illuminations et rÉvÉlations : pÉguy

illuminations et rÉvÉlations : pÉguy illuminations et rÉvÉlations : pÉguy premier cahier de la xiie série des «cahiers de la quinzaine», cette oeuvre est le dernier épisode  d'un différent qui opposa péguy à son ami  daniel halévy, à propos de l'affaire dreyfus. dans l'une de ses longues et coutumières digressions, péguy se livre avec le lyrisme qui le caractérise à de longues analyses littéraires sur corneille, racine et hugo. commentant des vers de «booz endormi» de hugo, péguy s'attarde sur l'histoire de la découverte d'une rime géniale dans ce poème, «l'histoire de jérimadeth».   tout reposait dans ur et dans jérimadeth ; les astres émaillaient le ciel profond et sombre ; le croissant fin et clair parmi ces fleurs de l'ombre brillait à l'occident, et ruth se demandait,   immobile, ouvrant l'oeil à moitié sous ses voiles, quel dieu, quel moissonneur de l'éternel été avait, en s'en allant, négligemment jeté cette faucille d'or dans le champ des étoiles.   saluons ici un des plus beaux poèmes que l'on ait jamais fait en français, et en grec, et en européen. saluons huit, en deux strophes, des plus beaux vers de ce plus beau poème. saluons d'abord nos vieilles connaissances les rimes en ombre, qui intervenant pour la deuxième fois dans ce poème lui ont, ici, couronné, permis de couronner deux de ses plus beaux vers. mais restait non pas cette redoutable infanterie espagnole, mais la question de jérimadeth.   de tous les noms hébreux que hugo pouvait choisir pour couronner un vers, il faut avouer qu'il n'y en avait certainement aucun qui sonnât aussi bien, aussi beau que jérimadeth, et surtout qui sonnât aussi hébreux ; qui fût à ce point du temps et du lieu, du pays ; aussi couleur locale et couleur temporelle. il faut lui rendre cette justice, non seulement à jérimadeth mais à hugo, que de tous les noms hébreux qui se présentaient, qu'il pouvait choisir, qui demandaient, qui imploraient, qui étaient à ses pieds, il n'y en n'avait certainement aucun qui rendît à ce point, par sa forme même, par son énoncé, et aussi par sa phonétique, si je puis dire ; par sa configuration, surtout par sa graphie, qui était une vraie géo-graphie ; cette h notamment qu'il y avait à la fin, les deux jambages, les deux tours de notre-dame, et qui déjà inaugurait si solennellement le nom même de hugo ; le nom saxon ; qui fît à ce point qu'on y fût ; qu'on y était ; que c'était bien ruth qui était couchée aux pieds de booz. tel était l'état de la question, le célèbre état de la question. tel fut le premier temps. [...1]   deux ans passèrent. il n'y aurait jamais eu de troisième temps si un jeune homme avisé n'avait un jour écrit au crayon sur un morceau de papier cette phrase que je livre à vos méditations :   j'ai rime à dait.   et aussitôt ce fut un grand éblouissement dans les esprits et beaucoup d'yeux se dessillèrent. les écailles leur tomberont des yeux. c'était peut-être ça un peu je pense ce que nos bons maîtres nommaient renouveler la question, renouveler l'état de la question. vous me demandâtes, mon ami, si c'était moi qui avais fait cette invention, (cette découverte ?). il était évident que ce n'était pas moi. un jeune homme, ce n'était pas moi. avisé, ce n'était pas moi. si j'avais jamais été un jeune homme avisé, mon cher halévy, quelle ne serait pas aujourd'hui ma fortune. je n'usurperai point une gloire vaine. je ne me parerai point d'une vaine perspicacité. je vous répondis que j'avais trouvé ce tuyau il y a déjà quelques années dans une jeune petite revue que l'on m'envoyait, et que l'article, autant que je me souvienne, était signé d'un nom aujourd'hui beaucoup plus connu, car il était, je pense, signé du nom de m. eugène marsan, attaché aujourd'hui à la revue critique des idées et des livres, – nouvelle librairie nationale, – 85, rue de rennes, paris sixième. pas très loin du 1492, comme vous le voyez. ce qui prouve, halévy, qu'il faut toujours être bien avec les jeunes gens. et qu'il faut toujours les lire. pour moi j'avoue que j'admire en plein ce toupet qu'il a eu ce jour-là. je l'admire à bloc. pensons-y, c'était le jour où il avait fait booz endormi. il avait couché avec dieu. avec dieu créateur :   voilà longtemps que celle avec qui j'ai dormi, o seigneur ! a quitté ma couche pour la vôtre ; et nous sommes encor tout mêlés l'un à l'autre, elle a demi vivante et moi mort à demi.   on a tellement l'impression, on a tellement l'évidence que jamais peut-être créature, que lui-même il avait conscience, que lui-même il avait connu d'un brusque éclair, d'un coup, dans un brusque éclair que jamais homme peut-être, que dans un saisissement de triomphe il avait senti que jamais homme peut-être, pas même les anciens, grecs, pas même les antiques païens, homère, hésiode, eschyle n'étaient entrés aussi à plein, aussi à bloc dans le plein de la création charnelle, dans le ventre de la création, qu'il n'avait je ne dirai pas seulement atteint une cime (ce serait parler son langage, son propre langage, mais son langage ordinaire, son langage de tous les jours), mais que d'un coup, (non pas d'un coup d'aile), il dominait toute la création charnelle, tout le monde  temporel et charnel, (que jamais créature), que jamais homme peut-être, pas même les antiques païens n'était entré aussi avant, aussi à plein, aussi d'un coup dans le secret, dans l'opération même de la création (charnelle) ; et même littéralement de l'incarnation, c'est-à-dire littéralement de la mise en chair, de l'insertion de l'éternel dans le temporel. il a bien senti que d'un coup, par un coup de maître il saisissait, il étreignait, il dominait tout ce monde charnel, temporel et charnel, tout ce monde de la fécondité, de la perpétuité charnelle, de la race charnelle, et même par là, même l'entrée, l'inscription, l'insertion de l'éternel dans le temporel, de l'éternel dans le charnel, de la vie éternelle dans la vie charnelle. et homo factus est.   « solvuntur objecta », edition la pléiade, pp. 728-731.   1. dans un deuxième temps, tous les «hébraïsants», vexés d'ignorer ce nom, se livrèrent à des recherches et durent conclure que ce nom n'existait pas, qu'il était «un nom forgé» par le poète. 2. le 149, rue de rennes où habitait la mère d'un ami de péguy. >>>> lire hugo, « booz endormi ». >> retour au sommaire                               hugo, « booz endormi », la légende des siècles, 1859.   booz s’était couché, de fatigue accablé ; il avait tout le jour travaillé dans son aire, puis avait fait son lit à sa place ordinaire ; booz dormait auprès des boisseaux pleins de blé.   ce vieillard possédait des champs de blés et d’orge ; il était, quoique riche, à la justice enclin ; il n’avait pas de fange en l’eau de son moulin ; il n’avait pas d’enfer dans le feu de sa forge.   sa barbe était d’argent comme un ruisseau d’avril, sa gerbe n’était point avare ni haineuse ; quand il voyait passer quelque pauvre glaneuse : «laissez tomber exprès des épis,» disait-il.   cet homme marchait pur loin des sentiers obliques, vêtu de probité candide et de lin blanc ; et, toujours du côté des pauvres ruisselant, ses sacs de grains semblaient des fontaines publiques.   booz était bon maître et fidèle parent ; il était généreux, quoiqu’il fût économe ; les femmes regardaient booz plus qu’un jeune homme, car le jeune homme est beau, mais le vieillard est grand.   le vieillard, qui revient vers la source première, entre aux jours éternels et sort des jours changeants ; et l’on voit de la flamme aux yeux des jeunes gens, mais dans l'oeil du vieillard on voit de la lumière.   donc, booz dans la nuit dormait parmi les siens ; près des meules, qu’on eût prises pour des décombres, les moissonneurs couchés faisaient des groupes sombres ; et ceci se passait dans des temps très anciens,   les tribus d’israël avaient pour chef un juge ; la terre, où l’homme errait sous la tente, inquiet des empreintes de pieds de géants qu’il voyait, etait encor mouillée et molle du déluge.   comme dormait jacob, comme dormait judith, booz, les yeux fermés, gisait sous la feuillée ; or, la porte du ciel s’étant entre-baillée au-dessus de sa tête, un songe en descendit.   et ce songe était tel, que booz vit un chêne qui, sorti de son ventre, allait jusqu’au ciel bleu ; une race y montait comme une longue chaîne ; un roi chantait en bas, en haut mourait un dieu.   et booz murmurait avec la voix de l’âme : « comment se pourrait-il que de moi ceci vînt ? le chiffre de mes ans a passé quatre-vingt, et je n’ai pas de fils, et je n’ai plus de femme. « voilà longtemps que celle avec qui j’ai dormi, o seigneur ! a quitté ma couche pour la vôtre ; et nous sommes encor tout mêlés l’un à l’autre, elle à demi vivante et moi mort à demi.   « une race naîtrait de moi ! comment le croire ? comment se pourrait-il que j’eusse des enfants ? quand on est jeune, on a des matins triomphants, le jour sort de la nuit comme d’une victoire ;   « mais, vieux, on tremble ainsi qu’à l’hiver le bouleau ; je suis veuf, je suis seul, et sur moi le soir tombe, et je courbe, ô mon dieu ! mon âme vers la tombe, comme un boeuf ayant soif penche son front vers l’eau. »   ainsi parlait booz dans le rêve et l’extase, tournant vers dieu ses yeux par le sommeil noyés ; le cèdre ne sent pas une rose à sa base, et lui ne sentait pas une femme à ses pieds.   pendant qu’il sommeillait, ruth, une moabite, s’était couchée aux pieds de booz, le sein nu, espérant on ne sait quel rayon inconnu, quand viendrait du réveil la lumière subite.       booz ne savait point qu’une femme était là, et ruth ne savait point ce que dieu voulait d’elle, un frais parfum sortait des touffes d’asphodèle ; les souffles de la nuit flottaient sur galgala.   l’ombre était nuptiale, auguste et solennelle ; les anges y volaient sans doute obscurément, car on voyait passer dans la nuit, par moment, quelque chose de bleu qui paraissait une aile.   la respiration de booz qui dormait se mêlait au bruit sourd des ruisseaux sur la mousse. on était dans le mois où la nature est douce, les collines ayant des lis sur leur sommet.   ruth songeait et booz dormait ; l’herbe était noire, les grelots des troupeaux palpitaient vaguement ; une immense bonté tombait du firmament ; c’était l’heure tranquille où les lions vont boire.   tout reposait dans ur et dans jérimadeth ; les astres émaillaient le ciel profond et sombre ; le croissant fin et clair parmi ces fleurs de l’ombre brillait à l’occident, et ruth se demandait,   immobile, ouvrant l'oeil à moitié sous ses voiles, quel dieu, quel moissonneur de l’éternel été avait, en s’en allant, négligemment jeté cette faucille d’or dans le champ des étoiles. >> retour au sommaire

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