catherine vautrin à libération. nous ne sommes pas dans une logique d'expulsion, mais d'accompagnement. nous avons accéléré le processus, car la canicule crée une situation particulièrement dangereuse. mais, derrière, je souhaite régler la situation en profondeur.»
goutte d'eau. dès la semaine prochaine, 130 places supplémentaires en accueil d'urgence la nuit seront dégagées sur paris et sa région, ainsi que quatre lieux supplémentaires en accueil de jour. mais le compte n'y est pas. paris dispose en effet de 3 606 places d'hébergement dédiées à l'urgence. a titre d'exemple, seulement 174 places d'urgence étaient disponibles mardi sur paris et sa couronne, selon le ministère. un chiffre qui ne convainc pas les associations, car il représente une goutte d'eau : à paris, 2 000 personnes dormiraient actuellement dans la rue à l'air libre, sous des tentes ou dans des abris de fortune. et, pour la majorité, les dispositifs d'urgence ne sont pas adaptés.
25 juillet 2006 dans france d'après, société | lien permanent
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la mort dans une cave pour un ragot ?
trois personnes sont en garde à vue après le meurtre de yamine, 19 ans, à bobigny.
par laeïla adjovi
quotidien : mardi 25 juillet 2006 - 06:00
«d ans l'affaire, il y a un cerveau tordu et un grand con influençable. on sait qui c'est et pourquoi ils ont fait ça. mais on ne comprend toujours pas.» abdel-aziz connaissait yamine depuis six ans. il fait partie des quatre amis qui ont retrouvé son corps, dans la nuit de vendredi à samedi, dans une cave de la rue de bresse à bobigny (seine-saint-denis), un peu avant 2 heures du matin. attiré dans un guet-apens, yamine a été battu à mort pour des raisons encore incertaines. trois personnes ont été placées en garde à vue. lors d'une conférence de presse, patrick poirret, le procureur adjoint de bobigny, parlait hier d'un «différend d'ordre amoureux au centre duquel se situe une jeune fille». parmi les interpellés, «un des deux auteurs présumés» du crime, arrêté hier en fin d'après midi, et «la jeune fille au centre du débat». le second auteur présumé, en fuite, était hier «recherché dans toute l'ile-de-france».
encadrement. une tour et deux barres de cinq étages devant un square qui fait aussi office de terrain de basket. un quartier calme, «sans histoires» selon ses habitants. rue de bresse, tout le monde connaissait yamine et «tout le monde l'aimait bien», dit addel, un de ses amis. salué pour son sérieux et sa gentillesse, ce français d'origine kabyle était ceinture noire de judo. «il participait à l'encadrement des jeunes et assistait les professeurs», raconte jean-malick amedah, son professeur de judo à l'athlétique club de bobigny. et «il travaillait pour ne pas avoir à demander de l'argent à ses parents», rapporte un voisin.
«il était droit», résume abdel-aziz, assis devant l'immeuble de yamine. tous deux étaient en terminale au lycée louise-michel et faisaient du judo ensemble. «il allait repasser son bac en septembre et venait d'apprendre qu'il était admis en bts informatique. ce qu'il voulait. et puis il allait partir en angleterre. tout lui souriait», explique abdel-aziz avant d'ajouter : «les gars qui finissent comme ça, c'est les gars bizarres, qui sont dans des magouilles. pas quelqu'un comme yamine». il se lève. fait les cent pas. «vous ne pouvez pas imaginer», répète-il. mais comment imaginer que yamine, un garçon au profil exemplaire, qui «ne buvait pas et ne fumait pas», «n'avait pas de mauvaises fréquentations», proche de sa famille et apprécié de son entourage, soit mort tabassé à quelques mètres de chez lui ?
vendredi, abdel-aziz et trois amis se retrouvent par hasard, au détour de la rue de bresse. yamine n'est pas là, il est sorti de chez lui vers 20 heures. il est déjà tard et il pleut. les quatre jeunes gens entrent dans un immeuble du quartier, puis descendent au sous-sol pour s'y installer. c'est là, «en cherchant un truc pour s'asseoir», qu'ils voient des traces de sang par terre et sur les murs. un corps, sous une couverture, baigne dans une flaque de sang. «on a vu ses baskets all star et on est restés bloqués. yamine était le seul à les avoir de cette couleur», raconte abdel-aziz. ils appellent la police et une ambulance, mais il est trop tard. yamine est mort de ses blessures. «c'est forcément des gars d'ici : il fallait connaître le code et savoir quelle cave était ouverte, conclut abdel-aziz. il était en confiance et c'était des gens qu'il connaissait.» ici, les jeunes ont déjà fait leur enquête. «c'était pour une histoire de fille. mais la fille en question n'est pas sa copine. c'est tellement futile...»
sac plastique. yamine pourrait avoir été tué pour de simples propos sur une jeune fille. il aurait «fait circuler des informations qui ont vexé l'un des deux hommes», selon patrick poirret. d'où une «agression préparée» afin d'attirer ce jeune d'1,90 m, judoka de surcroît, pour une «correction» qui aurait tourné à l'homicide. d'après l'autopsie, yamine a été frappé à coups de poing, de pied, et «avec un objet métallique ou une batte de base-ball». il est mort d' «un fracas crânien majeur associé à l'introduction d'un sac plastique dans sa gorge». le procureur adjoint a confirmé que yamine connaissait ses agresseurs, et qu'ils faisaient partie de la même classe d'âge. selon oumar, ami de la victime, l'objet du différend est la petite amie du suspect aujourd'hui en fuite : «yamine a juste dit que des gars la draguaient et qu'elle se laissait faire.»
25 juillet 2006 dans société | lien permanent
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menace d'expulsion pour
une mère sans-papiers
une marocaine de 26 ans a été interpellée et séparée du bébé de 5 mois, né en france, qu'elle allaitait.
une marocaine de 26 ans sans-papiers, mère d'un bébé de cinq mois qu'elle allaitait, a été interpellée lundi à cholet, dans le maine-et-loire, et séparée de son fils né en france. elle devrait être reconduite à la frontière. cette information a été relayée mercredi 19 juillet par un comité local de soutien aux sans-papiers.
michel le cler, membre de ce comité, explique : sabah hamioui "a quitté brutalement cholet dans un fourgon de police sans avoir pu voir ni son bébé, ni son compagnon".
"la maman a dû interrompre son allaitement." "c'est un scandale", s'indigne le militant, "ce sont des méthodes inqualifiables. on ne peut pas admettre ces expulsions, alors qu'il y a des recommandations ministérielles qui permettraient de prendre en considération les cas humains". le comité de soutien souligne que sabah hamioui est arrivée en france en 1999 en situation régulière, avec un visa schengen renouvelé jusqu'en 2002.
la préfecture confirme
cette année-là, elle n'était plus mariée avec un franco-marocain et est passé de ce fait en situation irrégulière. elle vit depuis deux ans avec son nouveau compagnon, également marocain, qui lui dispose d'un titre de séjour en règle et travaille en cdi pour une société d'abattage de volailles.
la préfecture du maine-et-loire a confirmé l'interpellation de saba. la jeune maman était détenue au commissariat d'angers où lui ont été notifiés un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière et la décision de rétention administrative. la jeune femme disposait de 48 heures pour déposer un recours.
selon michel le cler, sabah hamioui a rencontré mercredi son avocate qui devait déposer un recours en annulation de la décision d'expulsion.
sabah hamioui s'est présentée le 13 juillet à la préfecture pour faire régulariser sa situation, mais l'arrêté de reconduite à la frontière avait été signé trois jours plus tôt, a précisé michel le cler.
19 juillet 2006 dans france d'après, société | lien permanent
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"nous les immigrés, on est français quand on gagne le mondial. mais 15 jours après..."
le rituel est désormais bien rodé. a chaque match de l'équipe de france en coupe du monde, quelques jeunes de la cité des 3 000 à aulnay-sous-bois (seine-saint-denis) se retrouvent au coeur de la cité : ils installent une télévision dans la cour, au milieu des immeubles, et improvisent un barbecue collectif. a chaque but français, des explosions de joie. pour chaque victoire, de longs concerts de klaxons et, pour ceux qui disposent d'une voiture, la descente sur les champs-elysées afin de fêter zidane et les siens. dans ce quartier qui a connu des affrontements extrêmement violents pendant les émeutes d'octobre et de novembre 2005, le soutien à l'équipe de france ne fait aucun doute. mais ne s'accompagne d'aucune illusion sur l'impact réel du football sur la société française.
badir, 22 ans, par exemple, est à "200 %" derrière l'équipe de france. ce vendredi 8 juillet, dans l'après-midi, le jeune homme traîne avec ses copains en bas d'un immeuble, à proximité d'un groupe d'enfants qui jouent au football parmi les déchets éparpillés : "sarkozy, il dit : "la france, tu l'aimes ou tu la quittes !". mais nous, on l'aime, surtout quand elle gagne, et on veut y rester." la présence de nombreux noirs et maghrébins dans l'équipe finaliste est pour eux un incroyable motif de fierté. une revanche sur une société qui leur semble cantonner habituellement aux seconds rôles les banlieusards des cités. "cette équipe, c'est le tiers-monde, avec plein de noirs et d'arabes. comme nous ! et ils gagnent contre tous les autres", s'extasie nordine, dit nono, 20 ans.
cohabitation des identitÉs
certains se sont procuré des drapeaux français - ou algériens, pour célébrer le dieu zidane - ou ont acheté le maillot bleu à un prix officiel (65 euros) qui ressemble pourtant à du racket. rachid, lui, 21 ans, attend la finale pour se procurer la tunique bleue : "je fais écrire "93" ou "3ks" (pour 3 "keu$", c'est-à-dire 3 000, en référence au nom de la cité) dans le dos. après, je vais au maroc pour leur montrer !" une histoire de maillot qui en dit long sur la cohabitation des identités : celle du quartier, la plus concrète, avec une forte solidarité au quotidien mais l'envie, pas toujours assumée publiquement, d'aller vivre ailleurs ; et l'identité française, qui fait hurler de joie lorsqu'un but est marqué mais qui semble disparaître aussitôt.
car personne ne doute que la bulle sportive se dégonflera aussi vite qu'elle est apparue. "nous les immigrés, on est français quand on gagne le mondial. mais 15 jours après, on n'est plus français : chirac, sarko et tous les autres nous oublient", explique badir. ses camarades acquiescent : "on se sent plus français pendant le mondial, on est fiers, on aime bien la france. mais le reste du temps, on s'en fout : ça va trop mal", complète abdel, 20 ans, étudiant dans une école de commerce à paris et symbole, aux yeux de ses voisins, de la réussite scolaire comme de la difficulté à s'insérer après des années d'études supérieures.
très loin des illusions de la france "black, blanc, beur", ils stigmatisent un pays qui les valorise dans le sport mais se garde bien de leur faire de la place à l'assemblée nationale. "en 2002, on a fait l'erreur de ne pas aller voter et le pen s'est retrouvé au deuxième tour. on ne ratera pas la prochaine élection présidentielle", prévient sofiane, 20 ans, très fier de montrer la page du parisien où figure son nom parmi les bacheliers de l'année. un pays qui les incite à consommer, comme les autres. "mais seulement en crédit, en dix fois sans frais", comme dit l'un d'entre eux. dans ce contexte, plusieurs disent rêver de quitter la france. aller au canada par exemple ou en grande-bretagne, deux sociétés jugées plus ouvertes et plus dynamiques.
ce désir de fuite ne signifie pas qu'il n'y ait plus d'espoir. les émeutes, disent-ils, ont eu le mérite de rappeler l'existence des banlieues. le football, ajoutent-ils, permet de montrer que les "racailles" sont utiles au pays. reste le chômage, qui continue de noyer les cités sous la pauvreté. et des rapports avec la police toujours aussi désastreux, où chacun se toise - la veille encore, une voiture a été incendiée à 50 mètres de là.
badir pense savoir comment agir : "tout ça, c'est la faute de l'etat qui a enlevé l'autorité aux parents. un gamin, aujourd'hui, il a plus peur des flics que de son père parce que les claques ont été interdites. redonnez l'autorité, une vraie autorité, aux parents et ça ira mieux", conclut le jeune homme. qui plébiscite l'idée popularisée par ségolène royal de faire appel à l'armée pour redonner de la discipline : "la prison ne fait plus peur à personne. a l'armée, tu te lèves à 4 heures et tu fermes ta gueule."
luc bronner
13 juillet 2006 dans france d'après, société | lien permanent
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médiatiques
klarsfeld et «le chat perché»
par daniel schneidermann
quotidien : vendredi 7 juillet 2006 - 06:00
le triomphateur des ondes, en ce moment, c'est le synonyme. ecouter un revue de presse de france inter, c'est feuilleter une page de dictionnair des synonymes, à l'article euphorie. euphorie, rêve, bonheur, légèreté, joie jouissance, plaisir, volupté, excitation, extase, félicité, béatitude contentement, satisfaction. n'en jetez plus, et bonne journée. du journa régional au journal national, de l'éditorialiste au grand reporter, o construit, tous ensemble, un grand mur de synonymes, sur lequel vien s'assourdir l'actualité ordinaire
pourtant, même sous ce voile sucré, l'actualité continue, souterraine, avec ses feuilletons ordinaires. ainsi, par exemple, la fameuse «guerre des mémoires», intarissable et désespérant feuilleton des temps non footballistiques. en sourdine, discrètement, entretenu par des épisodes laissés en jachère dans l'immédiat, ce feuilleton se poursuit. ainsi, sur toutes les ondes ou presque, a-t-on entendu cette semaine l'avocat arno klarsfeld, nommé médiateur par le ministre de l'intérieur dans le dossier des expulsions d'enfants. et, par exemple, justement, un matin sur france inter, avant et après le dictionnaire quotidien des synonymes. comment résumer l'impression ? ce fut un détestable moment de flou et d'embarras. hésitations, points de suspension, incertitudes. des enfants, oui ou non, seront-ils expulsés ? oui. non. peut-être. certainement pas cet été, mais tout de même. la quasi-totalité des enfants va voir sa situation régularisée, mais il se peut que. rien avant le 13 août, sauf si. on procédera avec tendresse, et humanité. toute l'humanité possible. etc.
haïssable impression. ce nom, klarsfeld, et ces pauvres tentatives d'échappatoires, accolés à ces mots, enfants expulsés. qui l'a voulu, ce raccourci, ce télescopage ? klarsfeld, enfants, klarsfeld, expulsions. charger le fils de serge et beate klarsfeld, du gardien de la mémoire de la déportation des juifs de france et de la traqueuse de nazis, d'une mission concernant des expulsions d'enfants, aujourd'hui, comme l'a fait nicolas sarkozy, c'est solliciter une caution, convoquer des souvenirs, jouer avec des références. de la personnalité d'arno klarsfeld lui-même, deux aspects surnagent. d'abord sa participation au procès papon. l'un des principaux arguments de la défense de papon, l'un de ceux qui restent dans les mémoires, fut celui-ci : il avait agi «dans un but humanitaire», faisant distribuer aux déportés dont il organisait les rafles, à chaque fois qu'il le pouvait, «des matelas, des couvertures et de la nourriture». le procès devait aussi révéler que papon, par exemple, était l'auteur d'une note manuscrite demandant à ses services de traiter avec une bienveillance particulière les «juifs intéressants», «anciens combattants décorés, pensionnés ou mutilés de guerre». et c'est un des avocats vedettes des parties civiles au procès papon que l'on charge de charger de vérifier l'existence «d'attaches fortes avec la france» des enfants expulsables. on tente d'y résister, au piège de ce télescopage. de faire la part des choses, de différencier les situations, de distinguer, bien entendu, les époques, les gouvernants, les intentions. et pourtant il s'impose, surnage dans le tohu-bohu de la coupe du monde.
plus récemment, on se souvient de quelques esclandres médiatiques, prenant leur source dans le même fait : arno klarsfeld, qui bénéficie de la double nationalité française et israélienne, a effectué un an de service militaire volontaire sous l'uniforme israélien, dans le corps des garde-frontières de jérusalem-est. et c'est à cet engagé volontaire dans une armée étrangère en guerre, dans un conflit dont les répercussions ne se font que trop sentir en france, que la république confie une mission, même illusoire.
c'est donc à cette quincaillerie ambulante de références explosives, que sarkozy, tout à son souci schizophrène de donner des gages à l'électorat lepéniste sans se laisser coller l'étiquette de l'inhumain chasseur d'enfants, vient de confier une incertaine mission de «médiateur».
pour le moment, l'opération a partiellement réussi. l'indignation de principe des éditorialistes contre les expulsions d'enfants n'a pas désarmé, mais elle épargne klarsfeld et ses gaffes. quand l'avocat, au micro de sud radio, le 30 juin, décrit comme le non régularisable-type «quelqu'un qui arrive avec un enfant de quinze ans, l'inscrit tout de suite au lycée, et qui fait chat perché, vous ne pouvez plus me toucher», cette scandaleuse boutade n'est dénoncée par aucun grand média. on n'ose imaginer l'indignation des éditorialistes si le pen avait prononcé la même phrase.
nul, à part lui-même, ne sait si toutes ces images s'entrechoquent dans le cerveau d'arno klarsfeld. nul n'est en état de dire s'il y a, derrière ce «coup» de sarkozy, le calcul, voire le désir de ces télescopages. nul ne peut dire si quelqu'un a mesuré ces risques, voire les a recherchés.
nul ne sait exactement quelles seront leurs conséquences, une fois dissipée l'anesthésie footballistique. mais cette convocation des spectres conjugués de la déportation des juifs et du conflit du proche-orient, dans la politique française d'immigration, est, dans le meilleur des cas, une stupidité. et sinon, euphorie ou non, une ignominie.
http://www.liberation.fr/opinions/rebonds/191832.fr.php
08 juillet 2006 dans france d'après, société | lien permanent
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médias
le locataire de la place beauvau a pris l'habitude d'intervenir dans le travail des journalistes.
sarkozy, la main dans l'info
par olivier costemalle et raphaël garrigos et cédric mathiot et isabelle roberts
mardi 27 juin 2006
ans quel pays le ministre de l'intérieur peut-il exiger et obtenir la tête du directeur d'un grand hebdo sous prétexte qu'il a publié des photos qui déplaisent ? la corée du nord ? le turkménistan ? cuba ? pas besoin de chercher si loin : l'histoire se passe en france, où nicolas sarkozy, ulcéré par la publication, à la une de paris match, d'un cliché de son épouse en compagnie du publicitaire pour lequel elle l'avait quitté, a fait chuter alain genestar, le patron du magazine (lire ci-contre).
et s'il n'y avait que match ! car le ministre de l'intérieur entretient avec de nombreux médias des relations intimes, voire incestueuses. on ne compte plus ses interventions, discrètes ou directes, sur les rédactions. il va même parfois jusqu'à s'en vanter. dossier à charge.
télévision
jt sous influence
selon nos informations, nicolas sarkozy n'est pour rien dans le prochain passage des chiffres et des lettres de france 2 à france 3. pour tout le reste, en revanche... sarkozy et la télé, c'est un véritable roman d'amitié : coups de fils, conseils, pressions de la part du président de l'ump mais aussi autocensure de la part des chaînes pour ne surtout pas lui déplaire.
exemple en novembre 2005, lors de la crise des banlieues. figurez-vous que nos chères télés, si promptes d'habitude à faire feu de toute insécurité et tsunami de toute eau, se sont soudainement montrées d'une prudence de sioux. très vite, france 3 ne donne plus le nombre de voitures brûlées, france 2 ne montre pas les pourtant télégéniques incendies d'autos et tf1 fait dans le positif à coups de reportages sur les initiatives en banlieue. un oukase de sarkozy ? même pas. il a simplement suffi que des élus tel le député ump jacques myard fassent publiquement les gros yeux en accusant les médias d'être «instrumentalisés par les casseurs». et sarkozy là-dedans ? oh, trois fois rien, il s'est juste contenté d'appeler personnellement robert namias et arlette chabot, patrons de l'info de tf1 et france 2, pour les remercier de leur prudence.
sont-elles sourcilleuses, ces chaînes, et soucieuses d'équité... le 6 novembre, 7 à 8 (tf1) saisit en caméra cachée une provocation policière envers des jeunes. savon de namias. le dimanche suivant, 7 à 8 contrebalance avec les interviews de maires de banlieues chaudes... le 8 novembre, dans nous ne sommes pas des anges (canal +), la représentante d'une association souligne la responsabilité de sarkozy dans les émeutes en banlieues et fait le parallèle entre le couvre-feu de villepin et celui de papon en octobre 1961. emoi à la direction de canal +, qui exige «un autre point de vue». ce sera, deux jours plus tard, celui d'un maire ump... officiellement, nicolas sarkozy n'est pas intervenu. juste, il a fait demander la cassette au service de presse... le 10 novembre, france 2 diffuse dans son jt les images du tabassage de jeunes par des flics. ceux-ci sont suspendus. arlette chabot décide d'ôter le reportage du site web de france 2 : «nous ne voulions pas tomber dans la surenchère [...] au risque d'envenimer les choses à la veille d'un week-end à risque». le ministre de l'intérieur peut dormir sur ses deux oreilles, chabot veille.
et puis sarkozy passe à la télé. il faut alors mettre les petits plats dans les grands. quand il est invité du grand journal de canal + de michel denisot début mars 2006, il accepte, mais à condition de figurer aux côtés de denisot en une de tv mag, le supplément télé de la socpresse (le groupe de presse de dassault) distribué avec 42 quotidiens nationaux et régionaux et diffusé à près de cinq millions d'exemplaires. commentaire d'un cadre de canal : «sarkozy n'en a rien à faire du grand journal, ce qui l'intéresse, c'est d'être sur la table du salon de 5 millions de personnes.» ce n'est pas la première fois que sarkozy prend ses aises avec la chaîne cryptée : quand en juin 2005, dans le plus grand secret, canal + décide de mettre fin au contrat de karl zéro, celui-ci fait donner ses amis qui tenteront de faire plier bertrand méheut, pdg du groupe. au premier rang des pro-zéro : sarkozy, qui appelle en personne.
enfin, il y a sarkozy le faiseur de stars. le 7 mars, la veille d'un délicat voyage du ministre aux antilles, tf1 annonce que le joker de ppda sera désormais le journaliste noir et antillais harry roselmack. un bien beau hasard n'arrivant jamais seul, sarkozy était déjà au courant. le 17 février, recevant place beauvau le club averroès, qui défend l'image des minorités dans les médias, le ministre de l'intérieur et ami intime de martin bouygues, pdg de la maison mère de tf1, avait en effet annoncé la nouvelle : il y aura, cet été, un noir au 20 heures. mieux, selon certains témoins de la rencontre, sarkozy aurait raconté avoir lui-même soufflé l'idée à bouygues...
radio
conseil en recrutement
le ministre de l'intérieur garde aussi un oeil sur le recrutement des journalistes politiques. en février, le canard enchaîné révèle que jean-pierre elkabbach, directeur d'europe 1 (filiale de lagardère, tout comme paris match), a pris conseil auprès de nicolas sarkozy sur le choix d'un journaliste politique. «c'est normal, fanfaronne sarkozy. j'ai été ministre de la communication.» et il ajoute : «je les connais, les journalistes.» elkabbach revendique sa «méthode» de recrutement, qui consiste, dit-il, à prendre l'avis des politiques, mais aussi de syndicalistes ou d'associations : «je fais cela pour tous les services parce que je veux avoir les meilleurs... je ne peux pas interdire aux politiques de me donner leur avis. mais ensuite je décide à 100 % moi-même».
presse, édition
convocation
pauvre valérie domain. cette journaliste de gala croyait pouvoir publier tranquillement une bio autorisée de cécilia sarkozy. elle l'avait même rencontrée à plusieurs reprises. mais le livre ne verra pas le jour, du moins sous sa forme initiale. fin 2005, l'éditeur est convoqué place beauvau par le ministre de l'intérieur en personne. menace de procès, intimidation : il comprend le message et remballe son ouvrage. lequel sera transformé à la va-vite en roman à clé. chez prisma, propriétaire de gala, on anticipe les soucis à venir en demandant désormais aux journalistes maison de soumettre leurs projets de livre à la direction.
mais nicolas sarkozy ne peut pas convoquer au ministère tous les journalistes. un homme de l'ombre, dans son cabinet, se charge de faire passer les messages non officiels aux rédactions. pierre charon a ainsi fait savoir à quelques journalistes que le fils cadet de françois hollande et ségolène royal avait été interpellé, en mai dernier, après une soirée arrosée. c'est lui aussi qui a agité la menace d'un procès dans les rédactions susceptibles de révéler l'identité de la journaliste du figaro qui partageait la vie de nicolas sarkozy après sa rupture avec son épouse.
mais c'est sans doute avec paris match que les interventions ont été les plus directes et les plus pressantes. outre l'affaire de la une de cécilia, il y a eu le cas noah. dans un entretien à l'hebdomadaire, en décembre dernier, le chanteur-tennisman déclare : «une chose est sûre : si jamais sarkozy passe, je me casse !» bizarre : le 15 décembre, lorsque l'hebdo arrive en kiosque avec la longue interview titrée «mes quatre vérités à la france» dans laquelle noah évoque notamment la crise des banlieues, la petite phrase a tout simplement disparu, comme le révèle le canard. sur ordre de sarkozy ? ou bien l'hebdo a-t-il décidé de s'autocensurer et de s'éviter, cette fois, les foudres du ministre de l'intérieur et de son ami arnaud lagardère, propriétaire de match ? a chacun sa version.
27 juin 2006 dans crevures, politique, société | lien permanent
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en garde à vue avec karim, 17 ans, multirécidiviste
le monde | 27.06.06 | 15h00 • mis à jour le 27.06.06 | 15h00
arim paraît bien sage, tassé sur sa chaise. mais ce grand adolescent de 17 ans à la moustache naissante est aussi un délinquant, un "multirécidiviste", comme disent les policiers, arrivé dans le bureau les menottes aux poignets. depuis près de vingt heures, ce jour de juin, karim (son prénom a été modifié) est en garde à vue au commissariat d'evry (essonne) pour avoir "planté" un camarade avec un couteau de cuisine. une nouvelle étape dans son parcours délinquant : ces trois dernières années, les policiers l'ont mis en cause pour une vingtaine d'infractions.
"on le voit quasiment tous les deux mois. jusque-là, il faisait quarante-huit heures de garde à vue et il était libéré. donc il nous prenait pour des cons", se désole christophe capelle, 32 ans, lieutenant de police. karim ou l'exemple-type, pour les policiers, des effets désastreux du sentiment d'impunité des mineurs délinquants. et donc de la nécessité, à leurs yeux, de réviser la justice des mineurs, notamment l'ordonnance de 1945, comme le préconise le ministre de l'intérieur, nicolas sarkozy.
cette fois-ci, c'est une "histoire de banlieue" des plus banales qui a conduit le jeune homme à l'hôtel de police : une fille qui le regarde "mal", une claque pour la remettre à sa place, le copain de la fille qui le "traite" et karim qui rentre chez lui, prend un couteau de cuisine et retourne sur la place poignarder le jeune homme. a quelques centimètres près, le coup aurait pu être mortel mais la victime, majeure, s'en sort avec un passage aux urgences et dix jours d'interruption temporaire de travail (itt).
très calme, visiblement serein malgré vingt heures de garde à vue, karim fait face au brigadier fabien bourat, 30 ans. le policier l'interroge pour tenter de mesurer le caractère prémédité de l'acte : "pourquoi tu l'as planté ?
- vas-y. il m'a énervé. je sais pas ce qu'il voulait montrer à la meuf mais voilà. je sais pas pour qui il s'est pris. il m'a dit "casse-toi". je l'ai planté. j'avais la rage.
- ton but, c'était quoi ?
- je voulais pas le planter. je voulais me battre avec lui, j'avais la rage."
aucun regret exprimé. au contraire même : ne supportant pas que la victime ait porté plainte, karim menace de représailles. il s'inquiète parce que son frère a également été placé en garde à vue pour avoir tenté de faire pression sur la famille du jeune homme agressé. "quand je sors, dit-il, je vais le défoncer. moi, je suis enfermé comme un chien et lui, il rigole dehors. il fait trop la victime. faut qu'il arrête, il est chelou."
la gardienne de la paix, halima merzouk, 28 ans, tente de le raisonner : "si tu fais le con, tu vas prendre des années de prison." son collègue fabien bourat insiste : "si jamais tu ressors et que tu refais une connerie, c'est fini." peine perdue, karim s'énerve : "vas-y. il prend ma famille pour des pédés, il dépose plainte, la retire, la remet... si je vais pas en prison tout de suite, sur le coran, je me le fais. si c'est pas lui, c'est son frère."
la victime craint visiblement les représailles : après avoir hésité, elle a retiré sa plainte en indiquant que, partageant sa confession musulmane et connaissant sa famille, elle pardonnait son agresseur. les menaces de karim sont également prises très au sérieux par les policiers : à evry, début mai, un jeune homme est décédé après avoir été poignardé pour une histoire de rivalité entre quartiers. des expéditions punitives avaient ensuite été organisées par des proches de la victime.
pour les policiers, karim est une caricature des mineurs récidivistes face auxquels ils se sentent désarmés. les fichiers informatiques mentionnent une vingtaine d'infractions commises en trois ans, des vols avec violence, des dégradations, la détention illégale d'armes, des outrages, des violences sur agent. depuis cinq ans, il a été écroué, en détention provisoire, une seule fois de janvier à mars 2006 pour vol à main armée.
en patrouille dans les quartiers sensibles d'evry, les policiers de la bac (brigade anticriminalité) du commissariat désignent du doigt de nombreux mineurs délinquants, interpellés à de nombreuses reprises mais pour lesquels aucune sanction n'a été prise. "lui, on l'a déjà serré une dizaine de fois. il est toujours dehors. celui-là, il pèse 20 kilos tout mouillé et il a pas 15 ans mais a déjà fait plusieurs vols avec violence", raconte l'un des policiers. "je dirais que 80 % des interpellations que l'on fait concernent des mineurs ou de très jeunes majeurs", relève julien martin, 32 ans, le lieutenant qui commande la bac d'evry. le soir même, ses hommes interpellent un jeune de 11 ans impliqué, avec trois autres mineurs, dans un cambriolage. la "routine", la conséquence de l'"impunité", disent les policiers.
"des types comme karim, on les arrête, ils passent devant le juge des enfants. ils sont placés en foyer, ils s'enfuient et ils recommencent", souligne christophe capelle. le groupe de cinq policiers chargé des vols avec violence - deux par jour en moyenne sur la circonscription d'evry (90 000 habitants) - y voit une des raisons de la participation fréquente de jeunes mineurs à des agressions crapuleuses, souvent commises en groupe, souvent très violentes.
le commissaire principal, jean-françois papineau, évoque des "gamins dressés au vol dès 5 ans" qui connaissent parfaitement les rouages de la justice. karim en fait partie, qui connaît très bien les rôles respectifs des policiers, du juge des enfants, du procureur ou bien du juge des libertés et de la détention.
dans sa cellule de garde à vue, il demande aux policiers quand il peut espérer sortir. la réponse tombe plus tard : estimant que le geste est grave et que sa remise en liberté comporte des risques de trouble à l'ordre public, le procureur a requis la mise en détention provisoire, ce que le juge des libertés et de la détention a accepté. une information judiciaire a été ouverte pour tentative d'assassinat.
karim a peut-être commis l'acte de trop mais la prison ne l'inquiète visiblement pas. en défendant son honneur au couteau, relèvent les policiers, il privilégie la loi de la cité sur tout le reste. "karim comprend très bien sa situation. mais, même devant nous, c'est la loi de la cité, celle qu'il vit vingt-quatre heures sur vingt-quatre, qui le commande. la loi de la police et de la justice, il ne la croise que de temps en temps. donc il n'a pas peur de nous dire qu'il va se venger", explique fabien bourat.
le seul aspect qui semble gêner karim, c'est le regard de sa mère. "la mettez pas en panique", demande-t-il aux policiers. pendant une conversation plus informelle, le lieutenant capelle lui demande s'il a souffert de sa première expérience carcérale : "normal", "pas de souci". il sait qu'il y retrouvera des copains de la cité. et que son statut, dans le quartier, en sortira renforcé. bien plus que s'il demeure dans son emploi, au fond des cuisines d'un fast-food.
luc bronner
article paru dans l'édition du 28.06.06
27 juin 2006 dans société | lien permanent
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sarkozy part en guerre
contre la "désintégration sociale"
en meeting hier à agen, le président de l'ump salue la "france qui travaille" et dénonce "une gauche qui n'a plus rien à voir avec celle de jaurès et de blum".
nicolas sarkozy, en déplacement à agen (lot-et-garonne), s'est engagé jeudi 22 juin à améliorer le pouvoir d'achat des salariés et à promouvoir les heures supplémentaires en les exonérant d'impôts et autres charges.
"voici le véritable clivage de la prochaine élection présidentielle. je ne veux pas d'une réduction obligatoire et uniforme du temps de travail. je veux que tous ceux, dans le public comme dans le privé, qui veulent travailler plus pour gagner plus puissent le faire", a déclaré sous les applaudissements le président de l'ump.
dans son troisième grand discours au parc des expositions d'agen, après ceux de douai en mars et de nîmes en mai, nicolas sarkozy s'est érigé en défenseur de la classe laborieuse.
réhabiliter le travail
"aujourd'hui, on décourage le travail supplémentaire, je veux le décupler", a lancé le président de l'ump selon lequel "le premier des impératifs" est de réhabiliter le travail.
"en 25 ans, le pouvoir d'achat des salaires n'a en moyenne presque pas augmenté, alors que le niveau de qualification n'a pas cessé de s'élever !", a-t-il dit devant plus de 6.000 militants.
"et tout le monde sait bien que la réalité est pire, et qu'en 25 ans la france qui vit de son travail a subi une chute de son niveau de vie, quelle a plus de mal à joindre les deux bouts, plus de mal à se loger", a-t-il déploré.
proposant de construire le progrès social grâce à l'économie, le président de l'ump s'est engagé à tout mettre sur la table sans tabou: l'impôt sur le revenu, la taxe professionnelle, la taxe sur les salaires, les charges sociales.
il a aussi préconisé une forte revalorisation des allocations familiales, dès le premier enfant, notamment pour ceux qui gagnent moins que le smic.
contre les grands patrons
nicolas sarkozy s'est montré compatissant pour cette "france qui va mal, qui vit la précarité au quotidien et ne peut faire des projets d'avenir". celle "qui travaille qui n'en peut plus de faire des efforts et dont on ne parle que pour la culpabiliser".
dénonçant les 35 heures, le président de l'ump a fustigé "une gauche qui n'a plus rien à voir avec celle de jaurès et de blum qui connaissait la valeur du travail".
il a aussi critiqué la "droite qui a fini par avoir honte de ne pas être la gauche, dévaluent économiquement et moralement le travail".
"depuis 25 ans tout est fait pour déprécier l'effort, pour dénigrer le mérite", a-t-il dit, assurant que "la fracture sociale s'est transformée en désintégration sociale".
nicolas sarkozy a aussi dénoncé les grands patrons qui négocient "une prime d'éviction en forme de parachute en or" après avoir conduit leur entreprise à l'échec ce qui "n'est rien d'autre qu'une forme d'abus de bien social". il a proposé d'étendre à tous les salariés les stocks options.
evoquant l'immigration, le président de l'ump à de nouveau invité ceux "qui n'aiment pas la france, ceux qui exigent tout d'elle sans rien vouloir lui donner" à la quitter. "ils ne sont pas obligés de rester sur le territoire national", a-t-il dit.
(avec reuters)
23 juin 2006 dans crevures, société | lien permanent
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plus de 40 % des spécialistes refusent de soigner les bénéficiaires de la cmu
lemonde.fr | 22.06.06 | 13h57
'enquête menée par le fonds cmu, et rendue publique, jeudi 22 juin, pourrait faire grand bruit : elle révèle que plus de quatre médecins spécialistes sur dix refusent de prendre en charge les patients les plus démunis, bénéficiaires de la couverture maladie universelle (cmu).
l'enquête a été réalisée selon la méthode du "testing" téléphonique auprès d'un échantillon de professionnels de santé installés dans six villes du val-de-marne. une personne se faisait passer auprès des médecins, au téléphone, pour un bénéficiaire de la cmu. lorsque le praticien motivait le refus de rendez-vous par un manque de place, par exemple, une seconde personne, se présentant comme un assuré ordinaire, téléphonait à son tour, obtenant généralement sans difficulté un rendez-vous.
certains praticiens privilÉgient des "logiques Économiques"
le résultat montre que 41 % des médecins spécialistes sollicités ont refusé de prendre en charge des patients inscrits bénéficiaires de la cmu. a l'inverse, les généralistes ne refusent que dans 4,8 % des cas ces patients (1,6 % pour les généralistes de secteur 1, appliquant des tarifs "sécu"). parmi les spécialistes, ce sont les gynécologues (44 %) et les psychiatres (50 %) qui présentent les taux de refus les plus élevés. un tiers des ophtalmologues (33 %), 40,9 % des pédiatres et 39 % des dentistes ont eux aussi refusé une prise en charge.
le fonds remarque en outre que les patients non bénéficiaires de la cmu ont souvent droit de la part des praticiens à une "attitude plus aimable, avec une recherche de plus d'informations sur la situation du patient". l'explication : certains praticiens privilégient des "logiques économiques", avec des dépassements d'honoraires, supposant que les patients ne seront pas en situation de les acquitter, d'autres voient la cmu "comme un dispositif pour les pauvres dont la place est dans les structures publiques".
xavier bertrand saisit l'ordre des mÉdecins
le ministre de la santé, xavier bertrand, a écrit à l'ordre des médecins pour qu'il "sanctionne" les praticiens. "ces comportements ne sont pas acceptables dans la mesure où ils constituent une forme de discrimination devant l'accès aux soins et peuvent fragiliser de par leur caractère stigmatisant des personnes souvent socialement défavorisées", estime m. bertrand dans une lettre adressée au président du conseil national de l'ordre des médecins, jacques rolland.
"si vous partagez mon point de vue, je vous serais obligé de bien vouloir rappeler au corps médical la nécessité déontologique de refuser toute discrimination à l'égard des personnes bénéficiaires de la cmu et de veiller à ce que de tels agissements soient sanctionnés par les instances compétentes de l'ordre lorsqu'elles en sont saisies", conclut le ministre de la santé.
avec afp
22 juin 2006 dans société | lien permanent
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événement
en 1936, la france montra l’exemple
congès payés . georges séguy, ancien secrétaire général de la cgt, rappelle les conditions d’unité politique et syndicale qui ont permis à l’utopie de devenir réalité.
vous étiez tout jeune en 1936. est-ce que vous vous souvenez de ces premiers congés pour les salariés du privé ?
georges séguy. j’avais neuf ans, j’étais à l’école à toulouse. mon père, cheminot, avait déjà des congés payés. mais cette année-là, pour la première fois, à la rentrée, tout le monde s’est raconté les vacances qu’on avait passées avec nos parents. tout le monde était parti quelque part, beaucoup vers la mer, qu’ils voyaient pour la première fois. je me souviens d’avoir passé des vacances en 1938 sur la côte basque, d’où l’on entendait les canons de la guerre d’espagne gronder de l’autre côté des pyrénées, les républicains allaient bientôt devoir se réfugier en france.
les salariés du privé pouvaient enfin partir en vacances, jusque-là réservées à une minorité, en particulier bourgeoise et riche. Était-ce perçu à l’époque comme une sorte d’abolition des privilèges ?
georges séguy. c’était surtout perçu comme un rêve qui se concrétisait, la découverte d’une vie nouvelle. les travailleurs constataient que ce qui était vu comme une utopie pouvait devenir réel dans des conditions de basculement complet du rapport de forces politique. ce qui s’est passé alors n’est pas venu spontanément, mais a donné lieu à des luttes formidables, non seulement pour les revendications, mais, aussi contre le fascisme. cela a produit une telle volonté d’union que la cgt s’est réunifiée, que les partis communiste et socialiste, avec les radicaux, se sont unis pour un objectif commun, le front populaire, avec un pacte énumérant leurs objectifs précis. c’est sur cette base-là qu’au mois de mai, la gauche unie a obtenu la majorité à l’assemblée nationale.
au moment où se mettait en place le gouvernement de front populaire, les travailleurs, souhaitant que les objectifs revendicatifs pour lesquels ils avaient lutté, soient atteints, se sont mis en grève. dans le secteur privé, à l’ouverture de la négociation, il y avait deux millions de grévistes. c’est le chef de l’organisation patronale de l’époque qui est allé trouver léon blum, président du conseil, pour lui dire qu’il était urgent de réunir, avec le gouvernement, les représentants du patronat et ceux du salariat pour négocier, dans un conflit qui devenait dangereux. c’est ainsi qu’en quarante-huit heures sont nés les accords de matignon, qui comportaient les congés payés, mais aussi les conventions collectives avec les augmentations de salaires, et les 40 heures, qui réduisaient la durée hebdomadaire du travail de huit heures d’un seul coup.
quelle conception le mouvement ouvrier de l’époque avait-il du temps libre ?
georges séguy. le mouvement syndical portait depuis un siècle et demi l’idée que la réduction du temps de travail est un élément d’amélioration des conditions de vie comme facteur de progrès social. À la fin des années trente, on revendiquait le droit à plus de repos, mais aussi aux loisirs et à la culture. c’est dans cet esprit que la cgt avait déposé de longue date à l’assemblée nationale un projet de loi sur les congés payés, et saisi l’organisation internationale du travail pour que cette question soit débattue. cependant, les congés payés ou la semaine de 40 heures ne figuraient pas explicitement dans le pacte d’unité d’action communiste-socialiste. deux millions de grévistes, le rapport de forces modifié, c’est dans les négociations que la question est venue en débat et a été tranchée.
c’était une revendication extrêmement moderne !
georges séguy. c’était impossible d’imaginer qu’un jour les patrons puissent accepter de vous payer pour aller vous reposer ! c’était ça l’utopie. même si les congés payés n’ont pas été inventés à ce moment-là : ils existaient dans la fonction publique et chez les cheminots, qui avaient 15 jours de congés payés et qui en ont eu 21 avec le front populaire. mais dans le privé, si l’on considérait qu’il était légitime de revendiquer cela, autant on pensait que la réticence des patrons à tout progrès social rendait cette perspective illusoire. et c’est arrivé ! les congés payés restent un exemple significatif du fait que l’utopie, ce n’est pas quelque chose d’impossible, mais quelque chose qui n’a pas encore été réalisé.
quelle leçon peut-on tirer de 1936 sur cette question du temps libre, alors qu’on parle aujourd’hui de reconquérir un droit aux vacances pour ceux qui n’ont plus les moyens de partir ?
georges séguy. tous les salariés ont droit à cinq semaines de congés payés, mais de plus en plus nombreux sont ceux pour qui ce droit est inaccessible, parce qu’ils n’ont pas les moyens d’en profiter : les chômeurs, les précaires, de plus en plus nombreux. À l’époque du front populaire, ce qui a fait le bonheur des travailleurs, ce n’est pas seulement deux semaines de congés payés, mais c’est d’avoir obtenu des augmentations de salaires de 15 % qui leur ont permis de se payer des vacances au bord de la mer, de s’acheter un tandem ou une tente pour camper quelque part.
les arguments qu’on entend aujourd’hui contre la réduction du temps de travail sont les mêmes que ceux que l’on entendait à l’époque contre les congés payés. voyez-vous d’autres similitudes avec cette période, sur la question sociale ?
georges séguy. cadeau à la concurrence étrangère, de catastrophe économique, chômage, licenciements, coût du travail trop élevé... on trouve les mêmes arguments aujourd’hui pour commenter les 35 heures que dans la presse de droite il y a soixante-dix ans, et qu’en 1918 lorsqu’on est passé à la journée de 8 heures, en réduisant la semaine de travail de 12 heures ! pour mettre un terme à la politique antisociale de la droite, et faire progresser les revendications, il faut un rapport de force différent. la seule solution, aujourd’hui comme alors, c’est le rassemblement et la lutte. cela dépend de l’union des travailleurs, de leurs organisations syndicales, et ça dépend de l’union de la gauche sur la base d’un objectif répondant à l’aspiration du monde du travail. le front populaire était un exemple unique en europe contre le fascisme, et sur le progrès social. le modèle social français n’existe pas que depuis la libération. il existe depuis le front populaire. aucun autre pays n’avait la semaine de 40 heures et deux semaines de congés payés. pourquoi ne pas imaginer que soixante-dix ans après, la france puisse donner un exemple semblable ?
entretien réalisé par lucy bateman
22 juin 2006 dans histoire, politique, société | lien permanent
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le front national "drague" la communauté maghrébine sur beur fm
le monde | 21.06.06 | 15h55 • mis à jour le 21.06.06 | 15h55
n responsable du front national (fn) sur une radio s'adressant en priorité aux français d'origine maghrébine est inédit. pas étonnant donc que la prestation de marine le pen, vice-présidente du parti, sur beur fm le 6 juin soit commentée dans les milieux d'extrême droite.
minute dans son édition du 14 juin lui consacre trois pages ainsi que sa couverture, où on peut lire : "un million de voix en jeu : quel sera le vote "beur" ?" "marine le pen fut mieux que bien accueillie", s'émerveille l'hebdomadaire d'extrême droite, qui voit là le fruit de l'opposition du président du fn à l'intervention américaine en irak. minute développe l'idée selon laquelle l'électorat "d'origine immigrée" et "soucieux de s'assimiler" supporte de moins en moins les "incivilités" dont il serait, "comme les gaulois", la "première victime". il aspirerait "à voir l'ordre rétabli", mission à laquelle la gauche et le ministre de l'intérieur, nicolas sarkozy, auraient "failli". selon minute : "les suffrages beurs qui s'étaient portés sur chirac en 2002 ont peu de chance d'être accordés à nicolas sarkozy en 2007. ils ne le seront pas plus à philippe de villiers, qui mène une campagne pro-israélienne assez stupéfiante. reste qui ? l'éventuel candidat "altermondialiste"; le candidat socialiste s'il s'agit de ségolène royal, et seulement d'elle ; et jean-marie le pen ."
en résumé, pour l'hebdomadaire d'extrême droite, l'émission "forum débat" animée par ahmed el keiy, sur beur fm, à laquelle mme le pen a participé, aurait prouvé que l'horizon entre le fn et les beurs est dégagé.
ce que minute omet cependant de mentionner, c'est que cadres et militants frontistes ont très largement contribué au "bon accueil" de mme le pen. et cela en profitant, lors de l'émission, des 35 minutes de questions posées en direct par les auditeurs, sans qu'il y ait de sélection préalable. ainsi a-t-on eu la surprise d'entendre un certain "louis de toulouse" évoquer le codéveloppement entre la france et l'afrique pour stopper "les flux migratoires". "il a un peu de mal, louis", s'est étonné m. el keiy devant les hésitations de ce dernier à poser sa question. "oui, il est très timide" a répliqué mme le pen en réprimant difficilement un fou rire car elle avait reconnu dans ce louis toulousain louis aliot, le secrétaire général du fn.
a deux reprises, m. el keiy s'est amusé à démasquer des imposteurs : "j'aime bien votre accent, mustapha, mais il faut un peu le travailler", a-t-il lancé à l'un d'entre eux qui venait de déclarer à "mme li pen (sic)" qu'il voterait pour elle. "vous avez le discours qui vous permet d'être membre du fn" a-t-il répliqué à un certain mourad de paris qui venait d'expliquer qu'il en avait assez "d'être agressé par des cousins dans le métro".
ces intrus ne sont tout de même pas parvenus à occulter les interventions d'authentiques français d'origine étrangère. certains ont montré leur intérêt pour la nouvelle égérie du front. la plupart ont parlé du racisme dont ils sont victimes. d'autres se sont inquiétés des relations entre le fn et l'algérie, si d'aventure il arrivait aux affaires. hormis un auditeur qui a menacé d'une "frappe stratégique pendant deux cents ans" toute personne "essayant d'exercer une pression" sur les musulmans, le ton est resté courtois. y compris quand une auditrice évoquant la fable du "petit chaperon rouge" s'est demandé si beur fm, en invitant mme le pen, ne permettait pas au "loup" frontiste de "draguer les beurs". "ce serait naïf de penser le contraire, mais c'est de bonne guerre" lui a répondu m. el keiy, qui tient au pluralisme de son émission.
christiane chombeau
21 juin 2006 dans crevures, société | lien permanent
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entretien
« des banlieues émergera une figure politique majeure »
mehdi belhaj-kacem
sept mois après, le philosophe mehdi belhaj-kacem revient sur les événements qui ont embrasé les banlieues. et sur la manière dont le discours sécuritaire et de stigmatisation d’une partie du peuple français contamine un monde politique hanté par le spectre du front national. entretien.
vous dites
des émeutes de novembre dans
les banlieues françaises qu’elles auraient abouti à une insurrection si elles avaient revêtu une « conscience politique ». pourquoi ?
mehdi belhaj-kacem. il ne s’agit pas de dire que les choses auraient pu se passer autrement. mais je crois fermement à la possibilité d’une politisation de ces banlieues. une politisation qui se fera sans les partis, ou peut-être avec des partis à gauche du ps, à condition qu’ils remettent en cause leur manière de procéder, de faire de la politique. cela commence avec rien du tout, avec trois bouts de ficelle. c’est ainsi qu’a commencé la commune de paris, qui n’était pas rien du tout, mais l’avènement des rien-du-tout. il faut réapprendre à réfléchir à long terme, libérés de l’hystérie du présent perpétuel médiatique. derrière leur apparent nihilisme, ces émeutes peuvent permettre, à long terme, l’émergence d’un acteur politique de premier plan. pour cela, il faut faire le travail nécessaire, donner à ces « jeunes de banlieue » les outils théoriques et politiques dont ils ont besoin. contrairement à ce que l’on m’a souvent rétorqué, il existe en banlieue des gens qui pensent, lisent, réfléchissent, sont capables de comprendre la philosophie la plus difficile. pour peu que cela les concerne.cette figure politique va émerger parce que ces populations n’auront pas d’autres choix que de réagir au déploiement de force organisé par l’État pour maintenir le couvercle fermé, ou encore, pour reprendre ce vocabulaire nauséabond, pour « contrôler les flux migratoires ». face aux attitudes humiliantes de la police, à ses brimades, souvent motivées par le racisme, ces jeunes n’ont pas d’autre choix que de réagir. À moins que l’État ne déploie, comme cela commence à être suggéré, des moyens militaires. inéluctablement, pour réagir à ces situations, les populations de banlieue devront inventer une nouvelle politique de résistance. dire cela ne relève pas d’une foi dans un messianisme. pour dépasser le nihilisme actuel, l’héroïsme n’est pas une question de décision psychologique. c’est une nécessité. ces jeunes seront obligés de réagir contre cette politique qui porte le nom de sarkozy mais aussi, manifestement, désormais, celui de ségolène royal.
vous écrivez vouloir poser
la question du désoeuvrement comme catégorie sociopolitique nouvelle. en quoi une telle catégorie pourrait-elle être opératoire ?
mehdi belhaj-kacem. là est précisément, pour l’instant, mon impasse. l’ouvriérisme des marxistes classiques les conduit à porter un jugement sévère sur une telle entreprise. mais je persiste et signe. il ne s’agit pas de louer un désoeuvrement auquel correspondrait un salaire de subsistance. ce n’est pas du tout mon point de vue. je pense à ce prolétariat désoeuvré, orphelin de projet politique, qui s’est exprimé lors des émeutes de banlieue. si l’on s’attache, avec alain badiou, à dire de l’événement qu’il vient de ce qui n’existe pas dans la situation, alors le désoeuvrement est aussi un inexistant de la situation politique contemporaine. c’est le nouveau déchet du capitalisme, quelque chose qui n’est pas représenté. on parle des échecs du communisme. mais sa grande réussite, au xxe siècle, fut d’offrir aux ouvriers une représentation dans le débat politique. avec le plein-emploi, l’ouvrier était défendu en tant qu’ouvrier. aujourd’hui, l’ouvrier se bat individuellement pour garder son emploi. toute la vie politique et sociale est gouvernée par la peur du chômage, par la peur du désoeuvrement. le désoeuvrement n’existe ni socialement, ni politiquement. donc quelque chose va forcément venir. quelque chose est venu avec ces émeutes de banlieue. mais ce n’est qu’un début. comment construire une politique autour de la question du désoeuvrement ? c’est une question à laquelle, pour l’instant, je n’ai pas de réponse. de ce point de vue, la gauche, depuis trente ans, est paralysée, parce qu’elle a cédé à une syndicalisation de la vie politique. les partis ont renoncé à poser la question de l’émancipation de l’humanité tout entière.
vous consacrez une partie de cet ouvrage à définir le « ban » et empruntez à agamben la figure de « l’homo sacer », du paria. qu’est ce qui caractérise le ban ?
mehdi belhaj-kacem. les quartiers pauvres, au xixe siècle, n’étaient pas extérieurs à la capitale. le prolétariat était dans la ville. la nouveauté des banlieues, ces espaces où l’on parque aujourd’hui les pauvres, c’est cette extériorité radicale. le ban est un lieu qui n’en est pas un. les parias partagent avec cet espace où ils sont parqués la même caractéristique. ils sont tout à la fois dehors et intérieurs à la société, sur le mode du déchet. ils sont toujours dans cette situation topologique paradoxale où ils sont à la fois à l’intérieur et à l’extérieur. j’essaie dans ce petit livre de mettre à jour une continuité : les choses fondamentales, dans l’histoire de l’humanité, se découvrent au ban. le paradigme de la naissance du monothéisme, de ce point de vue, est intéressant. un peuple d’esclaves, les juifs, porté par une nécessité historique, invente une subversion universaliste, égalitaire, inédite dans l’histoire de l’humanité, qui lui permet de se libérer. ces hommes du ban, du fait de n’être ni à l’intérieur, ni à l’extérieur, ont découvert l’être lui-même, ce que l’on a très longtemps appelé dieu, et que certains continuent à appeler ainsi. ce dieu sans visage, vide, qui choquait les romains. dans ce petit livre, je dis simplement : de moïse à marx, la conséquence est bonne. et je tente une « positivation » de la description qu’agamben donne de l’homo sacer, négative parce qu’à juste titre dominée par l’ombre des crimes d’État du xxe siècle. en démontrant que tout ce qui s’est produit de grand dans l’histoire, à commencer par l’invention des monothéismes, est le fait de ces parias pour lesquels la loi est suspendue. la forme pure dont sont apportées ces nouveautés à chaque fois singulières est toujours la même. elles viennent, à chaque fois, du ban.
quel est ce mode de relation,
que vous évoquez, entre ces parias, pour lesquels la loi est suspendue, et le souverain,
qui pour être souverain doit s’excepter de la loi ?
mehdi belhaj-kacem. le lien qui les unit est transparent. l’état d’exception s’appelle george bush, vladimir poutine, il s’est appelé ariel sharon. voilà des gens qui ne connaissent la « démocratie » que pour eux-mêmes. qui est jugé par eux « non démocrate » est simplement passible de l’armée, du massacre et de la torture. le réel de cette machine « démocratique » est dans la politique des États-unis dans le monde depuis cinquante ans. une politique qui consiste, au nom du droit, à n’en respecter aucun, nulle part. dans la surface gelée du consensus nihiliste démocratique, on appelle cela « droit d’ingérence » ou « humanitaire ». de même que le débat politique en france se résume aujourd’hui à l’immigration et à la délinquance des « jeunes de banlieue », il n’y a, dans cette vision, qu’un seul problème au monde : le terrorisme. ce terrorisme qui a fait, l’an dernier, 14 000 morts, dont 8 000 en irak. le terrorisme, en réalité, est devenu un bon argument pour faire avaliser la toute-puissance de la démocratie formelle de marché. on a crié à l’islamisme à propos des jeunes émeutiers de banlieue. avant de se rendre compte qu’il n’y avait pas le moindre gramme d’islamisme dans ces événements. seulement, si l’on continue à maintenir ces populations dans un désoeuvrement doublé d’une non-représentation politique, alors, en effet, l’islamisme peut rafler la mise.une question se pose : la france doit-elle devenir, à l’instar du royaume-uni de tony blair, une province des États-unis ? c’est ce qui se produira si nicolas sarkozy est élu.
en quoi le projet de ce que vous appelez la « droite extrême » vise-t-il à exclure toujours davantage ces populations de banlieue ?
mehdi belhaj-kacem. des réflexes politiques typiques de l’extrême droite se sont banalisés. ils consistent à jouer sur la peur, sur le fantasme du paria comme une menace absolue. lorsqu’alain finkielkraut use d’un vocabulaire abject en parlant de ces émeutes comme d’un « pogrom antirépublicain », le quotidien israélien haaretz juge que ses propos relèvent d’un discours d’extrême droite. nicolas sarkozy, lui, le salue comme « l’honneur intellectuel de la france ». seulement, lorsque le monde politique lève un tabou, c’est toute la société qui glisse avec lui. la conséquence du vote de la loi du 23 février 2005, c’est que l’on peut désormais discuter en toute quiétude des « aspects positifs » de la colonisation. quant à la question sécuritaire, elle n’est pas, pour moi, une question politique. on fait là de la politique avec ce qui n’en est pas. il y a chaque année, en france, environ 900 homicides. et 120 000 tentatives de suicide, dont 30 000 conduisent leurs auteurs à la mort. on se suicide lorsque le rapport à l’autre ne tient plus. voilà le réel violent d’une société non violente.
comment ce phénomène de contamination d’un discours qui appartenait autrefois exclusivement à l’extrême droite a-t-il été rendu possible ?
mehdi belhaj-kacem. l’émergence de cette droite extrême prouve, en creux, que des progrès existent tout de même, que des leçons ont été tirées de l’histoire. même si la droite extrême bascule parfois dans un discours d’extrême droite pur, on ne peut plus tenir impunément des propos trop ouvertement racistes. d’où l’émergence d’une extrême droite qui fait pression sur le débat politique et finit par influencer la droite dite modérée. c’est ce qui s’est produit en france à partir des années quatre-vingt comme l’une des conséquences du mitterrandisme. et l’on voit actuellement surgir le même phénomène au royaume-uni après dix ans de blairisme. « la france, tu l’aimes ou tu la quittes » : lorsque l’ump s’approprie de tels énoncés, ils finissent par devenir indiscernables. c’est là qu’il faut redevenir universaliste : c’est évidemment à tous les français que s’adresse une telle injonction. elle signifie : soit tu es heureux dans cette démocratie des droits aveugles du capital, du seul droit de l’argent et de celui qui le possède, sois tu pars. mais tu n’as pas le droit de te plaindre, de contester. au prétexte des immigrés, des parias, tout le monde est visé. et l’on retombe sur le projet de sarkozy de thatchériser les droits sociaux et l’économie, d’instaurer un État semi-policier, si ce n’est plus... ségolène royal ne vient-elle pas de vendre la mèche ?
c’est désormais, dites vous en reprenant l’idée avancée par debord, d’un « complot permanent en faveur de l’ordre établi », toute la société française qui est au ban de ce que vous appelez « la démocratie médiatico-parlementaire »...
mehdi belhaj-kacem. ce n’est pas une hypothèse paranoïaque délirante, c’est une évidence. les médias sont préposés à ce complot en faveur de l’ordre établi. mais les choses sont, je crois, en train d’évoluer dans le bon sens. jusqu’ici, les gens n’étaient pas dupes, mais ils finissaient tout de même par obéir. avec le « non » à la constitution européenne, la machine s’est grippée. c’est une très bonne chose. le problème reste l’absence d’alternative clairement énoncée à la démocratie de marché, cette forme de démocratie taillée sur mesure au service du capital. un certain nombre de principes sont largement partagés. mais un immense chantier reste à ouvrir sur les institutions. c’est cela qui ne va pas. la démocratie ne peut se résumer, étant donné les moyens techniques dont nous disposons, à la consommation de médias et au dépôt, de temps à autre, d’un bulletin dans l’urne. je suis moi-même un abstentionniste assumé. peut-être la prochaine révolution, le prochain événement, en france, devra-t-il porter sur un changement radical de la forme de la démocratie. sur les contenus, des idées existent. ce qui nous fait souffrir aujourd’hui, c’est notre impuissance. pour pouvoir imposer ces contenus, fondés sur l’égalité, qui est à mon avis l’objet même de la politique, il faut se battre sur la forme. dans l’immédiat, il faut refuser ce leitmotiv du nihilisme démocratique qui consiste à dire : « les paroles ne valent rien, elles n’ont pas de conséquences, elles ne comptent pas. » la parole a des effets. chacun peut trouver ses énoncés. se réunir, prendre la parole, parler de l’actualité, fabriquer des choses... tout cela est raillé, tourné en dérision par une génération qui croit n’être dupe de rien. c’est pourtant ainsi que les choses peuvent commencer à changer.
quel est, pour vous, l’antidote à ce que vous appelez « la psychose française » ?
mehdi belhaj-kacem. la source de la psychose est dans ce nihilisme démocratique tantôt hilare, tantôt dépressif, qui consiste à ne plus croire en rien, à penser que plus rien de grand n’est possible. À dire, pour celui qui jouit d’un confort dont la plus grande partie de lé est toujours privée, qu’il n’y a « pas de progrès ». pas d’enjeu, pas de principes, pas de progrès, pas d’héroïsme... voilà une rhétorique purement franchouillarde. les américains, eux, croient au progrès, à l’héroïsme. lorsqu’il n’y a plus ni principes pour lesquels se battre, ni progrès, et c’est cela qu’orchestre le triste spectacle intellectuel médiatique de ces trente dernières années, alors il n’y a plus que des tribus. mais la france a une histoire politique, intellectuelle, culturelle très particulière. il en reste quelque chose. qui peut encore nourrir l’espoir dans un avenir proche.
entretien réalisé par rosa moussaoui
21 juin 2006 dans livres, politique, société | lien permanent
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val-de-marne
viols collectifs :
deux accusés avouent
une vingtaine de personnes ont été mises en examen suite aux plaintes de 2 femmes dans le val-de-marne.
des jeunes hommes ont reconnu que des tournantes s'étaient bien déroulées il y a sept ans à fontenay-sous-bois, dans le val-de-marne, tout en niant y avoir participé, a indiqué dimanche 18 juin le parquet de créteil.
"certains interpellés ont désigné nommément des jeunes ayant participé aux tournantes", a-t-on précisé de même source.
cette affaire a éclaté après les dépositions de deux plaignantes, rapportant des faits s'étant déroulés sur quelques mois entre la fin 1999 et 2000, dans une cave et à proximité de lieux de vie scolaire et sportifs, a ajouté le parquet.
entre 13 et 17 ans
a l'époque des faits, les mis en cause, qui habitaient la cité des larris et les quartiers environnants, avaient entre 13 et 17 ans, comme leurs accusatrices.
fin 2005, une première jeune femme a décidé de porter plainte après avoir été agressée physiquement par l'un de ses présumés violeurs.
une vingtaine de jeunes hommes ont été mis en examen pour viols en réunion et non assistance à personne en danger, dont neuf ont été écroués et trois placés sous contrôle judiciaire, selon le parquet.
"au total, toute une classe d'âge, 40 à 50 personnes, a été dénoncée", a indiqué me philippe genty santoni, avocat de deux mis en examen, selon qui une nouvelle vague d'arrestations aura lieu le semaine prochaine.
il a dénoncé des mises en examen qui "manquent de prudence", notamment pour ses deux clients "qui nient toute relation sexuelle, même consentie
© le nouvel observateur
18 juin 2006 dans société | lien permanent
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mobilisation citoyenne contre les expulsions d'enfants
le monde | 17.06.06 | 13h55 • mis à jour le 17.06.06 | 14h16
'est l'"instinct", disent-ils, qui les pousse à agir. leur "conscience". ils sont des centaines, à travers la france, à rester mobilisés. nicolas sarkozy a promis la régularisation "au cas par cas" de familles d'enfants scolarisés, menacées d'expulsion. pourtant, la mobilisation continue de s'étendre.
les habitants de chavagnes-en-paillers, petite commune vendéenne de 3 000 âmes, s'étaient donné rendez-vous samedi 10 juin sur la place principale. "leur" famille, à eux, vient du kosovo. dès qu'ils ont appris sa convocation à la préfecture, "cela a été instinctif", raconte ghislaine clouet, 58 ans. c'est elle, mère de famille retraitée, épaulée par l'institutrice de la commune et par une voisine, qui a monté une association "dans l'urgence". " depuis deux ans et demi, nous les côtoyons comme des amis, s'emporte-t-elle. le monsieur a une promesse d'embauche d'un entrepreneur de la commune. sa femme, couturière, aide bénévolement une association locale. les enfants ont de nombreux copains chavagnais, vont au club de foot... ils font vraiment partie du village."
nés de la réaction de simples citoyens, les collectifs finissent souvent par converger vers le réseau éducation sans frontières (resf). cette plate-forme d'information et de conseil, créée en 2004, regroupe aujourd'hui 70 organisations. le réseau offre la possibilité de consulter des juristes, met à disposition un guide pratique et juridique (jeunes scolarisés sans papiers : régularisation, mode d'emploi), relaie sur son site internet appels à manifester et pétitions, se charge en cas d'urgence d'interpeller les préfectures et au besoin le cabinet du ministre de l'intérieur. une aide précieuse pour tous ceux - et c'est souvent le cas - qui ne sont pas des militants aguerris.
"dÉsobÉissance civile"
le réseau vient de demander à tous les sénateurs et députés de parrainer la famille d'un enfant sans papiers. le 1er juillet, dernier samedi avant les vacances scolaires, il organisera une "cérémonie d'ouverture de la chasse aux enfants" où il réitérera son appel à la "désobéissance civile" pour protéger les élèves susceptibles d'être expulsés cet été.
a l'origine du réseau, richard moyon, un enseignant de châtenay-malabry, dans les hauts-de-seine. un jour, il y a dix ans, un élève l'aborde en tremblant à la fin d'un cours, lui montre l'"invitation à quitter le territoire" qu'il vient de recevoir. elèves et professeurs se mobilisent, font le siège de la préfecture. issa, mauritanien en 1996, est aujourd'hui français, père de deux petites françaises et commercial dans une pme. entre-temps, richard moyon a soulevé des montagnes pour empêcher l'expulsion de dizaines d'élèves.
a créteil aussi, des enseignants sont mobilisés. une assemblée générale est organisée en juin 2004. une centaine de personnes se réunissent à la bourse du travail, à paris - enseignants, syndicats de profs, organisations de parents d'élèves, milieux préoccupés par l'immigration. la machine est lancée, des dizaines de comités locaux s'y raccrochent... pas de structure, pas de local, pas de permanent, pas de président : le mouvement vient d'en bas, s'étoffe tous les jours de mères et de pères de famille, souvent apolitiques, dont les enfants ont, à l'école, un copain menacé. "c'est l'anarchie miraculeuse", résume richard moyon.
le pilier du réseau ne cherche pas la notoriété. mettre en avant un ancien de lutte ouvrière, puis de la ligue communiste révolutionnaire (lcr) pour symboliser le réseau ? cela risquerait de mettre en péril le fragile équilibre qui "tient" le réseau. car le mouvement, porté au départ par des enseignants de gauche ou d'extrême gauche, relève aujourd'hui du plus bel éclectisme.
a chavagnes-en-paillers, en plein coeur des terres villiéristes, "des laïcards, des religieux, des gens très à droite, des gens très à gauche, sont mobilisés", témoigne ghislaine clouet, qui dit pour sa part ne plus savoir où se situer sur l'échiquier politique. "quand on voit des gens dans le besoin, prêts à vivre du fruit de leur travail, sans aide de l'etat, on ne peut que se sentir humainement obligé de les aider", explique-t-elle en rappelant que sa commune a déjà caché des enfants juifs pendant la seconde guerre mondiale.
cécile bir, mère de famille et présidente de l'association nantaise enfants étrangers-citoyens solidaires, confirme : "on voit se mobiliser des parents d'élèves d'origines culturelle et sociale très diverses, et de tous bords." aux yeux de tous, le sans-papiers cesse brutalement de relever du mythe inquiétant du "clandestin", rituellement invoqué par les politiques, pour prendre le visage de ces gamins qui partagent les mêmes préoccupations, les mêmes joies que leurs enfants. "sur l'immigration on peut tenir des propos généraux, mais quand cela concerne un enfant, cela change tout", dit cécile bir.
mère de trois enfants, valérie tranchand n'avait jusqu'alors jamais milité. par deux fois, elle a pris sous son aile un "enfant caché" de l'école victor-hugo. désobéissance civile ? "on doit respecter la loi, mais pas n'importe quelle loi. on peut être amené à désobéir à des lois injustes", a-t-elle expliqué à ses enfants. "en agissant ainsi, dit valérie tranchand, j'ai eu le sentiment de réagir comme lorsque j'aide une personne tombée dans la rue. je n'ai pas tout d'un coup eu le sentiment d'être une révolutionnaire, mais simplement de suivre ma conscience."
laetitia van eeckhout
17 juin 2006 dans société | lien permanent
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a lyon, la vie cachée d'alex, 10 ans, et david, 7 ans, deux enfants qui veulent être comme les autres
le monde | 17.06.06 | 13h55 • mis à jour le 17.06.06 | 14h12
lyon envoyÉe spÉciale
h ! j'ai oublié mes cartes yo gli yo pour les montrer à mon copain léo", s'exclame alex, 10 ans, cartable au dos, en sortant de classe. rien ne distingue alex des autres enfants qui se bousculent à la sortie de l'école victor-hugo à lyon. sinon que sa mère, à lui, ne vient jamais le chercher. chaque fois, c'est une personne différente qui vient l'attendre à la sortie de l'école. car depuis que, le 19 avril, les policiers sont venus signifier à leur mère, samira, un ordre de départ pour le lendemain, alex et son frère cadet, david, 7 ans, vivent cachés.
depuis près de deux mois, parents d'élèves et enseignants des pentes de la croix-rousse à lyon sont " entrés en résistance" pour soustraire samira babaïan et ses deux enfants à la police et empêcher leur renvoi vers l'allemagne. l'allemagne, pays où samira babaïan, azérie d'origine arménienne, a débarqué de russie pour demander l'asile. asile qui lui a été refusé. en france, où elle est arrivée en novembre 2005, l'etat refuse d'étudier sa nouvelle demande de protection, en vertu d'un accord européen, dit dublin 2, qui veut qu'un dossier déposé dans un pays de l'espace schengen doive être traité jusqu'au bout par celui-ci.
cet argument n'est que "du vent" pour les parents d'élèves de la croix-rousse, quitte à enfreindre la loi. illégale, leur action peut leur valoir jusqu'à cinq ans de prison et 30 000 francs d'amende. mais pour eux, la question de la "désobéissance civile" ne se pose même pas. "je l'ai fait comme un acte citoyen, témoigne sandrine riot-sarcey, mère de famille du quartier qui a hébergé alex. lorsque j'ai eu connaissance de la situation de cette famille, je suis tombée des nues. il ne m'était pas possible de continuer à vivre comme si de rien n'était."
"la seule chose angoissante, c'est de savoir comment faire pour ne pas mettre en danger les enfants, comment réagir par exemple si des policiers s'approchent lorsqu'on est avec eux dans la rue", confie valérie tranchand, autre mère de famille qui a accueilli alex.
ils sont comme cela une bonne vingtaine de parents à s'être relayés pendant plusieurs semaines pour cacher quelque part samira et david, et ailleurs alex. aujourd'hui la famille vit à nouveau réunie dans un "endroit sûr" à lyon. mais parents d'élèves et voisins continuent de se relayer pour accompagner les enfants à l'école. dans l'unique pièce où ils vivent, alex et david ont épinglé sur le mur, au côté d'un grand dessin signé de tous les enfants de leur école les soutenant, un mémo leur rappelant qui et quel jour les prend en charge. il n'est surtout pas question de sortir avec leur mère dans la rue. alex a aussi appris un numéro de téléphone par coeur. si d'aventure il se faisait arrêter, il a pour consigne de partir en courant puis d'appeler ce numéro. quelqu'un viendra le chercher.
et cet été, ces "protecteurs" l'enverront dès le 30 juin en "vacances" loin de lyon avec sa mère et son frère. et un système de permamence est en train de s'organiser pour pouvoir, même en plein été, mobiliser rapidement en cas de coup dur. pas de trêve estivale pour la mobilisation lyonnaise, qui demande qu'au moins le dossier de demande d'asile de la famille babaïan puisse être examiné.
laetitia van eeckhout
17 juin 2006 dans société | lien permanent
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loi sarkozy : le sénat facture au prix fort l'outrage au drapeau
un amendement prévoit le retrait de la carte de dix ans aux étrangers.
vendredi 16 juin 2006
s'agit-il d'un retour de la double peine (prison plus expulsion) supprimée par nicolas sarkozy en 2003 ? coup sur coup, l'assemblée nationale et le sénat ont enrichi le projet de loi sarkozy sur l'immigration et l'intégration d'un article et d'un amendement qui fragilisent la situation des étrangers que leurs liens avec la france rendent en théorie inexpulsables. une application littérale de la phrase de sarkozy, fin avril : «si certains [immigrés] n'aiment pas la france, qu'ils ne se gênent pas pour la quitter.»
quasi désert. le 5 mai, en pleine nuit, les députés ont adopté l'article 26 bis qui prévoit que la «carte de résident d'un étranger qui ne peut faire l'objet d'une mesure d'expulsion [...] peut lui être retirée» s'il est condamné pour «menaces et actes d'intimidation» ou «rébellion» contre des personnes exerçant une fonction publique. en clair, la police. dans ce cas, l'étranger perdra sa carte de résident de dix ans, et se retrouvera avec un titre de séjour d'un an, renouvelable chaque année.
lors de la discussion, les députés n'ont pas moufté. et pour cause, l'hémicycle était quasiment désert, à l'exception du très sécuritaire jacques myard (ump, yvelines) : «je suis convaincu qu'on rend service aux étrangers en leur disant : "attention, n'allez pas trop loin ! vous êtes ici en tant qu'étranger. vous avez le droit de rester en france, mais à condition de respecter les principes fondamentaux qui font la république."» après s'être exclamé : «je crains le pire !», serge blisko (ps, paris) s'est abstenu de tout autre commentaire. et l'article 26 bis a été adopté.
devant le sénat, même horaire, même scénario. un amendement a été voté dans la nuit de mercredi à jeudi selon lequel ces mêmes étrangers pourront également se voir retirer leur titre de séjour s'ils sont condamnés pour «outrage public à l'hymne national ou au drapeau tricolore».
notion «floue». l'article 26 bis «permet le retrait de la carte de résident aux étrangers condamnés pour avoir commis des violences urbaines ou des violences sur agents. nous ajoutons aux motifs de retrait la condamnation pour outrage public à l'hymne national ou au drapeau tricolore», a précisé jean-patrick courtois (ump), auteur avec serge dassault (ump) de l'amendement. pierre-yves collombat (ps) a fait remarquer que «cette notion de rébellion est trop floue, elle est utilisée dans trop de cas pour faire passer des irrégularités de procédure, voire des règlements de compte». qui plus est, «l'article ne fait aucune référence à la gravité des actes : faire un pied de nez entraînerait la même sanction que des coups et blessures». josiane mathon-poinat (ps) a ajouté que «la menace de rébellion est presque systématiquement invoquée par les forces de l'ordre». christian estrosi, ministre de l'aménagement du territoire, a répondu que «l'étranger qui outrage le drapeau ou l'hymne national démontre qu'il n'est pas intégré». et l'amendement a été voté.
le réseau éducation sans frontières organisera cet après-midi au sénat une cérémonie de parrainages d'enfants sans papiers, afin qu'ils «puissent poursuivre leur scolarité en france».
16 juin 2006 dans crevures, politique, pour rire, société | lien permanent
flicage ou "journalisme"?
dans le pas-de-calais, un miniréseau d'échange a été démantelé.
sur l'internet, de jeunes hackers trop partageurs
par christophe alix
vendredi 16 juin 2006
sur le moteur de recherche google, on peut lire qu'utopi-board est une «communauté informatique réputée pour sa bonne ambiance et de nombreuses choses». depuis le début de la semaine, cette amicale en ligne, fréquentée par une dizaine de milliers d'internautes, a brutalement mis fin à ses «nombreuses» activités. la cic (cellule d'information et de commandement) de la gendarmerie du pas-de-calais a procédé de très bon matin, lundi, à l'interpellation de vingt-cinq personnes, parmi lesquelles treize mineurs, qu'elle soupçonne d'avoir organisé, depuis juillet 2005, un réseau structuré de piratage de fichiers en ligne (musique, films, jeux vidéo et logiciels).
«gavage obsessionnel». agissant sous des pseudos tels que djoul, tonydu62 ou benenutz, les «pirates», âgés de 14 à 40 ans et éparpillés dans toute la france, avaient mis en place le fameux utopi board : un site où l'on trouvait des liens pour télécharger près de 40 000 chansons, 3 500 films et 750 logiciels. les gendarmes «ntech», comme on appelle ces nouveaux limiers spécialisés en nouvelles technologies, ont notamment mis la main sur des outils de piratage des réseaux protégés ou des «yescards», ces fausses cartes bancaires virtuelles qui disent toujours oui. «tout échanger, tout copier, sans jamais rien payer n'est pas légal», résume louis wallon, procureur de la république de béthune, en charge du dossier. selon ce dernier, «on a affaire à des adeptes d'un véritable sport autant qu'un mode de vie : la notion d'usage privé pour satisfaire des besoins a disparu au profit d'un gavage obsessionnel». pour avoir notamment agi en bande organisée et pour contrefaçon, ces internautes risquent cinq ans de prison et de 300 000 à 500 000 euros d'amendes, sans compter les dommages et intérêts réclamés par une pléthore de parties civiles qui ne manqueront pas de demander des «sanctions exemplaires».
cotisation. a l'origine du coup de filet, les gendarmes avaient été attirés par le très grand nombre de fichiers transitant par l'ordinateur de djoul, un mineur de 17 ans originaire d'un village du béthunois déjà entendu dans une affaire du même genre. au fil des mois, la cic qui avait placé l'ordinateur du jeune homme sous surveillance est allée de surprise en surprise. les internautes qui atterrissaient sur le site de la communauté étaient invités, moyennant une cotisation de quelques euros, à se télécharger des films comme camping ou da vinci code avant même leur sortie en salles. l'équivalent d'une «participation aux frais», selon le procureur, qui ne voit pas là de caractère «véritablement lucratif».
les jeunes hackers animateurs du forum s'étaient réparti les tâches (adhésions, approvisionnement et vérification de la qualité des contenus, etc.). enfin, autre délit, pour stocker leurs fichiers, ils s'étaient introduits dans les systèmes informatiques d'entreprises, d'universités ou d'administrations, en france et à l'étranger. a l'insu de celles-ci, évidemment. ces derniers jours, les appels de parents catastrophés se succèdent au tribunal de béthune. «ils me disent : "on savait qu'ils passaient leurs nuits derrière l'ordinateur mais pas qu'ils y faisaient des choses illégales", explique un magistrat. ils auraient peut-être dû y penser avant parce que, maintenant, cela risque de faire très très mal.»
le p2p se réinvente en permanence
l'échange de fichiers numériques s'adapte à toutes les pratiques, tout en se perfectionnant.
par christophe alix
vendredi 16 juin 2006
si les gendarmes du pas-de-calais semblent fiers de leur prise «c'est sans doute la plus grosse affaire de ce genre en france», a déclaré au quotidien régional la voix du nord l'adjudant david cassel en charge de l'enquête , le système utilisé par le site utopi board n'a pourtant rien de révolutionnaire. «ce genre de forums semi-ouverts, que l'on appelait autrefois warez, est presque aussi vieux que l'internet, explique guillaume champeau, le fondateur de radiatum.com, un webzine spécialisé dans les loisirs numériques. ce sont des sites avec une vraie culture de hackers, à l'ancienne, mais qui deviennent de plus en plus poreux au fur et à mesure que le cercle s'agrandit.» très utilisés avant l'arrivée des sites de peer-to-peer (p2p) comme napster ou kazaa, les «boards» ont été largement supplantés par le p2p, qui a démocratisé l'échange de fichiers en le rendant à la fois plus simple et plus automatisé. avec une autre culture, celle du partage de ses propres contenus.
face à la répression croissante contre la pratique du peer-to-peer, les réseaux «darknet», anonymisés et cryptés, constituent désormais la troisième génération du p2p. «ils sont plus lents et moins conviviaux mais totalement opaques, poursuit guillaume champeau, ceux qui y participent ne savent pas avec qui ils échangent.» cette balkanisation du p2p se traduit également par le développement de miniréseaux privés, parfois constitués de quelques internautes seulement . on s'y retrouve entre amis ou communautés très réduites pour s'échanger des contenus souvent très pointus comme dans le cas des amateurs de mangas ou d'animations japonaises. «et tant qu'on n'y est pas invité, on ne peut pas savoir ce qui s'y passe», explique un habitué. alors que le gouvernement prévoit de faire définitivement entériner le projet de loi dadvsi sur le droit d'auteur d'ici au 30 juin, sans seconde lecture à l'assemblée comme le réclamaient l'opposition mais aussi des députés de la majorité, les sites p2p, dans le collimateur de la loi, ne cessent de trouver de nouvelles applications. ils servent maintenant par exemple à suivre directement sur l'internet les matchs de la coupe du monde, notamment dans les pays où les chaînes locales n'ont pas pu s'acquitter des droits pour retransmettre la compétition. les images satellitaires sont d'abord captées par un utilisateur, qui les diffuse auprès d'un autre, qui diffuse à son tour le même signal auprès d'autres internautes dans une chaîne sans fin. sans fin, c'est bien le mot.
16 juin 2006 dans société, weeb | lien permanent
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belleville à l'heure chinoise
retourner vivre en chine ? "ah ! non, là-bas, les wenzhou sont trop malins : je me ferais plumer !",
s'amuse alexandre, alias xu hai xiao, 31 ans. lui-même originaire de la
région de wenzhou, ville portuaire du sud-est de la chine, il est le
patron du wen zhou, rue de belleville, l'un des restaurants asiatiques
les plus courus du moment. silhouette d'athlète, sourire gamin, le
jeune homme, debout derrière la caisse, veille au grain.le wen zhou a été créé, en 1992, par son père,
ancien travailleur clandestin, finalement régularisé. la cuisine, 100 %
wenzhou, est faite par un dongbei (originaire de la chine du nord).
alexandre l'a choisi exprès, afin de "former" son employé aux recettes
du grand-père paternel, xu yan chi, un des plus fameux cuisiniers des
années 1930 en chine. c'est ainsi que la soupe de "poisson tapé",
inventée au début du siècle dernier dans la province de zhejiang, a
voyagé jusqu'à belleville, quartier mythique du paname d'edith piaf et
du photographe willy ronis. elle régale aujourd'hui ses nouveaux
habitants.
en quinze ans, l'ancien faubourg ouvrier, où les
fantômes des insurgés de la commune (1871) croisent ceux des épiciers
juifs tunisiens et des cafetiers kabyles, s'est habillé des couleurs
jaune et rouge des enseignes asiatiques. un à un, à l'orée des années
1980, sont d'abord arrivés les teochew, enfants de boat-people ou
boat-people eux-mêmes, ayant fui l'ex-indochine (cambodge, vietnam,
laos), quand les tours du 13 e arrondissement, le chinatown parisien, n'ont plus suffi à les accueillir. "ici,
quand on s'est installé, c'était encore un quartier merguez-frites. les
asiatiques, on les trouvait plutôt dans le bas de belleville ou vers (la rue de) crimée. en 1982, nous avons été le troisième restaurant à oser ouvrir",
se souvient le patron du cok ming, ngo thieng, 36 ans, d'origine
cambodgienne, arrivé en france à l'âge de 5 ans avec toute sa famille.
la deuxième grosse vague d'immigrants, celle des wenzhou, a déferlé à partir du milieu des années 1980. "entre 1982 et 1990, la population asiatique de belleville s'est accrue de 63 %, soit la plus forte progression avec les turcs (76 %)", relève le sociologue patrick simon, attaché à l'institut national d'études démographiques, dans l'ouvrage collectif belleville, belleville, visages d'une planète (éditions créaphis, 1994). les wenzhou étaient moins urbains et moins cultivés que les teochew, moins argentés aussi - des "ploucs qui ne pensent qu'au fric", comme les décrit crûment un shangaïen cité dans quartiers libres, l'indispensable gazette "du 19 e et de belleville".
ils sont aujourd'hui à la tête de la plupart des commerces, autrefois
dirigés par les maghrébins, qui avaient eux-mêmes pris la place, dans
les années 1950, des commerçants français "de souche" et des juifs
ashkénazes venus d'europe centrale.
"dès que quelqu'un
de connu s'installait sur le boulevard ou dans une rue avoisinante, hop
! on ouvrait à côté de lui. les chinois agissent pareil. sauf qu'eux,
ils ne font pas de bruit...", commente, le sourire entendu, l'une
des filles de feu charles zeitoun, dit "charlot". c'est à un juif
polonais que charlot racheta, en 1962, en arrivant de tunis, le
restaurant-terrasse la lumière de belleville, en même temps qu'il
ouvrait nani, la "première pâtisserie casher" du quartier. les deux marchent encore. mais le coeur n'y est plus.
qui
se souvient qu'à la place du président, l'immense restaurant chinois
posé à l'angle de la rue et du boulevard de belleville, s'éleva, dans
un autre siècle, la galerie barbès ? "aujourd'hui, sur le boulevard, on est combien ? une dizaine, maximum !", soupire la fille de charlot - qui précise volontiers que son belleville à elle ne dépasse pas le périmètre compris "entre la rue ramponneau et la rue bisson" et que, de sa vie, elle n'a "jamais mangé chinois", ses principes religieux l'obligeant à ne toucher "qu'à de la nourriture casher". exit, donc, la rue de belleville, où travaillent alexandre et ngo thieng !
a
vrai dire, le patron du wen zhou et celui du cok ming ne se connaissent
pas non plus. et aucun d'eux n'a poussé la curiosité jusqu'à goûter le
"complet-poisson" des héritiers de charlot. pas plus qu'ils n'ont pris
l'habitude du bistrot.
tenus par des kabyles, les cafés de
l'époque maghrébine résistent pourtant vaillamment - les folies, le
vieux saumur, la vielleuse... tout comme le caire, la célèbre épicerie
de la rue de belleville, qui, "depuis dix-huit ans", vend loukoums, épices et huile de jasmin. non sans mal : "depuis l'arrivée des chinois, j'ai perdu 50 % de mon chiffre d'affaires", se plaint abdel l'egyptien.
a belleville, quartier cosmopolite, chacun vit entre soi. est-ce vraiment nouveau ? "là, avec les chinois, ce sont des mondes entiers qui arrivent - des mondes hiérarchisés, avec toutes les strates sociales",
remarque roselyne de villanova, chercheuse à l'ecole d'architecture de
paris-belleville. des mondes souvent indéchiffrables pour qui n'en
possède pas la langue ou les clés.
"vous voyez, là,
cette dame qui marche sans trop se presser ? elle tient un sac en
plastique, comme si elle venait de faire des courses. mais c'est pour
donner le change : en réalité, elle fait le trottoir. cette prostituée
est une dongbei, une native de la chine du nord. dans cette région, les
usines de l'époque maoïste ont été démantelées, jetant des dizaines de
milliers d'ouvrières au chômage. c'est du dongbei que provient la
dernière grande vague des immigrés de belleville - les plus vulnérables
et les plus exploités", explique à son auditoire, planté à l'angle
des rues de la présentation et du faubourg-du-temple, le bateleur
iconoclaste donatien schramm, 49 ans.
cofondateur de
l'association chinois de france/français de chine (ccfc75@yahoo.fr),
cet alsacien autodidacte, marié à une chinoise et parlant couramment le
mandarin, organise, entre cours de cuisine et ateliers de cerf-volant,
des visites guidées du belleville asiatique.a quelques mètres de
l'herboristerie de la rue civiale (grenouilles séchées, haricots
rouges, nids d'hirondelle...), des petites annonces underground,
rédigées en chinois, ont été scotchées à une gouttière. on y propose de
tout, au noir : " celui-ci vend des cigarettes. cet autre veut
partager un appartement. là, c'est une offre de coiffure à domicile et,
dessous, de baby-sitting - sûrement une dongbei, qui cherche un emploi
de nounou", traduit donatien schramm. "il y en a un, regardez, il propose carrément des faux documents pour avoir la carte vitale (sécurité sociale) ou la cmu (couverture médicale universelle). par contre, le suivant est plus banal : il répare les voitures...", poursuit le guide bellevillois.
dans le mensuel bilingue canard laqué, il y a aussi des petites annonces. un quadragénaire "français" recherche une jeunesse asiatique "mince, câline et séduisante", tandis qu'un autre, quinquagénaire et divorcé, parle d'une "dame asiatique", dont il n'exige rien, "pourvu qu'elle soit gentille". les deux annonces font miroiter un "mariage possible".
la journaliste patricia wong, qui a réalisé pour envoyé spécial
(france 2) un reportage sur les prostituées dongbei à paris, confirme
que les "marcheuses" de belleville n'ont guère d'autre issue, pour
quitter le trottoir et l'enfer des sans-papiers, que de "se trouver un mari français". certaines apprennent le français, "afin d'avoir plus de chances de contact".
en
attendant, les femmes dongbei sont forcées de se débrouiller, comme
leurs compatriotes masculins, que l'on voit, le matin, piétiner à
l'entrée du métro dans l'espoir qu'une fourgonnette les embarque pour
un emploi au noir, à l'heure ou à la journée. tous, hommes et femmes,
dorment dans des logements "sous-loués par des chinois, généralement wenzhou", où s'entassent "jusqu'à vingt personnes". le marchand de sommeil se fait payer "120 euros par mois, pour chaque lit", précise patricia wong.
les chinois rois de l'économie souterraine ? les plus honnêtes ne disent pas non. "ils trouvent toutes les failles du système - même les plus petites. ce sont les rois de l'adaptation",
corrige donatien schramm. ainsi, à en croire certains bellevillois, les
ateliers de confection, si fréquemment pointés du doigt, à cause de
leur main-d'oeuvre en partie clandestine, se seraient déplacés vers le
quartier voisin de sedaine-popincourt (11 e arrondissement), avant d'essaimer en banlieue nord, vers la courneuve, drancy ou aubervilliers. "on ne délocalise pas le travail, mais la main-d'oeuvre",
confirme le commandant philippe duplan, de l'office central pour la
répression de l'immigration irrégulière et l'emploi d'étrangers sans
titre (ocriest).
une tactique efficace. "avant, dans un seul pavillon de banlieue, on pouvait tomber sur un atelier de vingt travailleurs clandestins, explique le policier. aujourd'hui,
ces "petites mains" ont toujours un seul patron, mais elles sont
dispersées dans cinq pavillons différents - ce qui rend la parade
extrêmement difficile."
chez wen zhou, rue de belleville,
c'est l'heure du déjeuner. chinois, japonais, français "de souche" et
quelques africains se partagent les tables en formica marron. on mange
de la soupe de "poisson tapé", bien sûr, mais aussi des raviolis "maison", de l'anguille du vietnam, des aubergines à l'ail ou des tripes "sautées au sang".
a l'entrée, c'est un défilé incessant de clients wenzhou ou dongbei,
qui achètent, pour 65 centimes, une boule toute chaude de bao zi à la farine de blé.
"les gens nous jugent - mal - sur des sujets qu'ils connaissent à peine", lâche alexandre, faisant allusion à la mauvaise réputation des chinois, accusés d'avoir "envahi" paris. " personne ne force les gens à partir. nous, on est là pour travailler", souligne-t-il. c'est à un chinois du 13 e arrondissement que le père d'alexandre a racheté la pâtisserie de choisy, qui allait devenir le restaurant wen zhou. "cela nous a coûté 700 000 francs - on était en 1991", se rappelle le jeune homme. "on a mis un an pour rembourser la tontine, en plus du prêt bancaire, bien sûr", ajoute-t-il.
sans le recours à la tontine, bien des commerces de belleville n'auraient pas trouvé de repreneur. "grâce
à la tontine, des sommes d'argent parfois très importantes peuvent être
réunies très vite. pour payer un mariage ou un appartement", explique l'universitaire pierre picquart, auteur de l'empire chinois (favre, 2004).
le patron du cok ming balaye tout cela d'un sourire. "les histoires de tontine, les valises de billets, les chinois "qui ne meurent pas"... on dit n'importe quoi sur les asiatiques", s'agace-t-il. "vrai bellevillois", ngo thieng, dont le père est enterré au cimetière du père lachaise, en a assez des "amalgames". et de l'hypocrisie : "bien sûr que la tontine existe - surtout chez les wenzhou. les banques ne vont pas leur prêter de l'argent comme ça, sur leur bonne mine !" mais rien ne l'énerve plus, lui qui a été un temps membre du conseil de quartier (du 19e et du 20e arrondissement), que ce poncif qui veut que les chinois soient fermés sur eux-mêmes. "c'est faux, archifaux ! la vérité, c'est qu'on ne veut pas nous entendre",
assure ngo thieng, évoquant les problèmes d'insécurité contre lesquels
des centaines de personnes avaient manifesté, en octobre 1999, à
belleville, à l'appel de l'association des chinois résidant en france.
"dans la rue, les gens disent parfois des choses blessantes", intervient l'une des filles de ngo thieng. agée de 10 ans, la petite céline a le sens des nuances. a l'en croire, "ça n'est jamais arrivé à l'école".
a celle de la rue général-lasalle, comme dans la plupart des autres
établissements scolaires du quartier, on compte désormais "un bon
tiers" d'élèves asiatiques. "on est ravis ! surtout quand on a connu la ghettoïsation des années 1980", se félicite la directrice, brigitte delorme.
le mythe du chinois-premier-de-la-classe ? "mais ce n'est pas un mythe, c'est vrai !", assure-t-elle. "ravi" aussi, le patron de la librairie de la rue de tourtille, le genre urbain. "dans la classe de mes gosses, le niveau a été tiré par le haut", constate xavier capodano. selon lui, les chinois de belleville ont "sauvé le quartier".
signe des temps, depuis un an, le libraire compte parmi ses clients
quelques adolescents chinois. pour une boutique qui s'appela longtemps
a la merguez maison... le vieux xu yan chi doit s'en retourner dans sa
tombe. catherine simon
13 juin 2006 dans société | lien permanent
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mariam sylla, expulsée de retour en france : « ma situation n'est toujours pas réglée »
le
13 mai, mariam sylla et ses deux enfants sont expulsés de france
direction bamako • a la veille de son départ pour le mali, et face à
une forte mobilisation, nicolas sarkozy reconnaît illégalité de
l'expulsion • le 31 mai, mariam est de retour • elle témoigne pour
libération.fr •
par mourad guichardlundi 12 juin 2006 (liberation.fr - 16:19)
orléans, correspondanceamedi
13 mai, mariam sylla et ses deux enfants sont expulsés de france
direction bamako, capitale du mali. et ce, malgré le dépôt d'un recours
suspensif auprès du tribunal administratif d'orléans. quelques jours
plus tard, face à la mobilisation du réseau éducation sans frontières
(resf), le ministre de l'intérieur, nicolas sarkozy, est contraint, à
la veille de son départ pour le mali, de reconnaître illégale
l'expulsion de la famille sylla et d'exiger son retour immédiat. le
31 mai au matin, mariam, mohammed et aïssata atterrissent à roissy et
regagnent orléans, leur ville d'attache. dimanche 11 juin, à l'occasion
d'un pique-nique de soutien aux enfants de sans-papiers, mariam sylla
confie à libération.fr les conditions de son expulsion.
« courant
mai, j'ai rendu visite à une amie du côté d'evreux, dans l'eure. en son
absence, alors que j'étais présente dans son appartement, un homme a
tenté de forcer la porte. peu de temps après, des policiers se sont
présentés pour recueillir ma déposition. constatant que je n'avais pas
de papiers, ils m'ont conduit au commissariat avec mes enfants de 3 ans
et 5 ans. nous y avons passé la journée. puis, en début de soirée, ils
nous ont conduits vers une cellule où nous sommes restés deux longues
journées.
durant cette détention, nous n'avons eu que très peu de
nourriture. des aliments qui ne conviennent pas à des enfants de ces
âges… le samedi, on nous a transférés à l'aéroport et confié à d'autres
policiers. là, j'ai compris que je partais pour le mali. j'ai refusé.
les policiers m'ont alors attrapée et obligé à signer le certificat
d'expulsion. mes enfants étaient en pleurs, ils ne comprenaient pas.
immédiatement, les policiers m'ont passé les menottes et forcé à monter
dans l'avion. je suis resté menottée près d'une heure. nous avons enfin
eu à manger, mais je ne pouvais rien avaler.
nous n'avions
aucun bagages. je n'avais que mes sandales et les mêmes habits depuis
trois jours. dans l'avion, une compatriote journaliste s'est émue de ma
situation et, voyant que je serai laissée seule avec mes enfants à
l'arrivée, s'est proposée de nous recueillir. j'étais désespérée et mes
enfants malades. une semaine plus tard, après les manifestations en
france et au mali, la dame qui nous hébergeait m'a appris la décision
du ministre français de l'intérieur. ce n'est que quelques jours après,
la veille de notre départ pour paris, que le consulat de france m'a
confirmé l'information et remis le laisser-passer et les billets
d'avion. le trajet de retour fut plus humain, grâce à la présence de
nombreux journalistes internationaux à nos côtés.
arrivés à
roissy le 31 mai, en début de matinée, nous avons reconnu, derrière la
horde de policiers, nos amis du réseau de soutien orléanais. quelques
jours plus tard, mon fils reprenait les cours et la préfecture
m'attribuait un titre de séjour provisoire de trois mois. ma situation
n'est toujours pas réglée, bien que mes deux enfants sont nés en
france. je continue de me battre avec les gens du réseau que je ne
remercierais jamais assez… »
http://www.liberation.fr/page.php?article=389564
13 juin 2006 dans société | lien permanent
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france 2 accusée d'introduire "la télé-réalité au coeur des tribus"
le monde | 08.06.06 | 17h15 • mis à jour le 08.06.06 | 17h16
ous le nom de code "les caméléons", un programme, produit par extra box, une filiale d'endemol, actuellement en tournage pour france 2, met en émoi le milieu des documentaristes et celui des ethnologues. le principe de cette émission, qui devrait être diffusée "entre septembre et décembre" sur la chaîne publique, est de faire partager à un groupe de six candidats, âgés de 20 à 45 ans, la vie tribale de peuples autochtones d'afrique, d'asie et d'océanie. pendant six semaines, sous le regard des caméras, ces "passionnés de découverte et d'aventure" vivront au milieu des hadzabés, des miaos ou des cavaliers mongols.
dans une lettre ouverte accompagnée d'une pétition adressée à patrick de carolis, président de france télévisions, la commission internationale pour les droits des peuples indigènes (icra international) dénonce l'initiative, qualifiée de "télé-réalité au cœur des tribus". "l'exploitation des derniers peuples autochtones de la planète atteint ici des sommets affligeants, écrit l'icra dans sa pétition, téléchargeable sur son site internet. ce type d'émissions ne peut que nuire gravement à l'intégrité et à la dignité de ces communautés qui sont déjà considérablement précarisées et menacées. ces émissions risquent également d'entraîner le développement d'un ethno-tourisme de masse au sein des communautés les plus fragilisées de la planète." en conclusion, l'icra demande à m.de carolis de "bien vouloir procéder au retrait de ce projet indigne d'une chaîne publique".
directeur des programmes et de la programmation de france 2, jean-baptiste jouy réfute le terme de télé-réalité et rejette les accusations de l'icra. "cette émission est un jeu documentaire d'aventures, affirme-t-il, qui offre une porte d'entrée gourmande, humaniste, joyeuse, au grand public, pour lui permettre de découvrir des cultures méconnues." m. jouy précise que, "contrairement aux émissions de télé-réalité, il n'y aura ni people , ni enfermement, ni élimination, ni vote du public".
le directeur des programmes dit cependant"comprendre les inquiétudes" des spécialistes. "nous en avons fait part aux producteurs", assure-t-il. pour convaincre de sa bonne foi, il explique que la sélection des candidats a été effectuée "de manière très attentive", et qu'un guide, "en général ethnologue de formation", accompagnera le groupe au contact de chaque tribu. dans un souci de "respect des proportions", le nombre de candidats "sera toujours inférieur à celui des membres de la tribu", précise m. jouy, et les participants devront "prendre garde à ne pas apporter dans leurs bagages des choses qui pourraient modifier les conditions de vie" de leurs hôtes.
les explications de france 2 ne semblent pas avoir convaincu les adversaires du projet. selon l'icra, la pétition en ligne qui sera prochainement adressée à dominique baudis, président du conseil supérieur de l'audiovisuel (csa), aurait déjà recueilli quelque "2670 signatures". sur internet, les sites et les forums dénonçant l'émission se multiplient.
ce n'est pas la première fois que le service public se voit accusé de faire de la télé-réalité sans vouloir le reconnaître. un autre programme,"la brigade des jardiniers", actuellement diffusé sur france 3, dont le principe est d'observer jour après jour le comportement de dix jeunes gens marginalisés occupés à construire un jardin à la française au cœur du parc de cheverny, soulève des questions. il est en effet produit par be happy productions (patrick menais), filiale de freemantle, producteur notamment de"nouvelle star" ou de "oui, chef!" sur m6. france 3 soutient cependant que "la brigade des jardiniers" est une "aventure humaine" et ne relève pas du genre "télé-réalité".
depuis sa prise de fonctions, en juillet 2005, patrick de carolis l'a répété à plusieurs reprises : il n'est pas question pour france télévisions de faire de la télé-réalité comme le font les chaînes privées. son prédécesseur, marc tessier, affichait un total refus de s'aventurer sur ce terrain glissant. la formulation un peu vague employée par m. de carolis laisse la porte ouverte à des programmes hybrides flirtant de manière plus ou moins appuyée avec la télé-réalité.
le patron du groupe public ne manque jamais de rappeler son engagement pour que les programmes culturels trouvent leur place à des horaires accessibles au grand public. ce qui impose certains compromis entre l'audience et la qualité "service public". selon le directeur des programmes de france 2, "les caméléons" répond à cette double exigence.
sylvie kerviel
08 juin 2006 dans société | lien permanent
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chasse aux sans papiers
dans une maternelle
nouvelobs.com | 07.06.06 | 13:32
la police est venue chercher mardi dans une maternelle du mans deux enfants kurdes de 3 et 6 ans afin d'être expulsés avec leur mère, déboutée du droit d'asile.
la descente mardi 6 juin de policiers dans une maternelle du mans pour venir y "arrêter" deux enfants sans-papiers a été qualifiée de démarche "de honte" mercredi par la fcpe, la première fédération de parents d'élèves.
les policiers sont venus chercher mardi dans cette école maternelle deux enfants kurdes de 3 ans et demi et 6 ans. leur mère, qui avait déposé une demande d'asile politique, était en cours de reconduite à la frontière après avoir été déboutée. mercredi, tous trois ont quitté la france pour la norvège, où la mère aurait déposé sa première demande d'asile.
"quelle honte !"
"la fcpe (370.000 adhérents, 28% au primaire, 56% dans le secondaire) est scandalisée par l'intervention hier de la police dans une école maternelle de la sarthe pour y soustraire deux enfants dont la mère était en situation irrégulière et les expulser immédiatement (...) quelle honte!" s'indigné la fcpe dans un communiqué.
"le jour même, souligne la fédération, le ministre de l'intérieur se répandait dans la presse pour annoncer qu'il ferait preuve de clémence à l'égard des enfants en situation irrégulière, quel cynisme éhonté!".
la mesure annoncée mardi par nicolas sarkozy sur une régularisation partielle de familles ayant des enfants scolarisés sans-papiers, "ne concernera qu'une petite minorité d'enfants", a souligné la fcpe.
07 juin 2006 dans politique, société | lien permanent
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médiatiques
drucker malade du heavy metal
par daniel schneidermann
vendredi 26 mai 2006
l aura fallu près de quarante ans, et cinq présidents de la ve république, pour découvrir enfin une aversion de michel drucker : le hard rock. funeste eurovision. le druckerisme, jusqu'à ce soir-là, était l'art de plaire à tout le monde, sans toutefois déplaire à quiconque. plaire aux jeunes, mais ne pas déplaire aux vieux. ne pas déplaire aux citadins, mais sans braquer les ruraux. etre aimé du patron comme de l'ouvrier. quarante ans de métier, ou presque. et, soudain, cette funeste soirée. tout avait pourtant bien commencé. chanteurs et chanteuses se succédaient sans heurts. on arriva à la candidate grecque. «une véritable tragédie grecque. nous sommes en larmes», conclut drucker, calé sur son registre du premier degré et demi, posture commode qui permet de plaire aux amateurs de premier degré, sans toutefois être rejeté par les adeptes du second.
arriva enfin la finlande. maudite finlande. «un tiers du pays au-dessus du cercle polaire», lut drucker. la finlande avait délégué à l'eurovision un groupe de heavy metal. musiciens grimés en monstres, haches brandies, net décalage avec les artistes qui précédaient et qui suivaient. ce fut un festival, de drucker et de son coanimateur claudy siar. «eloignez les enfants du poste, ils vont faire des cauchemars. j'imaginais pas les lapons comme ça. ils seront au zoo de vincennes à la rentrée.» et cette prophétie, du coanimateur : «la finlande n'a jamais gagné l'eurovision. c'est pas avec ça qu'ils gagneront.»
mais ce n'était encore rien. c'est ensuite, pendant le dépouillement des résultats, que le duo dégringola. ì interminable montée aux enfers de la finlande, vers les sommets du classement. il fallait les entendre, les deux désespérés, alors que les monstres finlandais (qui allaient finir par remporter la compétition) empochaient les voix par paquets de douze. surprenant ! pas possible ! attendez ! le gag de la soirée ! en cette année de la francophonie ! michel, à votre avis, ça va arriver chez nous ? je ne sais plus. a ce stade je ne sais plus. on n'est plus dans le coup. michel, je vous laisse fermer la boutique. j'imagine leur tournée de promotion sur les plateaux de télévision européens. s'ils gagnent, il faudra les recevoir, michel, n'est-ce pas. oui, j'arriverai avec ma hache, hein ? il faudra une sécurité particulière. et drucker de conclure : «ce show fabuleux qui va être remporté par... du hard rock. ha ha ha. je vais le faire écouter à ma chienne, qui va devenir dingue.»
ces rires de michel drucker. imperceptiblement, on glissait des sarcasmes vers quelque chose qui ressemblait à une négation haineuse. comme si un non-groupe, un non-genre, une non-musique, une non-chanson, pouvait remporter le show fabuleux. imperceptiblement, comme surpris lui-même de l'aventure, drucker explorait ce registre nouveau pour lui : la détestation, le trouble désir de salir. même sans être particulièrement amateur de heavy metal, on restait pantois devant cet étrange écroulement. on avait envie de lui glisser : ce n'est que l'eurovision, michel ! ce n'est qu'une chanson, des masques de carton-pâte, quelques accords qu'emportera le petit matin, rien d'autre qu'un halloween de printemps. mais on n'était plus dans une émission de variétés. on était dans la stupeur, la panique de l'écroulement d'un monde. une sorte d'effondrement en direct de la télé de papy, quelque part entre la chute de l'empire romain et celle de byzance. les barbares sont dans la cité, les loups sont entrés dans paris, de croatie, de germanie. et tout d'un coup, l'irruption de ces monstres aux masques terrifiants faisait apparaître en creux l'implacable violence, depuis quarante ans, du formatage druckerien (johnny, dion, gerra, obispo, pagny et les autres) de la variété télévisée. c'était comme si tous les exclus des plateaux druckeriens, toutes les voix des catacombes, tous les rejetés de la télé, soudain surgissaient des limbes pour venir l'entourer de leurs cris et de leurs grincements.
au-delà de cet instant de saisissement, cette victoire des rockers finlandais et l'effroi druckerien convoquaient des souvenirs confus. on se souvenait par exemple, l'an dernier à la même époque, lors de la campagne du référendum sur l'europe, de la douloureuse irruption du non des profondeurs, d'un non sauvage, sans concession, venu des tripes, dans le brillant piapia des petits marquis du oui. ou des cris de colère des jeunes exclus face à un chirac sourd, dans une mémorable émission de tf1 lors du référendum. comme il est rude et rugueux, le monde extérieur, au-delà du limes qui tente de le contenir !
dans les sarcasmes de drucker et siar à l'égard du heavy metal, apparaissait aussi l'écho d'une certaine arrogance française. on croyait par exemple réentendre delanoë accusant blair d'avoir triché après l'échec de la candidature parisienne aux jo. et, en creusant plus loin encore dans l'obscène autosatisfaction française, la sûreté de soi des généraux de 40, bien à l'abri de la ligne maginot. soudain, on se sentait une petite province du monde, racornie et frileuse. ce sont tous ces souvenirs que charriaient les phrases en suspension de michel drucker. on avait envie de voter finlande comme certains électeurs peuvent être tentés de glisser un bulletin le pen : non parce qu'ils l'aiment particulièrement cela, mais en pensant avec jubilation à tous ceux que cela va embêter.
05 juin 2006 dans crevures, curiosités, société | lien permanent
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rebonds
médiatiques
ardizérogiel, machine à applaudissements
par daniel schneidermann
vendredi 02 juin 2006
endant toutes ces années, sous le règne de la triade ardisson-zéro-fogiel, nous aurons donc vécu séparés du réel par un voile de rires, de sifflets et d'applaudissements. on pourrait nommer cela, pour faire court, l'info-spectacle. ils ne l'ont pas inventée, mais ils l'incarnaient. les sans-papiers, applaudissements. jérusalem, applaudissements. une bonne blague, applaudissements. l'anorexie, applaudissements. une engueulade, applaudissements. un transsexuel, applaudissements. josé bové, applaudissements. une caisse noire, applaudissements. une boulimique, applaudissements. une confession, applaudissements. un bel inceste, applaudissements. par son papa, applaudissements. un grand chanteur, applaudissements. hitler, staline, applaudissements. un mariage gay, applaudissements. la traite des noirs, applaudissements. complot mondial, applaudissements. une claque à bush, applaudissements. le parler-vrai, applaudissements. la langue de bois, applaudissements. heil israël, applaudissements. le tsunami, applaudissements. les mômes qui crèvent, applaudissements. les islamistes, applaudissements. une fille voilée, applaudissements. défigurée, applaudissements. ou brûlée vive, applaudissements, mesdames messieurs.
si la triade exploitait le même secteur de la provocation institutionnalisée, chacune de ses trois têtes avait pourtant son créneau propre. la maison fogiel offrait une large gamme de perdants, de has been et d'humiliables de toutes les catégories. la maison zéro donnait dans l'altermondialisme mondain, le fauchage héroïque des champs d'ogm, les micro-trottoirs endiablés au soleil de porto alegre. la maison ardisson avait acquis une réputation sans pareille dans l'inquisition sexuelle, et une place de leader dans l'essai comparatif des totalitarismes du xxe siècle. a heure fixe, la provoc s'installait, et déroulait ses fastes. chacun son créneau bien entendu, mais la bande-son les rapprochait : les sifflets et les bravos, cette écriture télévisuelle qui partage le monde en deux, les bons et les ringards, les «in» et les «out». ces applaudissements, qui dépouillaient le monde de tout tragique, puisqu'ils ponctuaient chaque séquence, et dont la concomitance des trois émissions renforçait l'évidence, se sont incrustés dans notre vision de l'époque, comme la saleté au coeur des fibres du linge. rien n'était totalement sérieux. rien n'était irrémédiable, puisque tout se terminait par des applaudissements.
toutes ces années, la triade aura fonctionné comme une machine à attirer le projecteur sur tous les débats éphémères et inflammables, dont elle avait décidé que c'étaient les débats du moment, au détriment de tout le reste. tout le reste ? l'hypermédiatisation des scandales affectant la classe politique nous aura masqué par exemple, et nous masque encore, l'immense trou noir du monde du travail et de l'entreprise, de tout en bas (les mille trouvailles de l'exploitation, les mille variantes de la précarité) jusqu'au sommet (les rémunérations des patrons). pourquoi le système n'a-t-il pas démasqué, et dénoncé plus tôt le rapace zacharias, placé à la tête d'un des principaux groupes français de travaux publics, dont on ne découvre soudain bruyamment les rapines qu'à son deux centième million ? insolente envers les faibles et les «out», la triade restait silencieuse devant les vrais puissants, notamment le pouvoir économique, les entreprises ayant la particularité d'être aussi annonceurs de leurs chaînes. mais la censure la plus implacable frappait le terne, l'ennuyeux, le complexe, le permanent. chacun des débats imposés par la triade ardizérogiel en aura masqué dix autres. l'hystérie médiatique sur le conflit du proche-orient, ses acteurs, et son débat immobile aux mille variantes, nous aura par exemple longtemps masqué le cachemire. les morts du tsunami nous auront masqué encore un peu davantage le tsunami silencieux du sida, qui ravage l'afrique depuis des années. et ce qui vaut pour le monde vaut aussi pour la france. les pleins feux saisonniers sur les sdf (toujours l'hiver, jamais l'été) auront masqué, masquent encore, les travailleurs pauvres, qui vivotent dans une misère ordinaire, et si peu télégénique.
toutes ces années, le système ardizérogiel aura fonctionné comme une machine à éclairer les marges, les extrêmes, les paroxysmes, et bizarrement à exclure le centre du rond de lumière. une machine à nous aveugler sur la société dans laquelle nous vivons, qui présente le grave défaut de n'être pas applaudissable. dans le silence (provisoire ?) des bravos, on va bien voir maintenant si le détachant existe. si cette mise en spectacle ne fut qu'une parenthèse, due à des facteurs contingents (par exemple, pour ces animateurs-producteurs, une imparable technique pour facturer aux chaînes plus chèrement des émissions avec public, que des émissions sans public). ou bien si le spectacle vraiment pénétré au coeur des fibres, si l'édition n'est plus capable de publier des livres que pour dix minutes de télé, si chaque homme politique choisit ses créneaux d'intervention en fonction de leur potentiel d'applaudissements, si chaque mouvement social porte dans ses gènes, désormais modifiés, sa médiatisation future.
05 juin 2006 dans curiosités, société | lien permanent
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lagardère et le racing club de france se disputent le très huppé club de sports de la croix-catelan
le monde | 31.05.06 | 13h34 • mis à jour le 31.05.06 | 13h34
ne bataille à couteaux tirés oppose, depuis le mois de février, arnaud lagardère au racing club de france (rcf) pour le contrôle de la croix-catelan, le club de sports le plus huppé de france. six hectares et demi, au coeur du bois de boulogne, 48 courts de tennis, une piscine olympique, une salle de musculation, un club de bridge... dominique de villepin, les grands patrons vincent bolloré, jean-rené fourtou, le cinéaste elie chouraqui, fréquentent les lieux. le droit d'entrée s'élève à 6 500 euros et la cotisation annuelle est de 1 400 euros, dégressive pour les enfants.
depuis 120 ans, le site, propriété de la ville de paris est le fief du très sélect racing club de france qui verse à la municipalité une redevance dérisoire de 130 000 euros par an. le dernier bail signé remonte à 1954, prorogé en 1969. il expire fin 2006.
soucieux de renflouer les caisses de la ville en faisant monter les enchères sur la redevance, bertrand delanoë, maire (ps) de paris, a décidé, début 2006, à la demande de la droite municipale, de lancer un appel à candidature. le paris golf & country club avait lui aussi déposé un dossier. mais mardi 30 mai, la commission composée d'élus parisiens de tous bords chargée d'évaluer les concurrents a écarté son projet.
elle devrait remettre un avis définitif sur les deux rivaux qui restent en lice, vendredi 2 juin. "eclairé" par la commission, m. delanoë devra faire connaître son choix avant le 10 juin pour qu'il soit soumis au conseil municipal du 16e arrondissement, où se trouve la croix-catelan, puis au conseil de paris, le 10 juillet.
"delanoë va devoir choisir entre les bourgeois du 16e et le cac 40", relève rené dutrey, président du groupe des verts au conseil de paris. "c'est un choix de société que va devoir faire le maire, assure arnaud lagardère. il devra trancher entre notre projet centré sur le sport de haut niveau, et le ghetto du baisemain."
la droite parisienne et le racing affirment que m. delanoë a "promis" la croix-catelan à m. lagardère, comme lot de consolation après l'échec de la candidature de la capitale aux jeux olympiques de 2012, dont le président du groupe d'armement et de presse était l'un des principaux artisans.
"ce n'est pas parce qu'il est mon ami qu'il l'aura, répète à l'envi m. delanoë. je choisirai le meilleur dossier sur la base de critères sportifs, financiers et environnementaux." m. lagardère, de son côté, reconnaît qu'il ne se battrait pas "avec autant de gnaque pour la croix-catelan", si paris n'avait pas perdu les jeux.
derrière les orchidées qui ornent le club-house, dans les allées qui embaument le seringa le long des tennis, la bonne société "neuilly-auteuil-passy" de la croix-catelan retient son souffle. "si lagardère met la main sur la croix, c'en est fini du racing historique !", assène un collaborateur de xavier de la courtie, président du rcf.
dans ce lieu où flottent les effluves de guerlain, souffle aussi un esprit "coubertin" qu'entretiennent le souvenir des jo de 1900, organisés sur place, et les 95 médailles d'or conquises avec les couleurs du racing, le mythique "ciel et blanc".
la croix a beau être "une usine à cash" selon le mot d'un proche de m. lagardère, ses bénéfices - 7,5 millions d'euros annuels grâce aux cotisations de ses 13 500 membres - sont intégralement reversés aux dix-huit sections sportives du racing qui s'entraînent sur d'autres sites. le "poumon financier" de la croix finance la pratique sportive de 7 000 amateurs dont 5 000 jeunes. les deux tiers ne sont pas membres de la croix.
au stade yves-du-manoir, à colombes (hauts-de-seine), "nous accueillons 546 gamins qui jouent au foot au bas des cités", affirme jean-michel jaquot, président de la section football du rcf. 1 127 jeunes fréquentent l'école de natation, rue eblé, dans le 7e arrondissement, 425 pratiquent l'escrime et 359 le judo. pour eux, le tarif moyen à acquitter s'élève à seulement 177 euros par an. "nous fonctionnons selon un modèle socialiste, chère madame ! les cotisations des riches financent les pauvres, alors que nous n'y sommes pas obligés. mais voyez-vous, c'est par amour du sport !", avance m. de la courtie, celui que chez lagardère on surnomme "l'archiduc".
le président du rcf et celui du groupe lagardère ne s'estiment guère. membre pendant vingt ans du racing, arnaud lagardère s'était vu refuser, avec sa femme et ses enfants, en 2002, par m. de la courtie, l'accès à la croix-catelan sous prétexte qu'il avait cessé de payer ses cotisations pendant ses deux ans passés aux etats-unis. "nous n'aimons pas les passe-droits !", clame m. de la courtie. "je vomis ces gens !", lâche m. lagardère qui impute à l'entourage de m. de la courtie des propos homophobes sur son amitié avec le maire de paris.
même sans l'argent de la croix, "le racing aura les moyens de continuer à financer les sections sportives. s'il y renonce, nous sommes prêts à les reprendre", promet m. lagardère. "parce qu'un gamin capricieux veut s'offrir la croix pour en faire sa maison de campagne, on va casser un modèle qui marche et qui constitue un des derniers sanctuaires de l'éthique du sport de haut niveau", s'alarme didier salavert, membre du comité directeur du racing.
riposte de lagardère : "le racing est mort depuis quinze ans. m. de la courtie a laissé partir tous les grands champions, à commencer par laura flessel (championne olympique d'escrime)."
il enchaîne : "si on veut que le modèle sportif français rebondisse, il faut pouvoir s'appuyer sur les clubs et ne pas avoir peur de l'argent du privé. si, en plus, on réussit à recréer un grand club omnisports à la croix, on aura un retour sur image formidable pour notre groupe." pour l'instant, m. delanoë n'a qu'à se féliciter de cette compétition. lagardère a promis 2,5 millions d'euros par an à la ville. le racing est prêt à aller jusqu'à 2,2 millions et prévoit un effort supplémentaire de 1 million d'euros dans le sport de haut niveau.
lagardère veut diviser par deux les droits d'entrée. a l'instar du racing, il compte ouvrir les portes de la croix aux enfants des écoles quatre matinées par semaine et leur permettre d'effectuer des stages de tennis en juillet et août.
"si on détecte des gamins qui ont des capacités pour le tennis dans les cités du 18e arrondissement ou de belleville on les accueillera gratuitement", s'enflamme franck peyre, chargé de mission du team lagardère, plate-forme d'entraînement basée au stade jean-bouin, dont le groupe est concessionnaire. "les futurs champions n'habitent pas forcément le 16e", tacle m. lagardère.
béatrice jérôme
article paru dans l'édition du 01.06.06
31 mai 2006 dans curiosités, société | lien permanent
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lagardère et le racing club de france se disputent le très huppé club de sports de la croix-catelan
le monde | 31.05.06 | 13h34 • mis à jour le 31.05.06 | 13h34
ne bataille à couteaux tirés oppose, depuis le mois de février, arnaud lagardère au racing club de france (rcf) pour le contrôle de la croix-catelan, le club de sports le plus huppé de france. six hectares et demi, au coeur du bois de boulogne, 48 courts de tennis, une piscine olympique, une salle de musculation, un club de bridge... dominique de villepin, les grands patrons vincent bolloré, jean-rené fourtou, le cinéaste elie chouraqui, fréquentent les lieux. le droit d'entrée s'élève à 6 500 euros et la cotisation annuelle est de 1 400 euros, dégressive pour les enfants.
depuis 120 ans, le site, propriété de la ville de paris est le fief du très sélect racing club de france qui verse à la municipalité une redevance dérisoire de 130 000 euros par an. le dernier bail signé remonte à 1954, prorogé en 1969. il expire fin 2006.
soucieux de renflouer les caisses de la ville en faisant monter les enchères sur la redevance, bertrand delanoë, maire (ps) de paris, a décidé, début 2006, à la demande de la droite municipale, de lancer un appel à candidature. le paris golf & country club avait lui aussi déposé un dossier. mais mardi 30 mai, la commission composée d'élus parisiens de tous bords chargée d'évaluer les concurrents a écarté son projet.
elle devrait remettre un avis définitif sur les deux rivaux qui restent en lice, vendredi 2 juin. "eclairé" par la commission, m. delanoë devra faire connaître son choix avant le 10 juin pour qu'il soit soumis au conseil municipal du 16e arrondissement, où se trouve la croix-catelan, puis au conseil de paris, le 10 juillet.
"delanoë va devoir choisir entre les bourgeois du 16e et le cac 40", relève rené dutrey, président du groupe des verts au conseil de paris. "c'est un choix de société que va devoir faire le maire, assure arnaud lagardère. il devra trancher entre notre projet centré sur le sport de haut niveau, et le ghetto du baisemain."
la droite parisienne et le racing affirment que m. delanoë a "promis" la croix-catelan à m. lagardère, comme lot de consolation après l'échec de la candidature de la capitale aux jeux olympiques de 2012, dont le président du groupe d'armement et de presse était l'un des principaux artisans.
"ce n'est pas parce qu'il est mon ami qu'il l'aura, répète à l'envi m. delanoë. je choisirai le meilleur dossier sur la base de critères sportifs, financiers et environnementaux." m. lagardère, de son côté, reconnaît qu'il ne se battrait pas "avec autant de gnaque pour la croix-catelan", si paris n'avait pas perdu les jeux.
derrière les orchidées qui ornent le club-house, dans les allées qui embaument le seringa le long des tennis, la bonne société "neuilly-auteuil-passy" de la croix-catelan retient son souffle. "si lagardère met la main sur la croix, c'en est fini du racing historique !", assène un collaborateur de xavier de la courtie, président du rcf.
dans ce lieu où flottent les effluves de guerlain, souffle aussi un esprit "coubertin" qu'entretiennent le souvenir des jo de 1900, organisés sur place, et les 95 médailles d'or conquises avec les couleurs du racing, le mythique "ciel et blanc".
la croix a beau être "une usine à cash" selon le mot d'un proche de m. lagardère, ses bénéfices - 7,5 millions d'euros annuels grâce aux cotisations de ses 13 500 membres - sont intégralement reversés aux dix-huit sections sportives du racing qui s'entraînent sur d'autres sites. le "poumon financier" de la croix finance la pratique sportive de 7 000 amateurs dont 5 000 jeunes. les deux tiers ne sont pas membres de la croix.
au stade yves-du-manoir, à colombes (hauts-de-seine), "nous accueillons 546 gamins qui jouent au foot au bas des cités", affirme jean-michel jaquot, président de la section football du rcf. 1 127 jeunes fréquentent l'école de natation, rue eblé, dans le 7e arrondissement, 425 pratiquent l'escrime et 359 le judo. pour eux, le tarif moyen à acquitter s'élève à seulement 177 euros par an. "nous fonctionnons selon un modèle socialiste, chère madame ! les cotisations des riches financent les pauvres, alors que nous n'y sommes pas obligés. mais voyez-vous, c'est par amour du sport !", avance m. de la courtie, celui que chez lagardère on surnomme "l'archiduc".
le président du rcf et celui du groupe lagardère ne s'estiment guère. membre pendant vingt ans du racing, arnaud lagardère s'était vu refuser, avec sa femme et ses enfants, en 2002, par m. de la courtie, l'accès à la croix-catelan sous prétexte qu'il avait cessé de payer ses cotisations pendant ses deux ans passés aux etats-unis. "nous n'aimons pas les passe-droits !", clame m. de la courtie. "je vomis ces gens !", lâche m. lagardère qui impute à l'entourage de m. de la courtie des propos homophobes sur son amitié avec le maire de paris.
même sans l'argent de la croix, "le racing aura les moyens de continuer à financer les sections sportives. s'il y renonce, nous sommes prêts à les reprendre", promet m. lagardère. "parce qu'un gamin capricieux veut s'offrir la croix pour en faire sa maison de campagne, on va casser un modèle qui marche et qui constitue un des derniers sanctuaires de l'éthique du sport de haut niveau", s'alarme didier salavert, membre du comité directeur du racing.
riposte de lagardère : "le racing est mort depuis quinze ans. m. de la courtie a laissé partir tous les grands champions, à commencer par laura flessel (championne olympique d'escrime)."
il enchaîne : "si on veut que le modèle sportif français rebondisse, il faut pouvoir s'appuyer sur les clubs et ne pas avoir peur de l'argent du privé. si, en plus, on réussit à recréer un grand club omnisports à la croix, on aura un retour sur image formidable pour notre groupe." pour l'instant, m. delanoë n'a qu'à se féliciter de cette compétition. lagardère a promis 2,5 millions d'euros par an à la ville. le racing est prêt à aller jusqu'à 2,2 millions et prévoit un effort supplémentaire de 1 million d'euros dans le sport de haut niveau.
lagardère veut diviser par deux les droits d'entrée. a l'instar du racing, il compte ouvrir les portes de la croix aux enfants des écoles quatre matinées par semaine et leur permettre d'effectuer des stages de tennis en juillet et août.
"si on détecte des gamins qui ont des capacités pour le tennis dans les cités du 18e arrondissement ou de belleville on les accueillera gratuitement", s'enflamme franck peyre, chargé de mission du team lagardère, plate-forme d'entraînement basée au stade jean-bouin, dont le groupe est concessionnaire. "les futurs champions n'habitent pas forcément le 16e", tacle m. lagardère.
béatrice jérôme
article paru dans l'édition du 01.06.06
31 mai 2006 dans curiosités, société | lien permanent
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la tribu ka, un groupuscule antisémite qui peine à recruter
le monde | 31.05.06 | 14h57 • mis à jour le 31.05.06 | 14h57
n arrivant rue des rosiers, au coeur du quartier juif historique de paris, dimanche 28 mai, les membres de la tribu ka ont obtenu un succès inespéré, au vu de leur faible importance au sein de la communauté noire. se disant volontiers sectaire et désireuse d'affronter les activistes de la ligue de défense juive (ldj) et du betar, cette organisation est devenue la cible des pouvoirs publics. le ministère de l'intérieur a demandé à la justice d'interdire le site internet - à présent inaccessible - sur lequel elle diffuse des textes haineux.
dans une note rédigée lundi 29 mai, les renseignements généraux de la préfecture de police évoquent l'histoire de cette organisation. fondée en décembre 2004, elle a succédé au parti kémite, apparu en juillet 2003. a l'origine se trouve stellia capo-chichi, un français âgé de 25 ans, qui s'autoproclame "fara" - leader - du groupuscule. il prend un surnom, "kémi séba", et radicalise son discours, qui alimente des discussions sur les sites internet communautaires.
"dans un premier temps, notent les rg, le mouvement organise des réunions au théâtre de la main-d'or, propriété de dieudonné." mais l'ancien humoriste a pris ses distances avec kémi séba, lorsque ce dernier a voulu interdire l'entrée aux blancs et aux arabes.
le "culte du secret poussé à l'extrême" et son caractère sectaire semblent constituer "un frein à son expansion", notent les policiers. depuis la fin octobre 2005, une réunion hebdomadaire a lieu dans une librairie parisienne, qui débute par le "prêche dominical" du "fara". une trentaine de personnes seulement y participent. selon les rg, "le mouvement axe ses initiatives en direction de la communauté juive, à la fois pour marquer son antisémitisme mais aussi pour attirer l'attention des médias et recruter de nouveaux militants".
parmi les cibles privilégiées de la tribu ka figurent "tous les macaques de l'amitié judéo-noire". "ce groupuscule essaie de créer un noyau dur à paris depuis plusieurs mois, estime dominique sopo, président de sos-racisme, visé par l'organisation, mais ça leur prend plus de temps que prévu. avec cette opération rue des rosiers, ils entrent dans un cycle classique et grossier : action-répression-martyrisation." sos-racisme et d'autres associations ont demandé, mardi 30 mai, la dissolution du groupuscule.
de son côté, le député européen (ps) harlem désir dénonce "le paradoxe et la confusion mentale dans le discours de la tribu ka, qui construit un discours ultra racialisé et haineux au nom d'une résistance contre des comportements racistes. ils construisent une image des noirs en état d'agressivité contre d'autres groupes, notamment les juifs."
le député se veut "vigilant sur les effets de cette histoire". "des gens essaient actuellement de monter une guerre communautaire. il suffit de voir le succès de dieudonné dans une partie de la communauté africaine et antillaise", ajoute-t-il.
piotr smolar
31 mai 2006 dans crevures, société | lien permanent
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les députés renoncent à assouplir le quota de 20 % de logements sociaux
lemonde.fr | 31.05.06 | 11h50 • mis à jour le 31.05.06 | 12h20
e gouvernement, le groupe ump et la commission des affaires économiques de l'assemblée nationale sont parvenus, mardi soir 30 mai, à un accord visant à retirer du projet de loi borloo sur le logement l'amendement ollier, qui assouplit le quota de 20 % de logements sociaux fixé dans la loi sru (solidarité et rénovation urbaines).
l'amendement prévoyait d'inclure dans ce quota de 20 %, "les logements neufs dont l'acquisition a été financée à partir du 1er juillet 2006 grâce à une aide à l'accession à la propriété", comme le prêt à taux zéro, "et accordée aux ménages dont les revenus n'excèdent pas des plafonds définis par décret".
"dÉfinir prÉcisÉment l'accession sociale"
cette disposition, votée par les députés en première lecture, avait été supprimée en seconde lecture par les sénateurs, qui avaient gardé, dans le quota, les seules hlm vendues à leurs occupants. le sénat y avait, en revanche, intégré les aires d'accueil des gens du voyage.
patrick ollier, président de la commission des affaires économiques, avait ensuite présenté et fait voter de nouveau son amendement le 17 mai en commission, avant l'examen en séance du texte, mardi.
au terme d'une réunion mardi soir, il a été convenu de laisser "tel quel" le texte voté par les sénateurs, a indiqué le président du groupe ump, bernard accoyer. il a précisé cependant qu'il avait été décidé de "définir précisément l'accession sociale à la propriété telle que définie dans l'amendement de la commission". il a ajouté que "très prochainement, le gouvernement annoncerait un programme d'action très audacieux destiné à renforcer très fortement la politique en faveur de l'accession aidée".
avec afp
31 mai 2006 dans crevures, politique, société | lien permanent
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banlieue
nouveaux incidents
en seine-saint-denis
six policiers blessés et 13 individus interpellés, dont le rescapé du transformateur de clichy-sous-bois.
des policiers dans le quartier des bosquets à montfermeil mardi soir (sipa)
treize personnes ont été interpellées et six policiers légèrement blessés lors des nouveaux incidents qui ont éclaté mardi 30 mai au soir à montfermeil et clichy-sous-bois (seine-saint-denis), a-t-on appris mercredi matin de source policière.
trois individus étaient toujours en garde à vue dans la matinée. parmi eux figure muhittin altun, qui avait été blessé dans un transformateur dans l'incident de clichy-sous-bois qui avait entraîné les violences urbaines de l'automne dernier dans les banlieues.
vers 21h30 à clichy-sous-bois, une quinzaine d'individus ont lancé des projectiles sur des policiers en patrouille dans le quartier du chêne pointu. parmi eux, muhittin altun a été interpellé par les policiers. il était toujours en garde à vue mercredi matin, précise-t-on de même source. pendant ces affrontements, le véhicule d'un particulier a été incendié.
voiture enflammée
peu avant 23h, une trentaine d'individus ont ensuite lancé des pierres sur le poste de police d'utrillo à montfermeil. plusieurs patrouilles ont été dépêchées sur place.
deux agents ont été blessés par des jets de projectiles et un véhicule de police a été enflammé. les fonctionnaires qui se trouvaient à l'intérieur ont juste eu le temps de sortir avant que la voiture ne s'embrase. l'un d'entre eux a été admis à l'hôpital mais ses jours ne sont pas en danger.
au total, une douzaine de voitures de particuliers ont également été incendiées. le calme est revenu vers 1h30.
ces derniers incidents font suite à ceux de lundi soir à montfermeil, où des affrontements entre jeunes et forces de l'ordre se sont soldés par l'arrestation de trois individus et neuf agents blessés.
pour sarkozy, il y a eu "préméditation"
en visite au commissariat de gagny, nicolas sarkozy a déclaré mardi aux policiers : "plus de 100 voyous vous ont pris à partie, cagoulés et armés", a lancé le ministre aux policiers, rassemblés au commissariat de gagny. "face à une telle détermination, on ne peut nier l'évidence: il y avait préméditation", a-t-il assuré.
et de soutenir que "quand on prend le soin de se cacher le visage et de s'armer, nous ne sommes pas face à une révolte spontanée, (mais) à des voyous, qui n'ont qu'un seul but: faire le plus de dégâts et le plus de blessés possible".
(avec ap)
© le nouvel observateur
31 mai 2006 dans pour rire, société | lien permanent
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amnistie
guy drut, médaille d'or de la chiraquie
en graciant le député guy drut, jacques chirac soulève la colère et l'incompréhension jusque dans son camp.
par pascal virot
samedi 27 mai 2006
nouveau symptôme de la déliquescence de la chiraquie : d'un trait de plume, le chef de l'etat a rayé, par décret, non publié au journal officiel (lire page 4), la condamnation de son ami guy drut. a peine connue la nouvelle, l'indignation était à son comble, à droite comme à gauche. l'affaire est édifiante : confirmant une information de l'equipe, l'elysée a indiqué jeudi soir que jacques chirac avait amnistié l'ex-champion olympique, député et maire, condamné en octobre 2005 à 15 mois de prison avec sursis et 50 000 euros d'amende dans l'affaire des marchés publics d'ile-de-france. une affaire dans laquelle chirac lui-même a été mis en cause (lire page 4). le chef de l'etat s'est appuyé sur une loi de 2002 qui prévoit l'amnistie pour les personnes «ayant rendu des services à la nation». un autre grand ami du couple chirac pourrait bénéficier de cette décision régalienne : le judoka david douillet, aux prises avec la justice dans la faillite d'une agence de voyages .
«connerie». dès vendredi, drut s'est dit «satisfait et soulagé». il est bien le seul. car, en pleine affaire clearsteam, ce énième fait du prince affole même des élus de la majorité. sur rtl, l'ump pierre lellouche, ancien conseiller de jacques chirac à l'elysée, s'est interrogé : «dans le climat actuel, il m'arrive de me demander si nous ne sommes pas en train, tous ensemble, d'aller droit dans le mur en klaxonnant, en laissant la france à jean-marie le pen et à ségolène royal.» les autres élus ump préfèrent, eux, s'épancher sous le sceau de l'anonymat. «personne ne dira rien sur guy drut, explique un parlementaire, car il est questeur à l'assemblée nationale.» un poste clé, puisque, avec deux autres députés (de droite et de gauche), drut veille aux finances du palais-bourbon. autant dire que, s'il bénéficie de pas mal d'avantages, il peut satisfaire autant de demandes.
«c'est une énorme connerie, assène un proche de nicolas sarkozy. drut a servi l'intérêt général, mais il a quand même été condamné !» un autre cogne sur «la politique de la terre brûlée de chirac, qui se tape de tout puisqu'il dégage dans un an». «je suis de plus en plus perplexe sur la gestion des affaires récentes. c'est incompréhensible. c'est une provocation absolue, ça va faire un scandale», reprend un autre.
«désinvolture». dans un bel ensemble, ils redoutent le slogan «tous complices, tous pourris». «les gens considèrent que les élus bénéficient d'une impunité totale. et voilà qu'il s'autopardonnent. c'est terrible», se désespère un député sarkozyste, pour qui «tout cela plaide pour la rupture et un changement de fond en comble», prônés justement par le patron de l'ump.
la gauche et l'udf (lire ci-contre) partagent la même colère. au nom du ps, françois hollande a dénoncé la «désinvolture» de chirac, alors que pour le vert noël mamère le chef de l'etat «agit comme le prince d'une république bananière». ségolène royal a jugé sa décision «profondément choquante», alors qu'arnaud montebourg (ps) a accusé chirac d'«organiser l'impunité de ses propres amis et de lui-même». il n'y a finalement que dominique de villepin à penser qu'il n'y a «aucune raison de polémiquer». il a même cru bon s'amuser : «a chaque jour suffit sa haie, selon l'adage de notre ami guy drut.»
http://www.liberation.fr/page.php?article=385441
30 mai 2006 dans crevures, politique, société | lien permanent
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fraude au rmi
le sm dénonce
des sanctions systématiques
le syndicat de la magistrature dénonce une circulaire de la chancellerie qui appelle à des sanctions systématiques en cas de fraude, même minime, au rmi.
le syndicat de la magistrature a dénoncé mardi 30 mai une circulaire du ministère de la justice adressée à tous les procureurs généraux qui appelle à des sanctions systématiques les "personnes en infraction avec la législation sur le revenu minimum d'insertion". les sanctions devront être appliquées à tous, même si le montant de la fraude est peu importante, précise la circulaire.
le ministère de la justice demande aux parquets "de veiller à ce que des poursuites soient bien engagées à l'encontre des personnes en infraction avec la législation sur le revenu minimum d'insertion".
"une réponse pénale systématique"
selon le texte de la circulaire, il est également demandé que les procureurs de la république "donnent une réponse pénale systématique aux infractions dénoncées même si le montant de la fraude n'apparait pas significatif".
le sm dénonce "une grave atteinte au principe d'égalité des citoyens devant la loi"faisant un parallèle avec l'amnistie accordée à guy drut, condamné à 15 mois de prison avec sursis et 50.000 euros d'amende dans l'affaire des marchés publics d'ile-de-france portant sur le financement illégal des partis politiques. reconnu coupable d'avoir occupé un emploi fictif entre juin 1990 et février 1993, l'ex champion olympique aurait perçu illégalement environ 119.000 euros (774.047 francs). "
30 mai 2006 dans crevures, politique, société | lien permanent
copié/collé/(cache)/antisémitisme
depuis un certain nombre d’années, deux milices juives : la l.d.j et le betar, « défraient » la chronique. dénominateur (culturel?) commun de leurs multiples agressions plus que gratuites: la fourberie.
critères des attaques ? supériorité numérique indispensable avant tout éventuel affrontement (et encore…), mais aussi non respect des règles les plus élémentaires de bravoure de par l’attaque d’individus non à même de riposter (femme, enfant ….). avec pour ultime tare propre à nos pseudo nervis juifs: l’appui mais aussi la couverture et d’israël et des services de police français.
tant que les attaques de ces milices juives en direction d’universitaires et écrivains négationnistes ou de pro-palestiniens ne concernaient pas les nôtres, la tribu ka organisation de défense du peuple kémite n’avait que faire de ces organisations.
mais lorsque ces derniers semblaient prendre leurs libertés en insultant et en tabassant publiquement les nôtres, notamment lors de leurs marches en l’honneur du vendeur de portable juif ilan halimi, certain allant même jusqu’à ratonner des noirs ayant eu le simple malheur de se trouver dans les rues adjacentes de cette manif,
la tribu ka en parfait accord avec son éthique de droiture décida de régler le problème une bonne fois pour toute. arrivés à près d’une quarantaine de membres, rue de trévise (lieu d’entraînement des deux milices), nous constatons -à vrai dire non sans surprise- selon les dires de nos « athlètes » présents qu’aucun n’eut le courage de reconnaître de près ou de loin appartenir à l’une de ces organisations…! allons donc… ca change quand on tombe sur des noirs (kémites de leurs vraix noms) voulant en découdre.
peu importe, la tribu ka profita de cette première visite, ainsi que de ce communiqué pour affirmer le plus solennellement qu’il soit, aux membres du betar et de la l.d.j que nous irons vous chercher là où il le faudra, multipliant si besoin est, et le temps qu’il faille, rondes et filatures. afin que tels des cafards face à la lumière tranchante de la vérité et justice vous finissiez par sortir de vos tanières.
vous avez voulu la guerre, vous l’avez , de surcroît face à des gens qui veulent vous karchériser.
pour plus d'infos, et d'explications, assemblée kémite ce dimanche 21 mai 2006, à 14h30 au 19 rue du chalêt métro belleville.
29 mai 2006 dans crevures, société | lien permanent
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société
la «tribu ka» veut en découdre avec des associations juives
dimanche, une trentaine de «gros bras blacks» de cette organisation ont débarqué dans le marais, à paris, à la recherche de membres de la ligue de défense juive et du betar •
par ludovic blecher
lundi 29 mai 2006 (liberation.fr - 19:33)
«une balade musclée d'intimidation.» c'est ainsi qu'un libraire de la rue des rosiers décrit la scène à laquelle il a assisté dimanche peu après 17 heures lorsqu'une «trentaine de gros bras blacks âgés de 20 à 30 ans» ont débarqué dans le «quartier juif» du marais à paris. aux cris de «où sont ces pédés de juifs, où sont les patrons de la ligue de défense juive et du bétar (deux groupes d'autodéfense juifs, ndlr)», selon abraham, un chauffeur de taxi de 50 ans, le groupe a défié durant une dizaine de minutes les passants très nombreux le dimanche. tous vêtus de noir, certains avec des gants plombés, d'après des témoins, ils ont effectué plusieurs aller-retour dans la petite artère avant de repartir sans commettre d'agressions autres que verbales.
alors que la présence policière a été renforcée dans le quartier après l'ouverture d'une enquête, habitants et commerçants dénonçaient lundi la lenteur avec laquelle les forces de l'ordre ont réagi. tony, 42 ans, s'insurge: «les flics ont été prévenus immédiatement mais ils ont mis une demi-heure pour arriver. s'ils avaient voulu agresser tout le quartier, personne n'aurait été là pour les arrêter». la préfecture de police prétend pour sa part être «intervenue rapidement», dès qu'elle a été alertée. elle précise en outre que lors du contrôle d'identité effectué sur 19 personnes après leur départ de la rue des rosiers, «aucun port d'arme» n'a été relevé.
sur son site internet, le groupe des «kémites atoniens» a, photos à l'appui, revendiqué son action dans un texte intitulé: «la tribu ka à la recherche de la ligue de défense juive et du betar.» se présentant de façon totalement incohérente comme des «noirs dans la dialectique esclavagiste», ils reprochent aux «milices juives» d'avoir pris «leurs libertés en insultant et en tabassant publiquement les nôtres, notamment lors de leurs marches en l'honneur du vendeur de portable juif ilan halimi».
d'où leur décision d'aller les traquer lundi dernier dans un gymnase où on enseigne le krav-maga, un sport de défense pratiqué par les militaires israéliens. mauvaise pioche, il n'y avait là aucun responsables de la ldj. dimanche, ils ont donc renouvelé cette opération d'intimidation rue des rosiers.
lundi, igal, qui se présente comme le responsable de la branche activiste de la ligue de défense juive, assurait: «ils ont décidé de se mettre à notre recherche, nous on ne se cache pas. ils ont laissé un message disant qu'il reviendraient tous les dimanche, dimanche prochain on sera là, on les attend!»
le président du crif, roger cukierman a déclaré lundi après une entrevue avec nicolas sarkozy avoir reçu l'assurance que «des mesures seront prises» contre le groupe «tribu ka». «des poursuites individuelles pourraient être envisagées, de même que la fermeture du site internet de tribu ka qui est particulièrement antisémite», a-t-il précisé. dans un communiqué, le maire de paris, bertrand delanoë, a également dénoncé «ces comportements insupportables».
29 mai 2006 dans société | lien permanent
entre flic et journaliste
le film "da vinci code" est déjà en téléchargement illégal sur la toile, en vf
le monde | 25.05.06 | 13h58 • mis à jour le 25.05.06 | 21h01
'ouverture du festival de cannes est l'occasion rituelle de lancements en grande pompe de superproductions hollywoodiennes. cette année, on ne déroge pas à la règle, et l'adaptation du best-seller mondial de dan brown, da vinci code, a permis à audrey tautou et jean reno de fouler les marches du palais des festivals.
mais au-delà de la tradition et des paillettes, d'autres affaires se jouent sur la toile : da vinci code est le film de tous les records (plus de 77 millions de dollars de recette le premier week-end aux etats-unis et 224 millions de dollars au box-office mondial, selon la société exhibitor relations), et sa sortie en france était attendue comme le messie. les "vidéo-pirates" et "vidéo-receleurs" ne l'ont pas ratée. en effet, et malgré un déploiement mondial des copies officielles concentré sur trois jours (le monde du 18 mai 2006), le film circulait déjà sous plusieurs formats et sur plusieurs types de réseaux de partage seulement cinq jours après sa projection à cannes.
cela n'aurait rien d'exceptionnel en regard des chiffres de la dernière étude 2005 du centre national de la cinématographie (cnc), puisque 92 % des films seraient disponibles sur internet avant leur sortie en dvd. mais le plus souvent, c'est en version originale que l'on peut télécharger ces "blockbusters", et non en version française comme pour le dernier film de ron howard.
en france, les choristes de gérard jugnot ou plus récemment les bronzés 3 de patrice leconte ont ainsi circulé en qualité dvd moins d'un mois après leur sortie en salles. ce cas de piratage est le plus grave et le plus préjudiciable, puisque c'est dans la chaîne de production des longs métrages, notamment lors de la postproduction, comme en témoignent parfois les micros présents à l'image, que les fuites ont lieu. aux etats-unis, une étude conjointe de l'université de pennsylvanie et d'at & t réalisée en 2004 a démontré qu'une majorité de films piratés en qualité dvd provient directement des studios d'hollywood ou même des jurés aux oscars. en france, la société thomson met la dernière touche actuellement à un système de tatouage des images destiné aux professionnels baptisé nexguard, censé dissuader ou du moins enrayer ce type de diffusion.
plusieurs formats suivant la source
mais d'autres formats, souvent de moins bonne qualité, circulent sur le réseau. dans sa dernière étude d'octobre 2005 intitulée l'offre pirate de films sur internet, le cnc distingue cinq types de fichiers suivant l'origine du piratage.
dans les bas-fonds du réseau, se trouvent les "télésynchro" ou "screeners", copies effectuées directement en salle de cinéma avec une caméra numérique. le son de ces copies pirates, souvent de meilleure qualité que l'image, peut provenir d'une source différente : de la cabine de projection ou d'une matrice numérique du film. vient ensuite le vhs promotionnel, qui disparaît peu à peu au profit du dvd promotionnel. les copies réalisées à partir de ces deux supports sont souvent reconnaissables aux mentions de copyright ou au minutage ("time code") présent dans certaines images du fichier diffusé sur le réseau. et puis il y a le "haut du panier" : on y trouve les "dvdrip", copies provenant directement de dvd du commerce et les "téléciné", fichiers réalisés à partir d'une matrice numérique ou d'une copie argentique. dans ce dernier cas, il est indispensable de posséder ou d'avoir accès à un équipement professionnel et aux sources argentiques du film. ces deux derniers types de copies sont évidemment les plus recherchés par les internautes car leur qualité est proche, voire équivalente aux dvd que l'on trouve dans le commerce.
par ailleurs, les modes de diffusion de toutes ces copies s'adaptent progressivement à la lutte contre la fraude engagée par les majors et les puissantes associations comme la motion picture association of america (mpaa), la record industry association of america (riaa) ou encore l'association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (alpa) en france. le président de la mpaa, dan glickman, devait rencontrer cette semaine à cannes le ministre de la culture, renaud donnedieu de vabres, pour discuter piratage, et notamment l'alerter sur les faibles sanctions ou amendes infligées par la france à l'encontre des contrevenants.
leurres et nouveaux moyens de diffusion
les réseaux peer to peer (p2p) classiques (edonkey2000/emule, gnutella/ares, kazaa/fasttrack, bittorrent/azureus, etc.) sont maintenant systématiquement envahis par des fichiers-leurres, et l'on n'accède plus que rarement à une version regardable des films. il est de plus en plus fréquent de se retrouver en fin de téléchargement devant un navet porno, un fichier de format inconnu ou, maigre consolation, la bande-annonce du spectacle convoité.
comme première parade, ces logiciels de p2p se sont progressivement équipés de visionneuses, qui permettent de vérifier, après un laps de temps de chargement assez court, si ce que l'on télécharge correspond bien à ce que l'on cherche. dans cette trousse à outils pour téléchargeurs indélicats, "avipreview" est devenu une référence incontournable.
récemment, une nouvelle race de logiciels de p2p comme winmx ou freenet sont apparus. les premiers balaient plusieurs réseaux, permettant ainsi d'accéder à un plus grand nombre de sources, et sont décentralisés : plutôt que d'aller chercher le lien vers le fichier convoité sur des serveurs dédiés et connus, chaque utilisateur de ces logiciels embarque des fonctions de listage des sources partagées disponibles. pour freenet, la grande nouveauté est la cooptation. en effet, pour utiliser ce système d'échange, il faudra montrer patte blanche et être parrainé : c'est la création de réseaux de confiance.
la tendance de ces logiciels qui sont, au regard de la nouvelle loi dadvsi, devenus illégaux, est donc à la décentralisation et la cooptation. pourtant, le vrai danger pour les majors est ailleurs, dans les groupes de discussion ("newsgroups"). a l'origine conçus pour débattre librement tous azimuts, certaines hiérarchies de discussions ont été spécialement créées pour l'échange de fichiers. les films en français ont leur espace, et sur le plus connu et le plus actif (alt.binaries.svcd.french), voilà déjà une semaine qu'est recensé le da vinci code french.
olivier dumons (le monde.fr)
26 mai 2006 dans curiosités, société, weeb | lien permanent
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marches publics d'idf
guy drut amnistié
par jacques chirac?
suspendu de ses fonctions au cio après une condamnation, il pourrait bénéficier d'une amnistie présidentielle.
guy drut (sipa)
suspendu de ses fonctions au cio après sa condamnation dans l'affaire des marchés publics d'ile-de-france, l'ancien champion guy drut pourrait bénéficier d'une amnistie présidentielle, affirme le site aroundtherings.com spécialisé dans l'olympisme.
le palais de l'elysée et le comité international olympique n'ont pas répondu dans l'immédiat aux questions de l'associated press sur ce sujet.
le 26 octobre dernier, l'ancien ministre des sports de jacques chirac avait été condamné à 15 mois d'emprisonnement avec sursis et 50.000 euros d'amende par le tribunal correctionnel de paris pour avoir bénéficié d'un emploi fictif. un mois plus tard, guy drut indiquait devant la commission d'éthique du cio réunie à lausanne avoir déposé auprès de l'elysée une demande d'amnistie prévue par la loi du 2 août 2002.
hypothèse recevable
interrogé sur ce projet d'amnistie, son avocat, me jean-yves leborgne, a indiqué jeudi à l'ap que son client n'ayant pas fait appel de sa condamnation, "l'hypothèse est juridiquement recevable".
dans l'attente d'une décision de paris, le cio avait donc suspendu provisoirement "tous les droits, prérogatives et fonctions attribués à m. guy drut en tant que membre du cio" le 5 décembre dernier, ajoutant que sa commission d'éthique statuera à nouveau au plus tard le 31 mai 2006, au terme de la demande d'amnistie déposée par l'ancien champion olympique du 110m haies à montréal en 1976. ap
© le nouvel observateur
25 mai 2006 dans crevures, société | lien permanent
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albanie
cloîtrés à vie
a shkodra, petite ville du nord du pays, le photographe guillaume herbaut est allé à la rencontre de familles entières qui restent enfermées chez elles. parce qu'un père, un frère, un cousin, ont tué quelqu'un d'une autre famille, et que plane désormais sur elles l'ombre de la vengeance.
par marc semo
jeudi 25 mai 2006
tirana envoyé spécial
les plus longues à tuer sont les heures de la journée. marcher en chaussettes et ne pas tirer la chasse d'eau, toujours parler à voix basse. pas question même de se montrer à la fenêtre. la télé reste allumée, mais sans le son. les cloisons sont minces et le moindre bruit résonne dans tout le bâtiment. «rien ne doit montrer qu'il y a des gens dans l'appartement une fois ma femme partie au travail», soupire altin (1). depuis deux ans, ni lui ni ses deux garçons n'ont quitté ce petit trois pièces d'un immeuble décati d'hoxhaku, au nord-est de tirana, la capitale albanaise. «au-delà de ces murs, c'est la mort qui m'attend», murmure le cadet, qui dessine sans cesse de grands visages hiératiques sur des cahiers d'écolier. le soir, l'aîné tente d'apprendre l'italien en regardant les télés de la péninsule captées à tirana. ils se cachent, espérant que personne ne connaît leur nouveau refuge.
altin et ses deux garçons fuient la gjakmarrja, la vendetta albanaise. selon la tradition, n'importe quel mâle portant son nom, du nourrisson au vieillard y compris un lointain cousin, peut être tué par une famille rivale décidée à venger un mort. en albanie, quelque 650 familles et 2 000 enfants vivent ainsi cloîtrés. seules les femmes et les filles sortent pour le ravitaillement ou pour travailler. «en 1991, à la chute du communisme, on a vu resurgir des vendettas vieilles de plusieurs décennies, et beaucoup d'autres se sont ouvertes», explique gjin marku, président du conseil national de réconciliation, une ong qui tente de lutter contre ce fléau en aidant les familles à enterrer leurs différends.
la peur au ventre
le destin d'altin et des siens a basculé en décembre 2002, pour une querelle de branchement électrique. «le voisin et mon frère ont commencé à s'engueuler, puis il a perdu la tête, il a pris son fusil et il a tiré», raconte altin, qui était au travail. aussitôt accouru sur les lieux, il a convaincu son frère de se rendre à la justice. celui-ci a été condamné à douze ans pour meurtre sans préméditation, mais cela n'a pas apaisé les proches de la victime. sans succès, altin a tenté une réconciliation en envoyant des messagers. depuis, tous les hommes de sa famille se cachent. d'abord réfugié dans un village de montagne, il est revenu sur la capitale, la peur au ventre.
«le sang ne se lave qu'avec le sang» : les règles de la vendetta sont précisées dans le kanun, le code d'honneur fixé au xvie siècle par lek dukagjin et qui marque encore la coutume dans le nord de l'albanie et au kosovo. mais aujourd'hui, beaucoup ne prennent dans le kanun que ce qui les arrange. «la pratique actuelle de la vendetta et ses dérives mafieuses se développent surtout à cause de la faiblesse et de la corruption de la justice ainsi que de la destruction de tout système de valeurs par un demi-siècle de communisme», explique gjin marku, apparenté à la puissante dynastie féodale qui régna pendant des siècles sur les montagnes du nord de l'albanie.
«même si, aujourd'hui, beaucoup font n'importe quoi pour se venger, ils respectent et écoutent ceux qui connaissent les règles», souligne l'ancien professeur de lycée, imprégné par les subtilités de ce texte qui réglait tous les aspects de la vie des montagnards. les articles du code de lek dukagjin se comptent par centaines. son pilier est la bessa, la parole donnée. selon le kanun, la gjakmarrja n'est pas simple. il faut toujours tuer de face afin que la victime sache avant de mourir qui la tue et pourquoi. il ne faut jamais tuer sur les terres d'autrui. cela obligerait cette famille à entrer à son tour dans la vendetta, car le devoir d'hospitalité est sacré et on est responsable de la vie de son hôte.
s'en prendre seulement au tueur
«encore aujourd'hui, si quelqu'un meurt dans votre voiture lors d'un accident, vous êtes responsable et vous devez rendre un sang ou un très gros dédommagement», explique gjin marku. il y a un an, les représentants des familles et des clans les plus puissants du nord du pays se sont réunis à kushe (170 kilomètres au nord de tirana) pour édicter de nouvelles règles. «la vendetta continue de faire rage, et il ne faut plus accepter que toute une famille soit touchée par la tragédie. et personne d'autre que l'assassin ne doit payer pour le crime», explique kastriot bajraktari, l'un des promoteurs de cette réforme. mais elle n'est pas entrée dans les moeurs. alors altin attend toujours. «mon frère en prison vit beaucoup mieux que mes garçons et moi», soupire-t-il, trouvant «qu'il serait plus normal que les tueurs s'en prennent à [s]on frère. et seulement à lui».
(1) le prénom a été changé.
25 mai 2006 dans curiosités, société | lien permanent
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l'oréal et adecco
mis en cause
profil d'hôtesses recherchées pour faire la démonstration de produits: 18-22 ans, taille de vêtement 38 à 42 et... "bleu blanc rouge". amende requise.
le procureur de la république de paris a requis jeudi 18 une peine d'amende de principe à l'encontre des laboratoires garnier (groupe l'oréal) en tant que personne morale et de ses responsables et de ceux d'adecco jugés avoir effectué un tri en fonction de l'origine raciale lors du recrutement de démonstratrices en 2001.
"tout n'est pas blanc, tout n'est pas noir dans cette affaire", a ironisé le procureur jean-michel aldebert qui a estimé que les dirigeants ne pouvaient ignorer les pratiques de recrutement des démonstratrices. "la discrimination à l'embauche est inacceptable", a-t-il soutenu.
le jugement devait être mis en délibéré à l'issue des plaidoiries de la défense. les prévenus encourent jusqu'à trois ans de prison et 45.000 euros d'amende.
"une marque multi-ethnique"
"l'oréal est une marque multi-ethnique". tel a été la ligne de défense soutenue jeudi par les responsables du no1 mondial des cosmétiques devant le tribunal correctionnel de paris où ils étaient poursuivis par sos-racisme.
"je n'ai jamais donné d'indications sur les origines raciales des candidates. cela aurait été contre-productif. la diversité est quelque chose de vraiment très importante à garnier et à l'oréal", a souligné l'ancien directeur général de garnier france, laurent dubois.
il est poursuivi aux côtés de thérèse coulange, ancienne employée de la société districom, une filiale d'adecco chargée de monter des opérations promotionnelles, et jacques delsau, ancien directeur des clients nationaux chez adecco, pour "discrimination à l'embauche". les trois sociétés sont également mises en examen en tant que personnes morales.
"bbr"
l'affaire a été déclenchée par une plainte de sos-racisme. a l'appui, l'association produit un fax du 12 juillet 2000 envoyé par districom à des agences d'interim.
elle y détaille le profil des hôtesses recherchées par l'oréal pour faire la démonstration de ses nouveaux produits de la ligne fructis style: 18-22 ans, taille de vêtement 38 à 42, bbr. ce dernier code signifierait en fait "bleu, blanc, rouge" pour exclure les candidates de couleur.
un rapport de l'inspection du travail diligenté par la suite chez l'oréal a par ailleurs établi que très peu de filles d'origine africaine, maghrébine ou asiatique avaient finalement été retenues pour la campagne de lancement.
la rédactrice du fax a soutenu jeudi que "bbr" n'était qu'un code pour identifier les filles "s'exprimant correctement en français". une interprétation rejetée par sos-racisme et le parquet.
une ancienne employée de districom qui avait dénoncé cette pratique a affirmé que thérèse coulange n'avait jamais auparavant donné de telles consignes ou retoqué quiconque, attribuant clairement la responsabilité de cette discrimination à l'oréal et garnier. selon ce témoin, la première campagne pour fructis style avait fait "un flop" et il fallait rectifier le tir.
selon un rapport remis en septembre 2005 par l'ex-ministre de l'industrie roger fauroux, les entreprises et les organismes de recrutement utilisent régulièrement des codes comme "bbr" ou "byb" (blond aux yeux bleus) dans leurs demandes.
le rapport notait ainsi qu'à cv égal, une maghrébine recevait trois fois moins de réponses favorables que la moyenne à une demande d'entretien d'embauche et un maghrébin cinq fois moins. (ap)
© le nouvel observateur
19 mai 2006 dans société | lien permanent
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jacques chirac dément "catégoriquement" avoir possédé un compte au japonlemonde.fr | 09.05.06 | 20h37 • mis à jour le 09.05.06 | 20h38
acques chirac a vigoureusement nié avoir jamais possédé un compte au japon, comme l'a affirmé le canard enchaîné, a déclaré, mardi 9 mai, l'entourage du chef de l'etat qui dénonce une "campagne de calomnies". "le président de la république dément catégoriquement les informations rapportées par le canard enchaîné. le président de la république n'a jamais possédé aucun compte à la sowa bank", ajoute-t-on de même source."ces allégations sont à rattacher à une campagne de calomnies qui avait été lancée à l'encontre du président de la république en 2001 et dont il a été établi qu'elle était sans aucun fondement", a-t-on estimé dans l'entourage de m. chirac.
le canard enchaîné affirme, dans son édition à paraître mercredi, que le général philippe rondot a déclaré au cours de sa déposition le 28 mars devant les juges jean-marie d'huy et henri pons, chargés de l'affaire clearstream, que le président jacques chirac possédait un compte crédité de 300 millions de francs au japon.
selon le canard, le général rondot a affirmé, citant des documents de la dgse, que cette somme (environ 45,5 millions d'euros aujourd'hui) aurait été versée sur ce compte, à la tokyo sowa bank, au cours des dernières années par une mystérieuse "fondation culturelle".
le canard publie un extrait du procès verbal de déposition du général rondot dans lequel le témoin assure : "il est indiqué sur les documents que vous avez saisis à mon domicile que ce compte a été ouvert à la tokyo sowa bank et a été crédité d'une somme totale évaluée par les services de la dgse à 300 millions de francs".
09 mai 2006 dans crevures, société | lien permanent
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travailleurs immigrés:
limitation d'activités
en cas de perte d'emploi, ils devront en retrouver un dans le même secteur ou la même zone géographique.
les députés ont adoptés vendredi 5 mai un dispositif limitant à certaines activités professionnelles et à des zones géographiques précises les autorisations de travail pour les étrangers, dans le cadre du projet de loi sur l'immigration.
"concrètement, un étranger ayant bénéficié de ces dispositions qui perdrait son emploi ne serait autorisé à en chercher un autre que dans le même métier ou la même zone géographique", précise dans son rapport thierry mariani (ump).
une autre disposition, destinée aux employeurs de travailleurs étrangers, prévoit d'obliger ces derniers à vérifier qu'ils sont bien détenteurs d'un contrat de travail.
autorisations de travail
enfin, une dernière mesure contraint tout donneur d'ordre, qui passe un contrat avec un entrepreneur pour la réalisation de travaux ou la fourniture de services (d'un montant minimum de 3.000 euros), à "se faire remettre" par cet entrepreneur un document attestant que tous ses employés disposent d'autorisations de travail, et ce tous les six mois. une disposition qui concerne aussi les particuliers, qui doivent s'en assurer au moment de la signature du contrat. initialement, un seuil de 30.000 euros était prévu pour les particuliers, mais les députés ont décidé d'aligner le seuil sur celui des professionnels -soit 3.000 euros-.
les discussions à l'assemblée se sont poursuivies sur le volet du projet consacré à l'immigration "pour des motifs de vie privée et familiale", les députés se réservant à plus tard celui concernant les ressortissants de l'union européenne.
© le nouvel observateur
05 mai 2006 dans crevures, société | lien permanent
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le discours intégral de l'écrivain autrichien sur la tombe de milosevic
jeudi 04 mai 2006 (liberation.fr - 18:24)
le 18 mars, peter handke s'est rendu à l'enterrement de slobodan milosevic. voici l'intégral du discours qu'il a lu à cette occasion et qu'il a ensuite envoyé au journal allemand «focus». les annotations entre parenthèses sont les siennes.
«j'aurais souhaité ne pas être le seul écrivain ici, à pozarevac. j'aurais souhaité être aux côtés d'un autre écrivain, par exemple harold pinter. il aurait eu des paroles fortes. je n'ai que des paroles de faiblesse. mais la faiblesse est de mise aujourd'hui, en ce lieu. c'est un jour non seulement de paroles fortes, mais aussi de paroles de faiblesse.
»(ce qui suit a été prononcé en serbo-croate – texte rédigé par moi seul ! – et retraduit ensuite par moi en allemand). le monde, ce qu'on appelle le monde, sait tout sur la yougoslavie, sur la serbie. le monde, ce qu'on appelle le monde, sait tout sur slobodan milosevic. ce qu'on appelle le monde sait la vérité. c'est pourquoi ce qu'on appelle le monde est aujourd'hui absent, et pas seulement aujourd'hui, et pas seulement ici. ce qu'on appelle le monde n'est pas le monde. je sais que je ne sais pas. je ne sais pas la vérité. mais je regarde. j'entends. je ressens. je me souviens. j'interroge. c'est pourquoi je suis présent aujourd'hui, auprès de la yougoslavie, auprès de slobodan milosevic.»
avec son discours, handke a envoyé à «focus» un texte d'accompagnement, qu'il a titré: «les motifs de mon voyage à pozarevac, en serbie, sur la tombe de slobodan milosevic.»
«contrairement à “l'opinion générale”, dont je mets en doute le caractère général, je n'ai pas réagi “avec satisfaction” à la nouvelle de la mort de slobodan milosevic, étant de surcroît avéré que le tribunal a laissé mourir le détenu incarcéré depuis cinq ans dans une prison soi-disant «cinq étoiles» (selon les termes du journal français «libération»). non assistance à personne en danger: n'est-ce pas un crime? j'avoue avoir éprouvé, le soir qui suivit la nouvelle de sa mort, quelque chose qui ressemblait à du chagrin et qui fit germer en moi, tandis que je marchais dans les petites rues, l'idée d'allumer quelque part une bougie pour le mort.
»et les choses devaient en rester là. je n'avais pas l'intention de me rendre à pozaverac, pour l'enterrement. quelques jours plus tard, je reçus l'invitation, non pas du parti, mais des membres de la famille qui d'ailleurs assistèrent ensuite pour la plupart à l'enterrement, contrairement à ce qui fut dit. evidemment, c'est moins cela qui m'incita à faire le voyage que les réactions des médias occidentaux, complètement hostiles à milosevic (et encore plus hostiles après sa mort), ainsi que les porte-parole du tribunal et de tel ou tel “historien”. ce fut le langage tenu par eux tous qui m'incita à prendre la route. non, slobodan milosevic n'était pas un “dictateur”. non, slobodan milosevic n'a pas à être qualifié de “boucher de belgrade”. non, slobodan milosevic n'était pas un “apparatchik”, ni un “opportuniste”. non, slobodan milosevic n'était pas “sans aucun doute” coupable. non, slobodan milosevic n'était pas un “autiste” (quand d'ailleurs les autistes s'opposeront-ils à ce que leur maladie soit utilisée comme une insulte?) non, slobodan milosevic, par sa mort dans sa cellule de scheveningen, ne “nous” (le tribunal) a pas joué “un vilain tour” (carla del ponte, procureure du tribunal pénal international). non, slobodan milosevic, par sa mort, ne nous a pas “coupé l'herbe sous le pied” et ne “nous” a pas “éteint la lumière” (la même). non, slobodan milosevic ne s'est pas soustrait “à sa peine irréfutable de prison à perpétuité”.
»slobodan milosevic n'échappera pas en revanche au verdict des historiens, terme d'un “historien”: de nouveau des propos non seulement faux mais indécents. c'est ce langage qui m'incita à tenir mon mini-discours à pozarevac – ce langage en première et dernière instance. cela m'a poussé à faire entendre un autre langage, non, l'autre langage, non pas par fidélité envers slobodan milosevic, mais envers cet autre langage, ce langage non journalistique, non dominant. en entendant tel ou tel orateur me précédant à pozarevac, cette impulsion, tout de même: non, il ne faut pas parler après ce général incisif, ni après cet autre membre du parti appelant à la vengeance, qui tous deux tentent d'exciter la foule, laquelle évidemment, exceptés quelques individus isolés qui hurlent avec les loups, ne se laissa d'aucune façon entraîner à une réponse collective de haine ou de colère: car il s'agissait d'une foule d'êtres en deuil, profondément et silencieusement affligés. telle fut mon impression la plus durable.
»et c'est pour ces êtres affligés, contre les formules fortes et vigoureuses, que je finis tout de même par ouvrir la bouche, comme on le sait. au titre de membre de cette communauté en deuil. réaction: peter handke le «claqueur» («frankfurter allgemeine zeitung»). y a-t-il langage plus délabré que celui-là? un claqueur, qu'est-ce que c'est? quelqu'un qui applaudit pour de l'argent. et où sont les applaudissements? et je n'ai jamais déclaré non plus être “heureux” («faz») auprès du mort. et où est l'argent? j'ai payé moi-même mon billet d'avion et mon hôtel.
toutefois, le besoin principal qui m'a poussé à me rendre sur sa tombe était celui d'être témoin. ni témoin à charge ni témoin de la défense. est-ce que désormais ne pas vouloir être témoin à charge signifie être témoin de la défense? “sans aucun doute”, pour reprendre l'un des maîtres mots du langage dominant.»
05 mai 2006 dans internationnal, livres, société | lien permanent
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la maire d'aix demande à chirac la tête d'un procureur
le magistrat suit une affaire dans laquelle l'élue ump apparaît.
par michel henrysamedi 29 avril 2006
marseille de notre correspondanta
député-maire ump d'aix-en-provence, maryse joissains, a le procureur de
marseille dans le nez. elle a saisi le chef de l'etat, président du
conseil supérieur de la magistrature, «à des fins disciplinaires, pour le comportement inadmissible» du magistrat, «très infatué de sa personne et qui se juge, probablement, intouchable».
depuis quand une élue demande-t-elle qu'on vire un procureur ? c'est
nouveau. mais, à ses yeux, le tort de jacques beaume est immense : il «entretient, je le crois très sincèrement, des rapports (...) malsains avec les médias», écrit-elle. a libération, elle affirme : «il
ne m'aime pas, c'est réciproque, je le déteste ! il a écrasé beaucoup
de monde dans sa carrière. mais je ne vais pas me laisser déstabiliser
! c'est un magistrat politique !»
conditionnel. diantre
! selon l'élue, le procureur aurait divulgué des infos la mettant en
cause, dans le cadre d'une affaire judiciaire en cours. lors de la dite
conférence de presse du 22 mars, le procureur n'a pourtant pas évoqué
la maire d'aix. d'ailleurs, elle reconnaît dans sa missive : «le conditionnel est employé au cas où monsieur beaume n'aurait pas tenu les propos litigieux aux journalistes.» or, de «propos litigieux», il n'y en a pas, affirme le procureur à l'afp : «je
conteste absolument m'être exprimé sur la situation de madame
joissains. je la défie de pouvoir démontrer que je me sois exprimé
directement ou indirectement sur son degré d'implication dans ces
affaires.» et jacques beaume dénonce «une agression injustifiée et injustifiable».
a la base de l'énervement de l'élue, il y a un policier de ses amis :
l'ex-patron des stups à marseille, eric burle,mis en examen pour
violation du secret professionnel. il a sorti du fichier stic de la
police la fiche du directeur des hlm d'aix (libération du 24 mars). le document a atterri chez maryse joissains, «glissé anonymement dans ma boîte aux lettres»,
assure-t-elle. d'autres avaient conclu qu'eric burle, convoitant le
poste de commissaire de police à aix, aurait rendu ce service à la
maire, en bisbille avec le directeur des hlm. l'affaire du fichier
stic, instruite à aix, serait peut-être passée à l'as si eric burle
n'était pas aussi impliqué dans l'«opération pipolo». il a
renseigné indirectement la famille pipolo, gérant les navettes
maritimes, sur l'enquête les concernant, à propos de malversations
financières. du coup, le dossier stic est transmis au parquet de
marseille afin de regrouper les affaires. rien d'exceptionnel. avocate,
maryse joissains devrait le savoir. mais elle s'interroge : «qu'est-ce
qui autorise un magistrat marseillais fut-ce le premier à
intervenir hors du champ de sa compétence territoriale ?» elle en conclut : «la notion de justicier remplace aujourd'hui, dans ce pays, celle de justice.»
affaire pipolo. en fait, la maire d'aix sait qu'elle pourrait être entendue par les enquêteurs. attention : elle «l'espère». mais s'inquiète et sort l'artillerie lourde : «on se croirait au pire moment des années 40...» tout cela parce que le procureur a affirmé qu'il y a, dans l'affaire pipolo, une «confrérie idéologique ou politique». certains en ont déduit une référence à des amitiés maçonniques entre proches de l'ump, «amalgame invraisemblable», dénonce maryse joissains et qu'importe que jacques beaume n'a jamais dit cela.
fausses factures. dans son courrier au procureur, elle l'accuse : «monsieur burle est poursuivi pour avoir enfreint le secret professionnel. vous n'agissez pas, semble-t-il, différemment.» maryse
joissains fait surtout le rapprochement avec l'affaire qui a touché son
mari alain, lorsqu'il était maire d'aix, au début des années 80,
condamné en 1985 «pour complicité de recel de fausses factures», pour des travaux dans la villa du père de maryse joissains. l'affaire induira des drames en série, selon la maire. son père «se suicidera», sa mère «mourra de chagrin», son mari «refera sa vie», sa fille sera «victime d'un cancer très grave». «tout cela est directement lié à l'affaire [alain] joissains.» et qui est responsable ? «monsieur beaume était le substitut de première instance de l'affaire joissains»,
écrit-elle au président de la république. d'une citoyenne lambda, on se
demanderait si elle n'a pas sombré dans le délire. là, venant d'une
élue de la république...
on attend avec impatience la réaction de jacques chirac. si elle n'obtient pas satisfaction ou «un beau démenti» du procureur, maryse joissains menace : «je suis prête à me planter en grève de la faim devant son bureau s'il le faut».
02 mai 2006 dans curiosités, politique, pour rire, société | lien permanent
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grand angle
voyage en nostalgérie
ils
étaient partis dans la panique en 1962. le temps d'un court séjour, des
pieds-noirs reviennent à alger sur les traces de leur passé magnifié et
à la recherche de remèdes à leurs déchirures.
par michel henrymardi 02 mai 2006
alger envoyé spécial
retour à bab-el-oued, quarante-quatre ans après le départ forcé de
1962, dédé est à l'aise, chez lui d'entrée. il marche dans les rues,
radieux, joue au baby-foot avec des jeunes algériens, demande les vieux
noms de rues aux plus anciens, serre des pognes, lâche quatre mots
d'arabe, tape les dos et les mains : «tu connais tordjeman de bab-el-oued ?»
tordjeman, c'est lui, andré, 63 ans, patron d'un dancing rétro à muret
(haute-garonne). il montre la place du marché où sa famille vendait du
tissu. où il jouait aux billes. et où sa mère est tombée, en 1962, sous
des tirs français. «une balle de 12,7.» tout se mélange dans sa
tête, le bonheur et les horreurs, la serviette sur l'épaule pour se
baigner plage padovani, la fusillade de la rue d'isly, des dizaines de
civils tués et le «halte au feu !» qui résonne encore dans sa
tête. puis il empoigne un beignet comme ceux de son enfance, chez
blanchette, et se régale. un autre pied-noir se moque : «on a les mêmes [beignets] à palavas-les-flots.»
dédé s'en fiche. cette fois, il a ramené son ami claude strouk, 62 ans, architecte dans l'hérault, qui soupire : «on a attendu quarante-quatre ans pour faire un voyage d'une heure en avion.»
marseille-alger, le voyage vers leur enfance. au 13, rue montaigne, ils
habitaient dans le même immeuble : claude au deuxième étage, dédé au
troisième. c'est devenu le 13, rue boukhzar-ahmed. partis dans la
panique en 1962, en pensant revenir trois mois plus tard, les deux
gaillards grimpent à nouveau l'escalier, vendredi 21 avril. a l'ancien
appartement de dédé, les habitants, fatima et abdelkader bedrane, les
reçoivent avec chaleur : «vous prenez le café ?» dédé montre
son ancienne chambre à ses deux enfants, venus voir ce pays dont leur
père ne parlait guère. il interpelle fatima : «ah là, tu as changé une porte de place ? t'as raison ! tu aménages comme tu l'entends, hein ! c'est normal !» en 2004, lors de son premier retour à alger, andré tordjeman a flashé sur le carrelage de l'appartement, au sol : «il n'y a que ça dont je me souvenais.» il est revenu en france avec plein de photos du carrelage, on l'a pris pour un dingue. il s'est aussi mis à raconter le passé. «comme s'il avait sorti les cadavres du placard, résume sa fille, fabienne. maintenant, il en parle plus sereinement.»
visite
de l'émotion, et des souvenirs. dans la rue, claude et dédé jouaient
aux «tchappes», avec des couvercles de boîtes d'allumettes, ou aux
noyaux d'abricot, ils buvaient du sélecto, le soda du coin. ils avaient
18 ans. un jour, en 1962, on appelle dédé : «ta mère a reçu une balle.»
il s'affole. pas de quoi : une balle de tabac bastos lui est tombée
dessus, lors d'un déchargement, sans dégât. huit jours plus tard, le 20
mai 1962, une vraie balle, française, lui transperce le cou. elle
s'appelait suzanne tordjeman, morte au marché de bab-el-oued, à 41 ans,
devant son mari et le frère de dédé. six semaines plus tard, dédé et
claude seront sur le bateau du départ, vers la métropole inconnue.
andré tordjeman deviendra soutien de famille à 18 ans, puis son père
décédera, en 1965, après plusieurs dépressions. son frère cadet se
suicidera, plus tard : «dans sa tête, il s'était toujours dit qu'il ne vivrait pas plus vieux que notre mère.»
une kippa, une bougie et des cailloux
maintenant, andré est au cimetière de saint-eugène, au nord d'alger, devant une tombe, propre, où il lit à haute voix : «ici, repose madame simon tordjeman, lâchement assassinée par les forces de l'ordre.» il sort sa kippa du sac, allume une bougie, embrasse la pierre, y pose des cailloux. «voilà, c'est tout ce qu'on peut faire.»
l'air est pur, on entend les cris du stade, tout près, un match de
foot, comme au temps de claude et dédé. hamid, l'agent du cimetière,
glisse en aparté : «tu connais le commissaire navarro [roger hanin] ? son père est enterré ici. et le grand-père d'enrico macias. et la grand-mère du maire de paris...»
a
alger, les pieds-noirs viennent voir les morts qu'ils ont laissés et
les vivants qu'ils ont été. pierre-henri pappalardo, qui coordonne le
voyage avec son association france-maghreb (1), lâche : «c'est maintenant qu'ils sont rapatriés, les pieds-noirs ! rapatriés, quel mot stupide...»
a l'arrivée à l'aéroport d'alger, tayeb, le guide algérien, a lâché : «bienvenue dans votre pays, ça le restera toujours, inch allah !» au collège de leur enfance, un homme corrige : «bienvenue chez vous, mais n'oubliez pas que vous êtes chez nous !» a bab-el-oued, un algérien malicieux demande : «de quel pays vous êtes ?» «d'ici !» répond franco une pied-noir. une autre, en ce vendredi où les algériens ne travaillent pas, constate : «c'est dimanche.» un algérien lui répond : «oui, c'est vendredi.» ils se comprennent. claude rigole quand un type se présente comme algérois, pas algérien, «parce que, entre roi et rien, il y a une différence...»
il se fait photographier en cacou sur la rampe d'où ils regardaient
passer les filles. grimaces, quand même, mais aucune autre
manifestation extérieure d'émotion quand ils passent devant l'ancienne
synagogue de la rue suffren, désaffectée. on y voit une croix gammée et
un tag : «nach deutschland» («vers l'allemagne»). celle de la rue de dijon n'est guère mieux : les ordures débordent sous la porte.
partout, l'accueil est chaleureux : «bienvenue ! bienvenue !» rien que de humer l'air, certains se sentent «apaisés». «mettez les mains dans alger. retrouvez votre ville !» leur a lancé pappalardo. thérapie sur le vif et sans filet. «c'est dur, c'est dur, mais ça va passer», répète un pied-noir. dans le bus qui les trimballe, une dame, trop émue, parle tout le temps. «laissez, dit-elle, je me dégage» de trop de poids. «il y en a toujours qui craquent», explique pappalardo. un peu plus tard, c'est lui qui se lance dans ses souvenirs : le goût du «persil arabe» dans la chorba,
celui des crevettes à la madrague, et le bonheur fugace de tourner dans
bab-el-oued. même si le guide, nerveux, a requis des flics pour
surveiller. «le terrorisme, ce n'est plus un problème, mais les pickpockets, si», a prévenu tayeb, en demandant aux dames d'ôter leurs bijoux.
«on fait un travail de rebouteux ici»
le premier soir, de retour à l'hôtel, claude dit : «je suis passé dans plein de quartiers que je ne connaissais pas, mais je savais que j'étais chez moi.» il est le seul de sa famille à faire le voyage, «les autres ont définitivement baissé le rideau». «on est restés sur des pensées violentes, on voyait des morts presque tous les jours, explique ce fils d'employé et de couturière à domicile. a
17 ans, notre vie s'est cassée, on n'a pas compris pourquoi. on a
repris une vie à côté, bâtie sur des souvenirs inaccessibles. on a
voulu oublier notre passé pour ne pas avoir à en souffrir. on a besoin
de se soigner. on fait un travail de rebouteux ici.» mais on ne se
débarrasse pas comme ça des souvenirs et des mauvaises habitudes.
certains, bloqués sur un racisme paternaliste, ont du mal à admettre
que les «indigènes musulmans» sont devenus des algériens. en
pleine «nostalgérie française», ils ne supportent pas les odeurs, la
saleté, la pauvreté. les mêmes qui sont ravis et émus de l'accueil
n'évitent pas les relents d'amertume. «c'est tout délabré, mais ils ont la wi-fi !», note claude, qui interpelle le guide : «l'algérie
devrait exploser avec le tourisme ! c'est entendu, tu as gagné la
guerre, mais les pieds-noirs, les enfants de pieds-noirs peuvent
revenir visiter ! faut se mettre au travail ! mais les algériens sont
fainéants.» dédé s'en tient aux commentaires prudents : «il y a de grandes possibilités aujourd'hui de faire vivre l'algérie comme elle le mérite.»
côté algérien, pas de haine, pas de rancoeur affichées. même si le président bouteflika dénonce avec la colonisation le «génocide de l'identité»
algérienne, les autorités accueillent ces visiteurs avec plaisir, pas
mécontentes de cette manne touristique (lire encadré) et, surtout, de
montrer qu'à alger, on reçoit mieux les pieds-noirs que la france, les
algériens.
«on a été les cocus de l'histoire»
a sa façon, andré tordjeman confirme le calcul. des algériens, il dit : «ceux
qui sont en france donnent une mauvaise image, mais ce n'est pas la
réalité ici. j'incite tous mes amis à retourner car ici, c'est la
gentillesse et la courtoisie.» «la chose qui ne me déçoit pas, ce sont
les rapports humains», admet claude, dont les certitudes n'ont pas été remises en cause par le récent débat sur le «rôle positif» de la colonisation (2). «on a apporté le progrès, assure-t-il. pour
eux, être avec des français, c'était se rapprocher de la civilisation.
ensuite, on a tous été perdants. l'algérie s'est considérablement
appauvrie, et nous, on a été les cocus de l'histoire. ce sont tous les
petits qui ont payé, des deux côtés.»
pappalardo prêche l'apaisement, loin de certaines associations «qui ont construit leur fonds de commerce sur la colère et l'amertume». «n'arrachons pas les pages d'histoire, tournons-les et faisons-en de nouvelles !»,
implore ce «fils d'algérie». quand ils se retrouvent à l'ex-place du
forum, où de gaulle a promis l'algérie française, en juin 1958, avant
de conclure les accords d'evian, qui allaient accorder à l'algérie son
indépendance quatre ans plus tard, des gosses les interpellent
joyeusement. claude oublie sa rancoeur pour leur écrire un mot en
arabe, qu'il a appris enfant. il est aux anges. plus loin, un gamin lui
donnera une bille. «une jeunesse saine», s'enthousiasme claude, qui glisse des pièces aux mendiants, et constate : «j'ai remis un peu ma tête en place.»
dans
le groupe, il y a aussi marie-christine, partie d'alger en 1962, à 4
ans. elle jette dans la rue une mèche de cheveux de son père, décédé en
1995, avec un mot de sa main, où il se dit «authentique pied-noir». elle chiffonne une lettre de sa mère, 67 ans, qui n'a pas osé venir, et a écrit : «je ne me sens pas assez forte, alger, je serais triste de te voir vieillie.»
un autre couple est venu exhumer une soeur, décédée en 1953, pour la
rapatrier. un ancien de la guerre d'algérie, pas pied-noir mais
toujours furieux parce que «militairement, on avait gagné à 99 %»,
rapportera en france une tomate et un poivron, pour voir s'ils sont
toujours aussi bons. lors du départ vers la france, steph, fils de
dédé, tente une blague : «Ça vous fait quoi de refaire vos valises une deuxième fois ?»
aucun ne rigole. andré tordjeman, à 7 heures du matin, a repris un
taxi, seul, pour un dernier tour d'alger, la tombe de sa mère, des
bouts de vie à recoller, et une certitude : au 13, rue montaigne, le
carrelage est intact.
photos éric franceschi(1) 52 personnes y participaient, du 20 au 23 avril. france maghreb s'occupe aussi de la réhabilitation de cimetières. www.apf-francemaghreb.com(2)
l'article 4 de la loi du 23 février 2005 reconnaissait «le rôle positif
de la présence française outre-mer». il a été abrogé à la demande de
jacques chirac.
http://www.liberation.fr/page.php?article=378831
02 mai 2006 dans curiosités, internationnal, société | lien permanent
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bidonville aux portes de paris
rÉalisÉ par claudie baran, cyril hofstein et lÉopold sanchez
28 avril 2006, (rubrique figaro magazine)ils sont quelques milliers de roms parqués au nord de paris. ils
survivent dans l'extrême misère, entassés dans des bidonvilles. depuis
l'ouverture des frontières de l'europe, ils grossissent les rangs de la
pauvreté en france.
entre
porte de la chapelle et porte d'aubervilliers, un mur maquillé de
graffitis dissimule un autre monde. derrière un portail bricolé, c'est
une véritable favela qui s'épand le long du périphérique. les nuisances
sonores sont paroxystiques. pour parler, il faut hurler. le campement
se divise en deux parties.
a
gauche, ce sont quelques cahutes appartenant à une seule famille à
peine arrivée de blaj, une ville roumaine de 20 000 habitants. une
jeune fille balaie le chemin de terre qui traverse les lieux. un jeune
homme édenté fait visiter sa baraque branlante. un transistor branché
sur une batterie de voiture diffuse une musique de son pays. l'homme
danse. il ne parle pas un mot de français.
a
droite, les bicoques sont plus nombreuses, les habitants moins
accueillants. les hommes qui vivent là sont de bucarest ou de
timisoara. ils expliquent qu'ils sont roms. sans travail ni argent.
sans famille aussi. ils espèrent trouver un emploi pour gagner un
salaire et le droit de rester vivre en france. les occupants méfiants à
l'égard des journalistes deviennent nerveux. un homme coiffé d'un
borsalino refuse de répondre aux questions, il arrache les notes du
journaliste. ces roms vivent ici depuis trois ans en gagnant leur vie
chichement. leurs seules activités, disent-ils, se résument à faire la
manche dans le métro, en attendant de trouver un vrai boulot pour
échapper à l'expulsion. alors, avec quelques pièces et sans papiers,
ils se débrouillent pour survivre. une survie de clandestins. aucun,
pourtant, n'est fiché par les services de police.
des
travaux de construction d'immeubles ont débuté sur leur terrain. les
squatters sont invités à quitter les lieux. en attendant, la mairie de
paris leur assure un suivi sanitaire et social et leur a offert des...
poubelles. quant à un éventuel relogement des 150 roms du bidonville,
aucun programme précis n'a été présenté.
aubervilliers.
banlieue de paris. ici, les industries fleurissent sur les rives du
canal saint-denis. au loin, le stade de france redessine l'horizon,
symbole d'une patrie hier encore triomphante. les ouvriers laborieux
vont et viennent selon les heures et les plannings de la journée. quant
aux tsiganes, ils vivent ici en permanence. ce sont des dizaines de
campements de misère qui s'étendent de la cimenterie de la ville aux
parcelles reculées des bords du canal. autant de no man's land sordides
et insalubres, où les laissés-pour-compte s'octroient une place. ils
sont environ un millier sur la commune. des hommes, des femmes et des
enfants totalement marginalisés. une vingtaine de caravanes défoncées
abrite un groupe d'individus originaires de roumanie. le rer passe
au-dessus de leurs têtes dans un fracas assourdissant. dix, vingt,
trente fois par jour. impossible de s'entendre dans ce déluge de
décibels. personne ici ne s'inquiète de son avenir. la précarité est un
souci qui se gère au quotidien. dans cette zone de non-droit, chaque
clan, chaque famille, chaque village s'approprie un lieu et refuse de
se mélanger aux autres.
dans
un secteur aussi inadéquat que surprenant, une centaine de roms vivent
reclus derrière les murs d'un hangar désaffecté. dans cette coquille de
métal, ce sont vingt-sept baraques alignées parfaitement. personne ici
ne parle un mot de français. pas un ne connaît sa date de naissance.
aucun ne sait lire ni écrire. les 40 enfants qui vivent là n'ont jamais
usé leurs fonds de culotte sur les bancs d'une école. ils ont échoué là
il y a trois ans, un visa touristique valable trois mois en poche. ils
n'ont qu'un seul voeu : trouver un emploi. en attendant, ils vendent
des journaux dans le métro et des fleurs sur les trottoirs de la
capitale.
les enfants au
nez morveux semblent pourtant s'épanouir. les plus jeunes s'accrochent
au sein de leur mère. les autres se dispersent dans les maisons de
fortune. des bâches protègent de la pluie. des tapis isolent les murs.
des planches de bois structurent l'habitation. d'anciens panneaux
publicitaires servent de déco. ils sont cinq, voire six à partager le
même logis dont la surface ne dépasse guère les quinze mètres carrés.
chaque cahute a son poêle alimenté en permanence pour lutter contre le
froid hivernal. il y a quelques semaines, un incendie a ravagé les
lieux. une cigarette oubliée ; peut-être un feu mal éteint... pas de
blessés donc pas d'inquiétude. d'ailleurs, ces tsiganes sans passé,
sans histoire et sans avenir vont être expulsés hors de france. la
mairie veut «nettoyer» la ville, c'est juste une histoire de semaines.
au-delà de leurs inquiétudes, les roms savent qu'ils reviendront dès
qu'ils auront économisé les quelques milliers d'euros exigés par les
passeurs.
que faire face
à ces centaines d'errants sans logis. les roms sont les premières
victimes de la pauvreté galopante qui sévit aujourd'hui en france.
dans un français martyrisé, anghel conclut : «de toute façon, pas grave. c'est cinq siècles que c'est comme ça !»
30 avril 2006 dans société | lien permanent
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rÉalisÉ par claudie baran, cyril hofstein et lÉopold sanchez
28 avril 2006, (rubrique figaro magazine)
le développement, ces dernières années, du phénomène de la précarité a
donné naissance à de nouveaux comportements chez les citoyens les plus
défavorisés.
avec l'arrivée des beaux jours,
la rue parisienne voit se multiplier une population errante de plus en
plus nombreuse. car la précarité a son rythme de vie et ses habitudes,
sa hiérarchie aussi. ainsi, les abords du centre georges-pompidou (iiie
arrondissement), où le côté nord du bâtiment est occupé par un groupe
de sept ou huit individus plutôt «folklos» qui ont formé là une sorte
de village nomade avec ce qu'ils ont récupéré dans les bennes à
ordures. ils se font la cuisine ou interpellent le passant, sous le
regard amusé d'une cinquantaine de gamins qu'un bus vient de débarquer
sur le parvis de beaubourg. changement d'image pour les cinq ou six sdf
qui ont dressé leurs tentes côté sud, à l'angle de la rue saint-merri.
dans un recoin du centre, surplombant le parvis, on peut les voir
ranger soigneusement leurs affaires, brosser leurs couvertures ou laver
leur linge avant de l'étendre sur une corde tendue entre les abris qui
se font face. ils forment là, avec leurs toits de toile nichés les uns
contre les autres, une sorte de petit campement qu'un chien de berger
protège des intrus. une veste sombre se balance sur un cintre. «je la soigne au cas où je serais convoqué pour un boulot»,
déclare son propriétaire, michel. il est cuisinier de formation, mais
cela fait bien trois ans qu'il n'a pas exercé son métier. «c'était en province, dans un endroit qui puait la crasse, avec un patron qui ne nous payait pas...» il garde cependant l'espoir : «sûr, je suis actuellement dans la panade, déclare-t-il goguenard, mais ça va s'arranger... j'ai bon moral !»
si les «squatters» de
beaubourg ont entre 30 et 40 ans, ceux de la place des innocents (ier
arrondissement) sont nettement plus jeunes. ils ont dressé leur
campement de toile pratiquement en face du poste de police des halles,
pour être plus tranquilles. jean-guy était peintre-décorateur. il y a
cinq ans encore, il travaillait sur des chantiers à paris, au théâtre
du châtelet, et en province. «c'était parfois la galère !, bougonne-t-il entre deux gorgées de bavaria 8.6, mais, il y avait encore du travail.» et puis, il a vu les chantiers se raréfier et la course aux petits boulots a commencé : «je
me suis mis à rénover des appartements, puis à donner des coups de main
de droite et de gauche, sur les marchés, les déballages de brocante, en
province.» jusqu'au jour où sa femme est partie avec son fils, âgé de 5 ans ! «d'abord, j'ai pensé que j'allais m'en sortir plus facilement en étant seul. alors que c'est le contraire qui s'est passé.»
ne pouvant pas donner de garanties financières pour louer un
appartement, jean-guy s'est provisoirement rabattu sur les centres
d'hébergement. «en quelques mois, j'en ai fait six !» avec la fermeture du dernier, il s'est retrouvé dans la rue.
pour se laver, les sdf
parisiens utilisent les toilettes publiques. la grande révolution dans
la vie des «précaires» a eu lieu, il y a deux ou trois mois, avec la
gratuité des sanisettes decaux. malheureusement, elles ne sont plus
accessibles après 22 heures. aussi, la décision de les laisser ouvertes
en permanence est-elle actuellement en discussion au ministère de
l'intérieur. elle éviterait que des sans-abri s'y laissent enfermer la
nuit, avec impossibilité d'en sortir avant 6 heures du matin. comme
c'est le cas du «sadou» qui hante la sanisette pour handicapés de la
rue réaumur. ensaché dans un longi, sorte de linge blanc qui le
couvre jusqu'aux pieds comme une toge, sur laquelle s'étale sa longe
barbe poivre et sel, il a élu domicile dans ce réduit d'un mètre de
diamètre, dans lequel il dispose d'eau courante et d'un siège pour se
reposer.
ces petites communautés
«suburbaines» ont leur règlements, leur chef et leur trésorier (c'est
souvent la même personne). bruno a 25 ans et cela va faire deux mois
qu'il a élu domicile sous la colonnade de la rue de viarmes (ier
arrondissement). avant d'être là, il habitait un appartement avec des
copains. mais la police les a délogés, car il ne payaient plus de
loyer. eux aussi ont reçu des tentes de médecins du monde, auxquelles
il ont ajouté une tente rouge achetée avec leurs deniers. c'est elle
qu'occupe bruno, un ancien livreur, qui a perdu son emploi cela va
faire trois ans.
«qu'est-ce que vous voulez ..., soupire-t-il avec un certain fatalisme, c'est
la vie ! j'ai connu des temps meilleurs. j'étais livreur, jusqu'au jour
où mon patron a dû mettre la clé sous la porte. j'ai suivi alors des
stages pour me reclasser dans le métier de chauffeur pour les sociétés.
mais j'ai pas été sélectionné ! un an et demi, maintenant, que je suis
en galère ! pas assez d'argent pour obtenir un logement... il ne me
reste que la solution de la rue !»
«on veut rien d'autre que mener
une vie normale !,crie un autre depuis sa tente, où il suit notre
conversation, allongé sur son sac de couchage, avoir un boulot et un
toit ! vous croyez que c'est une vie d'être comme cela, dans la rue ?»
il y a ceux qui habitent dans
les églises, comme à saint-nicolas-des-champs, et ceux qui hantent la
cafétéria de beaubourg. mêlés aux étudiants qui cassent la croûte par
terre, à quelques mètres des machines à café, on les remarque à leurs
mines hâves et à leurs vêtements crasseux. il faut les voir, le matin,
à l'heure d'ouverture de la bibliothèque du centre, lorsqu'ils font la
queue devant les toilettes du premier étage. ils sont là, pour se
laver, avaler un café, faire un brin de conversation, griller une
cigarette sur les coursives extérieures ou mener un semblant de vie
sociale... parfois, ils viennent occuper un siège dans la médiathèque,
le temps de regarder un film sur les écrans, ou sommeillent sur une
table de la bibliothèque... jusqu'à 22 heures, où la fermeture des
portes les oblige à quitter la bibliothèque pour retrouver la rue.
30 avril 2006 dans société | lien permanent
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depuis le temps, huit semaines, que la faculté de rennes-ii est bloquée, de nouvelles habitudes se sont imposées. et le rythme universitaire des cours en amphi, des travaux dirigés et de la recherche de polycopiés s'est effacé devant celui de la lutte, qui a gagné les esprits et envahi l'espace.
le lundi est jour d'assemblée générale. au pied du bâtiment b, occupé par les grévistes, environ 5 000 étudiants, soit le quart d'un campus regroupant un peu plus de 20 000 jeunes, prennent connaissance, enthousiastes, rassérénés ou dépités, du programme de la semaine. si l'occupation de la fac et la grève sont reconduites – et elles le sont toujours conjointement et à mains levées – alors mardi, il y aura manif, mercredi, une nouvelle ag, jeudi, manif, puis on entrera dans le week-end, ce qui n'exclut pas quelque action le vendredi et une manif le samedi. et, comme jadis les travaux dirigés menés en petits groupes, les différentes commissions – actions «internes», «externes», «coordination régionale» et opérations «antirépression» – se chargeront d'approfondir la méthode et le travail. ceux de la lutte, s'entend.quand tout cela a-t-il commencé ? on ne le sait plus bien, cela fait si longtemps, et les racines du mal-être et de la révolte sont si anciennes. mais c'est dans la première quinzaine de janvier que les différents responsables de mouvements et syndicats estudiantins ont pris langue. ils se connaissent, à force de se croiser sur le campus, et aussi pour s'être côtoyés lors de précédentes manifestations, notamment celles de 2003 contre la modification du cursus universitaire. ici plus qu'ailleurs, chaque nouvelle réforme est vécue comme une agression. et après celle du cne, celle du cpe – annoncée le 16 janvier par dominique de villepin – a nourri rancoeurs et discussions, jusqu'à la réunion du 30 janvier.non loin du bâtiment b, dans un préfabriqué, ils étaient tous là, les durs de la cnt et de sud, les jeunes communistes, socialistes, les gauchistes de la lcr ou de lo, les membres de la mnef, et les indépendantistes bretons du slb. «il y avait même des jeunes radicaux de gauche, je ne savais pas que cela existait», se souvient, hilare, un participant. et tous – ils sont une grosse trentaine – décident que, dorénavant, tout se décidera en assemblée générale.la première, à laquelle participent deux cents personnes, a lieu le lendemain. ce n'est que le début de la farandole. la lutte a trouvé sa machine à produire de la grève, son engrenage contestataire. il s'agit d'abord de préparer la manifestation nationale contre le cpe du 7 février. Évidemment, à l'issue de celle-ci, l'ag vote le blocage de l'université. il y a donc aujourd'hui deux mois, rennes-ii, avant toutes les autres facultés, est entrée en «résistance», selon le mot d'ordre répété à chaque manifestation. les étudiants de «rennes-ii ont toujours été à la pointe de la mobilisation», observe christian le bart. ce professeur à l'institut d'études politiques de la capitale bretonne rappelle que, «dans les années 70 déjà, les enseignants de rennes-ii étaient plus politisés qu'ailleurs» et que «chez les étudiants, il y a un savoir-faire qui se transmet». arrivée en 1967 comme professeur de lettres dans cette faculté, francine dugast se souvient qu'«en mai suivant, l'université, du jour au lendemain, a réagi très vivement. ici, constate- t-elle, les débats conduisent rapidement à des extrapolations métaphysiques». c'est le caractère breton. celui de têtes dures comme le granit battu par l'air du grand large, les rêveries idéologiques et parfois aussi les brumes de l'ivresse.depuis 68, chaque gouvernement auteur d'une loi concernant la jeunesse a connu la fronde gaélique. en 1994, rennes-ii est restée parmi les dernières universités mobilisées contre le cip. en 1995, elle a fait grève pendant un mois, quasi seule. et, en 2003, elle a, la première, voté l'occupation des locaux. comme si la contestation grandissait à mesure qu'avançait la mondialisation libérale et que, parallèlement, évoluait la donne sociologique locale. rennes, agglomération de 380 000 habitants, compte 60 000 étudiants, le tiers de sa population. et il ne faut pas oublier les lycéens, les jeunes travailleurs et tous ceux traînant, ivres, dans les rues, accompagnés de leurs chiens.ne lui en déplaise, une partie de la jeunesse rennaise révoltée souffre moins d'un manque de pain et de considération que d'un abus d'alcool. chaque soir, des cadavres de bouteilles jonchent le sol du bâtiment b. des effluves alcoolisés flottent également en centre-ville autour du «village autogéré» – l'ag a décidé de planter piquets de grève, tentes et toilettes sèches place du parlement de bretagne, occupée depuis dix jours par une vingtaine de jeunes souhaitant «recréer un espace de citoyenneté».c'est encore l'alcool qui unit contre la «préfète», bernadette malgorn, qui entend encadrer les beuveries de la rue saint-michel, surnommée «rue de la soif». et contre les crs, autre symbole de l'autorité, sur lesquels pleuvent les canettes de bière vides, quand les fins de manifestations dégénèrent, immanquablement, place de bretagne, au grand dam des commerçants, dont les chiffres d'affaires ont chuté avec leurs vitrines.dans ce contexte, il y a rennes-ii, la fac des sciences sociales du travail – une spécialité –, des lettres, d'histoire, de psycho et de langues, dont le breton ; autant de matières vers lesquelles convergent nombre de boursiers, de fils d'agriculteurs et de filles de la petite bourgeoisie, tous ces enfants pour lesquels le bac représente un sésame pour une vie meilleure. a rennes-i, les rejetons de la bretagne plus aisée et instruite étudient les sciences, font leur droit et s'arrangent pour contester le cpe – qui fait l'unanimité contre lui – sans manquer leurs cours.la lutte se mène donc à rennes-ii, lors d'ag parfois tendues. comme le 8 mars, où les «pro» et les «antiblocus» se séparent en deux blocs de taille équivalente, à gauche et à droite de la tribune. comme le 13 mars, jour où marc gontard, le président de l'université, après s'être prononcé contre le cpe et contre toute intervention policière dans ses locaux, tente d'organiser un vote à bulletins secrets. puis, devant la menace d'échauffourées, y renonce. «pour nous, c'est clair, souligne anthony, le président soutient le mouvement.» avec ses copains de la coordination antiblocage, anthony dessine désormais des silhouettes à la craie sur le sol, pour symboliser cette année où les étudiants de rennes-ii sont morts scolairement. c'est un peu dérisoire, mais que faire ? «c'est l'ag qui décide», explique thomas, pour justifier la décision de refuser le vote à bulletins secrets du 13 mars dernier. «l'ag, récite thomas, c'est l'organe législatif et exécutif. et les votes se font à mains levées, pour l'efficacité des décisions.»alors les lundi et mercredi, jours d'ag, reprennent la même litanie. jean-marie : «chirac n'est pas malentendant, il est sourd.» gwen : «les jeunes européens sont contre le capitalisme.» kevin : «il faut nous approprier les médias et construire dès maintenant la grève générale.» anaïg : «en aucun cas, cette année sera une année blanche.» lucie : «nous, on mène une vraie lutte. on se bat pour l'abrogation de toute la loi sur l'égalité des chances. arrêter aujourd'hui, c'est deux mois de lutte pour rien.» et puis on vote le blocage.cette formalité remplie, les palabres se poursuivent dans le hall du bâtiment b, parmi des slogans affichés qui n'ont pas la force et l'inventivité de ceux de mai 1968. seul le journal du «mouvement» libère une parole structurée et piquante. il s'appelle le 69.3. non en référence au département du «9-3», ce qui serait ridicule dans cette faculté sans enfants d'immigrés. mais avec le désir que la loi sur le cpe adoptée, selon la procédure de l'article 49.3, «aboutisse à un renversement de la situation que nous avons appelé 69.3».avec plus de sérieux, elena, catelle et solenne filtrent, puisque c'est leur tour, les entrées. ces étudiantes en première année répètent qu'«à l'université, une grève sans blocage, ce n'est pas possible. cela avantagerait le petit nombre qui irait quand même en cours». «et puis, ajoute solenne, le blocage permet de bien organiser les manifs.»
21 avril 2006 dans pour rire, société | lien permanent
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point de vue
l'angoisse du petit patron face à l'embauche, par michel volle
je vis à la campagne, loin de paris et des universités. il n'y a pas
d'établissement de plus de cent salariés à vingt kilomètres à la ronde.
nos entreprises sont des pme : maçons, électriciens, charpentiers,
couvreurs, plombiers, plâtriers, carreleurs, jardiniers, menuisiers, et
aussi commerces petits et moyens : équipement informatique,
chocolatiers, pâtissiers, épiciers, matériaux de construction,
coiffure, etc.ces pme marchent très bien. elles sont surchargées de travail. leurs
clients s'inscrivent sur des listes d'attente. elles pourraient doubler
leur effectif salarié sans manquer de commandes, mais elles ne le font
pas parce que leurs patrons ont peur.
ces "patrons" sont des
ouvriers qui ont monté une entreprise. ils travaillent comme leurs
salariés, pelle, marteau ou tournevis à la main, qu'il vente ou qu'il
pleuve, la différence étant qu'en outre ils exercent une fonction
d'organisation et qu'ils sont en première ligne dans la relation avec
le client. ils appartiennent au même milieu social que leurs salariés,
qui se mettront un jour eux aussi "à leur compte" s'ils se sentent
capables de supporter les soucis que cela comporte.
ces soucis
viennent pour l'essentiel des difficultés rencontrées avec les
débutants. certes ceux-ci sont, dans leur majorité, assimilables. mais
certains procurent au chef d'entreprise des ennuis qu'il est impossible
d'imaginer de loin.
parmi ceux que le système éducatif (famille,
médias, école), notoirement dégradé, envoie aux entreprises se trouvent
en effet des personnes qui ne savent ni lire, ni écrire, ni compter, ni
parler, ni écouter, ni se laver, ni respecter un horaire, ni admettre
qu'on leur donne un conseil - ou qui, sans présenter toutes ces
lacunes, en conjuguent plusieurs, fort gênantes. quand vous êtes patron
et que vous tombez sur un de ces cas-là, c'est dur ! mais il sera
soutenu par sa famille, ce qui compte dans nos petites agglomérations.
le syndicaliste de la ville la plus proche viendra le défendre pour
mener la lutte des classes dans l'arrière-pays, et fera tout pour vous
envoyer devant les prud'hommes. les indemnités réclamées sont de nature
à couler votre entreprise et vous-même. vous vous tirez de l'épreuve,
au mieux, avec plusieurs jours et nuits d'angoisse.
celui qui a
été ainsi échaudé devient craintif. c'est le grand obstacle à
l'embauche dans les pme. c'est cet obstacle, essentiellement
psychologique et pourtant réel, que le contrat nouvelles embauches
(cne) puis le contrat première embauche (cpe) avaient commencé à lever.
je le répète, ces "patrons" sont sociologiquement des ouvriers. ils
n'ont pas de directeur des ressources humaines, pas de service
juridique. ils doivent tout assumer eux-mêmes et la plupart d'entre eux
sont mal à l'aise devant les paperasses, devant le langage des
inspecteurs du travail, qui s'appuient sur un code incompréhensible de
2 000 pages.
ils ont entendu que le ps et les syndicats
entendaient obtenir, après le retrait du cpe, l'abrogation du cne et,
dans la fronde des étudiants, ils ont vu un refus de l'entreprise et du
travail. je connais un chef d'entreprise de 22 ans,
électricien-plombier-chauffagiste, qui travaille avec trois ouvriers.
il a quitté le collège pour apprendre un métier. Évidemment, il était
pour le cpe. ses ouvriers aussi. parce que, au sortir du lycée
professionnel, il faut acquérir une expérience, et tout ce qui peut
faciliter l'accès au premier emploi est bienvenu.
tout cela
serait anecdotique si la situation dont je suis témoin ne représentait
pas un pourcentage significatif du marché du travail en france.
beaucoup, dans ce pays, ne savent pas ce qu'est une entreprise. il faut
avoir embauché des salariés, en avoir formé, licencié, promu,
encouragé, réprimandé ; il faut avoir été traîné aux prud'hommes par
des personnes de mauvaise foi, avoir subi le formalisme des procédures,
avoir payé les amendes et dédommagements. il faut avoir fait le tour de
cette relation humaine si forte et si délicate, si constructive le plus
souvent, si décevante parfois, pour entrevoir ce que vit un patron de
pme et échapper aux stéréotypes.
la proportion des pervers est la
même parmi les salariés que parmi les patrons, ni plus ni moins.
certaines entreprises ont été coulées par des salariés ou des syndicats
abusifs. des abus, il y en a eu et il y en aura, des deux côtés. mais
il n'appartient pas à la loi de sonder les coeurs. elle ne fait que
formuler des règles que l'on doit soumettre au seul critère, à la fois
formel et pratique, de l'équité. il revient ensuite aux acteurs de se
comporter selon les valeurs humaines qu'ils entendent promouvoir.
notre
pays a besoin de rénover des institutions qui sont le fruit très
élaboré d'un système technique révolu. la part de l'emploi industriel
dans les pays riches diminue depuis une trentaine d'années. mais les
corporations, perchées sur les institutions, se cramponnent à des
"acquis" qui, en l'occurrence, maintiennent les chômeurs et les
débutants hors de l'emploi. en faisant du "libéralisme" et de la
"globalisation" des épouvantails, elles bloquent toute évolution, même
raisonnable et aussi éloignée que possible du libéralisme dogmatique.
michel volle est économiste.article paru dans l'édition du 14.04.06
20 avril 2006 dans crevures, curiosités, politique, pour rire, société | lien permanent
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autour du cpe, l'un se joue le mélodrame du pouvoir et les autres celui de la révolte.
place aux événements voyous
par jean baudrillardvendredi 14 avril 2006
jean baudrillard écrivainendons
grâce à m. de villepin de se sacrifier sur l'autel du pouvoir, non
seulement par ambition personnelle mais pour faire la preuve qu'il y a
encore du pouvoir, et en sauver l'idée, dans une scène politique en
pleine décomposition. et, dans son cas, cela est d'autant plus
pathétique qu'il le fait au nom du libéralisme mondial, celui-là même
qui, justement, met fin un peu partout à l'exercice du pouvoir
proprement politique. en face, et c'est toute l'ironie de la situation,
les jeunes et les étudiants se battent eux aussi pour sauver une
vieille idée, celle de la révolte, et laisser croire qu'il y a encore,
au fond de cette société stagnante et croupissante, dont les seuls
idéaux sont devenus ceux du confort, de la performance et de la
sécurité, une force vive et irréductible, de refus et de subversion.
mais le plus drôle et le plus pathétique là aussi, c'est qu'ils le font
en revendiquant exactement les modèles de vie et de société, de
programmation économique de travail et d'existence qui sont à l'origine
de l'ennui et du désenchantement de cette même société.
donc, à
ce niveau d'interprétation, le bilan est plutôt consternant : on a
affaire à un événement farce, où l'un se joue le mélodrame du pouvoir
et les autres, celui de la révolte, sans que personne fasse
véritablement figure d'acteurs historiques. on aurait affaire à cette «farce schizophrénique»
dont parle ceronetti, trompe-l'oeil destiné à masquer la fin de tout
pouvoir aussi bien à ceux qui croient l'exercer qu'à ceux qui croient
le subir en même temps que la fin de tout contre-pouvoir. duo
théâtral et sans conviction. c'est peut-être tout simplement que, s'il
y avait un sujet de l'histoire, il n'y a plus de sujet de la fin de
l'histoire...
cela, c'est l'interprétation au premier niveau,
mais une tout autre interprétation est possible, si on prend
l'événement de profil, et non de face, c'est-à-dire si on sort
radicalement l'événement de toutes ses motivations prétendues, qui en
font une équation à somme nulle. si on le repense dans la succession
d'événements du même type ou plutôt atypiques ceux-là qu'on
s'efforce de faire passer pour des symptômes d'une crise politique et
sociale. le «21 avril», le «non au référendum», les émeutes de
novembre, les convulsions du cpe : autant d'événements complices, plus
ou moins aveugles, d'événements imprévisibles, récalcitrants, que
j'appellerai «événements voyous». a l'image des «etats voyous», qui se
soustraient à l'ordre mondial et à son emprise hégémonique, ces
événements font irruption sur une scène politique complètement
désinvestie et disqualifiée. ils n'en changent pas les données, car
cette scène ne mérite même pas d'être changée. (c'est sans doute
pourquoi les étudiants, à la différence de ceux de 68, n'ont jamais pu,
ou jamais voulu, faire monter les enjeux politiques car, au fond, il
n'y a même plus assez de pouvoir en face pour qu'on veuille le
renverser.)
ces convulsions ne s'inscrivent pas dans la
continuité des événements historiques. mais ils traduisent, au-delà du
politique, une réaction, une abréaction bien plus profonde, à un ordre
du monde devenu insupportable. a ce stade, peu importent finalement les
acteurs. que ce soient ceux qui ont voté le pen le 21 avril, la masse
«réactionnaire» qui a voté non au référendum, les barbares des
banlieues ou les étudiants du cpe, et peu importe également les
motivations avancées, la plupart du temps irréelles et dérisoires, ce
qui importe, c'est que de tels événements voyous (rogue events) mettent fin pour un temps à la succession des événements farce, des événements fantômes (fake events, ghost events) élections, corruption, révolution numérique, etc. qui remplissent notre actualité au fil des jours et des années.
d'ailleurs,
ce concept d'événement voyou peut s'élargir bien au-delà de la scène
politique. la grippe aviaire, la vache folle, les séismes et les
catastrophes naturelles en font partie à leur manière. on a bien rangé
le tsunami dans l'axe du mal ! (et dans la grippe aviaire, ce sont les
canards sauvages qui portent le virus de la terreur). bien sûr, c'est
l'événement majeur du 11 septembre qui a inauguré cette nouvelle
séquence d'événements parallèles, incontrôlables et qui ouvre sur ce
que sera désormais le grand antagonisme mondial, qui n'est plus
seulement politique, économique ou social, mais symbolique avant tout,
entre une puissance qui vise à une mainmise totale sur la réalité, et
une contre-puissance obscure, celle du monde qui résiste aveuglément à
sa propre mondialisation. et cela ne se joue pas en termes de rapports
de force : le duel est asymétrique.
là, le système, qui n'a sans
doute plus rien à craindre de la révolution, ferait bien de se méfier
de ce qui se développe ainsi dans le vide. car plus s'intensifie la
violence intégriste du système, plus il y aura de singularités qui se
dresseront contre elle, plus il y aura d'événements voyous. nos petits
événements hexagonaux peuvent paraître insignifiants à notre échelle
(et d'un certain point de vue, ils le sont), mais, pris à un autre
niveau, ils ressuscitent l'essentiel l'insurrection mentale contre le
pire.
le pouvoir, lui ou ce qu'il en reste, n'a plus qu'une
fonction sécuritaire, préventive et policière : annuler, liquider,
effacer les traces de ces événements hors norme. quant à en effacer les
causes, c'est impossible il faudrait changer toutes les données ; or
le pouvoir tel qu'il est ne vit que de cette situation pourrie.
désamorcer de telles situations, sauver les apparences (exactement ce
qui se fait actuellement en france). mais on sait que toutes ces
procédures de récupération n'ont jamais fait que fomenter d'autres
événements plus graves encore. derrière les défis idéologiques des uns
aux autres, derrière la confusion de la scène médiatique, il faut
saisir quelle situation mondiale est en jeu : celle de l'affrontement
entre une puissance hégémonique, maîtresse des rapports de force, et
une résistance irréductible qui peut surgir de partout.
a ce niveau-là, les jeux ne sont pas faits, et le suspense est total.
dernier ouvrage paru : les exilés du dialogue, avec enrique valiente noailles, éd. galilée (2005).
17 avril 2006 dans livres, société | lien permanent
(ouais ouais ouais)
la chambre
d'instruction de la cour d'appel d'aix-en-provence a confirmé jeudi le
non-lieu rendu par les juges niçois dans l'affaire du viol présumé dont
était accusé le chanteur.
«c'est la fin définitive de l'affaire», s’est félicité me gilles
portejoie, l’avocat de johnny hallyday. la chambre d'instruction de la
cour d'appel d'aix-en-provence a confirmé le non-lieu rendu dans
l'affaire du viol présumé dont était accusé johnny hallyday par une
hôtesse qui affirmait en avoir été victime en avril 2001 à bord d'un
yacht amarré à cannes.
« cette décision constitue un immense soulagement pour la défense de
johnny hallyday. c'est la fin définitive d'un cauchemar qui dure depuis
quatre ans », a souligné l'avocat.
l’affaire
c'est en avril 2002 que, marie-christine vo, 37 ans, avait porté
plainte pour viol accusant le chanteur, son ex-employeur, de l'avoir
agressée sexuellement au cours de la nuit du 28 au 29 avril 2001. a la
suite de cette plainte, le parquet de nice avait ouvert une information
judiciaire contre x en mars 2003 pour « viol, menaces sous conditions
et appels téléphoniques malveillants ». fin janvier 2006,
marie-christine vo, avait fait appel de la décision de non-lieu rendue
le 17 janvier par le juge d'instruction niçois philippe dorcet. ce
dernier s'était conformé aux réquisitions du procureur eric de
montgolfier.
cette décision de la cour d'appel vient mettre un point final à une
affaire très médiatisée, au cours de laquelle johnny hallyday a été
entendu par la justice en tant que « témoin assisté », le chanteur
n'ayant jamais été mis en examen.
13 avril 2006 dans crevures, curiosités, société | lien permanent
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la rivalité sarkozy-villepin entrave la sortie de crise
le monde | 08.04.06 | 10h08 • mis à jour le 08.04.06 | 10h19
a
sortie de crise frôle la sortie de piste. la rivalité accrue par la
crise du contrat première embauche (cpe) entre dominique de villepin,
qui a du mal à faire le deuil de son projet, et nicolas sarkozy, qui
souhaite s'en débarrasser au plus vite, a bloqué, vendredi 7 avril, un
processus qui paraissait sur le point d'aboutir. le groupe des six avec villepin. a
15 heures, bernard accoyer et josselin de rohan, les présidents des
groupes ump de l'assemblée et du sénat, les ministres jean-louis borloo
et gérard larcher, ainsi que les deux rapporteurs, sont dans le bureau
du premier ministre à matignon. ils lui exposent le scénario qu'ils
souhaitent dévoiler un peu plus tard devant la presse. celui-ci prévoit
une proposition de loi déposée avant le 15 avril, date des vacances
parlementaires, suspendant l'article 8 de la loi sur la cohésion
sociale et son remplacement par un nouveau dispositif élaboré avec les
partenaires sociaux ciblé sur les jeunes en difficulté et non plus à
destination de tous. cette solution, préconisée par m. sarkozy et
jean-louis borloo, doit être présentée lundi 10 avril. "il s'agit
de donner un coup de chance majeur à ceux qui en ont le plus besoin,
explique-t-on dans l'entourage du ministre de l'emploi. un truc très
cohésion sociale." stupeur : m. de villepin refuse cette
initiative parce qu'elle signe la mort officielle du cpe et exige la
suppression de toute référence à un délai. "il cherche quoi ? on
nous a confié une mission, on a fait des propositions, on a réussi à
intéresser les syndicats, et lui, il refuse cette sortie de crise", s'insurge-t-on chez les négociateurs de l'ump. "quelle sortie de crise ? rétorque un député villepiniste, cette solution n'avait rien d'enthousiasmant. tout ça pour nous sortir un relookage du contrat aidé !" du coup, c'est une déclaration a minima que préparent ensemble le premier ministre et ses visiteurs.pressions sur jacques chirac. la suite se
joue dans le secret de l'elysée. le chef de l'etat qui a été informé
plusieurs fois par jour des progrès de la discussions avec les
partenaires sociaux est l'objet d'une lutte d'influence effrénée entre
m. de villepin et m. sarkozy. le premier ministre sait que m. sarkozy
doit exposer samedi 8 avril dans un entretien au figaro ses
solutions. insupportable ! de son côté, le ministre de l'intérieur
comprend qu'il est allé trop vite en s'arrogeant la paternité des
mesures pour sortir la droite du bourbier. pour sauver son scénario, il
se dit prêt à renoncer à son entretien – ce qu'il fera. "si vous souhaitez que villepin fasse le 20 heures, qu'il le fasse", plaide-t-il par téléphone auprès de m. chirac. il ajoute : "ne craignez rien, je ne suis pas candidat au poste de premier ministre".
en fin d'après-midi, m. de villepin est dans le bureau du chef de
l'etat pour plaider directement sa cause. selon un responsable ump, "la relation entre les deux hommes est devenue incroyable, comme si le président avait peur de son premier ministre". a l'elysée, on nie toute entravedans le processus : "les
présidents de groupe doivent élaborer une proposition. on est très
exactement dans le processus arrêté par le premier ministre".
quatre minutes de conférence de presse. pas
moins de 60 journalistes assistent, à 18 h 30, à la conférence de
presse des négociateurs à l'assemblée nationale. lci en assure même la
retransmission en direct. l'événement pourtant sera bref. m. accoyer
lit sa déclaration écrite d'un ton neutre. "nous avons reçu les 5,
6 et 7 avril dix-neuf organisations représentatives des partenaires
sociaux, des organisations d'étudiants et de lycéens. cette mission
nous a été confiée par le gouvernement. cet échange approfondi a permis
à chacune de ces organisations d'exposer sa position sur la crise
actuelle et ses propositions pour en sortir dans les meilleurs délais.
elles nous ont également fait connaître les sujets qui pourraient faire
l'objet d'échanges ultérieurs. sur ces bases, une synthèse sera dégagée
pour élaborer dans la concertation la proposition de loi que le
gouvernement nous a demandée." fin de déclaration, pas de questions. "on est juste des faire-valoir, alors qu'on a bossé comme des fous!", lâche, amer, un député. les syndicats spectateurs des déchirements de la droite. face
à cette absence de proposition concrète, les syndicats assistent
médusés aux déchirements entre m. de villepin et m. sarkozy, conscients
qu'une partie de la crise trouvera sa solution dans l'apaisement des
relations entres les deux hommes. mais le scénario de "la suspension-substitution", qui prévoit de remplacer le texte du cpe par un autre sans prononcer le mot "abrogation",
ne les satisfait pas totalement. ils se réuniront le 10 avril et
pourraient décider d'une journée d'action nationale si aucune mesure
satifaisante ne leur était présentée. ils veulent que "le cpe disparaisse dès lundi". a la cfdt, on rejette l'idée d'une suspension de quelques mois, de crainte qu'en cas d'échec de la négociation "le cpe revienne dans le paysage", expliquait, vendredi, rémi jouan pour la cfdt. sarkozy entre ironie et optimisme. dans leur circonscription, les députés ump qui plaident pour "la mort" du cpe sont atterrés. "mes électeurs sont à bout, explique l'un d'eux, ils ne me demandent plus de tenir mais de les sortir de cette m..."
plusieurs élus de l'ump menacent, si rien ne bouge d'ici le 10 avril,
de rédiger une proposition de loi d'abrogation du cpe. un conseiller de
matignon assure que "le premier ministre va réfléchir ce week-end à tous les scénarios". l'entourage de m. sarkozy balance entre l'ironie sur le "grand cirque de villepin", l'abattement, "parce plus le temps passe, plus les solutions seront difficiles à trouver", et l'optimisme raisonné, "car seules nos solutions son acceptables". vendredi soir, un conseiller du ministre de l'intérieur confiait : "on n'a pas abouti, mais on a avancé."service france
08 avril 2006 dans politique, pour rire, société | lien permanent
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après les auditions, les parlementaires se donnent le temps de la réflexion sur le cpe
lemonde.fr | 07.04.06 | 17h12 • mis à jour le 07.04.06 | 20h14
e
président du groupe ump à l'assemblée nationale, bernard accoyer, et
son homologue du sénat, josselin de rohan, ont annoncé, lors d'une très
brève conférence de presse, vendredi 7 avril, qu'ils réaliseraient une "synthèse" pour "élaborer, dans la concertation, une proposition de loi"
, après les rencontres avec les organisations syndicales. ils n'ont
donné aucune précision sur les possibles évolutions du cpe.plus tôt dans la journée, ils s'étaient rendus à
matignon pour faire part de leurs conclusions au premier ministre et
ont eu un entretien téléphonique avec nicolas sarkozy. ils ont
également fait part de leurs conclusions à jacques chirac. selon
l'entourage de bernard accoyer, les parlementaires ump sont "déterminés à tout faire pour que la proposition de loi" sur l'emploi des jeunes "soit prête dès lundi". "durant tout le week-end", les membres de la commission "vont travailler" à la rédaction de cette proposition en relation avec jean-louis borloo et gérard larcher.
le
premier ministre, dominique de villepin, a été reçu pendant une heure
vendredi en fin d'après-midi à l'elysée, mais est reparti sans faire
aucun commentaire à la presse. "spectacle hallucinant" "mais à quoi ils jouent ! le spectacle offert par m. accoyer est hallucinant !", a vivement réagi le secrétaire général de la fsu, gérard aschieri. "tout
le monde est là à attendre, il y a urgence à sortir d'une crise sans
précédent qui dure depuis plus de deux mois, et voilà deux minutes de
conférence de presse, où on fait venir des dizaines de journalistes et
qui accouche d'une souris", a ajouté le chef de file de la fsu. "force est de constater ce soir que tous ceux qui attendaient un signe positif permettant la sorte du conflit seront déçus", a ironisé julien dray, porte-parole du ps. "visiblement, les manœuvres et tractations continuent au sein de la droite, prenant en otage le pays". et "le
refus d'abroger le contrat première embauche, sous une forme ou sous
une autre, est visiblement l'objet de sordides tractations", a-t-il ajouté. dans
la matinée, l'intersyndicale anti-cpe s'est concertée pour faire le
point sur les consultations menées par les parlementaires de l'ump.
selon annick coupé, porte-parole de l'union syndicale solidaires,
dernière à être reçue vendredi midi, les parlementaires de l'ump "ont dit qu'ils allaient travailler énormément ce week-end". "ils nous ont dit très clairement qu'ils feraient des propositions dans les jours qui viennent, mais sans être plus précis, a-t-elle ajouté. mais je crois qu'ils ont compris l'urgence de la situation."
la
formulation de la proposition de loi semble encore alimenter les débats
au sein de l'ump. les élus sarkozystes ont lancé jeudi le ballon
d'essai d'une suspension du cpe pendant plusieurs mois, le temps de
laisser les partenaires sociaux négocier un autre dispositif
d'insertion professionnelle des jeunes. une interview de nicolas
sarkozy au figaro, qui devait être diffusée ce vendredi matin,
a été différée à samedi à la demande du président de l'ump. selon son
entourage, m. sarkozy "a décidé de décaler cet entretien à samedi (...) pour ne s'exprimer qu'à la fin des contacts des organisations syndicales" avec les présidents des groupes parlementaires ump."une suspension, c'est une épée de damoclès et ça ne nous ira pas. il faut qu'ils aillent plus loin",
ont fait savoir les anti-cpe, en rappelant la date butoir de la
prochaine intersyndicale, lundi soir. s'ils n'ont pas d'ici à lundi
l'assurance de la mort du cpe, les syndicats se disent toujours aussi
déterminés à lancer une nouvelle mobilisation de l'ampleur de celles du
28 mars et du 4 avril. lors de leur réunion téléphonique, qui a duré deux heures vendredi matin, les douze organisations ont pu, pendant deux heures, "refaire un tour de table après les réunions avec les présidents des groupes parlementaires". "l'intersyndicale
est plus unie que jamais et plus que jamais décidée à obtenir le
retrait du cpe de manière à pouvoir entamer ensuite de vraies
négociations" sur l'emploi des jeunes, a réaffirmé jacky dintinger, de la cftc.avec afp et reuterspour françois fillon, un "civis bis" va remplacer le cpe
françois
fillon, conseiller politique de nicolas sarkozy, président de l'ump, a
estimé qu'un nouveau type de contrat aidé remplacera le cpe et que les
partenaires sociaux seront invités à discuter de l'insertion des jeunes
"en général". selon l'ancien ministre des affaires sociales, "la cfdt a demandé un contrat aidé supplémentaire pour l'insertion des jeunes", lors des discussions qui se sont tenues pendant deux jours et demi au sénat.
ce contrat viendrait remplacer "immédiatement"
le contrat première embauche tel qu'il est défini dans l'article 8 de
la loi sur l'égalité des chances, a précisé m. fillon. selon lui, ce
serait "une sorte de civis bis", en référence au contrat d'insertion dans la vie sociale qu'il avait lui-même lancé en 2003.
08 avril 2006 dans politique, pour rire, société | lien permanent
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interpellées au propre et au figuré
jeudi 06 avril 2006
l
est 3 heures dans la nuit de mardi à mercredi (29 mars) quand, enfin de
retour chez nous, nous apprenons par les ondes en quels termes «discernement», «courage», «professionnalisme» et «sang-froid»
nicolas sarkozy a salué, en direct du théâtre des opérations,
l'action des forces de l'ordre au cours et à la fin de la manifestation
parisienne contre le cpe.
cette nuit-là, à la radio, nous aurons donc compté parmi les «300 personnes interpellées»
brandies à l'appui de ces louanges par les communiqués de l'état-major.
le lendemain matin, pour la radio publique, nous étions déjà des «casseurs».
de ces chiffres et qualificatifs-là, mémorables certainement pour
l'auditeur-électeur, il nous restera, à nous, essentiellement, le
souvenir irréel d'un étau bleu marine qui se resserre alors que nous
cherchons depuis une demi-heure à quitter la place de la république.
puis de deux heures d'encerclement mutique, goguenard, insultant à
l'occasion, fonction du client («on est gentils, là, je serais seul avec toi je t'éclaterais la tête!»)
; et pour quoi faire ? nous le comprendrons plus tard dans la nuit, il
convenait que le spectacle offert au ministre d'etat fût à la hauteur.
le fut-il cependant tout à fait à ses yeux ? parmi nous, minorité de
capuches et écharpes. majorité d'étudiants, lycéens, banlieusards ou
pas, jeunes salariés, précaires ou pas, jeunes chômeurs, jongleur,
photographe «travailleur pauvre», jeune femme qui traversait la
place en sortant du travail et qu'on autorisa complaisamment à entrer
dans la nasse deux minutes avant de la refermer. puis les cars que l'on
surremplit pour nous y faire encore attendre une grosse heure et demie,
et dont deux petits boîtiers situés au faîte de l'habitacle (mais
serions-nous paranos ?) nous semblent distiller des effluves
lacrymogènes. Ça gueule et s'impatiente, là-dedans. quand ça gueule
trop fort, notre cerbère apparaît derrière le plexiglas verrouillé qui
nous sépare de lui et articule en jubilant un «ta mère !» à l'endroit des survêtements. d'eux seuls.
paris by night
jusqu'à un commissariat à l'autre bout de la ville. derrière le
plexiglas, à l'arrivée, quelques-uns des crs qui nous encerclaient tout
à l'heure. ce qu'ils miment derrière la vitre, c'est la désignation de
trois survêtements qu'ils ont dans le collimateur, et de comment ils
envisageraient de s'y prendre pour leur apprendre la vie : mâchoires
serrées, poing fermé qui claque dans la paume de l'autre main. plus
tard, on retrouvera l'un de ces trois-là, dehors et sans charges,
l'épaule en vrac. un deuxième, l'oeil comme un oeuf, dans la «salle
d'attente». on les aura, témoignera une autre jeune fille, brièvement
livrés à la matraque dans le car presque vide. a l'intérieur, pour
nous, déployer des trésors argumentaires pour finir par obtenir le
droit d'aller pisser. livrer une pièce d'identité. se faire vaguement
«palper» par deux préposées. attendre un peu, très peu, et puis
retrouver l'air libre juste à temps pour rater le dernier métro,
s'entendre intimer l'ordre de quitter le quartier et pourquoi pas le
pays ? mais cet humour-là déplut , trouver une âme charitable qui
voudra bien faire le chauffeur (nous avons cette chance ; les
banlieusards attendront, eux, le premier métro). il se trouva pour
finir devant le commissariat un «flic bien singulier», comme dirait
brassens, et mieux luné, à qui courtoisement faire part de notre
sentiment sur ces choses, qu'il se trouva partager largement : cet
épisode n'aurait servi à rien, si ce n'est à produire une statistique
aussi reluisante qu'arbitraire «à faxer aux directeurs» ; tous, nous
serions dehors incessamment sous peu ; ce gouvernement jouait avec le
feu ; il y avait, oui, des brebis galeuses. de cet épisode d'une
extraordinaire banalité, nous n'aurions fait qu'apprendre ce que nous
pressentions ou savions déjà. mais interpellées, nous le sommes
toujours.
soumia et juliette, manifestantes
06 avril 2006 dans crevures, curiosités, politique, société | lien permanent
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témoignages sur des arrestations musclées le 4 avril
plusieurs personnes ont fait part à «libération» d'arrestations abusives à pigalle, après la manifestation.
par gilles wallonjeudi 06 avril 2006 (liberation.fr - 12:51)
e
soir du mardi 4 avril, après la manifestation parisienne anti cpe, une
série d'arrestations abusives aurait eu lieu dans le quartier de
pigalle (18eme arrondissement). c'est ce que laisse penser une série de
témoignages spontanés envoyés à libération, par des lycéens, des
étudiants, ou des personnes rentrant simplement du travail et
interpellées dès la sortie du métro. audrey, une étudiante, raconte la
soirée: «avec des lycéens et des étudiants, on s'était donné rendez
vous à vingt heures, à pigalle. on avait tracté pendant la manif pour
annoncer le point de réunion.» l'idée était de faire une réunion
spontanée similaire à celle de vendredi dernier, pendant laquelle,
après le discours télévisé de jacques chirac, plusieurs milliers de
jeunes avaient défilé dans la capitale, de 20 heures à 3 heures 30 du
matin. «a vingt heures, on était une centaine de personnes, poursuit
audrey. on s'est mis en marche, direction la bourse du travail (près de
la place de la république, ndlr). peu après le départ, des flics sont
sortis de nulle part, qui ont bloqué toutes les rues. ils ont encerclé
une cinquantaine de personnes.» un autre groupe de policiers s'installe
à la sortie du métro. «c'est ça qui est hallucinant: ils ont interpellé
des gens qui rentraient simplement chez eux, qui sortaient du boulot,
qui n'avaient rien à voir avec ça.»aurélie est de ceux-là. pour
prendre une ligne de métro correspondante et regagner son domicile,
elle devait sortir, traverser une rue. il est 20 heures trente. «a la
sortie du métro, une centaine d'hommes en uniformes sont postés sur le
boulevard clichy (et les rues avoisinantes)», écrit cette «citoyenne
ordinaire» dans un mail à libération. «je me vois refuser l'acès à la
ligne 12 du métro par un crs, puis deux, sans aucune explication. nous
sommes une quarantaine dans la même situation, encerclées par les
forces de police. une heure après commmencent les interpellations.» son
tour arrive à 22 heures 30. un crs la conduit derrière un barrage, la
fouille, vérifie ses papiers, la fait monter dans un fourgon, avec onze
autres personnes: direction le commisssariat du 6ème arrondissement.
après une heure d'attente dans le fourgon, elle rencontre le
commissaire pour établir une main courante. «je suis rentrée chez moi à
0h45.» aurélie résume son histoire: «quatre fourgons de police ont
arrêté des «participants à une manifestation non déclarée»-ce que j'ai
appris à l'intérieur du fourgon. mes «camarades» et moi faisons partie
des chiffres communiqués par notre ministère de l'intérieur. pour avoir
discuté avec eux, je n'étais pas la seule à m'être trouvée là au
mauvais moment, et il n'y avait chez aucun d'entre eux une volonté de
troubler l'ordre public. nous étions 40 sur les 301 personnes
interpellées ce soir à paris.»
06 avril 2006 dans crevures, curiosités, politique, société | lien permanent
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les voix dissonantes des évêques de francesophie de ravinel
04 avril 2006, (rubrique france)
entre ceux qui
ont pris fait et cause pour les anti-cpe et ceux qui ont condamné les
blocages des facs et des lycées, les responsables de l'eglise affichent
leur désaccord.
entre une dénonciation d'un débat pris en otage par «des minorités d'influence» et la condamnation du cpe comme «atteinte aux droits des personnes», les
réactions des évêques de france à la crise sociale sont apparues aussi
différentes que les sensibilités des catholiques eux-mêmes. a lourdes,
où ils sont réunis à partir d'aujourd'hui pour leur assemblée
bisannuelle, les évêques auront l'occasion d'en débattre jeudi, au
cours d'une journée de travail consacrée à la crise sociale. jean-louis
borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement –
qui décidera demain s'il se rendra à lourdes – pourrait alimenter leur
débat, comme le fera jean-marie bockel, le sénateur maire ps de
mulhouse.
le premier à être entré dans l'arène est l'archevêque de dijon mgr roland minnerath qui, s'il reconnaît à une entreprise le droit de licencier, rejette l'absence de ne pas en donner le motif. «c'est une atteinte aux droits des personnes, a-t-il dit dès le 16 mars, une atteinte à la dignité de ceux qui travaillent pour ces entreprises» (l'évêque bourguignon a regretté que seule une phrase anti-cpe ait été extraite dans ses propos).
l'archevêque de rouen, mgr
jean-charles descubes, président du conseil pour les affaires
familiales et sociales de la conférence des évêques de france, s'est
rangé officieusement derrière lui. mais il tient à laisser à chacun sa
liberté de parole et la possibilité de «servir de pont» dans le débat qui divise le pays. de son côté, l'archevêque de paris, mgr
andré vingt-trois, le 26 mars devant ses étudiants réunis en pèlerinage
à chartres, a dénoncé le musellement du débat au sein des universités
par «des minorités d'influence».
«les dés sont pipés»
«notre démocratie, a-t-il lancé, devrait avoir honte de voir resurgir en son sein les fantômes des totalitarismes.» il sera l'un des seuls à dénoncer les promesses politiques «en trompe-l'oeil», destinées à rassurer des jeunes motivés par la seule espérance «de la sécurité, de la société de consommation et de la protection du niveau de vie».
si l'archevêque de paris a critiqué les meneurs de l'ombre, celui de lyon, vendredi dernier dans le parisien, a, lui, fait irruption dans le champ politique. selon mgr
philippe barbarin, qui s'est réclamé de ses contacts avec des membres
du gouvernement et de nombreux parlementaires, l'affaire du cpe était «très mal emmanchée». dans cette interview, il a souligné les bonnes intentions à la base de ce texte mais en a qualifié les modalités de «défectueuses». «le gouvernement sent qu'il doit revoir sa copie», a-t-il déclaré, considérant que, de toute manière, «les dés sont pipés à cause des enjeux politiques au sein de la majorité». dans la croix datée d'hier, on pouvait lire une même condamnation de cette «mesure maladroite, critiquable» et un même appel au «dialogue social» exprimés par mgr olivier de berranger, l'évêque de saint-denis chargé avec celui d'ajaccio, mgr jean-luc brunin, d'animer le débat de jeudi à lourdes.
05 avril 2006 dans crevures, politique, pour rire, société | lien permanent
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15 000 policiers et gendarmes mobilisés
des lieux symboliques pourraient cette fois être pris pour cibles par les casseurs.
une «journÉe déterminante». pour
sa cinquième manifestation anti-cpe à encadrer, le préfet de police de
paris, pierre mutz, en appelle une fois de plus au sang-froid de ses
hommes. il sait que le ministre de l'intérieur joue gros aujourd'hui.
ses services l'ont averti que l'extrême gauche pourrait tenter «le scénario du pire», sentant
que le mouvement peu à peu lui échappe au profit d'une solution
négociée avec les syndicats. les casseurs des cités aussi sont à
l'affût, même si, se fondant sur le calme relatif dans les banlieues à
la veille de la manifestation, un commissaire des rg estime qu'ils
seront sans doute «moins nombreux qu'auparavant».
hier,
nicolas sarkozy ne ménageait pas sa peine pour obtenir le concours des
services d'ordre des grandes centrales syndicales en appui du
dispositif policier estimé à 15 000 hommes au plan national.
a
paris, face aux 4 000 fonctionnaires et gendarmes mobilisés, un bon
millier d'irréductibles sont attendus. et leur mode opératoire pourrait
bien donner du fil à retordre aux policiers. car des lieux symboliques
pourraient cette fois être pris pour cibles, comme l'elysée,
l'assemblée nationale ou les grands ministères. la folle course du
week-end, en tout cas, entre la police et plusieurs centaines
d'enragés, des abords de l'elysée au boulevard magenta, témoigne de la
capacité des manifestants à mener des raids éclairs et ce jusqu'à des
heures bien plus tardives qu'au début de la contestation. a croire que
les «anars» se sont inspirés des techniques de harcèlement des jeunes
des cités qu'ils ont vus à l'oeuvre.
au
dernier pointage, le ministère de l'intérieur faisait état de 2 700
arrestations depuis le début du conflit étudiant. moins de dix
séjournent en prison. les deux tiers des casseurs étaient inconnus des
services de police. ceux qui ont été arrêtés en banlieue avaient 17 ans
en moyenne. en province, toulouse et rennes restent les plus exposés
aux débordements. la place beauvau réclame des arrestations nombreuses
pour briser la dynamique de la violence. hier soir, le «premier flic de france» demandait à ses hommes de faire preuve du plus grand «discernement».
05 avril 2006 dans politique, société | lien permanent
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interview • «une souffrance face à l'absence de projection vers un avenir positif»
par eric aeschimannlundi 27 mars 2006 (liberation.fr - 19:36)
«les mouvements sociaux expriment une souffrance face à l'absence de projection vers un avenir positif»
louis
chauvel est sociologue, professeur des universités à sciences-po et
chercheur à l'observatoire français des conjonctures économiques.retraites,
mouvements des chercheurs, des intermittents, des étudiants et des
lycéens : pourquoi les mouvements sociaux se succèdent-ils depuis 2003 ?tous
ces mouvements partagent un cadre commun : l'incertitude totale dans
laquelle nous nous trouvons depuis quatre ou cinq ans. de 1998 à 2000,
la reprise économique avait donné le sentiment qu'on voyait le bout du
tunnel. on nous expliquait que c'était reparti pour trente ans de
croissance. le ralentissement économique est arrivé en 2001 et nous y
sommes encore, cinq ans plus tard. bien des espoirs ont été déçus. on
est rentré dans un tunnel dont on a le sentiment de ne plus avoir
aucune chance de sortir et cette situation produit une désespérance
croissante dans un très grand nombre de milieux sociaux, pour le plus
grand bonheur d'un certain nombre de «déclinologues».
partagez-vous leur diagnostic pessimiste ?la
dégradation actuelle a pris la forme d'une interrogation sur ce que
l'on appelle — de façon pas très convaincante — le modèle social
français. c'est une grosse marmite dans laquelle on met
l'etat-providence et une culture politique fondée sur le rapport de
forces plus que sur la négociation, et un goût pour des grands
principes, goût que les chinois qualifient de «romantique»,
c'est-à-dire non-rationnel. les limites de ce modèle social sont
évidentes, comme en attestent les déboires des secteurs qui faisaient
le cœur de l'image de la france : les arts, la littérature, la culture,
la gastronomie, la science… l'avenir qu'on nous prépare sera très
différent de celui que nous connaissons, du fait même de l'absence de
renouvellement, de projection et de transmission générationnelle de
notre modèle. en matière de développement social, culturel et humain,
je ne garantis pas de réels progrès. les mouvements sociaux sont
l'expression d'une profonde angoisse, et d'une souffrance face à
l'absence de projection vers un avenir positif, de projet collectif
national. on ne sait pas où on va.
pourquoi cette déshérence ?dans
les années 70, il y avait le projet de bâtir une société avec plus de
richesses, pas que matérielles, et plus d'égalité : une dynamique de
«moyennisation» qui aurait transformé la france en une grande suède
jacobine. puis, à partir du milieu des années 80, on a tenté de sauver
les meubles en protégeant le statut de ceux qui en avaient un, mais au
prix d'une rupture de transmission générationnelle. en france,
aujourd'hui, à droite et à gauche, beaucoup de gens continuent à clamer
que, avec nos jeunes, «tout va très bien, madame la marquise». ce déni
permet de temporiser, de conserver à l'identique un ordre social qui
repose sur la marginalisation et la paupérisation des nouvelles
générations. en réalité, on a préféré laisser les jeunes à la porte, le
plus longtemps possible. on leur a donné deux ans d'études en plus, en
moyenne, à bon marché (6 .500 euros par an et par tête d'étudiant,
contre 10 .000 euros pour un apprenti en allemagne). puis ensuite, ils
font face à un marché du chômage où un sur quatre ratera durablement
son entrée dans la vie. lorsque l'on compare aux 6 % de taux de chômage
dans les 24 mois de la sortie des études en 1973, les conditions de
socialisation des jeunes depuis vingt ans nous promettent un avenir
d'inégalité et d'instabilité. ces difficultés face au travail sont
renforcées face au logement : en 1984, un an de salaire d'un
trentenaire parisien équivalait à l'achat de 9 mètres carrés dans paris
intra-muros ; aujourd'hui, c'est 4 mètres carrés. les générations qui
ont pu emprunter à 5 % lorsque l'inflation est passée à 13 % peuvent
maintenant louer à prix d'or. la société française a oublié de
transmettre son modèle social aux générations suivantes, sauf aux
héritiers qui survivent grâce à leurs parents.
c'est ce qui expliquerait les zigzags politiques de ces nouvelles générations ?les
moins de vingt-cinq ans sont assez bien organisés, par le biais des
syndicats lycéens et étudiants. les plus de 45 ans ont conservé la
culture politique de leur jeunesse : comment prendre la parole en
assemblée générale, comment mobiliser, comment maîtriser les agendas
des décisions, etc. en revanche, entre 25 et 45 ans, il y a un long
moratoire politique : les gens qui appartiennent à cette tranche d'âge
ne savent pas par quoi exprimer le malaise profond qu'ils ressentent.
il résulte de cette dynamique que la figure du jeune travailleur entre
25 et 45 ans est absente de l'espace public français. ses intérêts ne
sont pas mis en visibilité et ses souffrances ne sont exprimées par
personne. il existe des luttes émergentes comme les mobilisations des
jeunes chercheurs, des jeunes intermittents, ou de génération précaire,
mais on peut y voir des exceptions qui confirment la règle d'une
sous-représentation massive des jeunes travailleurs, en particulier des
classes populaires. où sont les jeunes intérimaires de la construction
automobile, ceux du bâtiment, de la maintenance ou du nettoyage ? leur
malaise, leur sentiment diffus d'injustice, se traduisent par des
explosions ambiguës, inattendues, avec des effets de cristallisation
brutales, suivis d'oublis aussi rapides, lors de mouvements sociaux
mais aussi de scrutins électoraux. le 21 avril 2002 a été un signal
très violent, aussitôt dénié. pourtant, de mitterrand 1988 à jospin
2002, le vote socialiste des jeunes et des classes populaires a été
divisé par quatre.
comment rétablir la transmission ?en
suède ou en islande, les jeunes travaillent très tôt et sont considérés
comme des adultes, au même titre que les autres. leur légitimité
sociale commence dans et avec le travail salarié, stable, avec un
salaire décent qui permet d'assumer une vie d'adulte, avec une famille
si tel est le choix de vie de la personne. cette installation précoce
dans la vie adulte n'interdit pas, bien au contraire, des retours à des
études diplômantes, valorisées, lorsque les jeunes ont acquis une vraie
maturité sociale et citoyenne. evidemment, cela nécessite l'implication
de tous : enseignants, patrons, parents, jeunes, etc. il nous faut
passer à un modèle social de responsabilité, où tous les acteurs auront
le souci de cette transmission. dans l'affaire du cpe comme dans les
autres, la gouvernement s'arc-boute, la rue dit «non-non-non». les
revendications pour sortir de l'impasse où nous sommes depuis vingt ans
sont inaudibles. que le cpe soit retiré ou qu'il soit maintenu, peu
importe, l'insertion des jeunes dans le marché du travail ne s'en
trouvera pas sensiblement changé. il faut sortir de la logique du pur
rapport de forces qui ne conduira jamais qu'à refermer cette impasse.
05 avril 2006 dans politique, société | lien permanent
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cpe. jacques rancière, philosophe, dénonce une ve république en décomposition:
«un système qui gouverne sans le peuple»
par eric aeschimannsamedi 01 avril 2006
acques rancière, philosophe et professeur à paris-viii, vient de publier la haine de la démocratie (éd. la fabrique, 2005).
au-delà de la crise sociale et politique, assiste-t-on à une crise de la démocratie ?
le
conflit actuel ne porte pas sur l'idée de démocratie, mais sur le
rapport entre les institutions et la majorité du peuple. nous pouvons
tous faire le constat que le type de régime dans lequel nous vivons n'a
pas grand-chose à voir avec l'idée qu'on se fait de la démocratie comme
un système permettant à chacun de discuter et de décider d'une affaire
commune. c'est un problème très ancien : la démocratie n'a jamais pu
s'identifier simplement au régime représentatif. mais s'y ajoute en
france le facteur très particulier de l'épuisement du système politique
de la ve république, ses institutions, sa vie officielle, le type de
relations entre les gouvernements et le peuple qu'elle a suscité. nous
vivons avec un système mis en place pour permettre à une forte minorité
de gouverner sans problème de gouverner sans le peuple. le ralliement
de la gauche à la logique majoritaire a entraîné la convergence des
recrutements et des modes de fonctionnement et a abouti à un consensus
programmatique entre droite et gauche. aujourd'hui, c'est tout ce
système qui est entré en décomposition.
a quand remonte ce processus de décomposition ?
le
21 avril 2002 a montré que les socialistes n'ont rien de plus à
apporter au peuple que leurs adversaires. les socialistes avaient
recueilli à leur profit les mouvements des années 60 et 70, mais ils
ont épuisé leur capital d'adhésion, même imaginaire. ils se sont
retrouvés nus. le système a réagi en faisant comme si de rien n'était.
le peuple qui était dans la rue a été appelé à faire pénitence et à
voter chirac pour sauver le système en place. le référendum sur la
constitution européenne a marqué une nouvelle étape dans la rupture de
l'alliance entre le peuple et le monde des gouvernants, composé
d'experts et d'oligarques. enfin, la crise des banlieues a montré
l'incapacité de la société officielle à prendre en charge les
inégalités économiques et sociales, mais aussi politiques.
la situation est-elle vouée à se dégrader ?
ce
n'est pas du côté des gouvernants, de ceux qui veulent les remplacer,
ou de leurs experts qu'on peut attendre quelque chose. l'écart entre la
vie officielle et le mouvement populaire peut continuer à se manifester
sans s'aggraver. les classes dirigeantes vivent avec l'idée d'avoir
devant eux cinq ou dix crises de la même ampleur et d'en sortir chaque
fois indemnes. la seule chose qui peut nous sortir de cette impasse est
la constitution d'un mouvement démocratique qui se demande ce qu'il
veut vraiment et se fixe des cibles à attaquer au lieu d'être seulement
sur la défensive. on est dans un système qui semble exclure toute autre
possibilité que la répétition à l'infini de son propre fonctionnement.
mais nous n'avons pas à avaliser cette logique. il faut au contraire y
opposer inlassablement l'affirmation de la politique comme la capacité
de n'importe qui à discuter et à participer à la décision.
05 avril 2006 dans livres, politique, société | lien permanent
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axel honneth
le cpe "bat en brèche les attentes de reconnaissance du tra vailleur"
le monde | 01.04.06 | 11h38 • mis à jour le 01.04.06 | 14h53
ous
avez mis au coeur de votre oeuvre la notion de reconnaissance, "acte
moral ancré dans le monde social", qui consiste dans "l'affirmation de
qualités positives de sujets humains ou de groupes". comment ce cadre
conceptuel vous permet-il de penser des crises comme celle que suscite
la précarité autour du contrat première embauche (cpe) ?
pour un intellectuel allemand qui
vient de vivre les événements de mars en france, l'étonnant est d'abord
qu'un grand mouvement social de ce type soit simplement possible. en
dépit des ressemblances entre nos deux sociétés, la différence est
énorme entre les niveaux de mobilisation politique. dans les dernières
années, l'allemagne n'a rien connu de comparable. chez nous, une
manifestation sur ce sujet ne rassemblerait au maximum qu'une vingtaine
de milliers de personnes. c'est le résultat d'un vaste processus de
dépolitisation et de privatisation de l'existence.
doit-on
expliquer cette différence en revenant à la vieille idée de marx selon
laquelle les français sauraient faire une révolution, tandis que les
allemands se contenteraient d'y penser ? sans doute faut-il aller plus
loin que les variations entre les traditions nationales. en réalité,
j'ai l'impression que la révolte des banlieues a joué un rôle décisif
dans le mouvement actuel de protestation contre le cpe, en ce sens
qu'elle a permis aux étudiants de parvenir à la conscience qu'ils
pouvaient encore changer les choses. la prise de conscience qu'un
mouvement social peut avoir un certain pouvoir a sans doute motivé le
déclenchement de la crise. en allemagne, nous ne connaissons rien de
tel, ni dans nos banlieues, ni dans nos universités.
pourtant,
certains regrettent, au contraire, que la culture du consensus et de la
négociation "à l'allemande" soit si peu développée en france...
je
ne crois pas que cela soit tout à fait vrai. peut-être le degré
d'intégration sociale est-il plus élevé dans les banlieues allemandes,
même si nous avons des concentrations de populations défavorisées à
berlin, à francfort, etc. peut-être trouve-t-on une meilleure mixité
sociale et peut-être le travail social sur le terrain obtient-il
relativement plus de succès. de même, la réussite de l'intégration
scolaire est légèrement supérieure. néanmoins, il y a des traces de
révolte en allemagne, mais elles s'expriment surtout dans la vie
quotidienne et non sous la forme d'un mouvement social.
du reste,
en ce qui concerne les universités, je puis dire que cette culture du
consensus ou de la négociation a abouti à un véritable désastre. car
elle a pour effet de tétaniser toute résistance à quelque réforme que
ce soit, comme le programme hartz-iv (du nom de l'ancien chef du personnel
de volkswagen, peter hartz. le plan hartz iv a remanié le système
d'allocations-chômage en durcissant les conditions d'indemnisation).
en somme, la prétendue culture de négociation ne fait que dissimuler le
fait que la souffrance et la révolte, bien que silencieuses, sont à mon
avis les mêmes qu'en france.
pensez-vous qu'il soit impossible de réformer le droit du travail par la loi ?
ce
genre de réforme, celle du cpe notamment, contient un élément de
provocation dans la mesure où elle viole des formes déjà établies de
reconnaissance sociale : celles qui ont été mises en place par l'etat
social. elle bat en brèche les attentes de reconnaissance du
travailleur comme sujet de droit. c'est ce que le sociologue robert
castel décrit sous le nom de "statut" : travailler est connecté
intérieurement avec la jouissance de certains droits, entre autres le
droit à la stabilité.
pourquoi, à votre avis, les étudiants et les jeunes se retrouvent-ils en pointe dans ces mouvements de protestation ?
parce
qu'à la différence de ce qui avait cours il y a vingt ans, où la
majorité des étudiants vivaient de l'aide de leurs parents ou de
bourses, ils dépendent désormais de revenus extérieurs. depuis une
quinzaine d'années, les étudiants sont donc bien plus exposés, au long
de leur carrière universitaire, à l'insécurité qui prévaut dans le
monde du travail.
en ce sens, la situation ne peut être comparée
à celle d'il y a vingt ou quarante ans parce que la vulnérabilité des
étudiants s'est considérablement accrue. le réseau social qui définit
la vie étudiante craque de toutes parts. a mon avis c'est l'ensemble du
système éducatif qui est miné. et je dois dire qu'à mon sens, cela rend
ce mouvement social complètement légitime.
pourtant,
les grandes figures de l'école de francfort que vous dirigez, les
philosophes theodor adorno et jürgen habermas, furent souvent hostiles
au mouvement de 1968. n'y a-t-il pas, dans les incendies d'écoles lors
de la crise des banlieues ou dans l'occupation du bâtiment de l'ecole
des hautes études en sciences sociales, des éléments qui pourraient
susciter de votre part des critiques similaires aux leurs ?
là
encore, la situation n'est pas la même. adorno et habermas réagissaient
à des formes de violence physique qui émanaient d'étudiants dont le
statut social était alors relativement privilégié. les groupes
radicaux, jugeaient-ils, la pratiquaient dans l'espoir de susciter une
étincelle propre à déchaîner une sorte de révolution sociale. pour eux,
il s'agissait d'une méconnaissance majeure de la situation réelle de la
république fédérale d'allemagne (rfa) à cette époque.
dans le cas
de la révolte des banlieues ou du mouvement anti-cpe, on ne peut dire
qu'il s'agisse d'une erreur d'analyse, d'un malentendu ou d'une
mécompréhension de soi-même de la part des acteurs. la plupart des
révoltés se rebellent parce qu'ils ne voient pas d'autre façon
d'exposer leur vulnérabilité. ils recourent à des moyens certes
critiquables dans le but de remettre à l'ordre du jour certains
problèmes politiques. on ne peut s'étonner que des gens vivant dans le
contexte social dans lequel ils sont, sans avenir, finissent par
sombrer dans le vandalisme. quand je visite certaines régions des
etats-unis aujourd'hui je suis plutôt surpris de constater que le degré
de révolte et de vandalisme y soit si faible. c'est donc une bonne
chose que le problème soit au moins articulé.
vous vous
êtes intéressé de près à la pensée politique nord-américaine.
croyez-vous que sa réflexion sur les notions de communautés,
d'identités et de multiculturalisme puisse être utile pour penser la
crise actuelle ?
je ne crois pas que le résultat de
cette vieille discussion puisse être plaqué sur la situation présente.
car les problèmes sont d'une autre nature ou ne relèvent qu'à un très
faible degré du multiculturalisme. celui-ci concerne le niveau de
reconnaissance qu'il convient d'attribuer aux droits culturels des
minorités. mais les crises des banlieues en france ou des quartiers
défavorisés en allemagne relèvent principalement de l'appauvrissement
économique et social. c'est une question de droits sociaux.
plus
généralement, comme les etats-unis n'ont jamais connu, sur une période
de près de cinquante ans, un etat social qui, comme en france et en
allemagne, ait développé un niveau élevé d'attentes, ils ne
représentent en aucun cas un modèle de régulation à suivre. personne ne
souhaite connaître le style de désintégration qui caractérise les
villes américaines... il est absurde de croire que l'on peut satisfaire
les revendications de ceux qui habitent les banlieues en leur octroyant
des droits culturels sans leur fournir un espoir raisonnable de
sécurité économique et sociale.
en mettant en avant,
dans votre oeuvre, l'importance de la reconnaissance, vous donniez un
contenu positif à cette notion. aujourd'hui, l'analyse de ce qu'il y a
d'idéologique dans le processus de reconnaissance à l'ère néolibérale y
occupe plus de place. vous dites craindre qu'elle ne puisse parfois
avoir pour fonction de maintenir la domination. etes-vous devenu plus
sceptique face à ses vertus émancipatrices ?
non. j'ai
encore la conviction profonde qu'à long terme l'émancipation sociale
s'opère à travers la lutte pour la reconnaissance. d'un autre côté,
dans les dix dernières années, je suis devenu plus attentif à des
phénomènes auxquels michel foucault avait été sensible quand il parlait
des formes douces du pouvoir (soft power), opérant non par la
contrainte mais à travers une sorte de promesse. j'ai observé, à la fin
des années 1990, certains déplacements dans le langage politique, qui
s'est mis à adopter le discours de la reconnaissance sociale et de la
réalisation de soi comme l'avait fait, avant lui, le monde du
management. dans ce cas, la reconnaissance devient à la fois un facteur
d'accroissement de la productivité et une légitimation idéologique du
système. elle se transforme en une sorte de vaine promesse, semblable à
celles que véhicule l'industrie publicitaire.
quelle
fonction attribuez-vous, dans ce contexte, à la théorie critique
pratiquée depuis l'origine par l'école de francfort ? de jeter une
"bouteille à la mer", selon le mot d'adorno ?
non, non
! cette vieille métaphore valait pour une période marquée par le
totalitarisme. ce que les révoltes dont nous sommes témoins assignent à
la théorie critique, c'est une double tâche : d'une part, se concentrer
sur ce qui était naguère qualifié de critique de l'idéologie et qui
paraissait passé de mode depuis une vingtaine d'années ; d'autre part,
reformuler des questions normatives, c'est-à-dire se demander dans
quelle mesure les exigences de reconnaissance sont satisfaites et se
faire l'avocat de ceux qui en sont exclus. propos recueillis par nicolas weillaxel honneth
axel
honneth, né en 1949 à essen (allemagne). philosophe et sociologue, il
dirige, depuis 2001, l'institut de recherche sociale de l'université
de francfort, qu'avait dirigé habermas. a été traduit en français la
lutte pour la reconnaissance (cerf, 2000). un recueil de textes doit
paraître en septembre : les paradoxes du capitalisme (la découverte).
03 avril 2006 dans livres, société | lien permanent
/////
axel honneth
le cpe "bat en brèche les attentes de reconnaissance du tra vailleur"
le monde | 01.04.06 | 11h38 • mis à jour le 01.04.06 | 14h53
ous
avez mis au coeur de votre oeuvre la notion de reconnaissance, "acte
moral ancré dans le monde social", qui consiste dans "l'affirmation de
qualités positives de sujets humains ou de groupes". comment ce cadre
conceptuel vous permet-il de penser des crises comme celle que suscite
la précarité autour du contrat première embauche (cpe) ?
pour un intellectuel allemand qui
vient de vivre les événements de mars en france, l'étonnant est d'abord
qu'un grand mouvement social de ce type soit simplement possible. en
dépit des ressemblances entre nos deux sociétés, la différence est
énorme entre les niveaux de mobilisation politique. dans les dernières
années, l'allemagne n'a rien connu de comparable. chez nous, une
manifestation sur ce sujet ne rassemblerait au maximum qu'une vingtaine
de milliers de personnes. c'est le résultat d'un vaste processus de
dépolitisation et de privatisation de l'existence.
doit-on
expliquer cette différence en revenant à la vieille idée de marx selon
laquelle les français sauraient faire une révolution, tandis que les
allemands se contenteraient d'y penser ? sans doute faut-il aller plus
loin que les variations entre les traditions nationales. en réalité,
j'ai l'impression que la révolte des banlieues a joué un rôle décisif
dans le mouvement actuel de protestation contre le cpe, en ce sens
qu'elle a permis aux étudiants de parvenir à la conscience qu'ils
pouvaient encore changer les choses. la prise de conscience qu'un
mouvement social peut avoir un certain pouvoir a sans doute motivé le
déclenchement de la crise. en allemagne, nous ne connaissons rien de
tel, ni dans nos banlieues, ni dans nos universités.
pourtant,
certains regrettent, au contraire, que la culture du consensus et de la
négociation "à l'allemande" soit si peu développée en france...
je
ne crois pas que cela soit tout à fait vrai. peut-être le degré
d'intégration sociale est-il plus élevé dans les banlieues allemandes,
même si nous avons des concentrations de populations défavorisées à
berlin, à francfort, etc. peut-être trouve-t-on une meilleure mixité
sociale et peut-être le travail social sur le terrain obtient-il
relativement plus de succès. de même, la réussite de l'intégration
scolaire est légèrement supérieure. néanmoins, il y a des traces de
révolte en allemagne, mais elles s'expriment surtout dans la vie
quotidienne et non sous la forme d'un mouvement social.
du reste,
en ce qui concerne les universités, je puis dire que cette culture du
consensus ou de la négociation a abouti à un véritable désastre. car
elle a pour effet de tétaniser toute résistance à quelque réforme que
ce soit, comme le programme hartz-iv (du nom de l'ancien chef du personnel
de volkswagen, peter hartz. le plan hartz iv a remanié le système
d'allocations-chômage en durcissant les conditions d'indemnisation).
en somme, la prétendue culture de négociation ne fait que dissimuler le
fait que la souffrance et la révolte, bien que silencieuses, sont à mon
avis les mêmes qu'en france.
pensez-vous qu'il soit impossible de réformer le droit du travail par la loi ?
ce
genre de réforme, celle du cpe notamment, contient un élément de
provocation dans la mesure où elle viole des formes déjà établies de
reconnaissance sociale : celles qui ont été mises en place par l'etat
social. elle bat en brèche les attentes de reconnaissance du
travailleur comme sujet de droit. c'est ce que le sociologue robert
castel décrit sous le nom de "statut" : travailler est connecté
intérieurement avec la jouissance de certains droits, entre autres le
droit à la stabilité.
pourquoi, à votre avis, les étudiants et les jeunes se retrouvent-ils en pointe dans ces mouvements de protestation ?
parce
qu'à la différence de ce qui avait cours il y a vingt ans, où la
majorité des étudiants vivaient de l'aide de leurs parents ou de
bourses, ils dépendent désormais de revenus extérieurs. depuis une
quinzaine d'années, les étudiants sont donc bien plus exposés, au long
de leur carrière universitaire, à l'insécurité qui prévaut dans le
monde du travail.
en ce sens, la situation ne peut être comparée
à celle d'il y a vingt ou quarante ans parce que la vulnérabilité des
étudiants s'est considérablement accrue. le réseau social qui définit
la vie étudiante craque de toutes parts. a mon avis c'est l'ensemble du
système éducatif qui est miné. et je dois dire qu'à mon sens, cela rend
ce mouvement social complètement légitime.
pourtant,
les grandes figures de l'école de francfort que vous dirigez, les
philosophes theodor adorno et jürgen habermas, furent souvent hostiles
au mouvement de 1968. n'y a-t-il pas, dans les incendies d'écoles lors
de la crise des banlieues ou dans l'occupation du bâtiment de l'ecole
des hautes études en sciences sociales, des éléments qui pourraient
susciter de votre part des critiques similaires aux leurs ?
là
encore, la situation n'est pas la même. adorno et habermas réagissaient
à des formes de violence physique qui émanaient d'étudiants dont le
statut social était alors relativement privilégié. les groupes
radicaux, jugeaient-ils, la pratiquaient dans l'espoir de susciter une
étincelle propre à déchaîner une sorte de révolution sociale. pour eux,
il s'agissait d'une méconnaissance majeure de la situation réelle de la
république fédérale d'allemagne (rfa) à cette époque.
dans le cas
de la révolte des banlieues ou du mouvement anti-cpe, on ne peut dire
qu'il s'agisse d'une erreur d'analyse, d'un malentendu ou d'une
mécompréhension de soi-même de la part des acteurs. la plupart des
révoltés se rebellent parce qu'ils ne voient pas d'autre façon
d'exposer leur vulnérabilité. ils recourent à des moyens certes
critiquables dans le but de remettre à l'ordre du jour certains
problèmes politiques. on ne peut s'étonner que des gens vivant dans le
contexte social dans lequel ils sont, sans avenir, finissent par
sombrer dans le vandalisme. quand je visite certaines régions des
etats-unis aujourd'hui je suis plutôt surpris de constater que le degré
de révolte et de vandalisme y soit si faible. c'est donc une bonne
chose que le problème soit au moins articulé.
vous vous
êtes intéressé de près à la pensée politique nord-américaine.
croyez-vous que sa réflexion sur les notions de communautés,
d'identités et de multiculturalisme puisse être utile pour penser la
crise actuelle ?
je ne crois pas que le résultat de
cette vieille discussion puisse être plaqué sur la situation présente.
car les problèmes sont d'une autre nature ou ne relèvent qu'à un très
faible degré du multiculturalisme. celui-ci concerne le niveau de
reconnaissance qu'il convient d'attribuer aux droits culturels des
minorités. mais les crises des banlieues en france ou des quartiers
défavorisés en allemagne relèvent principalement de l'appauvrissement
économique et social. c'est une question de droits sociaux.
plus
généralement, comme les etats-unis n'ont jamais connu, sur une période
de près de cinquante ans, un etat social qui, comme en france et en
allemagne, ait développé un niveau élevé d'attentes, ils ne
représentent en aucun cas un modèle de régulation à suivre. personne ne
souhaite connaître le style de désintégration qui caractérise les
villes américaines... il est absurde de croire que l'on peut satisfaire
les revendications de ceux qui habitent les banlieues en leur octroyant
des droits culturels sans leur fournir un espoir raisonnable de
sécurité économique et sociale.
en mettant en avant,
dans votre oeuvre, l'importance de la reconnaissance, vous donniez un
contenu positif à cette notion. aujourd'hui, l'analyse de ce qu'il y a
d'idéologique dans le processus de reconnaissance à l'ère néolibérale y
occupe plus de place. vous dites craindre qu'elle ne puisse parfois
avoir pour fonction de maintenir la domination. etes-vous devenu plus
sceptique face à ses vertus émancipatrices ?
non. j'ai
encore la conviction profonde qu'à long terme l'émancipation sociale
s'opère à travers la lutte pour la reconnaissance. d'un autre côté,
dans les dix dernières années, je suis devenu plus attentif à des
phénomènes auxquels michel foucault avait été sensible quand il parlait
des formes douces du pouvoir (soft power), opérant non par la
contrainte mais à travers une sorte de promesse. j'ai observé, à la fin
des années 1990, certains déplacements dans le langage politique, qui
s'est mis à adopter le discours de la reconnaissance sociale et de la
réalisation de soi comme l'avait fait, avant lui, le monde du
management. dans ce cas, la reconnaissance devient à la fois un facteur
d'accroissement de la productivité et une légitimation idéologique du
système. elle se transforme en une sorte de vaine promesse, semblable à
celles que véhicule l'industrie publicitaire.
quelle
fonction attribuez-vous, dans ce contexte, à la théorie critique
pratiquée depuis l'origine par l'école de francfort ? de jeter une
"bouteille à la mer", selon le mot d'adorno ?
non, non
! cette vieille métaphore valait pour une période marquée par le
totalitarisme. ce que les révoltes dont nous sommes témoins assignent à
la théorie critique, c'est une double tâche : d'une part, se concentrer
sur ce qui était naguère qualifié de critique de l'idéologie et qui
paraissait passé de mode depuis une vingtaine d'années ; d'autre part,
reformuler des questions normatives, c'est-à-dire se demander dans
quelle mesure les exigences de reconnaissance sont satisfaites et se
faire l'avocat de ceux qui en sont exclus. propos recueillis par nicolas weillaxel honneth
axel
honneth, né en 1949 à essen (allemagne). philosophe et sociologue, il
dirige, depuis 2001, l'institut de recherche sociale de l'université
de francfort, qu'avait dirigé habermas. a été traduit en français la
lutte pour la reconnaissance (cerf, 2000). un recueil de textes doit
paraître en septembre : les paradoxes du capitalisme (la découverte).
03 avril 2006 dans livres, société | lien permanent
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fabienne brutus, la pasionaria de l'anpe
le monde | 03.04.06 | 15h30 • mis à jour le 03.04.06 | 15h31
e
vrai nom de fabienne brutus est fabienne brutus. ce n'est pas un
pseudonyme, comme pourraient le laisser penser les banderilles que
cette jeune femme de 31 ans vient planter dans le dos de son employeur,
l'anpe. l'illustre agence nationale pour l'emploi a déjà subi sur sa
droite, jeudi 23 mars, un rapport sévère de la cour des comptes. une
semaine plus tard, la voilà attaquée sur sa gauche par l'une de ses
propres conseillères aux airs de fillette sagement insolente, qui
dégaine ce pamphlet culotté : chômage, des secrets bien gardés. où elle épingle gabegie, chiffres faussés, radiations abusives, paperasserie inefficace, argent public gaspillé.
il n'y avait qu'à pas énerver fabienne
brutus. ce qu'elle n'a pas supporté, c'est d'entendre à l'automne 2005
l'annonce triomphante de la baisse du chômage en france. tout ce
qu'elle constatait depuis le siège de son agence, dans l'aude, venait
le démentir. tout ce qu'elle observait sur le déplacement subtil des
chômeurs d'une "catégorie" à l'autre pour le besoin de les faire
disparaître des statistiques concourait à l'indigner. alors, ne sachant
pas à qui le dire, elle a appelé à tout hasard le répondeur
téléphonique de "là-bas si j'y suis", l'émission de daniel mermet sur
france inter. celui-ci a aussitôt passé un appel à l'antenne pour
retrouver cette employée en colère et lui tendre le micro. fabienne a
fait un tabac. des télévisions ont suivi. un éditeur lui a commandé un
livre. fabienne brutus l'a écrit en deux mois et demi. un coup de
gueule dans un style étonnamment maîtrisé. qui ne doit rien,
assure-t-elle, au fait qu'elle est membre d'attac et du syndicat sud.
la
voilà à paris avec son aplomb, son bagout incroyable, son petit minois
malicieux auquel il ne manque que les couettes. elle a grandi à
roubaix, d'abord "dans un petit quartier tranquille" puis, à la
suite d'un revers de fortune de son père, dans une cité hlm. ses
parents, catholiques, l'ont élevée dans le respect des autres et de
l'égalité. des principes difficiles à prôner dans une cité où l'on vous
cambriole trois fois par semaine. fabienne ne supportait plus de
côtoyer la misère "sans avoir aucun levier à activer pour que ça bouge".
a 24 ans, déjà mère et divorcée, munie d'une maîtrise d'information et
communication d'entreprise, elle part s'installer avec son jeune fils à
limoux, dans l'aude.
elle travaille dans une structure culturelle
en emploi-jeune puis se retrouve au chômage. pendant plus d'un an, elle
fréquente l'anpe de ce côté-là du guichet. ne trouve pas d'emploi.
demande une formation en informatique, ne l'obtient pas. repère sur
internet une annonce "recrutons conseiller anpe", décide de tenter le
concours d'entrée, un peu par jeu. et le réussit.
"je m'étais fait une idée des dysfonctionnements de l'anpe, mais j'étais loin d'imaginer l'ampleur des dégâts, raconte-t-elle. en
arrivant, je me suis dit : je vais changer les choses, proposer des
formations. mais il n'y a rien de proposable. sauf pour les métiers "en
tension" (pour lesquels les offres sont nombreuses), l'assedic ne paye
pas de formation. on ne peut pas faire notre métier correctement. nous
sommes 23 000 agents pour accompagner 4 millions de chômeurs."
le
dénombrement des chômeurs est le point de départ du livre. les chiffres
sont publics, mais le bureau international du travail définit le
chômage en retenant la seule "catégorie 1". définition : "personne sans emploi, immédiatement disponible, recherchant cdi à temps plein".
ne sont pas comptabilisées dans le chiffre final les sept autres
catégories (personnes non disponibles immédiatement parce qu'en
formation, personnes recherchant cdd ou cdi à temps partiel, etc.). "l'obtention
de n'importe quel contrat précaire, occupation momentanée, stage de
formation, fait évidemment glisser vers une catégorie "off"."
a
l'automne 2005 étaient ainsi déclarés en france 2 millions et demi de
chômeurs, et l'on se félicitait d'être passé sous la barre
psychologique des 10 % de la population active. or, toutes catégories
confondues, ils étaient un peu plus de 4 millions inscrits à l'anpe à
la même époque : soit 15 % de la population active. s'y ajoutent les
jeunes non indemnisés, les vieux dispensés de recherche d'emploi, les
rmistes non inscrits ou encore ceux qui, par lassitude, abandonnent le
pointage : un bon million de personnes en plus, selon fabienne brutus.
total estimé : 5 millions de chômeurs en france. 19 % de la population
active...
la mission de l'anpe est de favoriser la rencontre
entre l'offre et la demande. pour fabienne brutus, l'agence, placée
sous la tutelle du ministère de l'emploi, n'est plus en mesure de la
satisfaire. la conseillère rejoint en partie l'analyse présentée dans
le rapport de la cour des comptes : "organisation inadaptée", "complexité des parcours", accompagnement insatisfaisant. sans se reconnaître dans "les conclusions libérales" des magistrats. elle croit encore dans la vertu d'un service public à même de "sauvegarder un minimum d'écoute dans le traitement du chômage".
elle
aime son métier de conseillère, dit-elle, et souhaite que l'etat lui
donne les moyens de l'exercer plutôt que de sous-traiter
l'accompagnement des chômeurs à des cabinets privés. elle voudrait
qu'un conseiller puisse laisser le temps à un demandeur d'emploi de
trouver le métier qui correspond à son projet, à sa qualification et à
son salaire, plutôt que de radier un informaticien qui refuserait de se
réorienter vers le bâtiment.
elle déplore que le "suivi mensuel
personnalisé" de chaque chômeur se traduise par des entretiens
téléphoniques, ou groupés à 50 personnes : "c'est mené n'importe comment !" conclusion : "une
véritable révolution dans le traitement du chômage est en train de
s'opérer. les consignes sont claires : l'anpe doit recaser, coûte que
coûte. qu'importe si les emplois sont précaires, voire fictifs. on est
dans une logique d'abattage pour mettre de bons chiffres dans des
cases."
en librairie depuis le 30 mars, le livre allume la
polémique. fabienne brutus reçoit des messages de soutien de
conseillers d'agences qui la félicitent pour son "exactitude" et son "courage". la direction de l'anpe laisse s'exprimer d'autres conseillers "offensés"
qui rappellent que leur quotidien ne consiste pas à manier les
chiffres, mais à proposer des plans d'action aux demandeurs d'emploi.
fabienne brutus regarde bouger le cocotier, la frimousse discrètement
victorieuse. toujours à son poste, jusqu'à nouvel ordre. marion van renterghemparcours
1974 naissance à tourcoing (nord).
1997 maîtrise d'"info-com" à lille-iii.
1998 installation à limoux (aude).
2000 demandeuse d'emploi.
2001 devient conseillère à l'anpe.
2006 parution de chômage : des secrets bien gardés (éditions jean-claude gawsewitch).
03 avril 2006 dans curiosités, société | lien permanent
/////
robien : «je demande la réouverture des lycées»(le figaro)
le ministre de l'education réclame le déblocage des lycées et promet des sanctions contre les enseignants qui ont joué les incendiaires.
le figaro. – pourquoi avez-vous demandé aux proviseurs d'utiliser la manière forte pour débloquer les lycées ?gilles de robien. – a quoi servirait-il que je sois ministre de l'education nationale si je ne disais pas que les classes doivent rouvrir ? les jeunes ont le droit d'exprimer leur mécontentement mais ils sont soumis à une obligation d'assiduité scolaire. les consignes d'absentéisme ou de blocage venant d'enseignants, de syndicats ou d'une fédération de parents d'élèves sont peu responsables. personne ne doit utiliser les jeunes pour bloquer les lycées et grossir les rangs des manifestations.j'ai donc demandé la réouverture des établissements. les recteurs sont chargés de demander aux proviseurs de faire le maximum pour que les cours aient lieu. ils peuvent recourir à la force publique en cas de heurts, si le préfet le juge utile. dans les académies de poitiers, aix-marseille, strasbourg, amiens, clermont-ferrand, la situation évolue favorablement : il y a davantage d'établissements ouverts. en revanche, à créteil, il y a une poche de durcissement. mais je tiens à saluer l'immense majorité des proviseurs qui, depuis le début de la crise, font leur devoir.que risquent les enseignants qui ont encouragé leurs élèves à manifester ?nous avons effectivement identifié quelques cas d'enseignants ayant mis dans le carnet scolaire des enfants un message leur demandant d'aller manifester. c'est un déni d'esprit républicain. ils sont en passe d'être sanctionnés pour non-respect du devoir de réserve des fonctionnaires. des avertissements ou des blâmes sont envisagés à leur encontre. il y a aussi un département où des élus communistes ont aidé à bloquer des établissements : c'est inadmissible. les jeunes ne doivent pas être utilisés à des fins politiques.que prévoyez-vous de faire pour les lycéens qui auront raté des cours ?nous avons atteint une période critique. des rattrapages peuvent cependant encore avoir lieu dans les lycées. a l'université, ces rattrapages sont prévus pendant les vacances, à pâques ou en juillet. mais cela pénalisera les étudiants les plus modestes. car rattraper les cours pendant les vacances, c'est empêcher ceux qui ont peu de moyens d'avoir un job qui leur permet de financer leurs études. ceux qui sont à la tête du mouvement anti-cpe, au nom de la lutte anti-précarité, sont là en contradiction avec leurs propres discours.la mobilisation lycéenne anti-cpe peut-elle être comparée à celle contre la loi fillon l'an dernier ?l'an dernier, les lycéens manifestaient contre la maison éducation. ils étaient beaucoup plus nombreux et pas toujours bien informés. aujourd'hui, l'éducation n'est pas en première ligne puisque le cpe est une mesure pour l'emploi.y a-t-il des leçons à tirer de cette crise pour l'université française ?avec françois goulard, nous voulons nous pencher sur la question de l'orientation des jeunes et sur les débouchés professionnels qu'offrent les différentes filières universitaires. aujourd'hui, les étudiants ne s'engagent pas en connaissance de cause : ils s'inscrivent dans une formation et découvrent quatre ans après qu'elle ne permet pas de décrocher un travail. de leur côté, les entreprises doivent faire des efforts pour mieux accueillir les étudiants issus des universités. la crise d'aujourd'hui devrait permettre d'ouvrir ce dossier et de le faire avancer.les réformes ne sont donc pas mises entre parenthèses ?non, car les lycéens et les étudiants attendent un message de courage et de vérité. de courage, car on doit réformer notre société. de vérité, car il faut leur dire que l'avenir n'est pas aussi sombre qu'ils le croient, que l'économie et l'entreprise sont sources de richesses. les jeunes jugent sévèrement les adultes, qu'ils accusent d'immobilisme. a nous de leur démontrer le contraire.
31 mars 2006 dans crevures, politique, société | lien permanent
/////
propos recueillis par olivier pognonchagnollaud : «le cpe est constitutionnel»(le figaro)
pour dominique chagnollaud, professeur de droit constitutionnel à l'université de paris-ii, les motifs de la saisine ne sont pas recevables.
le figaro. – la saisine du conseil constitutionnel se fonde notamment sur l'absence de consultation du conseil d'etat. qu'en pensez-vous ?dominique chagnollaud. – comparaison n'est pas raison. le conseil a en effet annulé une disposition de la loi relative à l'élection des conseillers régionaux qui avait été introduite dans le projet avant la discussion parlementaire, mais après l'avis du conseil d'etat. il en va évidemment différemment du cpe, introduit au cours de la discussion par voie d'amendement.la saisine invoque aussi l'absence de «lien» avec le projet initial...le conseil constitutionnel exige en effet que les amendements ne sauraient être «dépourvus de tout lien avec l'objet du texte en discussion». mais il l'interprète de façon assez lâche. comment le cpe serait-il dépourvu de liens avec le titre ier de la loi sur l'égalité des chances qui comprend «des mesures pour l'éducation, l'emploi et le développement économique».accordez-vous plus de poids à l'argument selon lequel le principe d'égalité des salariés serait violé ?non, puisque le conseil considère que le législateur peut déroger au principe d'égalité «pour des raisons d'intérêt général». il admet d'ailleurs depuis longtemps que, pour permettre «au plus grand nombre» d'avoir un emploi, le législateur prenne des mesures particulières.dernier argument : la «période d'essai» de deux ans irait contre les principes fondamentaux du droit du travail inscrits dans la convention 158 de l'oit...ce grief comporte deux erreurs. d'abord, la «période de consolidation» n'est pas une «période d'essai», car le cpe est un contrat de travail spécial, avec des règles particulières en matière de rupture. de toute façon, les traités ne font pas partie du bloc de constitutionnalité : le conseil s'est toujours déclaré incompétent pour en juger.
30 mars 2006 dans crevures, société | lien permanent
/////
les casseurs exclus du cortège parisien(le figaro)christophe cornevin et cyrille louis
services d'ordre syndicaux musclés et forces de l'ordre réactives ont permis d'éviter violences et pillages durant le défilé.
le dÉferlement de violences tant redouté n'a pas eu lieu, du moins au sein du cortège, même si de nombreux incidents ont suivi la dispersion de la manifestation. cinq jours après les scènes de pillage généralisé et de vandalisme qui ont éclaté jeudi dernier sur l'esplanade des invalides, les hordes de casseurs ne semblaient pas au rendez-vous du défilé parisien organisé hier après-midi entre les places d'italie et de la république. le cortège a réuni 92 000 manifestants, selon la police, 700 000 selon les organisateurs. «a part des gouttes de pluie, rien de notable à signaler hormis quelques heurts», confiait, soulagé, un responsable des renseignements généraux en début de manifestation. vers 14 heures, lorsque le cortège s'est ébranlé, le nombre des casseurs n'excédait pas 300. une heureuse surprise pour les forces de l'ordre qui avaient joué les cassandre la veille, craignant l'arrivée de 3 000 voyous.par groupes mobiles de vingt à trente adolescents en survêtement et capuche, ils semblaient hier comme en liberté surveillée. regardés de travers par les manifestants, parmi lesquels de nombreux adultes, ils longeaient les murs, cherchant une faille dans le cortège. en vain : à la moindre tentative, ils étaient pris en tenaille par les «gros bras» des organisations syndicales, cgt en tête qui avait notamment mobilisé plus de 200 ouvriers du livre, et les quelque 4 000 hommes déployés de la préfecture de police. a la différence des précédentes manifestations, crs et gendarmes mobiles n'étaient plus seulement là pour «boucler» le parcours. gare de lyon comme à la bastille, des groupes d'hommes casqués se détachaient de manière sporadique des cordons pour appréhender des suspects. boulevard de l'hôpital, pas moins d'une trentaine de policiers en civil intervenaient pour faire descendre trois étudiants d'un échafaudage de chantier.au coeur du défilé, la peur de voir débarquer les «dépouilleurs de cités» s'est vite dissipée pour laisser place aux chants et aux slogans. «a ceux qui veulent précariser les jeunes, la jeunesse répond résistance !», lançaient les étudiants de jussieu. «nous ne sommes pas de la chair à patrons, c'est le retrait du cpe que nous voulons», répondaient en écho ceux de la sorbonne. au son du tambour et des sifflets, anarchistes, féministes, associations de chômeurs, de sans-papiers ou encore de mal-logés s'étaient agrégés au défilé, lui conférant l'allure d'une curieuse kermesse antigouvernementale.un millier de casseurs selon la police«une bande a bien tenté d'arracher mon appareil photo aux invalides mais je reste plus que jamais mobilisée, confiait hier lucie, 21 ans, en licence de sociologie à nanterre. j'en suis à ma septième manifestation et j'ai l'impression que les voleurs de portables ne sont plus là. beaucoup ont peut-être déjà été interpellés...» «contrairement à jeudi dernier, cela s'est très bien passé, considérait de son côté sihame, scolarisée en seconde au lycée sédar-senghor de mantes-la-jolie. depuis la gare de départ, il y avait des crs pour nous filtrer et nous encadrer pendant le voyage jusqu'à paris...»dès 16 heures, de premiers incidents ont cependant opposé un groupe de casseurs à des membres des services d'ordre syndicaux place de la république. a la sortie du boulevard beaumarchais, une centaine de voyous ont remonté le cortège, après avoir raflé téléphones portables et appareils photo. selon un membre du service d'ordre de la cgt, il s'agissait d'une bande qui avait «déjà été sortie de la manifestation à la bastille». tous les commerces avaient baissé le rideau sur la place, cernée par les uniformes. vers 18 heures, les casseurs, dont le nombre s'élevait désormais à un millier selon la préfecture de police, cherchaient à en découdre avec les forces de l'ordre. essuyant des jets de projectiles – dont des blocs de pierre, des bouteilles d'alcool ou encore des vélos –, crs et gendarmes couraient à travers la place pour éviter que voyous de cité et militants d'extrême gauche ne forment des groupes trop menaçants. un singulier jeu du chat et de la souris s'engageait en fin de journée. a 22h30 heures, 500 fauteurs de troubles avaient été interpellés.
30 mars 2006 dans société | lien permanent
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la scène s'est jouée en quelques instants à peine. sur l'avenue du maréchal-galliéni, au coeur du viie arrondissement de paris, une élégante jeune fille, manteau noir et talons hauts, avance d'un pas pressé, seule au milieu des casseurs. soudain, un adolescent au cheveu ras, jeans et anorak noir, tente de lui arracher son sac tandis qu'un autre se jette sur elle pour la ceinturer. bientôt, la voici projetée à terre, qui tente de résister. tout autour, une dizaine de jeunes encagoulés regardent sans bouger, menaçants ou simplement goguenards.il est 17 heures, jeudi, sur l'esplanade des invalides livrée, depuis trois quarts d'heure, à la violence et la haine de quelque 2 000 casseurs venus, principalement, de banlieue. au loin, la silhouette du grand palais domine un champ de bataille surréaliste. ici, une cinquantaine d'adultes portant des drapeaux rouges scandent, imperturbables : «lénine, staline, mao». là, des groupes de fauteurs de troubles courent en tous sens et sèment la panique. a la recherche de proies, ils toisent étudiants, journalistes ou simples badauds. puis ils fondent sur une cible à cinq, quinze ou trente, avant de la rouer de coups puis de s'en détourner, leur rage temporairement apaisée.par groupes compacts, ils déferlent de part et d'autre des terre-pleins où sont massés par milliers les manifestants anti-cpe. abandonnant leur tam-tam, jetant banderoles et bouteilles de bière, les adolescents cèdent à la panique généralisée. ils s'enfuient, en hurlant de peur, pour échapper aux hordes de prédateurs. ceux qui ont le malheur de trébucher sont roués de coups de pieds, de poings et de bâtons.achaque reprise, depuis le début de la manifestation, la stratégie des casseurs s'est révélée redoutablement efficace. d'abord, ils repèrent une cible isolée, de préférence un jeune lycéen en train de téléphoner en marge du cortège. a deux ou trois, ils le projettent alors à terre. puis c'est un véritable essaim qui, sans retenue aucune, fond sur la victime avant de la frapper sans relâche et de la laisser au sol, parfois en sang. souvent, les gros bras de la cgt, venus prêter main forte aux étudiants et lycéens, parviennent à refouler les vagues d'assaillants. mais la tâche est immense tant les casseurs se révèlent mobiles, allant et venant tout au long du défilé.aux invalides, il est maintenant 18 heures. alors que se succèdent les scènes de lynchage, plusieurs bandes d'inconnus encagoulés convergent soudain en direction de la rue saint-dominique, où deux voitures sont renversées au milieu de la chaussée. deux autres véhicules sont incendiés. des flammes hautes de plusieurs mètres dégagent une épaisse fumée noire. plusieurs explosions sourdes sont entendues. les vitres volent en éclats. un bâtiment voisin s'embrase au deuxième étage, sous les cris de victoire de dizaines de casseurs. les pompiers, encerclés, sont menacés de mort et essuient une pluie de projectiles sous le regard inquiet d'une poignée de reporters et photographes de presse.depuis le début des manifestations anti-cpe, les journalistes ont appris à se protéger. ils endossent d'improbables panoplies. certains sont casqués et portent des lunettes de piscine, d'autres des masques de chirurgie ou encore des masques à gaz style «poilu» pour se protéger des gaz lacrymogènes. mais ces équipements de fortune ne les mettent pas à l'abri. «lorsqu'ils nous ont repérés, ils ont commencé à se chauffer en criant : «on va niquer la presse», explique ainsi un reporter. jack guez, photographe à l'afp, raconte pour sa part : «au départ, quand on les a vus attaquer des gosses à vingt contre un, on a été quelques-uns à vouloir s'interposer. mais, assez rapidement, on a pris peur.»certains, pourtant anciens reporters de guerre, sont surpris d'être directement pris à partie, voire attaqués, comme thomas coex, de l'afp. «j'étais resté en arrière pour photographier un manifestant qui avait été sérieusement blessé lorsque deux gars m'ont fait un balayage avant de me projeter à terre. là, ils m'ont mis quelques coups. puis, chance énorme, ils se sont détournés et j'ai pu me relever.»retour sur l'esplanade des invalides devenue champ de bataille. une vieille dame en redingote rouge surgit de nulle part et se met à trottiner au milieu des voyous. elle ignore l'incongruité de sa présence. «je suis désolée, j'habite en face», lâche-t-elle en s'excusant presque. un retraité en casquette, visiblement de retour de voyage, «traîne» une valise à roulettes à deux pas d'un homme frappé à coups de chiffons enflammés. tout autour, les crs ont bouclé les accès à l'esplanade, souricière où règne une indescriptible pagaille.pendant que des casseurs dansent en faisant des doigts d'honneur sur des voitures transformées en épaves en quelques minutes, un noir coiffé d'une capuche verte et vêtu d'un blouson de cuir filme chaque séquence avec un caméscope fixé sur un pied. a l'évidence, les images circulent déjà sur les blogs des cités de seine-saint-denis et des yvelines.anarchistes et militants d'extrême gauche se mêlent à la partie en jetant des barres de fer, des poubelles ou des feux tricolores arrachés de leur support sur les forces de l'ordre. stoïques, crs et gendarmes mobiles encaissent les assauts avant qu'un gradé donne un coup de sifflet.stratégie de la tenaille : au petit trot, deux imposantes colonnes bleues progressent en équerre autour des casseurs. les affrontements redoublent de violence. de manière sporadique, des policiers en civil, le visage masqué par des écharpes, jaillissent matraque à la main des haies de crs pour interpeller un casseur ou un alternatif. les frappes sont chirurgicales. le suspect est plaqué au sol, puis traîné par les pieds, en quelques secondes, vers la haie de boucliers qui se referme aussitôt après avoir happé le fauteur de trouble.18 h 30. les invalides plongent dans une atmosphère crépusculaire. a travers la fumée âcre des fumigènes, les cordons de crs ratissent pas à pas l'esplanade. ils cognent, à coups de matraque, leur bouclier pour donner la cadence. Épuisés et les butins en poche, les casseurs finissent par battre en retraite. la mélopée policière s'achève lorsqu'est démantelé un dernier carré d'irréductibles. a la nuit tombée, l'esplanade, jonchée de détritus, n'est plus que désolation.
26 mars 2006 dans société | lien permanent
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«une soupe aux choux au goût de révolte»
l'ecole des hautes études en sciences sociales, à paris, a été investie de lundi à vendredi. johan raconte.
samedi 25 mars 2006
ohan
sébastien, étudiant en histoire à la sorbonne, a vécu de l'intérieur
l'occupation de l'ecole des hautes études en sciences sociales (ehess).
entamée lundi, elle s'est terminée vendredi matin à 6 heures par
l'intervention des forces de l'ordre. il a confié son carnet de bord à libération.
lundi soir, début de l'occupation
«l'assemblée
générale des étudiants de la sorbonne, qui se déroule depuis une
semaine à censier à midi, se délocalise à l'ehess. les étudiants et la
direction de l'école nous ont invités, en solidarité envers ces
itinérants que nous sommes depuis que notre fac est interdite d'accès.
j'arrive au 105 boulevard raspail sans trop y croire. l'amphi est
bondé. un seul sujet occupe l'assemblée : faut-il ressortir de ces
locaux ? un intervenant explique que voter sur cette question est un
attrape-couillon. il est acclamé. le débat démarre, sans modérateur ni
micro. une fille se dit ravie de voir les tensions disparaître avec
l'abolition du vote. il aura pourtant bel et bien lieu. l'occupation
l'emporte à une petite majorité. mais la plupart refusent de lever la
main.
«les porte-parole de la présidence, chahutés, nous disent
que nous sommes tous invités dans les locaux durant les heures
ouvrables, entre 8 heures et 20 heures. mais nous avons déjà voté
l'occupation. les profs commencent à perdre leur sang-froid. une
feuille circule pour organiser des tours de garde. une cuisine
s'improvise dans un étage. dans le hall, des cagettes de fruits et
légumes arrivent d'on ne sait où. des bouteilles de vin et des bières
s'accumulent dans les coins.
«un étudiant de l'ehess m'explique
que nous avons tout simplement foutu dehors la véritable radicalité de
ce pays. je lui réponds que la "véritable radicalité" va appeler les flics. "vous êtes juste bon à faire de l'ehess un tripot", me répond-il. je
lui dis qu'il y a beaucoup plus de radicalité à faire fonctionner une
cuisine qu'à parler de lendemains qui chantent. je vais au cinquième
pour une soupe aux choux. elle a un goût de révolte. des équipes vont
visiter les lieux. nous tombons nez à nez avec les professeurs et la
présidente, scandalisée, qui parle d'effraction dans les salles
informatiques. nous nions, sans trop savoir, et expliquons que nous
avons besoin d'un accès à l'internet pour envoyer nos communiqués. elle
nous invite dans ses bureaux. des nouvelles arrivent : sciences-po est
occupée. on a du mal à y croire. on compte les institutions dont le
prestige a pris un coup depuis le début du mouvement : la sorbonne, le
collège de france, sciences-po, et l'ehess. trois sirènes chantent des
choeurs géorgiens. un jeune homme s'endort, un sourire aux lèvres.
mardi, deuxième jour
«les
occupants de la veille se reconnaissent à leurs cernes. a l'ag de 19
heures, l'amphi est plein : 200 personnes. les règles d'hier se sont
imposées. ni modérateur, ni vote. et ça marche. il y a de tout :
étudiants de la sorbonne, de nanterre, mais aussi des intermittents du
spectacle, des chômeurs et des ouvriers syndiqués. l'amphi se vide
doucement autour de 22 heures, après trois heures d'une étrange
discussion à bâtons rompus. deux groupes veulent aller "bomber"
dans le métro, ligne 4 ou 12. en cuisine, c'est l'heure du bilan de la
nuit dernière. certains ont l'air de vrais conspirateurs. ils ne
veulent pas être ennuyés par des étrangers. on se raconte les prouesses
de la semaine : un boulon bien envoyé sur un crs, une bouteille de
bière éclatée sur un gendarme mobile, "un pote qui s'est fait serrer, trop tebé". les murs sont couverts de graffitis aux slogans plus ou moins heureux. un extincteur a été vidé au rez-de-chaussée.
mercredi, troisième jour
«une
quarantaine d'irréductibles étudiants, chômeurs, anarchistes,
syndicalistes en rupture de ban sont réfugiés dans le hall. il faut
tenir jusqu'à l'ag de 19 heures. des altercations éclatent entre
occupants et journalistes, accusés d'être venus à l'invitation de
l'administration. les occupants fauchent micros et carnets. les
journalistes sont "invités" à sortir. l'ag réunit quelque 300
personnes. on repère de nouvelles têtes. des étudiants de l'ehess sont
venus voir comment tournent les choses. des crêtes punk apparaissent.
un homme muni d'un nez rouge et de lunettes noires écrit sur le tableau
des absurdités à la craie pendant les débats. la conversation est morne
; quelques grandes gueules font appel à 1848, à 1968... la grande
question : quelles actions mener ? prise de rungis, opérations antipub,
blocage du périphérique : le débat s'englue. une bonne partie de
l'amphi se barre. vers minuit, dans une salle du second étage, neuf
personnes (moyenne d'âge 30 ans) rédigent un texte intitulé "l'ag en
lutte siégeant à l'ehess". un gars arrive, hilare : au 20 heures, tf1
parle de "casseurs munis de barres de fer" appelant à la mort de la démocratie. la table s'esclaffe. "on se fout des médias." la discussion continue : "la grève de mardi ne sera pas le tombeau de notre mouvement."
«2
heures du mat'. veillée d'armes dans la cour : feu de bois, guitare...
de l'autre côté du boulevard raspail, des vigiles tournent toutes les
trois heures. odeur de cendre froide dans l'amphi. les couloirs font
plus penser aux toilettes d'un lycée qu'à une révolution. aux premières
lueurs du jour, deux caisses de pains au chocolat arrivent. trois
occupants décident d'en apporter aux vigiles en face. grosse discussion
sur l'humanité ou non à avoir à l'égard des forces de l'ordre. "ils ne sont pas des êtres humains comme les autres. Ñ ils n'ont pas choisi, tu peux pas juger."
jeudi, 16 heures
«je
reviens après quelques heures d'absence. je sens pointer un syndrome de
persécution et d'enfermement. c'est jour de manif. une petite dizaine
de très jeunes gardent les locaux. ils s'affolent devant les mouvements
de la police, dans la rue. un seul garde son calme et cherche le
matériel d'entretien pour "laver les cochonneries". le soir,
bilan de la journée. les manifs ont été frustrantes, les mots d'ordre
étant trop décalés par rapport à ce qui se passe ici. lecture du texte
de la veille appelant à la "grève générale sauvage et illimitée".
l'amphi est encore plus bondé que les jours précédents. Ça gueule plus
que ça ne discute. un prof de l'ehess est hué. un jeune le touche : "je te reconnais, tu nous as envoyé la milice." l'enseignant se retrouve dans la cour et dit : "si on ne laisse pas parler un prof de l'ehess..."
«une
partie de ceux qui, la veille, avaient rédigé le texte quittent l'ag
dégoûtés. je reconnais une des chanteuses de choeur géorgien, les
larmes aux yeux. elle se dirige vers la porte. le "gardien" de la
grille semble être devenu fou : "ceux qui sortent, c'est définitif." je me demande ce que je fais là. les ateliers de l'avant-veille se sont transformés en chambres fermées où se discutent des "opérations secrètes".
je sors de ce rêve devenu prison. je me dirige vers le métro, le goût
de la défaite au coeur. l'ehess sera évacuée quelques heures plus tard.»
26 mars 2006 dans curiosités, société | lien permanent
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la violence s'invite dans les manifestations
le
défilé qui réunissait hier à paris plusieurs dizaines de milliers
d'étudiants et de lycéens a été terni par des agressions et des actes
de vandalisme.
par didier arnaud et tristan coloma et marie-joëlle gros et amaria tlemsanivendredi 24 mars 2006
a
mobilisation ne faiblit pas. et les «casseurs» s'invitent. hier, alors
que les lycéens et les étudiants faisaient une nouvelle démonstration
de force (le syndicat lycéen fidl et l'unef ont annoncé 500 000
manifestants, deux fois l'estimation du ministère de l'intérieur),
plusieurs rassemblements ont été marqués par des incidents provoqués
par des jeunes venus en découdre avec la police et détrousser les
manifestants. comme en mars 2005 lors des manifestations contre la loi
fillon, le cortège parisien a été le théâtre de scènes de dépouille
extrêmement violentes. un manifestant de 21 ans, grièvement blessé à la
tête en fin de manifestation à paris, a été hospitalisé dans un état «sérieux».
confusion. paris,
place d'italie, à 14 heures la foule grossit rapidement, c'est la
pagaille : 23 000 jeunes selon la police, 140 000 pour l'unef. au
milieu d'étudiants, beaucoup de lycéens qui courent, qui chantent au
rythme des sonos des organisations syndicales, des fanfares ou des
djembés. le coeur du cortège semble entouré par des services d'ordre,
mais la confusion règne sur les trottoirs. des groupes de jeunes,
visages masqués ou bâton à la main font monter la tension. les
manifestants sont aux aguets : «on ne peut pas s'arrêter à ça, se désole tracy, en terminale dans un lycée de villepreux (yvelines). nous, on est là, on veut manifester pacifiquement.»
comme
les étudiants en éducation physique qui piquent des sprints dans le
cortège. un bandeau autour de la tête, en tenue de sport, sifflets à la
bouche, ils protestent contre la réduction de 50 % des postes au
concours dans leur filière, mais se retrouvent derrière un mot d'ordre
unique : retrait du cpe. antonin a fait le voyage depuis nantes avec
120 d'entre eux : «etant donné que la loi est irrecevable on ne
lâchera pas ! en cas de retrait, on est prêts à négocier pour trouver
des solutions. il faut remettre des moyens dans l'éducation pour amener
les jeunes au travail.»
serrer les rangs. sur le
boulevard de port-royal, une bande arrive à toute vitesse dans le dos
de manifestants. la bousculade dure quelques secondes à peine. une
fille est en larmes. ses pieds ont décollé du sol, des mains ont
farfouillé dans ses poches. son portable, son portefeuille ont disparu.
les manifestants serrent les rangs. le collectif de l'essonne, qui
s'est créé depuis plusieurs semaines, a rempli «un rer entier» pour venir d'evry. etudiants, lycéens, font une chaîne humaine en se tenant par les coudes. «villepin est complètement irresponsable, analyse xavier, 17 ans. il
y a des milliers de gens dans les rues, le mouvement est ascendant, son
propre parti est contre lui... maintenant, il veut dialoguer "sans a
priori". mais, on n'en est plus là ! on veut le retrait
du cpe et de toute la loi sur l'égalité des chances. il prétend faire
du social pour les jeunes des banlieues, mais en fait il sert la soupe
aux employeurs.»
les bandes sont toujours là, qui descendent
et remontent le cortège. au milieu des manifestants parisiens, des
étudiants des universités de tours, amiens, nantes, lyon,
clermont-ferrand, aix-marseille. «a quoi ça sert de demander l'avis des gens une fois que la loi est votée ? interroge mariette, de tours. les syndicats nous trahiraient s'ils acceptaient de négocier maintenant.» alice, lycéenne à balzac, porte de clichy : «il ne peut pas y avoir de dialogue avant le retrait du cpe.»
des professeurs d'université sont là aussi. approchant du ministère de l'education, ils ont scandé : «etudiants, enseignants solidarité !» et «de robien au balcon ou sinon nous entrons.» la plupart sont mobilisés depuis deux semaines. ils envisagent de se fédérer en coordination. «il faut en finir avec l'atomisation», avance christophe, enseignant en histoire à paris-iii.
«sarko, on t'oublie pas». grosse délégation de paris-xiii, avec sa fanfare. les sages étudiants de l'iep de paris ont déroulé une banderole : «sciences-po emmerde galouzeau». des manifestants s'époumonent : «chirac, villepin et sarkozy, votre période d'essai, elle est finie !» a la hauteur de port-royal, ce tag : «sarko, on t'oublie pas.» les étudiants avaient appelé à un rassemblement «sans dispersion» aux invalides. «l'idée, explique sarah de tolbiac, ce
n'est pas de manifester d'un bout à l'autre de la ville, mais de
stationner aux invalides, et d'y rester même la nuit. exactement comme
les ukrainiens ont fait.» un membre du service d'ordre étudiant s'inquiète : «sans dispersion pour la fin de manif, ça va être free-style.» il
ne sera pas déçu. les bandes ont pris la tête du cortège. des
éducateurs expliquent que l'approche des vacances est pour eux une
source d'inquiétude : les jeunes sont livrés à eux-mêmes, sans argent.
ils sont là pour se faire quelques dizaines d'euros.
boulevard de
port-royal, une dizaine de jeunes s'est abattue sur guillaume qui
s'accroche à son appareil photo. son pote sylvain tente de le défendre.
a terre, il se fait taper dessus. coups de pied dans le ventre, la
tête. «j'ai senti qu'ils tapaient sans savoir pourquoi», dit-il. guillaume s'est relevé, il titube. une dame, très émue : «mais ils l'ont lynché, là, à terre, devant nous !» un policier en civil fait le point dans son micro : «nous avons ici et là des jv (jeunes violents, ndlr) mais l'essentiel du cortège est constitué de pacifistes.» plus
loin, une dame en manteau se fait piquer son sac. des bouteilles de
bière volent. le service d'ordre de la cgt intervient : «avec les lycéens, ce n'est pas comme avec les étudiants, cela peut vite dégénérer.»
«rugby». 16
h 30, la place des invalides est encore vide. précédant le cortège, les
bandes se sont agglomérées, formant une masse de plusieurs centaines de
«casseurs», qui investissent la place en courant. ils s'attaquent aux
photographes, aux caméras. «on dirait un match de rugby»,
commente un manifestant. a un moment, un jeune homme, totalement isolé,
traverse la place. une bande fond sur lui, le renverse, le piétine. son
nez est en sang. vers 17 h 30, des «casseurs» s'en prennent aux
pompiers qui tentaient d'éteindre une voiture en feu, en lançant des
pierres et des barres de fer. des manifestants tentent de s'asseoir au
milieu de la place.
vers 18 h 30, il ne reste qu'un petit
millier de manifestants. méthodiquement, la police procède au bouclage
de l'esplanade avec des barrières métalliques. les crs paraissent
indifférents à ce qui se joue au milieu de l'arène. ils regardent
sortir les jeunes «dépouillés», certains le visage en sang. les
policiers infiltrés assistent au jeu de massacre. les interpellations
tardent. vers 19 heures, tout est fini. derrière l'assemblée nationale,
une manifestante croise le député ump alain marsaud. «alors, lui dit-il, vous êtes comblé par cette débauche de violence ? vous aimez ça ?»
26 mars 2006 dans société | lien permanent
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l'ecole des hautes etudes en sciences sociales saccagée
vendredi 24 mars 2006 (reuters - 14:15)
paris - le rectorat de
paris a déploré le "saccage" des locaux de l'ecole des hautes etudes en
sciences sociales (ehess) par un groupe de 72 occupants, délogés au
petit matin par les forces de l'ordre.
depuis trois jours, le
bâtiment situé 105 boulevard raspail, dans le vieme arrondissement,
était occupé par ce groupe extérieur à l'établissement qui avait
débordé des étudiants anti-cpe occupant initialement les lieux.
craignant pour la sécurité du personnel, composé surtout
d'enseignants-chercheurs, d'étudiants et d'employés administratifs, la
présidente de l'école avait dès lundi demandé, en vain, l'intervention
des forces de l'ordre.
vendredi à partir de 6h00, le bâtiment de
quatre étages a été évacué, a fait savoir la préfecture de police de
paris dans un communiqué.
le porte-parole du recteur de paris,
qui s'est rendu sur place après l'évacuation, a déclaré qu'il
s'agissait "des mêmes individus qui ont dégradé l'université de la
sorbonne".
"tout a été détruit. les locaux sont saccagés sur les
quatre étages. c'est terrifiant. il y a une odeur pestilentielle. on
dirait qu'un typhon s'est abattu sur les lieux", a-t-il dit.
outre les "tags" sur les murs, comportant notamment des menaces à
l'encontre des forces, le sol a été maculé d'excréments, les portes,
les vitres et le mobilier ont été cassés, les ordinateurs volés et les
documents des chercheurs et des élèves détruits, a-t-il déploré.
"les forces de l'ordre sont intervenues au moment le plus propice pour
effectuer cette opération rapidement, sans incident", souligne la
préfecture dans son communiqué.
cinquante-cinq hommes et
dix-sept femmes ont été interpellés. une personne a été placée en garde
à vue pour "menace sur agent de la force publique". les autres font
l'objet de vérifications d'identité.
dans son communiqué, la
préfecture fait état de "nombreuses dégradations" et souligne que "des
projectiles ont été lancés des étages sur les forces de l'ordre" lors
de l'évacuation.
une enquête sera ouverte sur l'identité des auteurs des dégradations et de vols, notamment de matériel informatique.
les responsables de l'établissement ont déposé plainte jeudi.
26 mars 2006 dans curiosités, société | lien permanent
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meurtre d'ilan halimi : le récit des geôliers
le monde | 21.03.06 | 11h16 • mis à jour le 21.03.06 | 11h16
ls s'appellent jérôme ribeiro, dit "coup de tête", samir ait abdelmalek, alias "smiler", ou "agent murphy", comme dans le film matrix, fabrice polygone, yahia kaba et jean-christophe g., le seul mineur du groupe, surnommé "zigo". ils ont entre 17 et 27 ans. geôliers d'occasion, recrutés par youssouf fofana, 25 ans, – "le boss" – au hasard des cités de bagneux. "youssouf
fofana fait peur, très peur, a dit jérôme ribeiro aux policiers, on
sait tous dans la cité qu'il ne faut pas l'enculer, sinon c'est chaud
pour nous." un "grand" de la cité, ancien taulard qui les recrute à la mi-janvier pour quelques milliers d'euros. "il
m'a demandé si je voulais me faire beaucoup d'argent, j'ai répondu oui,
a expliqué jérôme ribeiro. il m'a indiqué qu'il suffirait de garder
trois jours un homme." cet homme, c'est ilan halimi ; sa détention
durera en réalité trois semaines, du 21 janvier au 13 février, jour où
le jeune homme a été retrouvé à l'agonie. l'autopsie a conclu à un
décès "consécutif à des brûlures étendues associées à des plaies cervicales par arme blanche". elle a également révélé la présence de multiples ecchymoses et éraflures.
"traces de brÛlures"
la première
semaine de séquestration se passe dans un appartement prêté par le
concierge. youssouf fofana a installé le décor : des draps "de couleurs à motifs orange, pour masquer les murs".
menotté, habillé d'un peignoir acheté chez auchan, nourri de protéines
liquides à l'aide d'une paille, ses geôliers autorisent ilan halimi à
fumer un joint, entre deux gifles. pour entrer dans l'appartement, un
code : deux coups puis un autre, frappés sur la porte. puis ilan halimi
est transporté dans une salle de la chaufferie, sur les épaules du "boss". son sort ne varie guère. "il pissait dans une bouteille et faisait caca dans un sac en plastique", a indiqué un geôlier, yahia kaba.
les violences sont régulières. "dès le premier jour, j'ai pu constater que l'otage présentait des traces de brûlures par mégots au niveau des côtes et du dos",
a affirmé cédric birot saint-yves, autre geôlier. pour jean-christophe
g., les coups auraient débuté après un premier échec de remise de
rançon. selon lui, ilan halimi "a commencé à réclamer souvent des
cigarettes. tous les quatre, nabil, yahia, jérôme et moi, nous lui
avons mis des tartes quand il gémissait pour avoir des cigarettes. (…)
il m'est arrivé aussi de lui mettre de petits coups de balai sur les
jambes, cuisses ou mollets." mais les épisodes les plus signifiants
ont eu lieu avant de prendre des photos destinées à effrayer la famille
de la victime : simulacre de sodomie avec un manche à balai, coup de
cutter à la face infligé par samir ait abdelmalek.
a la fin de la
détention, les rotations sont de plus en plus laborieuses chez les
geôliers. certains se cherchent des excuses pour raccourcir leur tour
de garde. l'impatience règne. une réunion de crise est organisée dans
le local, deux jours avant la mort d'ilan halimi . "la conversation
s'est tenue devant l'otage, a raconté cédric birot saint-yves. le boss
nous a réunis afin de savoir qui voulait ou ne voulait pas continuer.
(…) nous craignions la présence de la police dans le secteur et nous
pensions que nous n'aurions pas d'argent." nabil moustafa confirme cet épisode : "on
a dit qu'on en avait assez. le boss a réfléchi et il a décidé qu'il n'y
avait plus que ce soir-là, que l'autre devait dégager." mais le calvaire d'ilan halimi n'est pas fini. youssouf fofana aurait continué à entretenir l'espoir d'une rançon. "il voulait obtenir de l'otage le numéro d'un membre de sa famille qui n'aurait pas encore été contacté",
a affirmé fabrice polygone, qui dit être sorti afin de faire le guet.
les autres auraient alors infligé des violences à ilan halimi. a son
retour, il l'aurait trouvé "dos contre le mur, jambes un peu
repliées vers le torse. il était en peignoir. j'ai vu nettement des
traces d'éraflures ou de frottement sur le côté gauche de son torse, un
peu partout, vers les côtes, le cou, la poitrine. Ça ne saignait pas." le chef de la bande aurait encore donné des gifles à l'otage ; il portait "des gants avec tissu sur le dos de la main et un simili-cuir sur le plat",
précise fabrice polygone. il est minuit passé, ce lundi 13 février. il
faut préparer halimi avant sa remise en liberté, pendant que youssouf
fofana va chercher une voiture. "lorsque j'ai soulevé sa
couverture, j'ai vu des taches de sang sur son pyjama avec des trous,
au niveau des jambes et du ventre, a détaillé nabil moustafa. quand on
l'a déshabillé, j'ai vu des plaques rouges sur son ventre (…), ça
ressemblait un peu à des brûlures." avant de le remettre à leur chef, les geôliers doivent nettoyer toute trace compromettante sur leur otage. "nabil,
zigo et moi, on devait le laver avec de l'eau, du gel douche qui se
trouvait sur place et des gants de toilette, a expliqué fabrice
polygone. je lui ai coupé les cheveux. zigo et nabil ont trouvé que ce
n'était pas assez court et ils ont essayé de le lui raser les cheveux
avec un rasoir mécanique à deux lames, noir ou bleu." puis ilan halimi est séché et enveloppé dans un drap violet, que jean-christophe g. avait acheté au supermarché du coin.
"droit dans les yeux"
plus tard dans la nuit, youssouf fofana arrive. "une fois dans le local, youssouf nous a dit qu'il allait partir avec l'otage",
a déclaré fabrice polygone. les geôliers l'aident à conduire ilan
halimi jusqu'à une voiture, le hissent à l'intérieur. après le départ
du chef, ils nettoient les lieux. "j'ai jeté des sacs de courses, des bouteilles, des sachets de biscuits, des croissants", s'est souvenu cédric birot saint-yves.
pourquoi
ilan halimi n'a-t-il pas été relâché ? samir ait abdelmalek a dit qu'il
avait croisé youssouf fofana au lendemain du départ d'ilan halimi de la
cave. en tête-à-tête, le chef du gang lui aurait raconté qu'il avait
déposé l'otage, la veille, dans les yvelines, à bord d'une voiture
volée, puis serait revenu auprès de lui. "a ce moment, ilan avait
réussi à enlever son bandage des yeux, a expliqué samir ait abdelmalek.
il avait donc vu ilan le regarder droit dans les yeux et du coup
youssouf avec un couteau lui a mis un coup dans la gorge vers la
carotide puis un coup de l'autre côté de la gorge. ensuite il a essayé
de lui couper le bas de la nuque. puis il lui a mis un coup de couteau
dans le flanc. il avait sûrement dû revenir avec un bidon d'essence car
il m'a dit qu'il avait utilisé un bidon pour asperger ilan avec ce
combustible et l'a incendié sur place." interrogé le 23 février à
abidjan, youssouf fofana a nié toute responsabilité. il a affirmé qu'il
a conduit son otage derrière le supermarché cora de bagneux, pour le
confier à un dénommé marc, dit "crim" ou "craps", et à un autre homme, qui l'ont enfermé dans le coffre de leur voiture. le lendemain seulement, fofana a dit avoir appris que "crim
et son copain s'étaient rendus à sainte-geneviève-des bois, qu'ils
avaient déposé le corps dans un petit bois et qu'ils avaient versé de
l'acide sur l'ensemble du corps, qu'ils y avaient mis le feu et qu'une
boule de feu s'était formée".gérard davet et piotr smolar "d'après lui, les juifs étaient les rois, car ils bouffaient l'argent de l'etat"
le monde | 21.03.06 | 11h16 • mis à jour le 21.03.06 | 11h16
es préjugés antisémites de la bande de bagneux apparaissent dans les auditions de ses membres. d'après youssouf fofana, ils ont "visé la communauté juive, car c'est eux qui ont de l'argent".
emma s., qui a servi d'appât, a raconté aux enquêteurs la teneur d'une discussion avec youssouf fofana : "d'après
lui, les juifs étaient les rois, car ils bouffaient l'argent de l'etat
et lui, comme il était noir, était considéré comme un esclave par
l'etat." "je lui ai demandé ce qu'il comptait faire si les
personnes n'avaient pas d'argent, a-t-elle ajouté, et il m'a dit que ce
n'était pas possible car les juifs étaient solidaires entre eux." voilà pourquoi le chef du gang a contacté un rabbin parisien – "trouvé en consultant internet" –, après l'échec des contacts avec la famille halimi.
si les magistrats ont retenu le caractère
antisémite comme circonstance aggravante du crime, c'est aussi en
raison de l'épisode du joint écrasé sur le front d'ilan halimi. guiri
oussivo n'gazi aurait entendu de la bouche de jérôme ribeiro le récit
de cet acte, dans lequel un mineur, jean-chritophe g., dit "zigo", a joué un rôle central : "j'ai
demandé à jérôme pourquoi g. avait agi ainsi. jérôme m'a répondu que
zigo avait fait cela car la victime était un feuj et il n'aimait pas
les feujs." jean-christophe g. a réfuté cette version, tout en reconnaissant le geste. "la
victime a sans doute fait du bruit ou gémi, et comme je fumais un
joint, j'ai appuyé un court instant ma cigarette au milieu de son
front, a-t-il dit aux policiers. j'ai ensuite écrasé mon mégot au sol."
youssouf fofana semblait obsédé par l'argent, comme en témoignent les
jeunes femmes servant d'appâts. il ciblait les magasins de téléphonie,
car "il pensait que ce type de commerce était essentiellement tenu par de jeunes juifs argentés", a dit audrey l. "ma
cliente a permis l'arrestation du groupe de bagneux, souligne son
avocat, me jean balan. elle n'a pas voulu cautionner leurs activités
criminelles." pour le reste de la bande, l'origine de la victime ne semblait pas une préoccupation majeure. "moi, je me fichais qu'il soit juif, je voulais juste avoir ma part, et le boss m'avait dit qu'il était riche", a expliqué nabil moustafa aux enquêteurs.
le
dernier élément qui a pu conforter les juges provient des
perquisitions. dans un appartement où jérôme ribeiro a vécu, des
autocollants antisémites et des documents à la gloire des nazis ont été
découverts. au domicile de youssouf fofana, les policiers ont trouvé un
texte de théorie salafiste. "mon fils est très croyant, il fait la
prière cinq fois par jour, il va tous les jours à la mosquée de
bagneux, a expliqué bakary fofana, père du chef de gang. maintenant, je
ne pense pas qu'il soit intégriste ou influencé."gérard davet et piotr smolar
21 mars 2006 dans société | lien permanent
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dans les hauts-de-seine, des bénévoles
dénoncent la multiplication des obstacles, les arrestations possibles
dans les préfectures et l'avant-projet de loi sarkozy.
les sans-papiers traqués jusqu'aux guichets
par catherine corollervendredi 17 mars 2006
ela
fait de longues minutes qu'henri épluche la pile de documents posée
devant lui. de l'autre côté de la table, souleiman attend patiemment.
cette masse de papiers, classés année par année, résume dix ans de la
vie en france de ce jeune africain sans papiers. s'il parvient à
justifier de dix années continues de séjour, il sera régularisé. mais
son dossier a déjà été rejeté une fois par la préfecture. «il a un problème de preuves pour avant 1998»,
explique henri. ce bénévole au comité des sans-papiers des
hauts-de-seine (csp 92) continue d'examiner les pièces apportées par
souleiman. pour 1992, une ordonnance de l'hôpital de la
pitié-salpêtrière ; pour 1993, des résultats d'analyses de laboratoire
; pour 1994, une fiche de consultation à l'hôpital et une «facture de réception de mouton pour la cantine» du foyer où il réside. «Ça peut servir de preuve»,
tranche henri. pour 1996, une autre fiche de rendez-vous à l'hôpital et
un appel de cotisation à une mutuelle de solidarité africaine pour le
rapatriement du corps au pays en cas de décès en france...
deux tables plus loin, une autre bénévole épluche aussi un «dossier de dix ans». l'homme assis face à elle, également africain, est arrivé en france en 1991. «mais il lui manque quatre ans de preuves»,
soupire françoise. il y a quelques années encore, une enveloppe timbrée
oblitérée, frappée d'un tampon de la poste lisible, permettait
d'attester de sa présence en france à la date indiquée. «aujourd'hui, la préfecture considère que c'est nul. ils sont de plus en plus exigeants pour les dix ans», soupire encore françoise. le dossier de l'africain est trop incomplet, elle lui déconseille de le représenter à la préfecture. «en ce moment, on les dissuade d'y aller, sauf ceux dont le dossier est nickel, explique-t-elle, sinon c'est trop dangereux.»
vigilance. a
l'origine de cette crainte, la publication par nicolas sarkozy et
pascal clément, ministre de la justice, le 21 février, d'une circulaire
expliquant comment arrêter en toute légalité un sans-papiers chez lui,
dans la rue, dans un foyer-logement ou un centre d'hébergement. et même
«au guichet d'une préfecture» (lire ci-contre). depuis, les
bénévoles du csp 92 redoublent de vigilance. et accompagnent le plus
systématiquement possible les sans-papiers à la préfecture. «on se dit qu'ils n'oseront peut-être pas arrêter la personne devant nous», explique encore françoise.
henri
justement se lève. il part avec un couple de tunisiens à la préfecture
de nanterre. depuis la publication de la circulaire, françois, henri et
les autres sont tiraillés entre deux soucis contradictoires : ne pas
envoyer les sans-papiers dans la gueule du loup et accélérer les dépôts
en préfecture des dossiers de dix ans. car un autre danger guette les
sans-papiers : l'avant-projet de loi de nicolas sarkozy sur
l'immigration, qui devrait être présenté au parlement à la mi-mai,
prévoit la suppression de l'«automaticité» de la régularisation des
sans-papiers présents en france depuis dix ans. cette possibilité
serait laissée à l'appréciation des préfets «au cas par cas».
d'où l'urgence de faire passer un maximum de dossiers avant le vote de
ce texte. une urgence tempérée aujourd'hui par la publication de la
circulaire.
liens anciens. bénévole depuis huit ans, françoise a constaté un durcissement continu des conditions de régularisation des étrangers : «il y a de moins en moins de solutions. et l'on craint que demain il n'y ait plus rien»,
déplore-t-elle. parmi les premiers à avoir poussé la porte du local du
csp 92 mardi matin, un vieil algérien. il a travaillé en france entre
1956 et 1991, légalement. puis il est reparti en algérie avant de
revenir en france en 2004. aujourd'hui, il touche sa retraite mais ne
parvient pas à obtenir de papiers. comme lui, beaucoup de ceux qui se
présentent ce jour-là ont des liens anciens avec la france. ainsi,
cette femme, née en algérie, arrivée ici à l'âge de 2 ans. a 22 ans,
elle s'est mariée au pays puis est revenue en france il y a trois ans
avec deux fils de 15 et 17 ans. «elle a essayé de relancer la machine, sans succès», explique une bénévole des restos du coeur, qui l'accompagne dans ses démarches. «elle est née en 1957, elle peut être reconnue comme française, on va complètement refaire le dossier», répond françoise.
chez
les sans-papiers, l'angoisse du lendemain est palpable. heureusement,
le csp 92 obtient également des succès. la porte de la permanence
s'ouvre, et un homme entre tout sourire. il a obtenu sa régularisation
et vient faire la bise aux bénévoles. les gens viennent de tout le
département. des «dix ans», mais aussi des couples mixtes, les
conjoints de français étant également dans le collimateur du
gouvernement. un homme et une femme se présentent. lui est français,
elle algérienne, arrivée en france en 2000. ils vivent ensemble depuis
un an et demi. ils ont pensé à se marier, mais lui étant au chômage, en
fin de droits, et hébergé chez des parents, ils risquent un veto du
préfet. le bénévole leur conseille de se pacser. cela ne protège pas
cette algérienne d'une expulsion, mais constituera une preuve de vie
commune le jour où l'homme aura retrouvé du travail.
un
marocain marié à une française a fait, lui, une demande de
naturalisation. elle lui a été refusée au motif que le couple est marié
depuis moins de trois ans. françoise s'étonne, dans le guide du gisti
(groupe d'information et de soutien des immigrés) qui lui sert de livre
de chevet, la durée de vie commune indiquée est d'un an seulement. mais
l'ouvrage date de 2000. depuis, la loi n'a cessé d'allonger ce délai.
aujourd'hui, la durée de communauté de vie permettant aux conjoints de
français de demander la nationalité française est de deux ans, et
devrait passer à quatre si le projet de loi de sarkozy sur
l'immigration est adopté.
quand aucune possibilité légale de
régularisation n'existe, les préfets peuvent accorder au cas par cas
des autorisations de séjour à titre humanitaire. chaque trimestre, le
csp 92 rencontre le préfet et lui remet une liste de candidats. «si on fait une nouvelle liste, je pense qu'on t'y mettra»,
assure françoise à une jeune haïtienne, dont la demande d'asile
politique a été rejetée. mais, pour l'instant, tout est bloqué.
interlocuteur habituel des bénévoles du csp 92, le préfet des
hauts-de-seine a quitté son poste et, comme le précise françoise, «son
remplaçant vient d'arriver, on ne l'a pas encore rencontré, donc on ne
connaît pas sa position et, avec cette nouvelle loi en gestation, tout
est un peu périlleux».
17 mars 2006 dans société | lien permanent
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manu le gitan, le truand qui s'est rangé aux fourneaux
a
38 ans, dont quinze passés derrière les barreaux, emmanuel caldier
vient, après avoir publié deux livres, d'ouvrir un restaurant dans la
nièvre.
par eric moinevendredi 17 mars 2006
(1) association un avenir pour lucas, 25, rue des rousses, 45140 ingré.moulins correspondanceanu le gitan s'est éclipsé. celui que la télé s'arrachait pour se régaler de son moi, manu le gitan, les mémoires d'un voyou justicier,
paru en 2004 chez flammarion, ne s'est pourtant pas peroxydé les
cheveux pour échapper à un énième avis de recherche. emmanuel caldier,
38 ans, a juste un peu tué manu le gitan avec la complicité d'amélie.
sa belle lui a ôté toute envie de devoir se refaire la belle en lui
offrant un fils, il y a trois mois.
vie de va-et-vient. «mon quatrième enfant et je ne savais même pas ce que c'était qu'une grossesse !», s'afflige l'ex-braqueur en ouvrant ses mains chargées de bagues baroques à chaque doigt : «les trois premiers, je les ai vus grandir de derrière les barreaux. dix noëls en prison...»
une vie de va-et-vient dans les établissements pénitentiaires, depuis
ses 15 ans, en 1983, jusqu'à sa libération conditionnelle, en 2002 : «a un moment, faut savoir jeter les gants.»
il
a troqué les flingues pour la cuiller en bois, passant des cachots aux
fourneaux d'un hôtel-bar-restaurant quelque part dans l'allier. manu le
gitan ne se fait toujours pas prier pour raconter ses gros coups. de sa
première voiture volée à 10 ans, au kidnapping, en 2001, d'un courtier
suisse soupçonné d'avoir détourné 220 000 dollars destinés à une
association d'enfants autistes : «le pourri intégral !» et, en guise de piment, des faits d'armes de «recouvreur de dettes», «genre barbouze»,
difficiles à vérifier. même si, c'est avéré, son dernier séjour à
l'ombre s'est effectué au quartier vip de fleury-mérogis. manu tire sur
son col pour découvrir un tatouage sur le coeur : «fait le jour où
pierre falcone, mon voisin de cellule que j'avais croisé en angola sur
un truc, m'a convaincu d'arrêter les conneries. j'ai juré, et je tiens.»
parce
qu'il jure mieux sur la bible que sur le code pénal. sur le tatouage,
de lourds colliers de chaînes en or entrechoquent leurs pendentifs,
dont une énorme tête de christ : «j'ai toujours été croyant mais, lui, je ne me suis donné le droit de le porter que depuis que je suis rangé.» une foi naturelle. héritage d'un grand-père pasteur protestant, mais aussi culture d'une communauté : «mon
père était directeur de banque. j'ai vite senti que c'était pas mon
monde. a 8 ans, la caravane est passée, les chiens n'ont pas aboyé, je
suis monté dedans.» emmanuel caldier est devenu manu le gitan.
trente ans après, manu le gitan retrouve emmanuel caldier. son menu
d'écrivain s'est enrichi d'un deuxième livre en mai 2005, où il met les
prisons sur le grill, mes prisons (flammarion). cette fois, la télé fait la fine bouche : «mais
la télé et les journalistes ont été mon gilet pare-balles. plus je
montrais ma tronche, moins ceux à qui elle ne revenait pas risquaient
de vouloir se la faire. maintenant, je suis tranquille, je n'ai plus
d'ennemis vivants.»
il n'a en tout cas pas volé sa notoriété. grande gueule mais gros coeur : «60 000 exemplaires de mémoires d'un voyou,
ça fait 90 000 euros de droits d'auteur. j'ai tout filé à une
association d'aide à un enfant handicapé (1). et je te dis pas comment
j'ai braqué flammarion, mon éditeur, pour lui faire donner des paquets
de livres à ceux qui s'occupent d'illettrisme...»
caravane. le tour des prisons, le tour des télés, le tour de france en camion pour dédicacer. a force, il s'est posé : «au milieu. entre nièvre et allier. j'aime bien cette région et, moi, je crois en la province.»
il a d'abord acheté un terrain l'an dernier, côté nièvre, pour un
projet de stages de découverte du 4 x 4. Ça mijote. en attendant, il a
posé sa caravane dans l'arrière-cour du bistrot. manu le gitan ne se
laisse pas avaler pour autant : «la représentante du fournisseur du
papier toilette était toute fière de me prévenir qu'elle seule avait la
clé du dévidoir. il a fallu que je lui explique que je perçais des
coffres forts à 12 ans... c'est comme les gars qui croient malin de
venir se la jouer al capone à mon comptoir. je leur explique...»
mais emmanuel caldier sait aussi mettre les petits plats dans les grands : «tout
le monde est bienvenu chez moi. du plâtrier peintre aux banquiers du
crédit agricole qui m'ont prêté l'argent pour reprendre l'affaire. mon
plaisir, c'est de faire plaisir. j'ai envie que les ouvriers mangent
dans des assiettes de porcelaine et sur des nappes. ici, les gars ont
un repas au prix ouvrier, mais je veux qu'ils soient servis comme des
seigneurs.»
17 mars 2006 dans société | lien permanent
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le procès des hlm de paris
liquidation du «supermarché de la fausse facture»
la procureure a requis de la prison avec sursis et accablé l'ex-patron de l'opac.
par karl laskemercredi 15 mars 2006
«il y a un pacte républicain. on y adhère ou on n'y adhère pas. si l'on veut vivre dans une république bananière, on continue.»
sur ces mots, chantal de leiris, procureure de la république, a
commencé, hier, la lecture de ses réquisitions dans l'affaire des hlm
de paris, égrenant relaxes et peines avec sursis, mais gardant les
sanctions les plus sévères pour la fin. quatre ans de prison avec
sursis et 50 000 euros d'amende sont requis à l'encontre de georges
perol, l'ancien directeur général de l'opac proche de jacques chirac.
assortis de trois ans d'interdiction de droits civiques. perol est
toujours conseiller général (ump) de corrèze. contre françois ciolina,
roger roy et jean-louis grapin, anciens dirigeants de l'opac, la
procureure requiert respectivement des peines de 2 ans, 18 mois et 1 an
de prison avec sursis.
converger. durant l'audience, hier,
chantal de leiris a pris son temps, évoquant, un à un, fastidieusement
parfois, le cas des prévenus. rappelant leur date de naissance. les
numéros et les montants des marchés truqués. perol s'est appliqué à
prendre des notes. puis il a grimacé et levé le stylo. la procureure
dessine des cercles concentriques qui font converger l'affaire des hlm,
et tous ses intervenants, sur lui. a l'office hlm, il avait la «totalité des pouvoirs», une «visibilité totale sur les marchés», souligne-t-elle. puis, s'adressant à lui : «vous allez organiser l'opac dans un entresol, une structure cloisonnée, avec un autoritarisme allant jusqu'à la terreur.»
plusieurs prévenus et de nombreux témoins ont souligné les liens de
perol avec jean-claude méry, l'ex-collecteur de fonds du rpr, décédé en
1999. chantal de leiris le sait. c'est «un point qui fâche». une histoire que perol veut «éloigner» à tout prix. «méry avait une influence sur vous, remarque-t-elle. a l'opac, méry était un nom à surtout ne pas prononcer. c'était le domaine réservé de perol». elle évoque le «nombre impressionnant de petits déjeuners» pris avec le collecteur de fonds. les appels téléphoniques aussi nombreux. certains fax. «la grande proximité» entre perol et méry.
«n'allez pas me dire que vous ignoriez ce qui se passait, appuie la procureure. vous êtes celui qui désignait les entreprises.» la commission d'appel d'offres de l'opac était «un salon de lecture» de rapports succincts, imprécis, tronqués. «tout se passait en dehors de toute transparence», a-t-elle résumé. «que s'est-il passé ?» se demande-t-elle. si l'on suit le «parcours chaotique de la vie d'un marché», l'on sait d'abord et avant tout «que l'attributaire aura payé des factures à méry». méry dont les témoins disent qu'il était un collecteur de fonds, un «quêteur», voire un «questeur» du rpr. a perol : «vous ne pouviez pas l'ignorer.» «le deuxième point qui fâche, c'est votre lien avec le rpr», remarque chantal de leiris. «philippe grand [ex-directeur adjoint de l'opac] l'a dit, vous êtes un ami de jacques chirac, mais c'est un sujet tabou.»
georges perol l'a admis : c'est chirac qui l'a nommé à l'opac. c'est
aussi l'actuel président de la république qui lui a laissé sa propre
circonscription au conseil général.
politique. l'arrivée de perol à l'office hlm était politique. «vous
savez très bien que l'attribution de logement, c'est un choix
politique. et qu'elle s'effectue en fonction de certaines idées», analyse la procureure. le rpr aux commandes de la mairie de paris avait «confiance» en perol pour appliquer sa politique d'attribution. la procureure dit «distribution». elle conclut en demandant que soit retenu à l'encontre de perol «le trafic d'influence dévoyé», «qui a permis la constitution d'une caisse noire et de recevoir des dons aux associations qui lui étaient proches».
perol ne pouvait pas ignorer non plus les dons versés par les patrons
attributaires de marchés parisiens au musée de meymac, la commune
corrézienne dont il était maire. perol secoue silencieusement la tête,
furieux.
trésor. les autres cadres de l'opac ne sont pas épargnés. elle leur rappelle qu'ils travaillaient dans «un organisme de service public». au sujet de françois ciolina, ancien adjoint de perol, chantal de leiris ne peut que souligner «un certain retrait» manifesté à l'audience. «pendant toute l'instruction, vous vous êtes attaché à mettre en cause fermement m. perol», rappelle la procureure. «vous
avez rapidement eu la preuve que méry tirait les ficelles. vous avez
reçu des confidences des entrepreneurs. ce qu'on peut vous reprocher,
c'est quoi ? d'avoir été un serviteur trop loyal.» durant la
matinée, le substitut stéphane hardouin avait dressé le portait des
facturiers renvoyés devant le tribunal. qualifiant l'un des réseaux,
celui de jacky chaisaz et henri montaldo, de «supermarché de la fausse facture».
trois ans de prison avec sursis et 100 000 euros d'amende sont requis à
l'encontre de jacky chaisaz, qui avait admis, à l'audience, conserver
son trésor de guerre à l'étranger. deux ans avec sursis contre henri
montaldo.
plaidant pour la nouvelle direction de l'opac, partie
civile, me jean-alain michel avait évoqué, lundi, le préjudice subi par
les hlm parisiens : «le montant des commissions versées à méry était inclus dans les marchés. l'opac aurait dû payer moins cher.»
et les locataires peut-être aussi. si l'on en croit l'avocat du
syndicat de logement et de la consommation (slc), autre partie civile,
les marchés litigieux ont fait augmenter les charges locatives.
17 mars 2006 dans société | lien permanent
pétition badiou
un climat d’anathèmeen soutien à alain badiou et à nous-mêmes(…) alain badiou est philosophe, et parmi les penseurs aujourd’hui en exercice en france, peu nous sont d’une utilité réelle comparable à la sienne : son ethique, son siècle, et, plus récemment, circonstances 3, portées du mot « juif »,1 nous aident à penser, à nous positionner, en accord souvent, en divergence ou en écart parfois. ce dernier ouvrage, en particulier, nous aide à envisager les luttes contre le racisme et l’antisémitisme dans une perspective universaliste qui soit en même temps à l’écoute des singularités. badiou nous est utile, par sa pensée, chaque jour, car il est un des derniers à ne pas se contenter d’une critique partielle de l’état des choses, à ne pas se satisfaire de tactiques ponctuelles de résistance. il nous invite au contraire à envisager une stratégie générale pour transformer notre vie quotidienne, à « vivre enfin », plutôt que continuer de survivre, plutôt que d’entretenir la reproduction d’une organisation sociale qui ne nous promet, au mieux, qu’une survie atone.or, depuis un certain temps déjà, depuis la sortie de son dernier ouvrage surtout, dans les cercles « intellectuels », à l’université, il semble que prononcer le nom d’alain badiou doive nous rendre suspects. « badiou, ça craint » avons-nous pu entendre, interloqués, de la bouche d’un respectable professeur… qui n’en avait jamais lu une ligne. en revanche, des lignes sur badiou se publient, ces temps-ci dans le monde,2 dans les temps modernes, où il fait l’objet d’authentiques calomnies. (…) nous taire serait laisser faire, être passivement complices. nous devons donc parler. non pour défendre, loin s’en faut, un « maître » – car nous n’en avons pas – mais pour nous défendre nous-mêmes, qui subissons déjà bien assez les pressions pour cesser d’envisager la moindre perspective d’émancipation. on veut nous interdire tacitement une des plus précieuses contributions contemporaines à la pensée émancipatrice, en jetant sur le nom de badiou, de façon diffamatoire, l’anathème. le titre de l’article d’eric marty3 (…) insinue tout d’abord que badiou devrait dorénavant compter parmi les négationnistes. (…) il invoque tout ce qui lui tombe sous la main (…) pour tenter de jeter un discrédit sur badiou et son ouvrage. (…) la laborieuse lecture de marty, pour quiconque a pris connaissance de circonstances 3, est une pénible épreuve tant la bonne foi, l’honnêteté intellectuelle la plus élémentaire, ou la simple probité y sont mises à mal. (…) il faut au moins souligner l’inconséquence du rédacteur, comme celle du directeur de la revue qui le publie. si, réellement, l’écrit de badiou leur semble relever d’un début de commencement d’une ombre d’antisémitisme, nous serions fort divertis de les voir en saisir un tribunal, à l’appui de la loi gayssot ou de la loi de 1972 contre le racisme, pour que le procès en soit instruit. ils ne le feront évidemment pas, car ils savent eux-mêmes trop bien qu’ils auraient alors à y répondre de diffamation. qu’est-ce alors que cette rumeur qu’on veut répandre sur badiou ? (…) l’enjeu semble bien clair : au nom du risque, toujours effectivement présent, d’une résurgence du fascisme qui a, plusieurs fois accouché du pire, c’est-à-dire du génocide, non seulement en europe à l’encontre des juifs, des tziganes et des malades mentaux, mais aussi ailleurs, l’extermination des rwandais tutsi, celle des arméniens… il faudrait que nous nous rangions à un consensus supposé nous en prémunir. et, pour les temps modernes, ce consensus doit se cimenter autour de la défense d’israël. mais que survienne un dissident à ce consensus, et que celui-ci ne soit pas fasciste, mais au contraire universaliste, résolument tourné vers une stratégie d’émancipation radicale, et il leur semble alors bien encombrant. encore un peu et il en viendra à formuler d’embarrassantes vérités. par exemple : toute communauté se fonde d’abord sur ceux qu’elle exclut (israël ou la france n’en sont pas les moindres exemples, de la politique démographique à celle des charters). voilà pourquoi il était, aux yeux de ceux-là, urgent de jeter l’anathème « rouge-brun » : alain badiou démonte la sophistique qui voudrait recouvrir les oppressions du présent sous la nécessaire vigilance déduite des crimes antisémites. des 35 pages de marty, seul le titre (…) vise à être retenu, selon le vieil adage « mentez, il en restera toujours quelque chose », la rumeur parisienne n’a plus qu’à faire le reste : « badiou, ça craint ». si nous restions silencieux face à l’anathème jeté sur le nom d’alain badiou, il nous faudrait nous préparer à voir de petits procureurs malveillants se dresser pour abattre ou discréditer un à un chaque penseur de l’émancipation jouissant encore d’une certaine audience, jusqu’à ce que nous n’ayons plus de droit de citer ou de lire que les bons gardiens de l’état des choses. la démocratie se fonde sur l’exercice du dissensus, de la contradiction, du débat. voilà qui l’oppose directement aux ambitions totalitaires des inquisiteurs, qui ne voudraient voir qu’une seule tête, qu’une seule opinion ! nous devrions tous penser pareil ? nous satisfaire éternellement de l’actuel (dés)ordre des choses ? (…)face au petit inquisiteur marty, il faut affirmer : si la pensée de badiou est « scélérate » comme il la caractérise, alors nous nous inscrivons dans cette « scélératesse », et il en trouvera bien d’autres, chantant, comme les communards : « c’est la canaille ! eh bien, j’en suis ! »
alain badiou, circonstances 3, portées du mot « juif », lignes & manifestes, 2005, paris, 128 pages (14, 90 €).
eric marty, « alain badiou : l’avenir d’une négation (à propos de circonstances 3, portées du mot « juif ») », les temps modernes, n° 635-636, novembre-décembre 2005/janvier 2006, p. 22-57.
eric marty, « alain badiou : l’avenir d’une négation (à propos de circonstances 3, portées du mot « juif ») », les temps modernes, n° 635-636, novembre-décembre 2005/janvier 2006, p. 22-57.le texte intégral de cette pétition, publié ici sous une forme abrégée, peut être téléchargé sous forme de fichier à l’adresse url :http://clavault.free.fr/pourbadiou.pdf
ou lu et signé sur le site url :http://www.petitiononline.com/badiou06/petition.html
en cas de défaillance de ce site, on pourra nous adresser un e-mail de signature à pourbadiou@gmail.com
09 mars 2006 dans politique, société | lien permanent
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rencontre
on peut parler en france d'une sorte de désespoir collectif
marcel
gauchet, philosophe et rédacteur en chef de la revue le débat, analyse
le mal-être de français «pris à revers par l'évolution du monde». le
non au référendum, les émeutes des banlieues ou le débat sur la mémoire
coloniale témoignent de cette absence de repères, de cette crise
d'identité.
par gérard dupuysamedi 25 février 2006
marcel gauchet, né en 1946, a commencé à publier dans le sillage des revues textures et libre illustrées notamment par le sociologue bernard lefort et l'ethnologue pierre clastres. c'est le moment où s'esquisse une «science unifiée de l'homme, du langage, de l'inconscient, de l'histoire» dont il affirme conserver encore le projet. dans le désenchantement du monde (1985), il tente une description métahistorique du
christianisme comme «religion de la sortie de la religion». ses
derniers livres ont porté sur le fait postreligieux et sur la
démocratie en situation de se retourner «contre elle-même». il est rédacteur en chef de la revue le débat. ses ouvrages sont publiés chez gallimard.e
non au référendum et la crise des banlieues ont marqué 2005. tous deux
posent la question de ce qu'est être français. ils illustrent une
situation de crise politique, qui va en s'aggravant et qui concerne
l'ensemble des repères collectifs. les tensions qu'a révélées le
référendum européen renvoient à une donnée profonde de l'histoire de ce
pays. elles ont montré que le problème des rapports entre le haut et le
bas, l'élite et la masse, l'autorité et les citoyens n'est pas résolu.
mai 68 avait marqué une crise aiguë en ce domaine. la démocratisation
de la société française qui s'en est suivie est loin d'avoir tout
réglé. on a assisté à une révolte contre le consensus des élites,
politiques, économiques et médiatiques, et leur façon de conduire le
pays. le roi est nu. nous sommes devant une crise de leadership
générale et profonde.
la crise des banlieues va aussi dans ce sens ?
ce
qu'elle a montré avec, dans son prolongement, le débat sur la mémoire
coloniale, c'est combien la france a de la peine à modifier sa vision
du processus d'intégration des populations immigrées. elle a pourtant
une véritable expérience en la matière. mais la façon de faire
habituelle ne marche plus. sa remise en question paraît en même temps
presque impossible, y compris chez les militants les plus mobilisés.
notre pays a une inertie historique prodigieuse dans tous les domaines,
une difficulté à assimiler le changement actuel.
il a pourtant su
faire des changements énormes par le passé, comme le montre la période
d'après 1945. mais il a la plus grande peine à absorber le type de
changement exigé par la mondialisation, pour faire court. il n'est pas
excessif de parler d'une sorte de désespoir collectif. beaucoup de gens
ont l'impression d'être pris dans un mouvement qui va contre eux,
auquel ils ne peuvent rien et qui, d'une certaine façon, signifie leur
mort. ou, en tout cas, la mort de ce à quoi ils tiennent,
politiquement, intellectuellement, civiquement.
pourquoi en
france ? les autres pays européens ont une expérience historique assez
voisine et pourtant ils ne flippent pas comme des cochons...
la
spécificité française est forte, malgré tout. elle a été renforcée par
ce qui s'est passé après 1945. le pays a formidablement bénéficié des
trente glorieuses, comme tout le monde, certes, mais les français y ont
trouvé quelque chose de plus que les autres européens : la confirmation
de leur modèle historique et politique. l'etat modernisateur a été, de
gaulle aidant, une réincarnation de ce que les français tendent à
considérer spontanément comme le noble héritage de leur histoire, de
louis xiv à robespierre et napoléon, le tout placé sous le signe du
dévouement au bien public qui est la composante de gauche de ce
modèle dont l'autorité de l'etat est celle de droite.
les trente
glorieuses ont été un moment d'accord de la france avec ce qui
paraissait alors le sens de l'histoire. a l'inverse, depuis la crise
économique des années 70, les français sont pris à revers par
l'évolution du monde. ce qui leur est demandé, sur tous les plans,
répugne à leur acquis historique.
cette difficulté d'être ferait des français des «déçus de l'europe» ?
la
caractéristique centrale de la nouvelle période est la prise de pouvoir
par l'économie ; elle s'accompagne d'une émancipation généralisée des
sociétés civiles, y compris dans leurs aspects non économiques : la
famille, les individus... cette libéralisation modifie complètement le
rapport entre les pouvoirs publics et la société. toutes évolutions qui
prennent à contre-pied ce qu'on appelle le «modèle français», d'une
expression qui ne veut rien dire et dit tout. l'adaptation à la
nouvelle donne suppose une «réforme intellectuelle et morale» plus
grande que partout ailleurs, parce qu'elle appelle une véritable
redéfinition de l'identité nationale.
la construction européenne
a d'abord été un prolongement naturel de la modernisation heureuse de
1945-1975. puis elle est devenue avec mitterrand le dernier espoir de
sauver un modèle contesté dans le cadre d'une europe française. c'est
ce mensonge mitterrandien, reformulation sur un autre plan du mensonge
gaullien de la grandeur, qui arrive aujourd'hui à épuisement.
pourtant, on ne peut pas dire qu'on traverse une période de nationalisme virulent.
cent
fois d'accord pour considérer que les identités nationales n'ont plus,
nulle part en europe, le caractère chauvin, autoglorificateur et
arrogant qu'elles avaient il n'y a pas encore si longtemps. de ce point
de vue, l'europe a réussi. elle a atteint son but qui était de désarmer
les égocentrismes nationaux.
les nationalismes sont morts ; en
revanche, les identités nationales demeurent et j'irai jusqu'à dire que
l'europe les a renforcées. elles s'accommodent de leur relativité par
rapport aux modèles voisins, dont on accepte la pluralité. elles sont
foncièrement pacifiques, mais d'autant plus autocentrées de ce fait.
pourquoi s'inquiéter de voisins qui ne vous menacent pas ? la
connaissance des sociétés européennes les unes par les autres est en
recul. c'est une union de gens qui s'ignorent tranquillement.
l'europe
a échoué à produire une identité européenne. celle-ci n'existe pas, à
part une vague conscience, surtout en france, de la différence du
modèle américain et du modèle européen (cette conscience est fonction
du degré d'antiaméricanisme). c'est la clé de tout ce qui pourra être
fait à l'avenir.
cette identité fait problème aussi du côté
des nouveaux français, comme l'ont montré les émeutes de novembre. a
propos d'histoire de france, quand y a-t-on déjà vu un tel niveau de
violence depuis la commune de paris ?
n'exagérons rien ! ce
que nous avons connu n'a rien à voir avec une guerre civile ! la
violence des émeutes de banlieue a été une violence saisissante, à la
fois par son mode opératoire privilégié (l'incendie) et ses cibles
(écoles ou bâtiments culturels), mais une violence pacifique, si j'ose
dire, puisque très peu tournée contre la vie des personnes. ce n'est
pas sans rappeler mai 68 : la guerre civile simulée, et symbolique plus
que réelle. on ne cherche pas à tuer, de part et d'autre, mais on met
en scène une rupture symbolique très forte.
tout le monde a paru pris de court...
d'abord
parce qu'il règne une certaine censure collective sur la réalité des
banlieues. il est trop facile de l'imputer à un rejet. la france fait
des efforts financiers et sociaux considérables en matière
d'intégration. le fond du problème est ailleurs. il tient à la
difficulté politique partagée de voir l'immigration pour ce qu'elle
est. notre grille de lecture individualiste républicaine empêche de
voir autre chose que la question sociale de la pauvreté. elle tend à
ignorer la dimension communautaire et la question culturelle qui sont
pourtant au centre aussi bien de la sociologie de l'immigration que du
processus d'intégration. les effets de cette méconnaissance finissent
par avoir un coût élevé.
c'est donc l'échec d'un demi-siècle d'immigration, qui a commencé dans les années 60 ?
le
mot d'immigration est lui-même trompeur. la difficulté n'est pas avec
les immigrés en général : les adultes immigrés ne posent aucun problème
! il n'en va pas de même avec leurs enfants.
quand un immigré
vient en france, il sait pourquoi il vient : pour avoir une vie
meilleure que celle qu'il connaît dans son pays d'origine. il est collé
à sa culture d'origine, il n'a pas le choix. les enfants de ces mêmes
immigrés, en revanche, sont dans une situation très différente. eux,
ils ne savent pas pourquoi ils sont là : ils y sont parce que leurs
parents sont là.
en même temps, ils sont pris entre la culture de
leurs parents et celle de leurs pays d'accueil. en gros, ils ne veulent
pas de la culture de leurs parents et de la situation subalterne qui va
avec. pour commencer, ils veulent être des individus qui ont des droits
de ce point de vue, réussite à 100 % de l'école républicaine : ils
les connaissent ! mais cela ne leur donne pas automatiquement les clés
de la culture du pays où ils vont devoir vivre. ils en sont sans être
sûrs d'en être, avec une hypersensibilité aux signes qui les renvoient
à leurs origines.
n'est-ce pas aussi parce que le type de
francité qu'on pourrait proposer à ces jeunes est lui-même devenu
incertain : le modèle est devenu assez vague à ses propres yeux.
en
effet. les identités nationales, en europe, sont devenues largement
implicites ou inconscientes. elles sont sans doctrine ni affirmation
claire, ce qui les rend d'autant plus difficiles à comprendre et à
assimiler. de ce point de vue, la comparaison avec les etats-unis est
éclairante. leur capacité d'intégration est intacte alors même qu'ils
sont loin de ménager à leurs immigrés des conditions sociales aussi
favorables qu'ici. la règle est impitoyable : tu bosses ou tu crèves !
en revanche, ils ont à proposer un patriotisme affirmatif inimaginable
en europe, une fierté d'être américain accompagnée d'une conscience
supérieure de ce qu'est l'amérique et de son destin exceptionnel à
l'échelle de l'histoire du globe, en tant que terre de la démocratie,
de la liberté et du droit de tout le monde de réussir
le modèle de la réussite individuelle fait défaut en france : on n'y valorise guère que la réussite scolaire.
un
certain capitalisme ouvert fait partie du modèle intégrateur américain.
pour des immigrés qui veulent échapper à la misère, il apporte une
promesse qu'ils ne trouvent pas ici. le ressort du self-made man
s'ajoute à la fierté d'être américain. non seulement les européens
n'ont rien de pareil à offrir, mais en plus ils ont honte de leur
histoire. ils ont de lourdes factures mémorielles à acquitter, ils sont
horriblement mal à l'aise avec leur passé, jusqu'au masochisme. ils
expient et ils se repentent, même ceux qui n'ont pas fait grand-chose.
comment être heureux de devenir européen quand on vous explique que
vous êtes tombés dans l'antre de la sorcière ? tout ce que les
européens ont à proposer, c'est une solidarité sociale sans égale
ailleurs dans le monde. c'est très beau, mais ça ne suffit pas pour
vivre civiquement et pour réussir cette opération très complexe qui
consiste à rejoindre une culture qui n'est pas spontanément la vôtre.
08 mars 2006 dans livres, société | lien permanent
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le ras-le-bol des laissés pour compte s'amplifie en algérie
tout
est sujet pour que les plus démunis ou les plus désespérés, en
particulier les jeunes, expriment leur colère dans la rue dans des
émeutes quasi quotidiennes.
par jose garçonmardi 07 mars 2006 (liberation.fr - 19:09)
hemis
el-khechna, colo, el oued... si les émeutes – localisées – sont
devenues un mode de protestation banal et quasi-quotidien en algérie,
le mécontentement social semble y avoir fait tâche d'huile lundi. alors
que le jeune fayçal abikchi, tué la veille par des policiers dans des
conditions non élucidées à zeralda, était enterré dans une atmosphère
très tendue, la distribution de logements sociaux provoquait, une fois
de plus, colère et manifestations violentes. a khemis el-khechna, dans
la willaya de boumerdès, des affrontements ont opposé en plein centre
ville des centaines de manifestants aux forces anti-émeutes.
l'affichage d'une liste de 102 bénéficiaires de logements sociaux dont
beaucoup étaient très aisés, a provoqué l'ire de centaines de familles
démunies. même cause, mêmes effets à colo où les édifices publics ont
été caillassées après la publication d'une liste de 243 bénéficiaires
de logements sociaux. là aussi, seule l'intervention des forces
anti-émeutes a réussi à ramener le calme, mais de nombreuses
arrestations ont eu lieu. a el oued, au sud du pays, des dizaines de
jeunes en colère sont sortis dans la rue pour protester contre la
«hogra» (mépris dans lequel les autorités tiennent la population),
particulièrement dans les quartiers populaires laâchache et messaâba
qui comptent plus de 20.000 habitants. alors que la police se
déployait, les manifestants ont exigé la présence du wali – préfet –
pour mettre fin à leur mouvement.
cette explosion n'a surpris
personne : depuis des années, les problèmes d'assainissement,
l'entassement des habitations effondrées, des ordures et des pierres
éparpillées partout dans les rues, empêchent les gens de ces quartiers
d'y circuler normalement. et la détérioration des canalisations du
réseau d'assainissement fait remonter les eaux usées. vendredi dernier
déjà, rapporte le quotidien «el watan», des jeunes étaient descendus
dans la rue et avaient paralysé la circulation en bloquant une route
avec des pierres et des pneus brûlés. pendant ce temps, les
obsèques de fayçal abikchi se déroulaient dans le calme et le
recueillement à zeralda, même si nombre de jeunes présents voulaient en
découdre avec les policiers. après ces funérailles, la foule s'est
dirigée vers le centre-ville, où d'importantes forces de police étaient
déployées, pour exiger la libération des personnes arrêtées la veille.
l'annonce de la mort de fayçal avait provoqué dimanche de violentes
émeutes dans cette ville située à une trentaine de kilomètres d'alger.
la version officielle, selon laquelle le jeune homme a été tué après
avoir agressé avec une hache les policiers de garde au commissariat,
est démentie par ses proches qui parlent de «meurtre pur et simple».
plusieurs éléments matériels semblent les conforter: comment fayçal
a-t-il pu traverser deux portes surveillées par les policiers pour
pénétrer à l'intérieur du commissariat avec une hache? des témoignages
de voisins, qui ont entendu six coups de feu ne semblant pas provenir
de l'intérieur, indiquent d'ailleurs que fayçal aurait été tué à
l'extérieur du siège de la sûreté. cité par la presse algérienne,
l'oncle de la victime signale que «des traces indiquent qu'il a été
traîné à l'intérieur, après avoir été tué devant la porte d'entrée». la
famille ne s'explique pas davantage pourquoi il a été transporté très
tard à l'hôpital.
quelles que soient les circonstances exactes
de son décès et l'émotion qu'il a suscité, une chose est sûre : depuis
de nombreux mois tout est sujet à émeutes dans une algérie où la misère
frappe durement les plus démunis, mais où les recettes pétrolières et
gazières et, partant, les réserves en devises n'ont jamais été aussi
importantes. «on redécouvre derrière un semblant de normalisation,
remarquait mardi “le quotidien d'oran”, les caractéristiques des
mouvements de jeunes qui ont connu leur apogée lors des émeutes
d'octobre 1988 et qui se poursuivent encore, çà et là, dans des émeutes
ou des mouvements de contestation de basse intensité mais récurrents.
une jeunesse désorientée, sans appui réel dans le monde associatif ou
politique, accumule les rancœurs et les frustrations devant une vie
sans perspective. (...) elle est en première ligne pour dénoncer, dans
la violence, la “hogra” dont elle s'estime victime. tout le monde n'est
pas en effet également armé pour la débrouille, qui fait office
aujourd'hui de seule voie de salut. il existe, face à la désespérance,
une tentation forte à la violence. on devrait vraiment s'en inquiéter».
08 mars 2006 dans société | lien permanent
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les moussaoui, une famille à la dérive
récit de deux histoires brisées, celle d'aïcha el-wafi et de son fils zacarias.
par jacqueline coignardlundi 06 mars 2006
«une petite enfance fracassée, une grande fragilité psychoaffective.»
sur zacarias moussaoui, son client malgré lui (l'accusé l'a récusé), me
françois roux s'en tient à ces commentaires, à ce stade du procès. pour
essayer de comprendre ce «fracas», c'est sans doute la vie d'aïcha
el-wafi, sa mère, qu'il faut raconter : une fable inversée. aïcha a
travaillé dur pour trouver sa place et assurer l'avenir de ses quatre
enfants. ses efforts ont été couronnés par un désastre : ses deux
filles présentent des troubles psychiques ; ses deux fils ont versé
dans l'intégrisme musulman, le petit dernier risquant la peine de mort.
«j'ai peur. je ne sais pas dans quel état je vais le trouver»,
dit-elle juste avant de s'envoler pour la virginie, où elle va revoir
zacarias, qu'elle n'a pas rencontré depuis novembre 2002. en avril
dernier, au moment où il décidait de plaider coupable, elle a renoncé
aux contacts téléphoniques mensuels.
femme battue. aïcha naît en 1946 dans le moyen atlas, au maroc. a la mort de son père, elle a 2 ans. on la confie à un oncle. «un homme formidable. j'ai été très heureuse chez lui.»
a 14 ans, on la marie à omar moussaoui, un homme de neuf ans son aîné
qu'elle ne connaît pas, violent et porté sur la boisson. deux filles
naissent. puis le mari, maçon, part chercher un travail en france. il
débarque au pays basque où aïcha le rejoint. c'est là, à
saint-jean-de-luz, que naissent les deux garçons : abd samad, puis
zacarias, le 30 mai 1968. pour le travail d'omar, la famille déménage
ensuite à mulhouse. mais aïcha ne supporte plus les coups qui
s'abattent sur elle et sur les enfants. «ma deuxième fille a eu la tête ouverte par son père quand elle avait 5 ans», raconte-t-elle.
elle s'enfuit dans un foyer qui accueille les femmes battues, et
demande le divorce. elle a 24 ans ; zacarias, 2 ans et demi. le père
disparaît du paysage familial.
«comment trouver un travail avec quatre enfants sur les bras ?» elle demande leur placement, en attendant que sa situation se stabilise. «un an plus tard, je suis retournée les chercher», dit-elle. femme
de ménage, puis employée chez france télécom, aïcha mise sur le
travail. elle arrondit ses fins de mois par des travaux de couture, de
cuisine, des activités de traiteur... au début des années 1980, toute
la famille redescend vers le sud et s'installe à narbonne. aïcha fait
construire une maison sur les hauteurs de la ville, dans un quartier
résidentiel. musulmane non pratiquante, elle éduque garçons et filles
sans faire de différences. chacun possède sa chambre et participe aux
travaux domestiques. on la sent fière d'une autonomie chèrement
acquise, bien décidée à élever ses enfants loin des cités, en misant
sur les études. apparemment, tout roule. zacarias passe un bac
professionnel, puis un bts de technico-commercial.
«déraciné». longtemps, ce dernier a fréquenté une jolie blonde aux yeux bleus de son quartier. «un jour, le père de cette jeune fille lui a dit : "ne crois pas que tu vas t'asseoir un jour à ma table, zacarias"», raconte aïcha. et puis, surtout, elle évoque l'arrivée de sa nièce fousia. «elle
devait rester quinze jours, elle est restée un an. elle expliquait à
mes fils qu'ils ne devaient rien faire à la maison. c'est elle qui les
a entraînés vers le fondamentalisme.» peu disposée à se faire
imposer la loi chez elle, aïcha finit par demander à ses fils de
quitter la maison en 1990. ils ont respectivement 22 et 23 ans. abd
samad épouse fousia et se met à fréquenter une mosquée de montpellier
dirigée par les habach (mouvance fondamentaliste qui rejette les
wahhabites et les frères musulmans).
professeur
d'électrotechnique, le grand frère, qui se présente désormais comme
partisan d'un islam modéré, donne sa version de la dérive de zacarias
dans un livre paru en 2002 (1). il y règle des comptes avec sa mère,
lui reprochant de s'être rêvée en bonne française et d'avoir fait de
zacarias un adulte «déraciné et sans repères», une proie idéale pour les recruteurs des sectes wahhabites, à un moment où il s'est retrouvé seul à londres (libération
du 21 octobre 2002). abd samad revient sur ce départ dans la capitale
britannique, en 1992. depuis quelque temps déjà, son petit frère ne
fréquente plus de «français de souche» mais des étudiants marocains,
algériens, palestiniens ou syriens, avec lesquels il discute de
l'actualité internationale : la guerre du golfe, la bosnie... a
londres, il veut passer un diplôme de commerce international pour
pouvoir lancer une société d'import-export de viande halal avec les
pays du golfe.
mutisme. apparemment, zacarias échoue
d'abord dans un foyer de sdf et se débat dans les difficultés
financières avant d'annoncer à son frère qu'il a obtenu une bourse. abd
samad raconte qu'il le voit de loin en loin, lorsque zacarias revient
en france, mais ne sait pas décrypter son mutisme. en 1995, zacarias
obtient son diplôme à l'université de south bank. il est tombé, depuis
longtemps déjà, entre les mains de l'imam abou hamza de finsbury park,
«sergent recruteur» du terrorisme. son séjour de neuf ans à londres
sera marqué par de fréquents voyages à l'étranger : tchétchénie,
afghanistan, pakistan. en septembre 2000, il fait une nouvelle demande
de passeport à l'ambassade de france à londres, la troisième en quatre
ans. a chaque fois, il prétend l'avoir perdu, sans doute pour effacer
les traces de ses voyages suspects. il rend une dernière visite à son
frère en 1996, puis à sa mère l'année suivante. l'un et l'autre
n'auront plus de ses nouvelles qu'après le 11 septembre.
(1) zacarias moussaoui, mon frère, abd samad moussaoui, avec florence bouquillat, denoël, 2002.
08 mars 2006 dans société | lien permanent
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«je suis al qaeda, ce procès est un cirque»
au
premier jour de son procès pour six chefs d'accusation liés aux
attentats du 11 septembre 2001, le franco-marocain zacarias moussaoui a
été expulsé du tribunal fédéral d'alexandria (virginie).
par pascal richelundi 06 février 2006 (liberation.fr - 18:25)
washington, de notre correspondant«je
suis al qaeda», a rugi zacharias moussaoui au premier jour de son
procès, dans le palais de justice d'alexandria, dans la banlieue de
washington, côté virginie. le français, qui a plaidé coupable en avril
dernier de complot terroriste, est resté fidèle à sa réputation de
prévenu incontrôlable. barbe fourni, vêtu d'une tenue verte à manches
courtes, avec dans le dos du mot «prisoner» en gros caractères,
moussaoui, 37 ans, s'est levé et a commencé à déclarer: «je veux être
entendu».
malgré l'interruption de la juge leonie brinkema, il a
continué: «je ne veux pas être représenté par ces gens. ce ne sont pas
mes avocats. je suis al qaeda. ils ne me représentent pas. ils sont
américains...» la juge a immédiatement ordonné son évacuation. alors
qu'il était emmené par des us marshals, les deux mains derrière la
tête, il continuait à clamer: «ce procès est un cirque!».
la
première journée du procès de moussaoui, qui devrait durer plusieurs
mois, a ensuite été consacrée au début du processus de sélection des
jurés. la juge, les procureurs et les avocats de la défense doivent
choisir, dans les prochaines semaines, douze personnes qu'ils
estimeront «neutres». un questionnaire de 50 pages a été remis lundi
aux 500 habitants de virginie tirés au sort: ils doivent déclarer s'ils
ont perdu des proches en afghanistan et en irak; s'ils ont dans leur
entourage des arabes ou des musulmans; s'ils ont été pompiers par le
passé; s'ils parlent français, etc. a partir du 15 février, ils
répondront aux questions des procureurs et des avocats de moussaoui,
qui récuseront ceux qu'ils ne souhaitent pas voir dans le jury.
l'audience proprement dite commencera le 6 mars.
moussaoui,
arrêté trois semaines avant le 11 septembre 2001, a admis qu'il avait
participé au complot visant à écraser des avions de lignes sur
d'importants bâtiments américains, mais il nie avoir été mis au courant
de l'opération du 11 septembre. le jury doit décider s'il sera condamné
à peine capitale ou la prison à vie.
zacarias moussaoui, seul sur le banc des accusés
le
français, dont le procès débute véritablement aujourd'hui, risque la
peine de mort si l'accusation arrive à établir son lien avec les
attentats du 11 septembre.
par laurent mauriaclundi 06 mars 2006
new york de notre correspondante
procès qui commence réellement aujourd'hui dans une banlieue de
washington est bien plus que celui du seul zacarias moussaoui. même si
le français de 37 ans, arrêté en août 2001, est seulement poursuivi
pour la préparation d'actes terroristes et non pour sa participation
aux attentats, il est le seul prévenu à être jugé pour son implication
dans les attaques du 11 septembre. aux yeux du gouvernement américain,
des médias et des familles des victimes, il est donc l'unique figure
vivante associée aux 2 973 morts. c'est «notre seule chance d'obtenir un minimum de justice», estime sally regenhard, la mère d'un pompier mort au world trade center, citée hier par le new york times.
des salles de retransmission du procès ont été installées à new york,
central islip (long island), boston, philadelphie, newark (new jersey)
en plus d'alexandria, dans la banlieue de washington, où les audiences
se déroulent, et plus de 500 personnes se sont déjà inscrites pour y
assister. après déjà un mois consacré à la sélection des jurés, le
procès pourrait durer jusqu'à trois mois. plus de 150 témoins sont
attendus.
depuis l'inculpation de moussaoui en décembre 2001,
la france insiste pour que son ressortissant échappe à la peine de
mort. le ministre de la justice s'en est entretenu vendredi avec son
homologue américain à paris. «je ne méconnais pas, bien sûr, la gravité des faits qui sont reprochés à celui-ci [zacarias moussaoui, ndlr] et
pour lesquels il a plaidé coupable. j'ai toutefois rappelé à l'attorney
general la position de la france sur la peine de mort.» pascal clément a par ailleurs souligné que «la
france a obtenu la garantie que les informations qu'elle a transmises
ne seraient pas utilisées directement ou indirectement à l'appui d'une
réquisition de la peine capitale».
pour l'accusation, tout
l'enjeu du procès consiste à établir un lien entre moussaoui et les
attentats. si elle y parvient, il risque la peine de mort. sinon, il
purgera une peine de prison à vie. zacarias moussaoui a en effet plaidé
coupable le 22 avril 2005, reconnaissant avoir participé à la
préparation «d'actes de terrorisme, de piraterie aérienne, de
destruction d'avions, d'utilisation d'armes de destruction massive,
d'assassinat de fonctionnaires américains et de destruction de
propriétés». mais pour une attaque séparée, contre la maison blanche.
l'accusation
tentera de démontrer que les attentats contre le world trade center et
le pentagone auraient pu être déjoués s'il les avait révélés ; la
défense, au contraire, plaidera que l'administration bush avait déjà
été alertée de ce qui se préparait et n'en a pas tenu compte. en août,
le président avait en effet reçu un rapport de la cia intitulé «ben
laden déterminé à frapper les etats-unis».
le pentagone
a rendu publics, vendredi, le nom et la nationalité de la plupart des
centaines de prisonniers de guantanamo, après en avoir reçu l'ordre par
un juge fédéral de new york.
des mailles du fbi à la cour fédérale
apprenti pilote, «20e terroriste» du 11 septembre... enquête sur cinq ans d'instruction.
par pascal richelundi 06 mars 2006
washington de notre correspondante
16 août 2001, le fbi de minneapolis, dans le minnesota, arrête un type
un peu louche, au nom exotique, zacarias moussaoui. c'est un français
d'origine marocaine de 33 ans, plutôt aimable et amical, qui donne
juste l'impression d'avoir un petit grain. en provenance d'oklahoma
city, il a débarqué quelques jours plus tôt et s'est inscrit à l'école
de pilotage pan am international, pour suivre des cours sur un
simulateur de vol pour boeing 747, modèle 400. se présentant comme un
businessman, il règle l'école cash : 6 800 dollars (5 600 euros) en
coupures de 100. dès le premier jour, son instructeur, clancy prevost,
est étonné par son comportement. moussaoui est mal habillé, mal rasé.
il n'arrive pas à expliquer clairement pourquoi il veut apprendre à
piloter un 747. il parle de «valoriser son ego» et ne comprend
pas grand-chose aux instructions. lorsque prevost lui demande s'il est
musulman, l'autre grogne, envahi par l'émotion : «je ne suis rien !»
cela met l'instructeur mal à l'aise. il s'en ouvre aux dirigeants de
l'école, qui, après quelques hésitations, alertent la police fédérale.
août 2001
emprisonné pour violations des règles d'immigration
moussaoui,
alias «abu kaled al-sahrawi», alias «shaquil», est interrogé par le fbi
local. il se présente comme le représentant en marketing d'une société
malaise, infocus tech. il a des lettres pour le prouver. il est entré
en février aux etats-unis, a vécu en oklahoma pendant quelques mois, où
il a commencé à prendre des cours de pilotage à l'école de norman. lors
de son arrestation, il est en possession de deux couteaux, une paire de
jumelles, des manuels de pilotage pour 747 modèle 400, un programme de
simulation de vol, des gants de boxe et des protège-tibias, un carnet
de notes avec deux numéros en allemagne au nom d'ahad sabet, un cd-rom
sur l'épandage de pesticides et une radio d'aviation. le fbi ne sait
pas trop que faire de lui. en attendant d'y voir plus clair, il est
gardé en prison, pour violation des règles d'immigration : son visa a
expiré.
le fbi de minneapolis demande un mandat pour pouvoir
fouiller son ordinateur. mais washington refuse : les soupçons sont
trop minces pour justifier une telle violation de la vie privée. un
responsable reproche même à l'agent de minneapolis qui s'occupe de
l'affaire d'avoir rédigé sa requête dans un style alarmiste pour «faire grimper les gens au rideau». ce dernier répond que c'est effectivement son intention, ajoutant même cette phrase terrible : «j'essaie d'empêcher quelqu'un de détourner un avion pour l'écraser sur le world trade center.» l'autre
l'envoie sur les roses, et le cas moussaoui ne remonte pas plus haut.
la dst française, qui, pour sa part, l'observe depuis 1994, fait part
au fbi de ses soupçons : l'apprenti pilote a des liens avec un
dirigeant rebelle en tchétchénie, ibn al-khattab. mais cela ne suffira
pas à affoler washington.
dans les jours qui suivent les
attentats du 11 septembre 2001, les responsables du fbi redécouvrent
moussaoui. comme les 19 terroristes qui ont transformé quatre avions de
ligne en bombes, celui-ci a fréquenté des écoles de pilotage, acheté
deux couteaux, reçu de l'argent d'allemagne, voyagé au pakistan et en
afghanistan. il est rapidement soupçonné d'être celui qui aurait dû
être le «20e terroriste» du 11 septembre. les agents fédéraux
réalisent qu'ahad sabet, son correspondant en allemagne, n'est autre
que ramzi ben al-shibh, un yéménite de 31 ans, membre de la cellule
d'al-qaeda à hambourg, qui a partagé sa chambre avec mohamed atta, le
chef des 19 terroristes du 11 septembre. ben al-shibh a envoyé de
l'argent à moussaoui début août, pour qu'il poursuive sa formation de
pilotage.
décembre 2001
inculpé pour complot contre l'amérique
en
décembre, l'attorney general, john ashcroft, annonce fièrement
l'inculpation de moussaoui pour complot contre l'amérique, qualifiant
l'acte d'accusation de «chronique du mal». moussaoui est soupçonné d'avoir «conspiré dans le meurtre de milliers de personnes innocentes à new york, en virginie et en pennsylvanie»
et le gouvernement réclame la peine de mort. commencent alors les
poursuites, qui tournent rapidement au cauchemar pour la juge chargée
de l'affaire, leonie brinkema. car le comportement de moussaoui échappe
à toute attente. il ne nie pas être membre d'al-qaeda, mais affirme ne
rien avoir à faire avec les attentats du 11 septembre. en avril 2002,
lors d'une réunion de routine organisée par le juge, il désavoue
brutalement les avocats commis d'office pour sa défense et se lance
dans une divagation enragée, au cours de laquelle il prie pour la
destruction des etats-unis et du peuple juif et accuse ses avocats
d'avoir comploté pour le faire exécuter. il exige de se défendre
lui-même. la juge, après avoir fait vérifier sa santé mentale par des
experts, accepte.
moussaoui truffe alors le dossier de motions enflammées, qu'il rédige à la main. «motion pour stopper la comédie cynique, la parodie de justice dirigée par dj brinkema [dj signifie death judge, dans le vocabulaire forgé par moussaoui]» , «motion pour stopper le jeu pervers du fascist bureau of inquisition [fbi, ndlr] contre ma mère angoissée»... ces
motions étant publiées sur le site web du tribunal fédéral
d'alexandria, le gouvernement s'en alarme. il craint que l'accusé n'en
profite pour lancer des appels codés, et finit par exiger qu'elles
soient mises sous scellés.
septembre 2002
il demande à faire entendre des terroristes comme témoins
le
11 septembre 2002, des agents des services secrets pakistanais, au
terme d'une fusillade, arrêtent ramzi ben al-shibh. moussaoui réclame
alors son témoignage, car il peut confirmer qu'il n'était pas impliqué
dans le complot du 11 septembre. plus tard, il demande également le
témoignage de khalid sheikh mohammed, le cerveau des attentats, capturé
au pakistan en mars. le gouvernement refuse ces demandes, au nom de la
sécurité nationale. ce qui pose un problème juridique sérieux : tout
accusé a droit à faire entendre des témoins qui pourraient jouer un
rôle positif pour sa défense. début octobre 2003, la juge leonie
brinkema indique qu'un tel refus interdira au gouvernement de plaider
le lien entre l'accusé et le 11 septembre. et donc la peine de mort. le
gouvernement hésite à interrompre le procès et à transférer moussaoui
vers un tribunal militaire d'exception. finalement, washington gagne en
appel contre la décision du juge : moussaoui ne pourra produire que des
résumés des interrogatoires des terroristes témoins. ce dernier se
tourne vers la cour suprême. en vain.
après avoir interrogé les
deux terroristes qu'ils viennent d'arrêter, les autorités ont acquis la
conviction que moussaoui n'était pas le «20e terroriste». ben
al-shibh leur a notamment raconté qu'il ne le considérait pas comme
suffisamment fiable pour les attentats du 11 septembre. il devait
éventuellement être utilisé pour une mission différente : faire
s'écraser un cinquième avion sur la maison blanche. moussaoui envoie à
la juge ce message : «juge de mort, vous devez forcer ashcroft à cocher une case :
20e détourneur d'avion;
5e avion, objectif la maison sombre;
moi, ashcroft, je n'en sais rien;
tuons juste zm.»
avril 2005
il plaide coupable
le
gouvernement est embarrassé : moussaoui ressemble de plus en plus à un
personnage mineur dans le drame du 11 septembre. mais en avril 2005,
surprise : moussaoui plaide coupable au cours d'une des réunions de
préparation du procès. il reconnaît qu'il a été enrôlé pour une mission
qui aurait dû se dérouler après les attentats du world trade center,
parle d'un complot visant à détourner un 747 pour l'écraser sur la
maison blanche, une conspiration visant à imposer la libération du
cheikh omar abdel rahman, emprisonné à vie pour avoir voulu faire
exploser le world trade center en 1993... mais il continue de démentir
avoir été mêlé aux préparatifs contre les tours jumelles.
pour
obtenir une condamnation à mort, les procureurs doivent encore
démontrer le lien entre les actions de zacarias moussaoui et les 3 000
morts du 11 septembre. au vu du dossier, cela ne sera pas très aisé.
ils insistent sur le parallélisme entre la préparation de moussaoui et
celle des terroristes qui ont détruit le world trade center et une aile
du pentagone. ils accusent en outre le français d'avoir, par les
mensonges qu'il a débités au fbi juste après son arrestation en août
2001, empêché les autorités de prévenir les attentats. rien de très
lourd pour justifier sérieusement une exécution. certes, moussaoui ne
se rend pas service en s'obstinant à appeler les terroristes du 11
septembre ses «frères martyrs», en affichant sa haine et en se vantant de ses projets criminels. mais le fait est qu'il n'a tué personne.
08 mars 2006 dans société | lien permanent
////
l'enquête se poursuit après l'arrestation de youssouf fofana
lemonde.fr | 23.02.06 | 13h28 • mis à jour le 23.02.06 | 13h50
e
ton est désormais plus détendu 36, quai des orfèvres, après l'annonce
de la capture, jeudi 23 février à abidjan, de youssouf fofana. après
ses premiers interrogatoires par la police locale, l'extradition
prochaine et l'audition à paris du chef du "gang des barbares" vont apparaître "comme des vacances" à
la crim', plaisantent les policiers français. ils cachent mal leur
soulagement, voire leur jubilation : avec l'arrestation de youssouf
fofana, ils seront bientôt en possession de la clef de voûte de cette
organisation criminelle qu'ils ont commencée à démanteler le 16
février, quelques jours après la découverte du corps supplicié de son
otage, ilan halimi. "mais l'enquête n'est pas finie, loin de là",
assure l'un d'entre eux, évoquant à demi-mot la poursuite de nouvelles
pistes, dont certaines ramifications mènent dans des pays voisins de la
france, après la découverte d'une composante à connotation "politique"
parmi les possibles motivations du chef de gang, qui reste encore
largement à prouver. une allusion aux documents propalestiniens et
islamiques retrouvés récemment, et dont le ministre de l'intérieur,
nicolas sarkozy, s'est fait l'écho
cela faisait quelques jours
déjà que les enquêteurs interrogés se disaient confiants quant à
l'arrestation rapide de youssouf fofana malgré sa fuite en côte
d'ivoire. les policiers mettaient en avant leur bonne entente avec la
police locale, qui aurait mis "un point d'honneur" à résoudre
dans les plus brefs délais cette affaire qui prend une dimension
nationale en france. au cas où le suspect se serait réfugié dans le
nord du pays, tenu par les rebelles, les enquêteurs rappelaient qu'ils
avaient déjà "collaboré" avec les soldats français de
l'opération "licorne". plus concrètement, ils ne cachaient pas qu'ils
avaient des indices concordants sur sa présence à abidjan, notamment
dans certains hôtels de la capitale, d'où la décision d'y envoyer sur
place, dès le début de la semaine, leurs propres hommes pour assister
aux premières auditions du suspect.
depuis le 16 février, certains de ces enquêteurs ont "bossé jusqu'à trente heures d'affilée". interrogatoires, nouvelles interpellations, recoupements… les procès-verbaux se sont accumulés, certains très "instructifs", d'autres un peu "fantaisistes" et creux, sur lesquels il a fallu revenir à plusieurs reprises pour que les suspects comprennent qu'on ne "rigole pas au 36, quai des orfèvres". si certains des membres du gang ont préféré tout de suite "se mettre à table", d'autres n'ont pas manqué d'essayer de les faire "tourner en bourrique", témoigne l'un des policiers chargé des auditions. "un melting-pot du crime, de la bÊtise et de la haine"
le profil de la bande commence peu à peu à se dessiner : "un véritable melting-pot du crime, de la bêtise et de la haine."
en quelques années, youssouf fofana avait réussi à réunir autour de lui
des délinquants de banlieue, vivant de petits larcins et d'économie
grise. de confessions et d'origines diverses (portugaise, africaine,
nord-africaine, française de souche), ces hommes et ces femmes, dont le
plus jeune a 17 ans et le plus âgé la trentaine, ont déjà eu affaire à
la justice et apparaissent tour à tour comme "inconscients", "cruels", "cyniques", voire "tarés" aux yeux des enquêteurs. ils ne comprennent que "les rapports de forces",
disent les policiers. mais ils sont suffisamment intelligents pour être
pervers, précisent-ils, rappelant encore une fois la dérive antisémite
de certains : "s'ils ont deux neurones qui se battent en duel dans leur cerveau, l'un d'eux est celui de l'antisémitisme primaire", va jusqu'à dire un policier.
leur motivation première ne fait aucun doute : c'est le "pognon",
l'argent facile. c'est en s'appuyant à la fois sur cet appât du gain et
sur la peur qu'il leur inspirait que youssouf fofana semble avoir régné
sur son groupe. sous son emprise, la bande se serait peu à peu lancée
dans des tentatives d'extorsion de fonds, puis dans le kidnapping. on
lui attribue au moins six tentatives, ratées, dont quatre dans la
communauté juive. le chef du gang, qui se donnait le nom de "brain of barbarians" (le cerveau des barbares) aurait ainsi élaboré la base d'un système de "prestataires de services"
occasionnels ou permanents, de la fille-appât aux geôliers d'ilan, en
passant par le gardien de l'immeuble de la cité de la pierre-plate, qui
aurait été rétribué (1 500 euros) pour avoir mis à disposition un
appartement vide et la chaufferie de l'immeuble où ilan aurait été
détenu.
a ce stade de l'affaire, deux personnages se détachent : l'un présenté comme le "gentil", chargé de communiquer avec l'otage, et l'autre, véritable "lieutenant" du chef, un mineur de 17 ans présenté comme un "fou furieux".
parlant au nom du chef en son absence, il aurait fait régner la terreur
dans le groupe, et se serait également acharné sur l'otage, lui
infligeant des coups et des brûlures de cigarettes au prétexte qu'il
était "feuj" (juif). tout aussi troublant, la présence d'au moins deux "techniciens"
: l'un spécialisé en téléphonie mobile – il aurait travaillé pour un
grand opérateur français –, l'autre en informatique, dont la police
cherche encore à établir le degré d'implication et le rôle exact.
alexandre lévy
26 février 2006 dans société | lien permanent
////
a créteil, le sentiment d'insécurité de la communauté juive
le monde | 25.02.06 | 13h14 • mis à jour le 25.02.06 | 13h15
enriette hamias, 32 ans, française de confession juive, a choisi de faire évoluer son apparence pour apparaître "moins typée". pour "faire française" et "moins juive",
elle porte des lentilles teintées en bleu qui dissimulent ses yeux
marron. elle a coloré quelques-unes de ses mèches en blond et ne porte
plus d'étoile de david autour du cou. faire "profil bas", se rendre invisible pour prévenir d'éventuelles agressions antisémites.le meurtre d'ilan halimi a décuplé le sentiment d'henriette de vivre
sous une menace permanente. et la nécessité pour elle, juive non
pratiquante, de modifier sa vie quotidienne dans la banlieue
parisienne. la jeune femme habite maisons-alfort (val-de-marne) et
travaille dans une rôtisserie casher de créteil. elle évite au maximum
de sortir seule. et a inscrit ses enfants dans une école privée juive
alors qu'elle préférerait les scolariser dans le public. dimanche 26
février, elle manifestera à paris pour dénoncer l'antisémitisme.
sa
tante, lydia, 53 ans, qui tient le commerce avec elle, raconte, sous
couvert de l'anonymat, que sa fille de 20 ans est toujours accompagnée
pour aller à ses cours de torah le soir. elle dit avoir peur chaque
fois que sa fille de 10 ans sort les poubelles ou va faire des courses
: "ce qui est arrivé à ilan peut arriver à n'importe qui."
comme henriette, lydia n'a jamais été victime d'une agression
antisémite mais peut raconter d'innombrables épisodes décrits par des
voisins, des amis ou des membres de la "communauté". face à ces
témoignages, les statistiques officielles collectées par la police ne
pèsent pas lourd : le nombre d'actes antisémites a diminué dans le
val-de-marne, passant de 105 actes en 2004 à 56 en 2005 ; mais la
communauté juive fait état d'une tension permanente, ce que ses
représentants ont rappelé avec vigueur lors d'une rencontre avec le
préfet du département, jeudi 23 février, à la synagogue de créteil.
dans la rôtisserie, un homme d'une cinquantaine
d'années, moshé s., se glisse dans la conversation. il est venu, ce
matin-là, pour faire signer une pétition sur l'insécurité autour des
écoles juives de créteil. lui aussi affirme, en réclamant l'anonymat,
avoir dû modifier son attitude face aux menaces qu'il perçoit autour de
lui : dans la rue, il porte une casquette censée dissimuler sa kippa
aux yeux d'agresseurs éventuels.
en plus de la pétition, il
suggère aux commerçants d'instaurer un service d'ordre local qui serait
chargé de surveiller les nombreux commerces communautaires dans une
ville qui compte, selon le rabbin, quelque 22 000 juifs sur 87 000
habitants. "on pourrait avoir des vigiles devant les commerces. et
une cinquantaine de personnes mobilisables par téléphone ou par
talkie-walkie en cas de problème", assure-t-il. lydia et henriette se disent favorables à l'initiative. car le meurtre d'ilan n'est pas perçu comme un "fait-divers" mais comme la conséquence d'une dégradation de la société.
dérive dont les "jeunes des cités" sont rendus responsables. parfois très durement. "mes enfants peuvent devenir amis d'un arabe. mais j'aurai toujours peur d'un coup de poignard dans le dos", indique henriette en assurant que tout les oppose aux "arabes" dans le mode de vie, le comportement et même la façon de marcher...
ilan
halimi avait le même âge, 23 ans, que jonathan gamrasni, le
propriétaire de la rôtisserie qui emploie les deux femmes. le choc du
meurtre fait dire au jeune commerçant que "la france importe ce qui se fait dans d'autres pays". "on assiste à une rébellion des jeunes des cités",
explique-t-il en référence aux violences urbaines de novembre 2005. lui
continue d'habiter epinay-sur-seine (seine-saint-denis) malgré les
insultes entendues lorsqu'il était plus jeune.
son ami, stéphane
bonan, 24 ans, venu discuter dans la rôtisserie, se désole de constater
que les clichés sur les juifs continuent d'être utilisés. il
s'interroge sur la "passivité" et l'"indifférence" dans les banlieues : "l'attitude des voisins qui n'ont rien dit me rappelle des épisodes sombres de l'histoire de france."
de cette tristesse générale, l'étudiant en droit veut, malgré tout,
tirer un motif d'espoir : traumatisée, la communauté juive continue de
croire en la justice française. "il y a eu deux morts à
clichy-sous-bois et ça a donné des émeutes pendant des semaines. nous,
on manifeste et on attend que la justice fasse son travail." luc bronner
article paru dans l'édition du 26.02.06
25 février 2006 dans société | lien permanent
////
verdun, lieu de mémoire musulman
le monde | 21.02.06 | 13h18 • mis à jour le 21.02.06 | 13h18
une centaine de mètres de l'ossuaire de douaumont, des engins de
chantier préparent l'érection du futur mémorial dédié aux combattants
musulmans morts pendant la guerre de 14-18. les démineurs du 13e
régiment de génie du valdahon ont achevé début février le déminage de
la zone : 219 munitions, bombes, obus ou grenades ont été déterrées et
neutralisées dans ce petit périmètre. les ossements d'un soldat ont
également été tirés de l'oubli.
<p>&lt;a
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width="300" height="250" border="0"&gt;&lt;/a&gt;</p>
même si l'elysée refuse encore de le
confirmer, le mémorial doit être inauguré en juin par jacques chirac,
et ce à l'occasion du quatre-vingt-dixième anniversaire de la bataille
de verdun, dont les cérémonies ont débuté mardi 21 février. le monument
consistera en un vaste déambulatoire de 25 mètres sur 19 avec des
arcades et des créneaux d'allure mauresque. il renfermera en son centre
une koubba (coupole) en pierre de meuse.
l'édifice
côtoiera la chapelle catholique et le mémorial israélite, déjà présents
sur le lieu de mémoire. cette reconnaissance tardive du sacrifice des
soldats musulmans n'est pas anodine. elle survient alors que la france
s'interroge sur la place de l'islam dans sa société.
pour dalil
boubakeur, président du conseil français du culte musulman (cfcm) et
recteur de la grande mosquée de paris, la symbolique de 1916 est forte : "c'est là que l'islam de france est né, assure-t-il. il
a pris racine dans les plaines labourées de verdun, douaumont, fleury
où les tirailleurs algériens, tunisiens, sénégalais, les tabors
marocains ont défendu dans les tourments la france. aujourd'hui, alors
que des jeunes français se posent des questions sur leur identité, il
est important de dire que leurs parents ont participé à la défense du
pays."
la genèse du mémorial remonte aux lendemains de
l'armistice. il offre une curieuse résonance avec le débat actuel sur
la laïcité et le communautarisme, sur la mémoire éclatée ou collective.
a cette époque, les feux de la querelle sur la séparation des eglises
et de l'etat sont à peine éteints. ils se rallument quand, dès 1918,
l'évêque de verdun lance l'idée de rassembler dans un lieu les
centaines de milliers de morts français de la bataille.
on s'interroge alors sur la forme à donner à cet hommage : religieuse ou laïque ? "le débat entre mémoire assimilationniste et mémoire confessionnelle va se prolonger entre 1920 et 1925",
explique serge barcellini, professeur d'histoire, qui anime à
l'institut d'études politiques de paris un séminaire sur les politiques
de mémoire. de 1920 à 1932, est finalement construit un ossuaire à
l'architecture indéterminée, oeuvre oecuménique dédiée à recueillir
sans discernement les restes de 130 000 soldats anonymes.
mais on
songe déjà à y intégrer des édifices consacrés aux cultes catholique,
protestant, juif et musulman. a l'époque, personne ne conteste la
légitimité nationale de cette dernière religion, trempée dans le sang.
des milliers de musulmans sont morts à verdun, leurs corps mêlés aux
centaines de milliers de victimes françaises et allemandes de cette
bataille. les troupes coloniales ont été appelées au milieu de 1916
pour épauler les unités épuisées. elles joueront un rôle décisif, dans
la reprise de douaumont notamment.
en hommage à ce sacrifice, est
ménagé dans la nécropole un carré musulman qui rassemble symboliquement
592 tombes. l'identification de la religion s'est faite souvent au
jugé, notamment pour les nombreux morts inconnus qui se trouvent
enterrés là. le projet de construction d'une mosquée est même étudié
jusqu'en 1926 puis abandonné, faute de financement. a la place naîtra
en 1922 la grande mosquée de paris, où une stèle rappelle les morts de
14-18. l'islam avait ainsi mérité son strapontin dans la france de
l'entre-deux-guerres.
en 1932, une chapelle financée par des
fonds privés est inaugurée à l'intérieur de l'ossuaire de douaumont. le
ministre de l'intérieur interroge en 1934 un préfet de la meuse bien
embarrassé sur l'absence criante des autres cultes.
dans ces
mêmes années 1930, l'antisémitisme se répand dans le pays. l'idée que
les juifs étaient restés cachés en 14-18 se met à circuler. en 1938,
les anciens combattants de cette confession inaugurent un mémorial
israélite. " le monument était une réponse à cette montée de l'antisémitisme", explique m. barcellini. verdun toujours, comme un brevet d'appartenance à la nation.
les
musulmans restent sans cette estampille civique. mais, avec la
décolonisation des années 1950 et 1960, ils se rappellent à la mémoire
des français. la question de leur place dans la communauté nationale
rebondit sur celle de leur représentation à verdun. "le souvenir des troupes de la grande france semble devenir le dernier recours face à l'irréparable", explique m. barcellini. "nous n'avons rien pour rendre hommage à nos frères d'armes de religion islamique", s'insurge à l'époque un ancien combattant. "le
culte religieux rendu semble accaparé par le culte catholique, constate
un autre. comme si l'ossuaire n'abritait pas également les ossements de
musulmans d'afrique du nord et du sénégal, de juifs, de bouddhistes et
de libres penseurs." en 1959 est inaugurée en contrebas de douaumont une modeste stèle "aux soldats musulmans morts pour la france".
et, en 1966, le général de gaulle, lui-même blessé à verdun, invite les
quatre cultes aux cérémonies du cinquantenaire, en une volonté de
sceller l'unité nationale de la france postcoloniale dans le souvenir
de ce combat commun.
dans les années 1980, un nouveau débat
s'impose, cette fois sur l'intégration républicaine des jeunes issus de
la deuxième génération. il tente là encore de se tremper dans
l'histoire. en 1988, à propos des troupes coloniales, l'association
france plus demande "que soit édifié, à verdun, un monument véritablement digne (de leur) sacrifice et qu'un hommage soit rendu à la mémoire de ces africains morts pour la france". cette revendication n'aboutira qu'au déplacement de l'ancienne stèle musulmane vers un emplacement plus visible...
en
2002, dalil boubakeur s'ouvre à jacques chirac, qui vient d'être réélu,
de son souhait d'un mausolée plus digne. le président de la république
donne son aval et transmet la doléance au ministère des anciens
combattants. ce dernier conduira le projet actuel, d'un coût de 370 000
euros. jusqu'à présent, l'annonce de la construction de ce monument n'a
pas suscité de polémique. benoît hopquin
article paru dans l'édition du 22.02.06
22 février 2006 dans histoire, société | lien permanent
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