arthur rimbaud > illuminations

arthur rimbaud > illuminations       après le déluge aussitôt que l'idée du déluge se fut rassise, un lièvre s'arrêta dans les sainfoins et les clochettes mouvantes et dit sa prière à l'arc-en-ciel à travers la toile de l'araignée. oh! les pierres précieuses qui se cachaient, – les fleurs qui regardaient déjà. dans la grande rue sale les étals se dressèrent, et l'on tira les barques vers la mer étagée là-haut comme sur les gravures. le sang coula, chez barbe-bleue, – aux abattoirs, – dans les cirques, où le sceau de dieu blêmit les fenêtres. le sang et le lait coulèrent. les castors bâtirent. les «mazagrans» fumèrent dans les estaminets. dans la grande maison de vitres encore ruisselante les enfants en deuil regardèrent les merveilleuses images. une porte claqua, et sur la place du hameau, l'enfant tourna ses bras, compris des girouettes et des coqs des clochers de partout, sous l'éclatante giboulée. madame*** établit un piano dans les alpes. la messe et les premières communions se célébrèrent aux cent mille autels de la cathédrale. les caravanes partirent. et le splendide-hôtel fut bâti dans le chaos de glaces et de nuit du pôle. depuis lors, la lune entendit les chacals piaulant par les déserts de thym, – et les églogues en sabots grognant dans le verger. puis, dans la futaie violette, bourgeonnante, eucharis me dit que c'était le printemps. – sourds, étang, – écume, roule sur le pont, et par dessus les bois; – draps noirs et orgues, – éclairs et tonnerres – montez et roulez; – eaux et tristesses, montez et relevez les déluges. car depuis qu'ils se sont dissipés, – oh les pierres précieuses s'enfouissant, et les fleurs ouvertes! – c'est un ennui! et la reine, la sorcière qui allume sa braise dans le pot de terre, ne voudra jamais nous raconter ce qu'elle sait, et que nous ignorons. enfance i cette idole, yeux noirs et crin jaune, sans parents ni cour, plus noble que la fable, mexicaine et flamande; son domaine, azur et verdure insolents, court sur des plages nommées, par des vagues sans vaisseaux, de noms férocement grecs, slaves, celtiques. à la lisière de la forêt – les fleurs de rêve tintent, éclatent, éclairent, – la fille à lèvre d'orange, les genoux croisés dans le clair déluge qui sourd des prés, nudité qu'ombrent, traversent et habillent les arcs-en-ciel, la flore, la mer. dames qui tournoient sur les terrasses voisines de la mer; enfantes et géantes, superbes noires dans la mousse vert-de-gris, bijoux debout sur le sol gras des bosquets et des jardinets dégelés – jeunes mères et grandes soeurs aux regards pleins de pèlerinages, sultanes, princesses de démarche et de costume [,] tyranniques petites étrangères et personnes doucement malheureuses. quel ennui, l'heure du «cher corps» et «cher cœur». ii c'est elle, la petite morte, derrière les rosiers. – la jeune maman trépassée descend le perron - la calèche du cousin crie sur le sable – le petit frère - (il est aux indes!) là, devant le couchant, sur le pré d'oeillets. – les vieux qu'on a enterrés tout droits dans le rempart aux giroflées. l'essaim des feuilles d'or entoure la maison du général. ils sont dans le midi. – on suit la route rouge pour arriver à l'auberge vide. le château est à vendre; les persiennes sont détachées. – le curé aura emporté la clef de l'église. – autour du parc, les loges des gardes sont inhabitées. les palissades sont si hautes qu'on ne voit que les cimes bruissantes. d'ailleurs il n'y a rien à voir là-dedans. les prés remontent aux hameaux sans coqs, sans enclumes. l'écluse est levée. ô les calvaires et les moulins du désert, les îles et les meules. des fleurs magiques bourdonnaient. les talus le berçaient. des bêtes d'une élégance fabuleuse circulaient. les nuées s'amassaient sur la haute mer faite d'une éternité de chaudes larmes. iii au bois il y a un oiseau, son chant vous arrête et vous fait rougir. il y a une horloge qui ne sonne pas. il y a une fondrière avec un nid de bêtes blanches. il y a une cathédrale qui descend et un lac qui monte. il y a une petite voiture abandonnée dans le taillis, ou qui descend le sentier en courant, enrubannée. il y a une troupe de petits comédiens en costumes, aperçus sur la route à travers la lisière du bois. il y a enfin, quand l'on a faim et soif, quelqu'un qui vous chasse. iv je suis le saint, en prière sur la terrasse, – comme les bêtes pacifiques paissent jusqu'à la mer de palestine. je suis le savant au fauteuil sombre. les branches et la pluie se jettent à la croisée de la bibliothèque. je suis le piéton de la grand'route par les bois nains; la rumeur des écluses couvre mes pas. je vois longtemps la mélancolique lessive d'or du couchant. je serais bien l'enfant abandonné sur la jetée partie à la haute mer, le petit valet, suivant l'allée dont le front touche le ciel. les sentiers sont âpres. les monticules se couvrent de genêts. l'air est immobile. que les oiseaux et les sources sont loin! ce ne peut être que la fin du monde, en avançant. v qu'on me loue enfin ce tombeau, blanchi à la chaux avec les lignes du ciment en relief – très loin sous terre. je m'accoude à la table, la lampe éclaire très vivement ces journaux que je suis idiot de relire, ces livres sans intérêt. – à une distance énorme au-dessus de mon salon souterrain, les maisons s'implantent, les brumes s'assemblent. la boue est rouge ou noire. ville monstrueuse, nuit sans fin! moins haut, sont des égouts. aux côtés, rien que l'épaisseur du globe. peut-être les gouffres d'azur, des puits de feu. c'est peut-être sur ces plans que se rencontrent lunes et comètes, mers et fables. aux heures d'amertume je m'imagine des boules de saphir, de métal. je suis maître du silence. pourquoi une apparence de soupirail blêmirait-elle au coin de la voûte? conte un prince était vexé de ne s'être employé jamais qu'à la perfection des générosités vulgaires. il prévoyait d'étonnantes révolutions de l'amour, et soupçonnait ses femmes de pouvoir mieux que cette complaisance agrémentée de ciel et de luxe. il voulait voir la vérité, l'heure du désir et de la satisfaction essentiels. que ce fût ou non une aberration de piété, il voulut. il possédait au moins un assez large pouvoir humain. toutes les femmes qui l'avaient connu furent assassinées. quel saccage du jardin de la beauté! sous le sabre, elles le bénirent. il n'en commanda point de nouvelles. – les femmes réapparurent. il tua tous ceux qui le suivaient, après la chasse ou les libations. – tous le suivaient. il s'amusa à égorger les bêtes de luxe. il fit flamber les palais. il se ruait sur les gens et les taillait en pièces. – la foule, les toits d'or, les belles bêtes existaient encore. peut-on s'extasier dans la destruction, se rajeunir par la cruauté! le peuple ne murmura pas. personne n'offrit le concours de ses vues. un soir il galopait fièrement. un génie apparut, d'une beauté ineffable, inavouable même. de sa physionomie et de son maintien ressortait la promesse d'un amour multiple et complexe! d'un bonheur indicible, insupportable même! le prince et le génie s'anéantirent probablement dans la santé essentielle. comment n'auraient-ils pas pu en mourir? ensemble donc ils moururent. mais ce prince décéda, dans son palais, à un âge ordinaire. le prince était le génie. le génie était le prince. la musique savante manque à notre désir. parade des drôles très solides. plusieurs ont exploité vos mondes. sans besoins, et peu pressés de mettre en oeuvre leurs brillantes facultés et leur expérience de vos consciences. quels hommes mûrs! des yeux hébétés à la façon de la nuit d'été, rouges et noirs, tricolores, d'acier piqué d'étoiles d'or; des facies déformés, plombés, blêmis, incendiés; des enrouements folâtres! la démarche cruelle des oripeaux! – il y a quelques jeunes, – comment regarderaient-ils chérubin? – pourvus de voix effrayantes et de quelques ressources dangereuses. on les envoie prendre du dos en ville, affublés d'un luxe dégoûtant. ô le plus violent paradis de la grimace enragée! pas de comparaison avec vos fakirs et les autres bouffonneries scéniques. dans des costumes improvisés avec le goût du mauvais rêve ils jouent des complaintes, des tragédies de malandrins et de demi-dieux spirituels comme l'histoire ou les religions ne l'ont jamais été. chinois, hottentots, bohémiens, niais, hyènes, molochs, vieilles démences, démons sinistres, ils mêlent les tours populaires, maternels, avec les poses et les tendresses bestiales. ils interpréteraient des pièces nouvelles et des chansons «bonnes filles». maîtres jongleurs, ils transforment le lieu et les personnes, et usent de la comédie magnétique. les yeux flambent, le sang chante, les os s'élargissent, les larmes et des filets rouges ruissellent. leur raillerie ou leur terreur dure une minute, ou des mois entiers. j'ai seul la clef de cette parade sauvage. antique gracieux fils de pan! autour de ton front couronné de fleurettes et de baies tes yeux, des boules précieuses, remuent. tachées de lies brunes, tes joues se creusent. tes crocs luisent. ta poitrine ressemble à une cithare, des tintements circulent dans tes bras blonds. ton coeur bat dans ce ventre où dort le double sexe. promène-toi, la nuit, en mouvant doucement cette cuisse, cette seconde cuisse et cette jambe de gauche. being beauteous devant une neige un etre de beauté de haute taille. des sifflements de mort et des cercles de musique sourde font monter, s'élargir et trembler comme un spectre ce corps adoré; des blessures écarlates et noires éclatent dans les chairs superbes. les couleurs propres de la vie se foncent, dansent, et se dégagent autour de la vision, sur le chantier. et les frissons s'élèvent et grondent et la saveur forcenée de ces effets se chargeant avec les sifflements mortels et les rauques musiques que le monde, loin derrière nous, lance sur notre mère de beauté, – elle recule, elle se dresse. oh! nos os sont revêtus d'un nouveau corps amoureux.                                                     * * * ô la face cendrée, l'écusson de crin, les bras de cristal! le canon sur lequel je dois m'abattre à travers la mêlée des arbres et de l'air léger! vies i ô les énormes avenues du pays saint, les terrasses du temple! qu'a-t-on fait du brahmane qui m'expliqua les proverbes? d'alors, de là-bas, je vois encore même les vieilles! je me souviens des heures d'argent et de soleil vers les fleuves, la main de la campagne sur mon épaule, et de nos caresses debout dans les plaines poivrées. – un envol de pigeons écarlates tonne autour de ma pensée – exilé ici j'ai eu une scène où jouer les chefs-d'oeuvre dramatiques de toutes les littératures. je vous indiquerais les richesses inouïes. j'observe l'histoire des trésors que vous trouvâtes. je vois la suite! ma sagesse est aussi dédaignée que le chaos. qu'est mon néant, auprès de la stupeur qui vous attend? ii je suis un inventeur bien autrement méritant que tous ceux qui m'ont précédé; un musicien même, qui ai trouvé quelque chose comme la clef de l'amour. a présent, gentilhomme d'une campagne aigre au ciel sobre, j'essaye de m'émouvoir au souvenir de l'enfance mendiante, de l'apprentissage ou de l'arrivée en sabots, des polémiques, des cinq ou six veuvages, et quelques noces où ma forte tête m'empêcha de monter au diapason des camarades. je ne regrette pas ma vieille part de gaîté divine: l'air sobre de cette aigre campagne alimente fort activement mon atroce scepticisme. mais comme ce scepticisme ne peut désormais être mis en oeuvre, et que d'ailleurs je suis dévoué à un trouble nouveau, – j'attends de devenir un très méchant fou. iii dans un grenier où je fus enfermé à douze ans j'ai connu le monde, j'ai illustré la comédie humaine. dans un cellier j'ai appris l'histoire. a quelque fête de nuit dans une cité du nord, j'ai rencontré toutes les femmes des anciens peintres. dans un vieux passage à paris on m'a enseigné les sciences classiques. dans une magnifique demeure cernée par l'orient entier j'ai accompli mon immense oeuvre et passé mon illustre retraite. j'ai brassé mon sang. mon devoir m'est remis. il ne faut même plus songer à cela. je suis réellement d'outre-tombe, et pas de commissions. départ assez vu. la vision s'est rencontrée à tous les airs. assez eu. rumeurs des villes, le soir, et au soleil, et toujours. assez connu. les arrêts de la vie. – ô rumeurs et visions! départ dans l'affection et le bruit neufs! royauté un beau matin, chez un peuple fort doux, un homme et une femme superbes criaient sur la place publique. «mes amis, je veux qu'elle soit reine!» «je veux être reine!» elle riait et tremblait. il parlait aux amis de révélation, d'épreuve terminée. ils se pâmaient l'un contre l'autre. en effet ils furent rois toute une matinée où les tentures carminées se relevèrent sur les maisons, et toute l'après-midi, où ils s'avancèrent du côté des jardins de palmes. à une raison un coup de ton doigt sur le tambour décharge tous les sons et commence la nouvelle harmonie. un pas de toi, c'est la levée des nouveaux hommes et leur en-marche. ta tête se détourne: le nouvel amour! ta tête se retourne, – le nouvel amour! «change nos lots, crible les fléaux, à commencer par le temps» , te chantent ces enfants. «élève n'importe où la substance de nos fortunes et de nos voeux» on t'en prie. arrivée de toujours, qui t'en iras partout. matinée d'ivresse ô mon bien! ô mon beau! fanfare atroce où je ne trébuche point! chevalet féerique! hourra pour l'oeuvre inouïe et pour le corps merveilleux, pour la première fois! cela commença sous les rires des enfants, cela finira par eux. ce poison va rester dans toutes nos veines même quand, la fanfare tournant, nous serons rendu à l'ancienne inharmonie. ô maintenant, nous si digne de ces tortures! rassemblons fervemment cette promesse surhumaine faite à notre corps et à notre âme créés: cette promesse, cette démence! l'élégance, la science, la violence! on nous a promis d'enterrer dans l'ombre l'arbre du bien et du mal, de déporter les honnêtetés tyranniques, afin que nous amenions notre très pur amour. cela commença par quelques dégoûts et cela finit, – ne pouvant nous saisir sur-le-champ de cette éternité, – cela finit par une débandade de parfums. rire des enfants, discrétion des esclaves, austérité des vierges, horreur des figures et des objets d'ici, sacrés soyez-vous par le souvenir de cette veille. cela commençait par toute la rustrerie, voici que cela finit par des anges de flamme et de glace. petite veille d'ivresse, sainte! quand ce ne serait que pour le masque dont tu nous as gratifié. nous t'affirmons, méthode! nous n'oublions pas que tu as glorifié hier chacun de nos âges. nous avons foi au poison. nous savons donner notre vie tout entière tous les jours. voici le temps des assassins. prhases quand le monde sera réduit en un seul bois noir pour nos quatre yeux étonnés, – en une plage pour deux enfants fidèles, - en une maison musicale pour notre claire sympathie, – je vous trouverai. qu'il n'y ait ici-bas qu'un vieillard seul, calme et beau, entouré d'un «luxe inouï» , – et je suis à vos genoux. que j'aie réalisé tous vos souvenirs, – que je sois celle qui sait vous garrotter, – je vous étoufferai.                                           ___________ quand nous sommes très forts, - qui recule? très gais, – qui tombe de ridicule? quand nous sommes très méchants, – que ferait-on de nous. parez-vous, dansez, riez, – je ne pourrai jamais envoyer l'amour par la fenêtre.                                           ___________ – ma camarade, mendiante, enfant monstre! comme ça t'est égal, ces malheureuses et ces manoeuvres, et mes embarras. attache-toi à nous avec ta voix impossible, ta voix unique flatteur de ce vil désespoir. * une matinée couverte, en juillet. un goût de cendres vole dans l'air; – une odeur de bois suant dans l'âtre, – les fleurs rouies, – le saccage des promenades, – la bruine des canaux par les champs – pourquoi pas déjà les joujoux et l'encens?                                                     * * * j'ai tendu des cordes de clocher à clocher; des guirlandes de fenêtre à fenêtre; des chaînes d'or d'étoile à étoile, et je danse.                                                     * * * le haut étang fume continuellement. quelle sorcière va se dresser sur le couchant blanc? quelles violettes frondaisons vont descendre?                                                     * * * pendant que les fonds publics s'écoulent en fêtes de fraternité, il sonne une cloche de feu rose dans les nuages.                                                     * * * avivant un agréable goût d'encre de chine, une poudre noire pleut doucement sur ma veillée. – je baisse les feux du lustre, je me jette sur le lit, et, tourné du côté de l'ombre, je vous vois, mes filles! mes reines!                                                     * * * ouvriers ô cette chaude matinée de février. le sud inopportun vint relever nos souvenirs d'indigents absurdes, notre jeune misère. henrika avait une jupe de coton à carreau blanc et brun, qui a dû être portée au siècle dernier, un bonnet à rubans, et un foulard de soie. c'était bien plus triste qu'un deuil. nous faisions un tour dans la banlieue. le temps était couvert, et ce vent du sud excitait toutes les vilaines odeurs des jardins ravagés et des prés desséchés. cela ne devait pas fatiguer ma femme au même point que moi. dans une flache laissée par l'inondation du mois précédent à un sentier assez haut elle me fit remarquer de très petits poissons. la ville, avec sa fumée et ses bruits de métiers, nous suivait très loin dans les chemins. ô l'autre monde, l'habitation bénie par le ciel et les ombrages! le sud me rappelait les misérables incidents de mon enfance, mes désespoirs d'été, l'horrible quantité de force et de science que le sort a toujours éloignée de moi. non! nous ne passerons pas l'été dans cet avare pays où nous ne serons jamais que des orphelins fiancés. je veux que ce bras durci ne traîne plus une chère image. les ponts des ciels gris de cristal. un bizarre dessin de ponts, ceux-ci droits, ceux-là bombés, d'autres descendant ou obliquant en angles sur les premiers, et ces figures se renouvelant dans les autres circuits éclairés du canal, mais tous tellement longs et légers que les rives chargées de dômes s'abaissent et s'amoindrissent. quelques-uns de ces ponts sont encore chargés de masures. d'autres soutiennent des mâts, des signaux, de frêles parapets. des accords mineurs se croisent, et filent, des cordes montent des berges. on distingue une veste rouge, peut-être d'autres costumes et des instruments de musique. sont-ce des airs populaires, des bouts de concerts seigneuriaux, des restants d'hymnes publics? l'eau est grise et bleue, large comme un bras de mer. – un rayon blanc, tombant du haut du ciel, anéantit cette comédie. ville je suis un éphémère et point trop mécontent citoyen d'une métropole crue moderne parce que tout goût connu a été éludé dans les ameublements et l'extérieur des maisons aussi bien que dans le plan de la ville. ici vous ne signaleriez les traces d'aucun monument de superstition. la morale et la langue sont réduites à leur plus simple expression, enfin! ces millions de gens qui n'ont pas besoin de se connaître amènent si pareillement l'éducation, le métier et la vieillesse, que ce cours de vie doit être plusieurs fois moins long que ce qu'une statistique folle trouve pour les peuples du continent. aussi comme, de ma fenêtre, je vois des spectres nouveaux roulant à travers l'épaisse et éternelle fumée de charbon, – notre ombre des bois, notre nuit d'été! – des erinnyes nouvelles, devant mon cottage qui est ma patrie et tout mon coeur puisque tout ici ressemble à ceci, – la mort sans pleurs, notre active fille et servante, et un amour désespéré, et un joli crime piaulant dans la boue de la rue. ornières à droite l'aube d'été éveille les feuilles et les vapeurs et les bruits de ce coin du parc, et les talus de gauche tiennent dans leur ombre violette les mille rapides ornières de la route humide. défilé de féeries. en effet: des chars chargés d'animaux de bois doré, de mâts et de toiles bariolées, au grand galop de vingt chevaux de cirque tachetés, et les enfants et les hommes sur leurs bêtes les plus étonnantes; – vingt véhicules, bossés, pavoisés et fleuris comme des carrosses anciens ou de contes, pleins d'enfants attifés pour une pastorale suburbaine. – même des cercueils sous leur dais de nuit dressant les panaches d'ébène, filant au trot des grandes juments bleues et noires. villes ce sont des villes! c'est un peuple pour qui se sont montés ces alleghanys et ces libans de rêve! des chalets de cristal et de bois qui se meuvent sur des rails et des poulies invisibles. les vieux cratères ceints de colosses et de palmiers de cuivre rugissent mélodieusement dans les feux. des fêtes amoureuses sonnent sur les canaux pendus derrière les chalets. la chasse des carillons crie dans les gorges. des corporations de chanteurs géants accourent dans des vêtements et des oriflammes éclatants comme la lumière des cimes. sur les plates-formes au milieu des gouffres les rolands sonnent leur bravoure. sur les passerelles de l'abîme et les toits des auberges l'ardeur du ciel pavoise les mâts. l'écroulement des apothéoses rejoint les champs des hauteurs où les centauresses séraphiques évoluent parmi les avalanches. au-dessus du niveau des plus hautes crêtes une mer troublée par la naissance éternelle de vénus, chargée de flottes orphéoniques et de la rumeur des perles et des conques précieuses, – la mer s'assombrit parfois avec des éclats mortels. sur les versants des moissons de fleurs grandes comme nos armes et nos coupes, mugissent. des cortèges de mabs en robes rousses, opalines, montent des ravines. là-haut, les pieds dans la cascade et les ronces, les cerfs tettent diane. les bacchantes des banlieues sanglotent et la lune brûle et hurle. vénus entre dans les cavernes des forgerons et des ermites. des groupes de beffrois chantent les idées des peuples. des châteaux bâtis en os sort la musique inconnue. toutes les légendes évoluent et les élans se ruent dans les bourgs. le paradis des orages s'effondre. les sauvages dansent sans cesse la fête de la nuit. et une heure je suis descendu dans le mouvement d'un boulevard de bagdad où des compagnies ont chanté la joie du travail nouveau, sous une brise épaisse, circulant sans pouvoir éluder les fabuleux fantômes des monts où l'on a dû se retrouver. quels bons bras, quelle belle heure me rendront cette région d'où viennent mes sommeils et mes moindres mouvements? vagabonds pitoyable frère! que d'atroces veillées je lui dus! «je ne me saisissais pas fervemment de cette entreprise. je m'étais joué de son infirmité. par ma faute nous retournerions en exil, en esclavage.» il me supposait un guignon et une innocence très bizarres, et il ajoutait des raisons inquiétantes. je répondais en ricanant à ce satanique docteur, et finissais par gagner la fenêtre. je créais, par delà la campagne traversée par des bandes de musique rare, les fantômes du futur luxe nocturne. après cette distraction vaguement hygiénique, je m'étendais sur une paillasse. et, presque chaque nuit, aussitôt endormi, le pauvre frère se levait, la bouche pourrie, les yeux arrachés, – tel qu'il se rêvait! – et me tirait dans la salle en hurlant son songe de chagrin idiot. j'avais en effet, en toute sincérité d'esprit, pris l'engagement de le rendre à son état primitif de fils du soleil, – et nous errions, nourris du vin des cavernes et du biscuit de la route, moi pressé de trouver le lieu et la formule. villes l'acropole officielle outre les conceptions de la barbarie moderne les plus colossales. impossible d'exprimer le jour mat produit par le ciel immuablement gris, l'éclat impérial des bâtisses, et la neige éternelle du sol. on a reproduit dans un goût d'énormité singulier toutes les merveilles classiques de l'architecture. j'assiste à des expositions de peinture dans des locaux vingt fois plus vastes qu'hampton-court. quelle peinture! un nabuchodonosor norwégien a fait construire les escaliers des ministères; les subalternes que j'ai pu voir sont déjà plus fiers que des brahmas et j'ai tremblé à l'aspect de colosses des gardiens et officiers de constructions. par le groupement des bâtiments en squares, cours et terrasses fermées, on a évincé les cochers. les parcs représentent la nature primitive travaillée par un art superbe. le haut quartier a des parties inexplicables: un bras de mer, sans bateaux, roule sa nappe de grésil bleu entre des quais chargés de candélabres géants. un pont court conduit à une poterne immédiatement sous le dôme de la sainte-chapelle. ce dôme est une armature d'acier artistique de quinze mille pieds de diamètre environ. sur quelques points des passerelles de cuivre, des plates-formes, des escaliers qui contournent les halles et les piliers, j'ai cru pouvoir juger la profondeur de la ville! c'est le prodige dont je n'ai pu me rendre compte: quels sont les niveaux des autres quartiers sur ou sous l'acropole? pour l'étranger de notre temps la reconnaissance est impossible. le quartier commerçant est un circus d'un seul style, avec galeries à arcades. on ne voit pas de boutiques. mais la neige de la chaussée est écrasée; quelques nababs aussi rares que les promeneurs d'un matin de dimanche à londres, se dirigent vers une diligence de diamants. quelques divans de velours rouge: on sert des boissons polaires dont le prix varie de huit cents à huit mille roupies. à l'idée de chercher des théâtres sur ce circus, je me réponds que les boutiques doivent contenir des drames assez sombres. je pense qu'il y a une police, mais la loi doit être tellement étrange, que je renonce à me faire une idée des aventuriers d'ici. le faubourg aussi élégant qu'une belle rue de paris est favorisé d'un air de lumière. l'élément démocratique compte quelque cent âmes. là encore les maisons ne se suivent pas; le faubourg se perd bizarrement dans la campagne, le «comté» qui remplit l'occident éternel des forêts et des plantations prodigieuses où les gentilshommes sauvages chassent leurs chroniques sous la lumière qu'on a créée. veillées i c'est le repos éclairé, ni fièvre ni langueur, sur le lit ou sur le pré. c'est l'ami ni ardent ni faible. l'ami. c'est l'aimée ni tourmentante ni tourmentée. l'aimée. l'air et le monde point cherchés. la vie. – etait-ce donc ceci? – et le rêve fraîchit. ii l'éclairage revient à l'arbre de bâtisse. des deux extrémités de la salle, décors quelconques, des élévations harmoniques se joignent. la muraille en face du veilleur est une succession psychologique de coupes de frises, de bandes atmosphériques et d'accidences géologiques. – rêve intense et rapide de groupes sentimentaux avec des êtres de tous les caractères parmi toutes les apparences. iii les lampes et les tapis de la veillée font le bruit des vagues, la nuit, le long de la coque et autour du steerage. la mer de la veillée, telle que les seins d'amélie. les tapisseries, jusqu'à mi-hauteur, des taillis de dentelle, teinte d'émeraude, où se jettent les tourterelles de la veillée. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . la plaque du foyer noir, de réels soleils des grèves: ah! puits des magies; seule vue d'aurore, cette fois. mystique sur la pente du talus les anges tournent leurs robes de laine dans les herbages d'acier et d'émeraude. des prés de flammes bondissent jusqu'au sommet du mamelon. a gauche le terreau est piétiné par tous les homicides et toutes les batailles, et tous les bruits désastreux filent leur courbe. derrière l'arête de droite la ligne des orients, des progrès. et tandis que la bande en haut du tableau est formée de la rumeur tournante et bondissante des conques des mers et des nuits humaines, la douceur fleurie des étoiles et du ciel et du reste descend en face du talus, comme un panier, contre notre face, et fait l'abîme fleurant et bleu là-dessous. aube j'ai embrassé l'aube d'été. rien ne bougeait encore au front des palais. l'eau était morte. les camps d'ombres ne quittaient pas la route du bois. j'ai marché, réveillant les haleines vives et tièdes, et les pierreries regardèrent, et les ailes se levèrent sans bruit. la première entreprise fut, dans le sentier déjà empli de frais et blêmes éclats, une fleur qui me dit son nom. je ris au wasserfall blond qui s'échevela à travers les sapins: à la cime argentée je reconnus la déesse. alors je levai un à un les voiles. dans l'allée, en agitant les bras. par la plaine, où je l'ai dénoncée au coq. a la grand'ville elle fuyait parmi les clochers et les dômes, et courant comme un mendiant sur les quais de marbre, je la chassais. en haut de la route, près d'un bois de lauriers, je l'ai entourée avec ses voiles amassés, et j'ai senti un peu son immense corps. l'aube et l'enfant tombèrent au bas du bois. au réveil il était midi. fleurs d'un gradin d'or, – parmi les cordons de soie, les gazes grises, les velours verts et les disques de cristal qui noircissent comme du bronze au soleil, – je vois la digitale s'ouvrir sur un tapis de filigranes d'argent, d'yeux et de chevelures. des pièces d'or jaune semées sur l'agate, des piliers d'acajou supportant un dôme d'émeraudes, des bouquets de satin blanc et de fines verges de rubis entourent la rose d'eau. tels qu'un dieu aux énormes yeux bleus et aux formes de neige, la mer et le ciel attirent aux terrasses de marbre la foule des jeunes et fortes roses. nocturne vulgaire un souffle ouvre des brèches operadiques dans les cloisons, – brouille le pivotement des toits rongés, disperse les limites des foyers, – éclipse les croisées. – le long de la vigne, m'étant appuyé du pied à une gargouille, – je suis descendu dans ce carrosse dont l'époque est assez indiquée par les glaces convexes, les panneaux bombés et les sophas contournés – corbillard de mon sommeil, isolé, maison de berger de ma niaiserie, le véhicule vire sur le gazon de la grande route effacée; et dans un défaut en haut de la glace de droite tournoient les blêmes figures lunaires, feuilles, seins. – un vert et un bleu très foncés envahissent l'image. dételage aux environs d'une tache de gravier. – ici, va-t-on siffler pour l'orage, et les sodomes, – et les solymes, – et les bêtes féroces et les armées, – (postillon et bêtes de songe reprendront-ils sous les plus suffocantes futaies, pour m'enfoncer jusqu'aux yeux dans la source de soie). – et nous envoyer, fouettés à travers les eaux clapotantes et les boissons répandues, rouler sur l'aboi des dogues... – un souffle disperse les limites du foyer. marine les chars d'argent et de cuivre – les proues d'acier et d'argent – battent l'écume, – soulèvent les souches des ronces. les courants de la lande, et les ornières immenses du reflux filent circulairement vers l'est, vers les piliers de la forêt, – vers les fûts de la jetée, dont l'angle est heurté par des tourbillons de lumière. fête d'hiver la cascade sonne derrière les huttes d'opéra-comique. des girandoles prolongent, dans les vergers et les allées voisins du méandre, – les verts et les rouges du couchant. nymphes d'horace coiffées au premier empire, – rondes sibériennes, chinoises de boucher.   mise à jour de la page le 11/2001 © poésie sur la toile, 1999 - 2003 - tous droits réservés -

Acceuil

suivante

arthur rimbaud > illuminations  LYON LUMIERES - ILLUMINATIONS DU 8 DECEMBRE  Illuminations de Noël : Avenue des Champs-Elysées  Illuminations de Noël : avenue Montaigne  l'union > Illuminations de Noël à Courgivaux  Groupe LCX - Maître en Lumières  Menton.maville.com - A quand les illuminations?,Tous les avis  Mairie de Puteaux - illuminations de Noêl  Achat Bouilloire 1.7L Illuma à illuminations bleues [EPD1112001 ...  Une lecture iconique de quelques Illuminations de Rimbaud  Illuminations  IngentaConnect Etudes sur les Illuminations de Rimbaud.  IngentaConnect De la lettre a lesprit: pour lire Illuminations.  LYON PHOTOS - Fête des lumières 2005 en photo  LYON PHOTOS - Fête des lumières 2004 en photo  Illuminations + Lido  Noëls en Bretagne au Château de Quintin - Festival de contes ...  The Illuminations of Hildegard von Bingen  Illuminations de Noël  Forum - Devenir éco-citoyen - notre-planete.info  Amazon.co.uk: Illuminations: Books: Walter Benjamin,Hannah Arendt ...  Illuminations Lighting Design  Vivre à Dax  Poésie:Aube (Arthur Rimbaud, Illuminations)  Les Champs Elysées de Paris, France- Les illuminations en 1998 de ...  Poésies, Une saison en enfer, Illuminations, Arthur Rimbaud ...  Yahoo! Questions/Réponses - Coût écologique des illuminations de ...  Nadine Jeanne, élue socialiste de Puteaux: Montant des ...  illuminations  Illuminations de Noel - Vidéos Musica Arte - Ma-Tvideo France2  Alençon.maville.com - Neuilly-sur-Eure se prive d'illuminations  ARTHUR RIMBAUD [1854] - [1891] ILLUMINATIONS (1886) APRÈS LE ...  illuminations: Berkeley's online magazine of research in the arts ...  Illuminations de Noël comparer les prix avec LeGuide.com  Galerie de photos 123 Savoie:Autres / Reportages photo / 2003 ...  Galerie de photos 123 Savoie:Illuminations 2003  Cancer Doctors and Information about Cancer Treatment at Mass ...  Marché - Illuminations : vidéos les plus commentées  Illuminations: Bronner  Les Illuminations de Rimbaud, textes complets  Marine (Illuminations) de Rimbaud expliqué  8 décembre - Fête des Lumières - Site Officiel de la Ville de Lyon  Illuminations  Illuminations de Arthur Rimbaud - Fluctuat.net  Illuminations de noël en musique ! Vidéos sur les fêtes - VIDEOS ...  CESTPASCHER.COM - VUES DE PARIS - ILLUMINATIONS DE NOEL ...  Somerville Arts Council: Illuminations Tour  Fete des lumieres - Lyon la nuit en photos - illuminations du 8 ...  Le Mans se couvre d'illuminations pour l'Ă©tĂ©,  The Cambridge Illuminations  HTP - ILLUMINATIONS - pyrotechnie - sfx - Thézé - 35  Les photos de TitaX Illuminations 2006 illuminations_lyon_2006_17  Les photos de TitaX Illuminations 2006 illuminations_lyon_2006_13  SFR Music : Les Illuminations for high voice and string orchestra ...  Amazon.com: Illuminations: Music: Santana & Alice Coltrane  Commentaire : Rimbaud : Nocturne vulgaire  Livre Illuminations , Arthur RIMBAUD  Clic Musique !  Benjamin Britten: Les Illuminations (The Lied and Art Song Texts ...  Photo Illuminations  SITE OFFICIEL - MAIRIE DE LAVAL